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14/12/2006

Aurore - IV

=--=Publié dans la Catégorie "Ecriture en Acte"=--=

Yeux clos, guetter les résonances végétales du sommet des arbres que le vent balaie. Être là. Pleinement.

Par les temps qui courent cela demande une force d’esprit doublée d’un caractère rude, ainsi qu’une détermination de premier ordre. Sois présent à toi-même, lecteur, seul moyen d’être pleinement présent à l’autre, et tu te retrouveras cerné de toutes parts par les envoyés de la grande machine à broyer de l’Être : à peu près tout le monde. Et les rouages de la machine en question sont bien huilés.

Souvent ça crie en nous. Ça hurle. Ça quémande avec insistance une porte dérobée dans le Vestibule des aléas quotidiens. Le déséquilibre est conséquent. Quelque chose nous le spécifie avec empressement. Le Corps (cette Raison Supérieure) étouffe. Le Bonheur ne semble pas être de ce monde et pourtant l’Incarnation entière le réclame. Et envers et contre tout nous demeurons sourds à l’appel. La Mère Supérieure veille au grain. Et papa ne bande plus. Le Langage, tellement associé, à présent, à la Mort, à la mortification, au froid Nihilisme d’une époque désinvolte, psalmodie quelques burlesques onomatopées mais ne DIT plus rien. Alors ? Alors, quand une voix s’élève de la fange en Stances Salvatrices Salutaires personne n’y prête la moindre attention. Voici la Rose noyée dans l’obscur brouhaha général.


Au début de l’histoire, le Corps, sublime ouvrage, dans le flux abyssal des profondeurs amniotiques, se forge en sa matière intime, se travaille dans le feu maternel. Il s’agite, remue, réagit, minuscule se déplace. Il grossit, gonfle, s’allonge. Il se contracte et se raidit. Son gabarit change. Ces 9 mois permettent une phylogenèse palpable, mais la filiation de l’être intérieur, l’aventure interminable de ces jours d’errances liquide en la mer intérieure, s’abîment avec le premier cri, puis se perdent aux fils des jours et des nuits que la Vie nous accorde. L’esprit conscient est fluctuant, mais le corps, lui, se souvient et réveille à l’occasion, malgré nous, des douleurs enfouies, des caresses, des jouissances et des morsures.

Quel Voyage est entrepris dans ce flottement jouissif ? Quelle signature s’incarne déjà pour produire, rédiger, inscrire, consigner, par la suite, ce qui se fonde dans le fluide protecteur ? L’Origine du Bonheur se trouve dans l’Onde pure, chaude et nourricière de cette gestation qui ne demande qu’à se poursuivre dans l’apesanteur du monde. C’est un désir qui s’alimente déjà, confronté au voile des multiples apparences, de l’essence des questions qui seront plus tard formulées par lui ; pour l’instant le grain en l’être réclame son expansion pour elle-même. Le probable en-soi à l’état pur qui s’écrit aussitôt dit aussitôt fait, déjà, dans le moment même, se projette, s’épanouit, n’attend plus qu’une seule occasion : celle de se penser et de penser l’Univers afin d’être. Le flottement jouissif instruit d’un puissant écoulement et déborde l’entrelacement et le dédale des nerfs qui se connectent. L’alcôve d’un Ciel primordial aux douces heures de la gestation est définitivement la première école de notre venue au monde.

Ensuite surviennent les plaies, l’action des substances corrosives. Le laminoir qui réduit. Portes de l’Enfer qui nous avalent chaque jour. La Fascination. L’Hypnose. Le Spectacle quotidien qui nous diminue et nous scinde. La dispersion. La fracture. Très vite : dés les seins de maman et les genoux de papa. Puis, de temps à autre : l’Appel. Pour peu d’élus, les rivières entraperçues dans l’embrun de l’enfance sont un guide minéral et végétal vers l’Océan. Le Départ. La Porte Dérobée au temps présent. La très vaste majorité demeurera pétrifiée dans la statue de sel de la femme de Loth. Le terroir et la race, le sang des ancêtres immobilisé (c’est-à-dire : mort. C’est-à-dire non fertile), le nombril maternel glacé et statique, l’arrêt sur soi dans l’auto-enculade satisfaisante jusque dans la mortification déterminée. Parmi les élus, des destins basculent, le Corps éprouve des influences inexplicables, cherche des stimulations et des paroxysmes pour résoudre ce nœud dans le gosier, dans les entrailles, dans le cœur… ou la cervelle. « Je mourrai demain, qu’importe ! Je veux les rires, la Joie, la Jouissance, la Vivacité, l’Allégresse sous un haut soleil béni mille fois et bénissant mille fois à son tour. Je veux l’éternité et le luxe et l’infinie plénitude sur cette terre finie ici-bas. Ici et Maintenant dans ce point que nous sommes. »

La prise de position est un Impératif. Quitter l’Asile de fous. Prendre la route qui ressemble à un long serpent sans fin.

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Bande son du moment : "Mafia" par Black Label Society

Lecture du moment : ...pas de lecture particulière... butinages divers...

Citation du jour : « Il faut une science politique nouvelle à un monde tout nouveau. » Alexis de Tocqueville (De la démocratie en Amérique)

Humeur du moment : Mort de Fatigue

18:45 Publié dans Écriture en Acte | Lien permanent | Commentaires (14) | Tags : 33-Ecriture en Acte : Aurore - IV | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Commentaires

Je suis tellement asphyxiée par tous vos écrits que je n'ose même pas vous mettre le lien vers mon pauvre blog.

Continuez. Merci.

Écrit par : Julie | 15/12/2006

Pourtant... qui n'ose n'a rien...

Merci pour vos encouragements...

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Écrit par : Nebo | 15/12/2006

Le problème c'est qu'on n'arrive pas à voir où vous voulez en venir. Votre verve est tout autant anarchiste que royaliste. Quelle est votre issue?

Votre verbe est possédé.

Écrit par : Henri | 15/12/2006

Je persiste : vous vous branlez !

Écrit par : Albert | 15/12/2006

:) Bravo, Nebo, ça du souffle (ton souffle, of course), ça coule bien et si on s'accroche (si on est présent au texte ;), il n'y a pas de problème de sens, c'est clair.

Après, chacun de nous a un regard qui lui est propre (en tout cas ceux qui ont fait un certain boulot dans ce sens), qui signe qui il est, et qui accorde plus d'importance à tel ou tel thème.

La présence à soi, à l'autre et au monde, comme but constamment recherché et perfectible, nous partageons certainement ce souci pour nous et cette recommandation pour les autres, je t'en donne acte. Mais est-il utile de dire que celui qui perfectionne cette recherche va avoir tendance à se faire "broyer" ? Est-ce plus le cas aujourd'hui qu'hier ? Si la pleine présence est difficile à atteindre c'est qu'elle présente aussi des risques, non ?

Bon, ensuite c'est très intéressant que tu sois remonté à la source, à la gestation de l'individu pour illustrer ce qui fonctionne et ce qui coince, à ton avis, dans l'aventure de la vie d'un individu d'aujourd'hui.

Ça peut éclairer, notamment, nos différences (et proximités) de position/sensibilité, que nous avons déjà bien approchées en 4 ans de discussions sur le Bleu de Louis. :) Entre autres choses, ton chant sur la gestation ne peut manquer d'évoquer le thème du paradis perdu. Et il y a là une cohérence avec un thème qui t'est cher, celui de la Vérité préexistante.

Moi, je vois ça différemment. Dans l'utérus, nous n'existons presque pas encore. On dit qu'un aveugle de naissance ne peut pas imaginer. Le foetus que nous sommes, en plus de ne rien voir ou presque, n'a pas de références non plus sonores ni tactiles. Il ressent de façon rudimentaire, la mère n'est pas une personne (qu'est-ce qu'une personne ?), c'est le monde. Je conçois qu'une intelligence et une sensibilité auditive naissent rapidement, peut-être est-ce en effet un "Voyage", mais certainement pas "une signature", c'est-à-dire la marque d'un sujet conscient.

Pour moi, c'est précisément là où tu ne parles plus que de "plaies", de "substances corrosives", de "laminoir" que débute la formation de ta "signature".
As-tu bien vu que c'était de la venue au monde que tu parlais en ces termes dantesques ?

Avant d'être (éventuellement, avec du boulot) une signature, chacun de nous est d'abord une feuille quasi-blanche de papier sensible à l'éclatante lumière du monde. Et oui, elle est vive. Et oui, il s'y passe des choses dures, ce n'est pas un Eden (l'Eden est dans nos têtes pour nous donner un peu de recul face à ce monde).

Et chacun de nous est un papier photosensible qui a ses caractéristiques propres et qui va refléter le monde (par ses actes, en écrivant, en chantant, ou encore l'ingurgiter, le vomir, essayer de le changer, etc.) avec, comme tu dis, sa signature.

oOo

Bon, tout cela dit avec plaisir et intérêt pour donner une réplique digne à ton thème du jour, je ne veux pas non plus être celui qui dit juste "la dureté du monde et la mesure du défi qu'elle pose à chaque homme est une condition du sens de sa vie, de son être". Je ne me satisfait pas non plus de cet état rude des choses et nous aurions (avons eu) certainement des discussions plus fines et intéressantes sur le sujet... si nous en avions plus le temps ! ;)

En tout cas, beau texte, Nebo, et qui m'a donné envie d'y répliquer, ce qui est sympa.

Amicalement,

Lionel

PS: Il y a des balises pour mettre du gras, italique, souligné, ici, ou rien ?

Écrit par : Lionel | 15/12/2006

branlette encore et toujours,même chez tes potes qui te commente.

Écrit par : Albert | 15/12/2006

puisqu'on cause uterus, je vais vous faire part d'une pensee eclose lors des premier jours extra-uterins de ma petite fille...
ses pleurs au moment de s'endormir et lors de ses reveils, son air completement perdu dans ces moments-la m'ont suggere cette idee un peu folle :
l'inversion du reve et de la realite.
dans l'uterus, l'enfant vit vraiment quand il reve, car des qu'il se reveille, il se retrouve dans le noir, dans une masse liquide, dans un monde qui ne ressemble en rien a la vie... alors que lorsqu'il dort, il reve, et a vraiment l'impression de vivre...
des sa sortie de l'uterus, tout s'inverse donc, il ne comprend plus rien, et pendant les premieres semaines, il sera completement perdu, tout ce qu'il croyait s'avere faux, et il a la hantise de s'endormir et se reveiller...
je sais, ca semble un peu debile, mais je vous promets que ca m'a paru limpide a ce moment-la ;-)...
paix sur toi, Nebo, et sur tes amis

Écrit par : Louis | 15/12/2006

Henri... l'écriture en actes c'est le Verbe déployant ses phrases... c'est une pensée en devenir... là où je veux en venir c'est là où la pensée me mènera...

Albert... vous devriez baiser un coup... la purge ça a du bon aussi... ou vous faire baiser, peut-être... il y a des endroits pour ça...

Lionel, merci pour ta longue contribution de lecteur... tu as bien compris qu'il s'agit d'être présent au texte si on veut en tirer quelque chose, ou simplement si on souhaite voir si il y a quelque chose à en tirer... à mes yeux, recroquevillés dans le ventre de notre mère, nous sommes tout, déjà, et nous sommes rien évidemment... tout de par nos potentiels à développer, qui se tapissent là, quelque part, dans notre fibre émergeante... rien, car nous ne nous lisons pas encore... dans cette curieuse extase (instase, plutôt ?) nous avons aussi nos accès à notre mémoire morte, enfouie, la cellule originelle, celle que d'ancêtres en ancêtres nous nous transmettons comme des balises, stances transgénérationelles, souffles, non-dits, pesanteurs, légèretés, cauchemards et rêves... le tout dans un balancement aquatique... en devenir, le foetus est une prière, car en devenir... qu'il y ait une Vérité première ou non, cela n'a aucune importance, c'est la découverte illuminatrice d'un nouveau territoire qui importe... Moïse et le buisson ardent, par exemple, même si YHWH a été, est et sera... ce qui compte c'est le chemin... la voie ouverte...
Le laminoir, les portes infernales, c'est ce qui nous guette une fois au monde... c'est ce qui nous interdit nos entrées en nous-mêmes, nos extase justement... demeure le souvenir inconscient de cette gestation première, promesse d'un devenir royal...

Louis, quel bonheur de te lire en ces lieux... ta pensée éclose au moment de la naissance de ta petite princesse est non dénuée d'intérêt et a bien des resonnances avec ce que je viens de soumettre à Lionel...

Merci pour vos lectures en actes...

Bien à vous tous...

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Écrit par : Nebo | 16/12/2006

Cher Nebo....
quel plaisir de lire des commentaires à la hauteur de tes écrits (moins un peut être, mais comme je souhaiterais qu'il s'exprime librement plutôt que de vomir....)
je ne peux m'empêcher de m'émouvoir, à la lecture de réflexions si profondes face à la vie des premiers instants...
du nourisson qui arrive nu face au monde, de l'homme qui au zénith de sa vie s'interroge ainsi....je ne sais lequel est le plus impuissant... et touchant...

Je me permet, à toi et ceux qui t'accompagnent, de vous donner un baiser respectueux...

Écrit par : pema | 16/12/2006

Nebo .....né beau !

Écrit par : Yvan Martin | 17/12/2006

Nebojsa,
J'aime beaucoup ta façon d'écrire, et cela depuis le moment où j'ai découvert tes écrits - pour certains de tes textes, il est vrai que je dois me concentrer davantage (mais cela vient aussi de moi... sourire). Je porte toujours beaucoup d'intérêt à ton cheminement, à la façon que tu as de nous expliquer, de remonter loin dans le temps et puis aussi... je découvre de nouveaux mots et cela j'adore vraiment.
Je rejoins Pema quant à la lecture des commentaires qui t'ont été adressés. Quant au reste, nous ne pouvons pas faire grand chose face à la nullité.
Je t'embrasse fort. Ann

Écrit par : Annsun | 17/12/2006

Bravo pour votre blog. Cette phrase de Tocqueville est la Vérité

Écrit par : major tom | 18/12/2006

Vous êtes en devenir, donc, un pélerin en somme.

Mon oeil demeurera critique.

Écrit par : Henri | 19/12/2006

Pema... merci pour ta lecture assidue et pour ton baiser...

De même Annsun...

Major Tom... Tocqueville fut un prophète à sa façon...

Henri... en auriez-vous douté ?

Merci à vous...

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Écrit par : Nebo | 21/12/2006

Les commentaires sont fermés.