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03/12/2006

Aurore - III

=--=Publié dans la Catégorie "Ecriture en Acte"=--=

"Le bonheur, quel qu'il soit, apporte air, lumière et liberté de mouvement." Friedrich Nietzsche (Aurore)

"Ce qu’ils sont ? Des civilisés cultivés qui passent leur vie à tirer des conclusions de leurs actes au lieu d’accorder leurs actes à leurs pensées." Antonin Artaud




Comment assumer le paradoxe d’attaquer la sphère culturelle elle-même, alors que précisément, de par mes centres d’intérêts j’évolue en son sein ? C’est que je rejette sa réalité présente. C’est que je considère qu’elle s’enfonce dans la boue des petits drames personnels qui n’ont pas grand intérêts. C’est que le Réalité qu’elle est nous masque le Réel de l’Être.

C’est que j’opposerai toujours, et je prends date, la maussade Réalité merdique à la Joie de l’Être réel.

J’assume ce paradoxe parce qu’il demeure quelque chose qui clame que la Culture demeure un centre de significations multiples dans une société sans la moindre signification. La Culture est vide. L’Être est devenu vide car porté par une existence vide. Mais il nous faut bien partir de quelque part pour oser, de nos jours, prétendre à la réinvention du monde et de la Vie.

Pour que ce monde en vienne à étendre un souffle neuf dans le ciel, vers le ciel, vers les étoiles, il faut faire émerger un projet collectif qui s’arrime avec détermination à toutes les apparences de la réalité, du vécu et les transcende en allant au point sensible du Réel. Le peuple réapprendra la colère si nous lui faisons apparaître l’écart horrible qu’il y a entre ce que pourrait être la Vie et sa pauvreté sanglante et misérable actuelle.

L’Art « muséifié » doit disparaître. L’Art doit baiser avec la Vie. Ici et Maintenant. Tous les jours. À chaque instant.

Le progrès rationaliste dont on nous rabat les oreilles depuis plus de deux siècles, à droite pour glorifier la libre entreprise garante de ce progrès, à gauche pour nous promettre des lendemains qui chantent, un temps des cerises à venir, ce progrès rationaliste est une fausse monnaie. La seule chose qui importe est de parvenir à aménager et arranger le milieu qui nous influence et nous détermine. Ce principe ne peut être que « religieux » et ouvert. L’accueil. L’Affirmation de soi sans menace morale asphyxiante. J’ai bien écris le mot « religieux » entre guillemets afin que l’esprit perspicace puisse exercer son entendement.

Le monde ne peut être dominé que Collectivement. Nullement par une Collectivisation Stalinienne. Que l’esprit perspicace exerce son entendement. Ce n’est que ce principe Collectif qui fait apparaître l’INDIVIDU. Dans une sphère néo-libérale, les individus ne sont que de sinistres vampires en quête de la dose quotidienne de sang d’autrui par l’intermédiaire de ce que le pouvoir économique et le pouvoir politique (désormais assujetti à l’économique) leurs dispensent avec parcimonie pour qu’ils se tiennent tranquilles. Ainsi, les individus vont et viennent au petit bonheur la chance, dans ce bordel immense et organisé, leurs émois, leurs troubles, leurs désarrois s’annihilent mutuellement et consolident le milieu qui érige leur dégoût, leur lassitude, leur morosité, leur angoissant tracas. Nous ne parviendrons à ruiner et détruire les clauses et modalités de cette société angoissante désormais dépourvue d’angoisse (Heidegger) qu’en mettant en scène des Jeux, des Joies et des Jouissances supérieures. La présence Humaine ne pourrait, alors, qu’être authentiquement et pleinement présente.

L’implication Collective de la domination de ce monde doit être Hiérarchisée selon un schéma naturel et humaniste. N’en déplaise aux coupeurs de têtes. Robespierre et Saint-Just ne sont pas mes héros.

L’égalité en termes de droits et de devoirs se doit d’être parfaitement appliquée puisque, selon ce que signifia un Montaigne souriant, chaque homme est un miroir pour son prochain. Même le cannibale. Il est évident que dans le déploiement de l’application de ce postulat certains et certaines se distingueront. Les prétendants ne sont pas légion.

Lorsque le Peuple se veut Souverain, en dépit de l’Individu, c’est signe de décadence.
Lorsque l’Individu se veut Souverain, en dépit du Peuple, c’est signe de décadence également.
Le 20ème Siècle nous l’aura magistralement montré. Le terme « Magistralement » n’est pas utilisé ici à la légère, mais pleinement mesuré.

Encore une fois : l’à-venir et donc… l’Avenir est à la synthèse et donc… au dépassement de ce qui a été, est et pourrait advenir.

Consciemment, à 40 ans passés, je me considère en pleine possession de ma jeunesse. Je suis le fervent défenseur de la Force de la Jeunesse. Mais je me refuse, du plus profond de mon être, à être assimilé et comparé à ce qu’on a coutume d’appeler « la jeunesse ». C’est une façon bien mise, soignée, politiquement correcte, faussement tirée à quatre épingles pour juguler le fond du problème, en s’efforçant même de l’enterrer, en lui conférant ce déséquilibre imputé à la faculté d’une saison appelée à passer ou aux caprices des transformations socio-biologiques. Ponce Pilate sut si bien se laver les mains. Car la jeunesse d’aujourd’hui, comme définitivement abrutie par le manège de la consommation et de l’angoisse de la production, suffoque, selon l’effigie de ses aînés, dans la quête balbutiante, le flottement existentiel, l’incertitude, la méfiance et le soupçon… et l’égoïsme cynique.

Depuis la chute originelle, l’exil, nous sommes entrés dans le piège de la reproduction, pieds et poings liés. Nœuds de toutes parts.

Ainsi on patauge à chercher là où Picasso et Cocteau trouvaient.

Voilà pourquoi, bien qu’à portée de la main, nous avons ce sentiment inéluctable de ne rien trouver de ce que nous cherchons. Et, de fait, nous acceptons cette lamentable servitude volontaire, cette nausée quotidienne, sans rien trouver à y redire. Pire ! Si jamais quelqu’un se distingue en possession du cri salvateur, nous savons le lapider. Amen.

La complicité du mensonge présent est générale.

Entrevoyant la Vérité les adversaires se présentent toujours à l’heure, en temps et en lieu.

Il y a quelque chose d’atrocement comique d’entendre parler de « Révolution » par les temps qui courent. Le terme prend un poids ridicule, infime, négligeable. C’est, bien entendu, dû aux mauvaises expériences passées qui ont eu le culot de se réclamer d’un esprit Révolutionnaire, mais c’est tout autant dû aux tentatives qui étaient à deux doigts de réussir de fonder une élancée autre de la Vie, un possible aux multiples possibles, et aux erreurs commises par les acteurs des mouvements en question.

L’Ordre ne veut pas être dérangé. L’Ordre est profond. Il vient de loin.

1789, 1848, 1871, 1917, 1936, 1968 n’ont pas eu lieu. Ce ne sont plus que des dates dans les livres d’Histoire qui veulent nous persuader que quelque chose ce serait passé et nous élabore des schémas représentatifs qui finissent par nous maintenir en laisse. De fait, le mouvement Révolutionnaire en tant que tel a été démantelé dés la prise de pouvoir des pseudo-révolutionnaires que tout le monde connaît afin qu’aucune nouvelle Situation ne puisse voir le jour. Geler la situation dans ce qu’elle est, une sorte d’Artefact condensé des humeurs et des ressentiments profonds, voilà ce qui fait le lot de l’Humanité en tous lieux et à toutes époques.

C’est bien l’Armée Rouge Communiste de Trotsky qui extermina les Cosaques Anarchistes d’Ukraine de Makhno le Rebelle.

Nous voici ainsi, largués de droite, ou largués de gauche, apolitiques, croyants ou athés, agnostiques cyniques ou saints par compassion, étalés dans la fange putride de la résignation qui ne fait plus de nous des hommes, mais de pauvres hères qui subsistons métaphysiquement et physiquement du mieux que nous pouvons, cherchant sans cesse un juste moyen pour nous laver notre conscience de toute la merde que nous y étalons nous-mêmes de nos mains soumises avec la précision requise. Big Brother and Big Mother are watching us.

Il faut supprimer toutes velléités de chamboulement, de désordres, de fantaisies créatrices dans une société quelle qu’elle soit. Que la Société se nomme démocratique, théocratique, fasciste, ou ce que vous voulez. Mais, dés que les conditions nécessaires sont réunies pour affirmer pleinement les arguments du pouvoir régnant, dés que les outils sont en place et en synergie adéquate pour que la ruine s’élabore de l’avant se consolidant jusque dans nos veines et nos réseaux nerveux tellement l’hypnose en place est drastique, aussitôt sont réunies les conditions et les possibilités d’une transformation totale du monde au sein duquel nous vivons. Le pouvoir ne le sait que trop. Être absolument Moderne ne lui suffit pas. Par des moyens modernes il se doit de préserver la morgue de sa vieille domination éternelle, poussiéreuse et antique, même s’il change d’appellations au cours des temps. Suprématie du même empire infernal depuis toujours.

Si le « Révolutionnaire » de nos jours est ridicule, le citoyen moyen (c’est-à-dire à peu près tout le monde) l’est tout autant lorsqu’on passe sous microscope et qu’on étudie au scalpel les divers aspects de son accord soumis, de son consentement, de son agrément au pouvoir en place qui lui accommode son cadre de vie selon des desiderata totalement inhumains.

La Révolution est enrayée lorsque les tee-shirts prolifèrent avec les portraits de Bob Marley ou du « Che ». Beaux biens de consommations. Mais de même, la seule perspective révolutionnaire (ou tout du moins nommée ainsi) qui se propage comme une rumeur constante et un sacerdoce nouveau est le publicitaire porté à son paroxysme constant. Si la chair des philosophes du 18ème Siècle est devenue bien triste, le paroxysme publicitaire nous entraîne dans le vertige de sa jouissance mortuaire toujours recommencée. Et pendant que cette « révolution » là est en avancée constante, les tentatives Révolutionnaires avortées sont désignées comme responsables de biens des massacres (authentiques, bien sûr), les pages se sont écrites dans le sang, bien-sûr, les échecs sont encadrés en gros, pour sûr, pour sûr, le chien que je suis peut aboyer autant qu’il veut, la caravane des marchands de serpents et de potions magiques passe. La Révolution (qui pourtant n’a pas eu lieu) est responsable d’aliénations nouvelles.

« La lucidité, elle se tient dans mon froc ! » gueulait Léo Ferré.

Les marchandises et la marchandisation progressive de la Vie dans son ensemble s’étalent comme de multiples fêtes invariables. Et, comme à un concert joyeux, nous levons les bras vers le Veau d’Or croyant les lever vers le Ciel. Nous approuvons. Les moindres nuances et les moindres détails de la marchandise constamment changeante sont portés au pinacle de l’idolâtrie par l’hystérisation de notre désir.

De véritable projet Révolutionnaire qui exprimerait les éventualités, cas et hypothèses, les occasions et opportunités, les moyens et les potentialités d’un changement du monde et de la Vie, il n’y en a point. Tout du moins, il n’y a pas de projet nodal. Quelques particules libres, ça et là, sillonnent les antres, les recoins et les sphères de la Réalité et de ses Ravages. Quelques consciences sursautent à l’occasion. Une nouvelle toile se doit d’être tissée. Comprenne qui pourra.

Les seuls critères sur lesquels une contestation totale et authentique, susceptible d’être libératrice pour l’Être en nous, se doit d’être fondée, se doit de naître sur le rejet de la Société et de ce qu’elle implique dans son ensemble. Une transmutation de nos valeurs, une transvaluation de nos notions de bien, de mal, de juste doit apparaître. Bien qu’aux liaisons floues, aux contours imprécis, des tentatives de la transmutation en question apparaissent ça et là, je le disais.

Tout amendement « progressiste », toute « amélioration », tout « perfectionnement » de certaines situations néfastes, accueilli avec la joie désormais commune des masses soumises, dans le soulagement démocratique mutuel, même s’il contribue en certaines circonstances à atténuer des douleurs et des difficultés sociales, sera, au final, voué à parfaire une seule chose : le conditionnement que le système propage à notre encontre pour nous contenir. C’est précisément cela qu’il nous faut investir, bousculer, retourner, invertir, désarçonner, détruire, jeter à bas, mettre sans dessus dessous, culbuter, chambarder, RÉVOLUTIONNER.

Les villes contiennent à la fois leurs larbins et leurs futurs dynamiteurs.

En même temps que la Rébellion se trouvait intégrée aux jeux néfastes du Pouvoir Marchand Dominant, cette haute conscience s’emparait de moi comme une très Sainte nécessité. J’avais 17,18 ans et je déclarais la guerre au monde entier. Je n’ai toujours pas quitté ces sentiers étroits malgré les paradoxes de mon existence de travailleur huilé pour les rouages de la grande machine qui me dévore comme tout le monde.

« It's a big machine, it's a big machine
We're all slaves to a big machine
It's a big machine, it's a big machine
We're all slaves to a big machine
All tied up to a big machine
I got houses
Got cars
I got a wife
I got kids
Got money in the bank

Get away without borders
I'm a slave, New World Order
I guess I chose to be
I guess I chose to be
I guess I chose to be
I guess I chose to be

Hope I teach my son how to be a man
Now before he hits 35
Comic book lives don't really have any real life do they now »
chante Scott Weiland avec Velvet Revolver.

Je suis un Moderne. Oui. Je refuse de croire que je puisse faire partie de cette engeance dite « post-moderne » qui s’illusionne à vouloir précipiter le temps dans un gouffre inexistant, en proclamant que désormais l’Homme est sur la juste voie, que la fin de l’Histoire est là ou très proche. Sont mes ennemis ceux qui veulent me faire prendre des vessies pour des lanternes avec de douceureuses voix me dictant que tout va pour le mieux et de mieux en mieux (Bien-sûr, Voyons !), que des réformes apporteront la Joie et la Jouissance. Ce n’est qu’un contrôle de plus, une maîtrise supplémentaire, un renforcement des conditions d’exploitation de l’homme par l’homme. L’exploitation de l’Humanité par quelques hommes. Quelques vampires suprêmes nous transformant en vampires mineurs.

Je suis loin d’avoir le seul apanage, le seul privilège, l’exclusivité de l’intellect, de la pensée, de l’entendement, de la clairvoyance. Mais je veux me targuer de m’efforcer d’utiliser mon intelligence selon une noble destination. Je peux donner le sentiment, une fois de plus, d’étaler mes mots selon mes humeurs pathologiques, et pourtant… chaque phrase est soupesée et orientée du mieux que je peux le faire, conformément à mes modestes moyens.

La première des critiques Révolutionnaire que je puisse faire à l’égard de la Révolution est de proclamer que le problème de l’Homme n’est guère Social. Le Social n’est qu’un symptôme, une conséquence, de l’Absence de Spiritualité, du manque d’esprit en ce Néant où nous pataugeons. Et les églises en sont largement responsables, de par leurs bigoteries, leurs aveuglements. Certes, on peut voir encore quelques yeux briller d’une flamme singulière dans l’enclos de la Foi que suggèrent les diverses prêtrises. Mais il manque l’Amour et son Intellect. Il y a beaucoup de Foi et d’Espérance. Mais cela ne suffit pas. Car comme le précisait l’apôtre Paul, même si j’ai la Foi et l’Espérance, si je n’ai l’Amour, je ne suis Rien.

Sans une utilisation de notre intellect correcte et adaptée aux situations et, plus particulièrement, à la situation générale dans laquelle nous nous trouvons, nous ne pouvons avoir accès aux idées et pensées audacieuses, d’avant-garde, futuristes que par bouts épars grotesques, ridicules, primaires, simplistes et sommaires. Ce sont précisément ces idées et ces pensées qui peuvent nous permettre de comprendre et saisir notre temps pour d’autant mieux le contester et le transformer radicalement.

"Dans un monde totalitaire, les artistes meurent et leur disparition signe et avalise l’avènement des publicistes, des propagandistes et autres metteurs en scène de vérités nécessaires au grégarisme du moment." Michel Onfray

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Bande son du moment : "Collideoscope" par Living Colour

Lecture du moment : ...pas de lecture particulière... butinages divers...

Citation du jour : « L'esclave est un serviteur qui ne discute point et se soumet à tout sans murmure. Quelquefois il assassine son maître mais il ne lui résiste jamais. » Alexis de Tocqueville (De la démocratie en Amérique)

Humeur du moment : Concentré face à la fatigue

15:30 Publié dans Écriture en Acte | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : 32-Ecriture en Acte : Aurore - III | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Commentaires

difficile de trouver les mots justes pour exprimer ce que je vis quand je te lis... alors souvent, chaque jour, je me tais... mais pas là, pas ce soir...
Je te sens si proche... de moi, de Lui, de ce qui doit être... puisse tes paroles être entendues, et par le plus grand nombre...
en attendant, je me pose près du chien dans le désert, parce que sa présence m'apaise et que ces cris tiennent les caravanes à distance....

Écrit par : pema | 03/12/2006

propos Debordiens. Mais l'avez-vous compris ?

Écrit par : Henri | 04/12/2006

Merci, Pema... sâchez qu'il n'y a là... aucune... aucune... aucune prétention de ma part... heureux que mes mots vous touchent... c'est tout...

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Henri... l'ai-je compris ? Allez savoir... mais je serais heureux que vous m'éclairiez quelque peu ma triste lanterne.

Écrit par : Nebo | 04/12/2006

"1789, 1848, 1871, 1917, 1936, 1968 n’ont pas eu lieu"
1830 et 1921 non plus, s'il était encore besoin de l'oublier. Propos debordien ? Peu importe que nous ne sachions jamais ce que nous savons déjà. Les propos survolés m'ont fait sourire et j'y ai cru déceler l'insolence émancipatrice, celle qui fait respirer lorsque l'on ne craint pas de s'étouffer.
Amitiés.

Écrit par : Buenaventura | 10/06/2007

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