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16/01/2007

Conservateur

=--=Publié dans la Catégorie "Humeurs Littéraires"=--=


«L’histoire, ce témoin des siècles, cette lumière de la vérité, cette vie de la mémoire, cette maîtresse de la vie.» Cicéron


Ce jour, suite à quelques sujets de discussions rapidement lâchés, dans la salle de pause, au travail, vous savez… l’intervention américaine en Irak… l’avortement… l’euthanasie… la peine de mort… le pape… à peine 3 ou quatre phrases sorties de ma bouche pour chaque sujet… bref, j’ai eu droit à la sentence banale à laquelle je suis habitué depuis plus de 20 ans : « Tu as des propos de réac’. T’es franchement conservateur ! » La personne en question, qui m’a chié cette phrase, vote à gôche, tendance Ségolène Royal et elle pense que si la France devait envoyer l’armée en Irak ce serait pour s’interposer entre l’armée américaine et la « résistance » irakienne… que l’avortement honore la femme… que l’euthanasie, ma grand-mère nous l’aurait demandé si elle avait pu, mais elle pouvait pas à cause de son semi-coma et nous sommes des égoïstes, ma mère et moi, nous l’avons gardé jusqu’au bout pour nous et uniquement pour nous… que Saddam Hussein, ben on n’aurait jamais du le pendre, parce que la peine de mort (même pour crime contre l’humanité) ben que c’est pas bien… et que le pape pourrait faire un effort, merde, c’est vrai quoi, il pourrait penser à l’Afrique, merde alors, et aider à la propagation du préservatif… par la même occasion, qu’il officialise des prêtres pédés… « On est en 2007 tout de même ! » Aux temps messianiques probablement.

Bon, je ne vais pas expliquer ce que je pense et de l’affaire Irakienne, et des petro dollars, et de la situation géopolitique de la mondialisation en cours, et de l’avortement, et de l’euthanasie, et de la peine de mort (en particulier pour crime de guerre et crime contre l'humanité), et de Benoît XVI. J’ai pas la tête à ça. Je me suis promis, dans un autre de mes posts, de sourire et porter le masque de circonstance. Non ?

En vérité je ne veux pas faire partie de la poulaille. La basse-cour pue. D’un bout à l’autre ça caquette et ça se tient chaud, plumes contre plumes et culs dans la fiente. Mon « trip » c’est d’être d’une race particulière, de celle qui est inévitablement détestée et abominée de beaucoup, mais gratifiée par quelques-uns. Cela me va comme un gant de velours recouvrant une poigne de fer. Et chemise en soie, s’il vous plaît, avec vouvoiement à la lettre, histoire de faire monter l’acidité gastrique dans l’œsophage du bobo contrit. Le tutoiement survient comme un couronnement… pour ceux qui le méritent.



« Je n'ai pas une minute à perdre
J'écris
Il est cinq heures et je précède
La nuit
Mon feutre noir sur le papier
Va vite
Pendant que ma lucidité
Me quitte

J'écris c'que j'ai vu
Diagramme des détresses
Le collier, la laisse
Je n'supporte plus
Vinyle de la rue
Fantôme de la vitesse
Tous ceux que je blesse
Je n'm'en souviens plus

J'ai atteint la date limite
Pour le suicide idéal
La date que j'avais inscrite
A quinze ans dans mon journal

Je croyais, la vie passe vite
Je croyais, je n'crois plus en rien

Es-tu prêt à mourir demain ?
Es-tu prêt à partir si vite ?
Les yeux baissés tu ne dis rien
J'ai atteint la date limite

Je ne suis plus de votre race
Je suis du clan Mongol
Je n'ai jamais suivi vos traces
Vos habitudes molles
J'ai forgé mon corps pour la casse
J'ai cassé ma voix pour le cri
Un autre est là qui prend ma place
Un autre dicte et moi j'écris

L'autre
Je suis l'autre

Venez entendre la fissure
Le cri
De la sensibilité pure
Celui
Qui se dédouble et qui s'affronte
La nuit
Celui du sang et de la honte
Folie

Folie que j'ai vue
A l'angle des stress
Dans la jungle épaisse
Des mots inconnus
Je vois ou j'ai vu
Hôpital silence
Tout ce que je pense
Je n'm'en souviens plus

J'ai dépassé la limite
Du scénar original
Rien à voir avec le mythe
Etalé dans le journal

Tu croyais, la vie passe vite
Tu croyais, tu n'crois plus en rien

Je suis prêt à mourir demain
Je suis prêt à partir très vite
Regard d'acier je ne dis rien
J'ai dépassé la limite

Je ne suis plus de votre race
Je suis du clan Mongol
Je n'ai jamais suivi vos traces
Vos habitudes molles
J'ai forgé mon corps pour la casse
J'ai cassé ma voix pour le cri
Un autre est là qui prend ma place
Un autre dicte et moi j'écris

L'autre
Je suis l'autre »

Le Clan Mongol
(Bernard Lavilliers)


 

Il me convient de faire partie de ces clowns métaphysiques qui ne craignent pas d’affirmer différence, originalité et individualité, d’indiquer les hiérarchies dans les pensées et les actes en dédaignant le déroulement des péripéties quand celui-ci s’écarte un peu trop du discernement et de l’entendement. L’effronterie et l’impertinence piquent au vif les crétins, les stupides, les débiles, les idiots, les sots, les bornés, les bêtes, les cons, les ineptes et les niais naïfs. Une pensée qui s’assume et assume la réalité est une menace pour ces petites larves qui se chient dessus dés qu’elles doivent faire face à quelque personne pourvue d’une devanture de dandy et d’une profondeur de l’Être.

Certes, ma dégaine brouille les pistes. Mes goûts musicaux entachent cette chiquenaude : « Conservateur » ! Le Rock and roll est pourtant, à bien y réfléchir, une musique qui, de par son parcours sinueux, est à la fois révolutionnaire et… conservatrice.

« Je reste persuadé que le rock a atteint son ultime apogée vers le milieu des années 1990, moment où sa FORME TERMINALE s’est définitivement cristallisée : la chanson Kowalsky de Primal Scream, ou le D’You Know What I Mean, d’Oasis par exemple sont des concentrés quintessenciels de ce que fut la musique électrique du XX ème siècle.
Depuis, malgré les talents indéniables de quelques auteurs et musiciens, le rock ne peut plus que RÉPÉTER, avec quelques variantes accessoires, les formules inventées pendant quarante-cinq années de révolution permanente.
Il n’y a rien de plus CONSERVATEUR qu’un groupe de rock-music. »


Maurice G. Dantec (Le théâtre des opérations : 2002-2006 American Black Box)

Je ne sais pas si ça va en rassurer quelques-uns qui, se grattant la nuque ou le front (peut-être même le cul), se demandent sur quel pied ils se doivent de danser pour aborder d’une façon ou d’une autre le phénomène paradoxal que je suis. Mais j’émets surtout cette citation histoire d’emmerder les quelques gauchistes qui considèrent que le rock est une affaire de révolutionnaires anti-occidentaux. Alors que, précisément, le rock and roll (avec le Jazz bien entendu, dans sa version bop, cool, free ou fusion) est l’exemple même de ce que l’occident a accouché de plus beau, artistiquement, ces 50 dernières années. Se reposant sur l’apport essentiel de la négritude afro-américaine dans ce qu’elle a de plus altier, de plus digne, sur la volonté blanche de s’arracher aux habitudes bourgeoises que la société de consommation était en train d’installer. La noble négritude électrifiée par la fureur blanche. Bon, ok, je ne suis fan ni de Primal Scream, ni d’Oasis, mais j’entrevois très bien ce que le sieur Dantec a voulu nous signifier. J’ y reviendrai. Et je précise qu’il faut aimer la vie pour être un descendant d’esclave et oser hurler dans un micro avec une détermination rageuse convaincue : « I Feel Good ! ». Paix à toi James Brown, godfather du Rhythm ‘n’ Blues, de la Soul et du Funk !

« Conservateur ».

Ce qui emmerde avant tout, c’est le langage qui va à contre courant de la chienlit nombriliste. Il faut, vaille que vaille, être d’un groupe, d’une formation, d’un rassemblement. Éventuellement chrétien, tendance calviniste ou catho cool orienté Vatican II. UMPS. Sainte Chiraquie valeureuse. Alter mondialiste convaincu. Anti-américain, surtout. Faut être à la page. Le conformisme nauséabond de notre temps tient de la nausée la plus suintante. De toutes parts ça dégouline et personne ne voit rien, ou alors, mieux, ou pire, tout le monde le voit et trouve ça normal et joli. C’est définitivement l’exception, quand elle surgit, qui vient confirmer la règle de ce nouveau parc humain : la haine de la particularité, de l’irrégularité, de l’anomalie, de la parole et de l’acte hors pair. Et la vengeance immédiate, d’une manière ou d’une autre, à son encontre.

« Conservateur ».

J’aime la douceur et l’écoute, le dialogue (dans le sens ou David Bohm l’a exprimé), la compagnie des femmes, le rire des enfants… ok… ok… ne sortez pas les violons… car pour tenir debout, j’aime surtout ce qui est dur et taillé pour le corps des athlètes, j’aime ce qui scintille et bruit comme « les bijoux sonores » de Baudelaire, j’aime les décorations de guerre quand elles sont méritées, et je méprise la grisaille, la pauvreté, l’avachissement, la mollesse, les échecs, la médiocrité crasse. J’aime le luxe, le calme et la volupté (voir le même Baudelaire). Bref, j’aime tout ce que notre époque déteste. Mon cœur vibre à l’évocation de Nietzsche. Mon âme se tasse quand on me parle de Sartre. Beaucoup me dépeignent comme un être désenchanté, sombre et triste. C’est exact. Mais c’est ne voir qu’un côté de la médaille. Tentez de la retourner, ça vaut le coup d’œil. Rires. Vins délicats. Viande blanche en sauce. Verbe léger et charmeur. Danse de l’esprit et des corps. Fraternité. J’aime l’idée que je danse au-dessus du cratère, non sans crainte, mais avec une peur mesurée. Avec de la bravoure, non de la « bravitude ». Chants et rires. Rires et chants. Insolence au programme. Tant pis pour les frileux. Une pensée leste et claire devient fatale pour les gueux. Lueur dans la nuit. Obscénité crue des propos. Mais pudeur calculée et consciente. La pudeur mène vers la raillerie et le persiflage. Épée. Plus précis : errance solaire, fleuret, plume et marteau. Art des masques dont les contours torturés inquiètent uniquement les chiens qu’ils sont sensés inquiéter, c’est-à-dire presque tout le monde. Ainsi, on pénètre l’arène en gladiateur libre d’avance et on use des termes qu’il faut avec qui il faut. La confrontation, de toute façon, est déséquilibrée dés le départ, il faut de la stratégie pour se faufiler au milieu de la meute. Le calme, la froideur, le détachement qui me caractérisent sont une manière de cacher la confusion, la pagaille, le bordel, les troubles de mon cœur, le chaos de mon âme, et de les distiller, à ma convenance, comme des poisons ou des contre-poisons afin d’imposer un agencement, une ordonnance, une économie, une organisation dans l’échange sous le couvert de la clarté et de l’élégance.

« Conservateur ».

Je sais, il est beaucoup de conservateurs qui dorment comme des chiens, le nez au chaud entre leurs couilles. Ils muséifient dans la poussière croyant protéger et promouvoir. Nécropoles intestinales. Ils appellent de leurs vœux le retour d’un passé qui est mort et enterré depuis longtemps. Mais, vous l’aurez compris, j’espère, je ne me réclame pas de ces insignifiants.

« Conservateur ». On devine aussi le terme « Fasciste » qui, parfois, tombe comme le marteau du juge. C’est vite évacué. ON est vite évacué. Le débat est vite évacué. Refus de complexifier la vie qui est pourtant bien complexe. Car si je suis, entre autre, « conservateur », c’est parce que je me sens dépositaire d’un legs et que je me dois, à ma modeste échelle, d’en assumer la succession. Je veux garder un œil ouvert sur le phare tandis que je m’aventure entre les récifs. Les falaises me parlent, là-bas, fouettées par les vagues, éternelles dans leur écrin de nacre et de sel, même si l’horizon inconnu m’appelle comme une obsession. Les empreintes de notre passage, là, devant ces falaises, je veux les conserver. Je veux me souvenir. Je refuse l’extinction de la mémoire. C’est bien d’un Acte dont il s’agit ici, non d’une réaction se rongeant le frein, arrêtée sur elle-même. Conserver ce qui se doit d’être préservé c’est faire un bras d’honneur à la mort, au temps, aux opinions terre-à-terre. Fi de la soumission éternelle. Je préfère l’éternité insoumise. Les racines tissant en voluptueux rhizomes le sens du glébeux que nous sommes. Le mouvement constant, le changement n’est possible qu’avec un sens de la Fondation. « Conservateur ». Pour aller sur Mars : la rage antique contre la peste moderne. « Conservateur ». C’est l’Ordre profond qui m’intéresse. La sentinelle de l’Humanité. Le gardien du lieu Saint que plus personne ne désire honorer. S’il y a des « rockers » parmi vous, peut-être comprennent-ils à présent la citation de Dantec.

Et un Jack Daniel's... un.

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Bande son du moment : « The Isle Of View » par The Pretenders

Lecture du moment : En parallèle : « Grande Jonction » et « American Black Box » de Maurice G. Dantec

Citation du jour : « On ne conserve pas des valeurs. On les transcende sans cesse. Sinon, elles meurent d'elles-mêmes. » Christian Boiron


Humeur du moment : Méditatif