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23/06/2007

Le Salut par les Juifs - II

=--=Publié dans la Catégorie "Le Salut par les Juifs"=--=





Pour faire résonnance avec ma "brève" d'hier, voici un entretien avec le rabbin Reb Arieh Leib Weisfish qui a été effectué par Avi Katzman vers le début des années 1980 pour la revue israélienne en langue française Réalités. Prenez-en de la graine :

Vendredi après-midi, au coeur de Méa Shéarim, sous les combles. Un vieux juif à la barbe grisonnante, la tête couverte d'une large kippa noire, habillé simplement comme le sont les juifs pieux. Derrière ses lunettes épaisses brillent des yeux intelligents et tristes. Il fabrique des téfilines qu'il doit terminer avant l'entrée du shabbat. Reb Arieh Leib Weisfish parle avec fougue et ses paroles s'écoulent à un rythme rapide qui va en s'amplifiant. Il est né à Jérusalem il y a 65 ans, issu d'une famille qui fait partie de celles qui fondèrent Méa Shéarim, au début du siècle dernier.



Avi Katzman : Vous êtes membre de la secte des Nétourei Karta ?

Reb Arieh Leib Weisfish : La question est de savoir d'abord ce que sont les Nétourei Karta. Une personne, c'est quelqu'un, une personnalité. A l'origine, on trouve Rabbi Yohanan Ben Zachaï, après la destruction du Temple. Et il dit: "Ce ne sont pas les gardiens qui sont les gardiens mais ceux qui étudient". Depuis, le judaïsme du corps s'est séparé du judaïsme de l'âme. L'âme et le corps. Mais la réalité est différente. En réalité, l'âme et le corps sont indissociables. Divisez-les, il ne reste plus rien. Losque la philosophie, c'est-à-dire l'observation des individus de l'intérieur vers l'extérieur, a fait faillite, elle a été remplacée par la psychologie, c'est-à-dire par une observation de l'homme de l'extérieur vers l'intérieur. Mais l'homme ne peut être partagé, classifié, ni par Bergson, Freud ou Jung, ni par le marxisme. Toutes les conceptions univoques de l'homme ne tiennent pas compte de ce qui a précédé la logique et l'intuition.

Je me considère comme le spécialiste mondial de Nietzsche. Ce qui est intéressant, c'est que Nietzsche était contre tout: anti-socialiste, anti-européen, anti-christique, anti-tout-le-monde. La seule chose que Nietzsche adorait, c'était le judaïsme et les Juifs. Jusqu'à sa fin, il a révéré le judaïsme. Il l'a compris mieux que les plus grands rabbins du monde: "Sans les Juifs, point de Salut... Les Juifs sont éternels". C'est lui aussi qui écrivait à propos des Allemands : "Une race irresponsable qui porte sur sa conscience les grands désastres de la culture".



Avi Katzman : Comment voit-on dans la société dans laquelle vous vivez, cette vénération que vous avez pour Nietzsche ?

Reb Arieh Leib Weisfish : Le judaïsme, ce n'est pas quelque chose dans lequel on naît. C'est quelque chose que l'on crée en acceptant les critiques et sa propre autocritique. Si celles-ci ont pour but de vous aider à chercher la voie, la perfection, il ne s'agit plus alors de critique mais d'étude. Pour moi, Nietzsche et le Rabbi de Koutsk sont encore plus grands que Moïse. On m'a dit: "Weisfish des Nétourei Karta, comment oses-tu prononcer des mots pareils?" "C'est très simple", ai-je répondu: "Enlevez à Moshé Rabeinou les miracles et les dix plaies d'Egypte, il ne reste plus qu'un auteur de codes et de lois. Mais triompher de Spinoza, Kant, Hegel, Marx et de tous les réformistes des Etats-Unis ou de Wall-Street serait impossible sans Nietzsche. Et l'une des forces du Rabbi de Koutsk, c'est qu'il était contre les Hassidim et qu'il leur disait un peu comme Nietzsche: "Vous n'avez pas encore commencé à vous chercher vous-même et vous m'avez déjà trouvé?"

Il arrête son travail, se lève et ouvre une armoire. Il en tire un ouvrage vert, le feuillète et m'en fait lire un passage. Il retourne aux téfilines qui sont sur la table, reprend ses outils en mains et frappe de toutes ses forces. "Vous voyez, je n'arrive pas à discuter et à me concentrer sur mon travail". Il pose ses tenailles, ajuste le cuir, coupe et recolle.

Avi Katzman : On connaît surtout Nietzsche pour sa phrase...

Reb Arieh Leib Weisfish : On ne connaît pas Nietzsche. Il n'est pas existentialiste parce qu'il murît et grandit sans cesse. Ce qu'on se rappelle de lui, c'est "Dieu est mort". Dieu est mort parce que nous l'avons tué. Il dit plus que cela. Un jour, j'ai rencontré un jeune arabe qui lit un peu Nietzsche et qui me l'a cité: "Si Dieu existe, alors qui suis-je? C'est la preuve qu'Il n'existe pas". Vous rendez-vous compte de la profondeur de cette phrase? Dans la Kabbale, il existe une science qui est celle du réductionnisme. Dire "Mon Dieu, Béni sois-tu", ce sont des choses qu'il faut apprendre, qu'il faut vivre, sur lesquelles on peut réfléchir à l'infini. Nietzsche lui-même écrit quelque part: "La philosophie n'existe pas. Ce qui existe, c'est l'expérience de la vie. Mon désir constant de changement et ma critique d'aujourd'hui sur ma vie d'hier". Dans le judaïsme, on considère que les plus grands des Justes doivent faire un retour constant à la religion. Qu'ils sont toujours sur la Voie... Lorsque vous lisez aujourd'hui un quotidien, ou que vous sortez dans la rue, vous n'en revenez pas: on vole, on pille, on tue, on viole. Rien n'est interdit. La seule interdiction est d'interdire. En dehors de cela, tout est permis. Alors, que nous soyons dans la jungle, à Babylone ou dans le ghetto allemand, aussi grande que soit notre science, si le sionisme avait pour but de changer la situation inconfortable qui est celle des juifs dans le monde, il a prouvé au contraire que nous sommes un peuple tellement fort que le monde entier nous craint.


Avi Katzman : Comment vous sentez-vous en Israël ?

Reb Arieh Leib Weisfish : Menahem Begin était au mariage de ma fille. Elle s'est mariée avec un millionnaire, que Dieu nous préserve, et Begin était invité du côté du marié. "J'ai appris que tu lisais Nietzsche", m'a-t-il demandé. J'ai pensé: "Encore un avec ses questions." Et je lui ai répondu: "Si tu lisais Nietzsche, tu serais encore plus grand que Menahem Begin." J'espère que finalement les jeunes liront Nietzsche. Des kibboutznikim sont venus me voir et m'ont demandé: "Si nous lisons Nietzsche, cela fera-t-il de nous de meilleurs combattants sur le Golan?" Je leur ai répondu: "Si vous lisez Nietzsche vous trouverez un langage avec le monde qui n'a pas besoin de canons..." J'ai bien connu Ben-Gourion; j'ai beaucoup discuté avec lui. Le judaïsme, ce n'est pas de la politique. C'est bien plus que cela. Lorsque des gens viennent me voir et me demandent une définition du judaïsme, je leur réponds que jusqu'à l'avènement du sionisme, nous savions que, comme le christianisme et l'islam, il existe le judaïsme. C'est-à-dire qu'il peut y avoir un juif américain, un juif russe et que le judaïsme est une religion. Vient le sionisme et il dit: "Le judaïsme est une affiliation à une caisse de retraite, à des chansons patriotiques, à un drapeau, non plus une vie sainte mais une mort sainte. On me demande: "Que représentent les Nétourei Karta, combien êtes-vous?" Et je réponds: "La question n'est pas de savoir combien, elle est de savoir si nous avons raison ou tort. Si nous avons raison, ne serions-nous qu'un seul, et si nous avons tort, serions-nous cinq milliards". Vous savez quelle est la tragédie de Nietzsche? Bien qu'il soit à mes yeux un homme saint et juste, il est au-dessus de nos conceptions. Je n'ai pas encore rencontré une personne qui puisse dire qu'elle comprend vraiment Nietzsche. Autant Nietzsche m'émerveille, autant je suis encore loin d'être parvenu à saisir son immensité...


Avi Katzman : A qui appartient Jérusalem ?

Reb Arieh Leib Weisfish : Un jour, à la radio, on m'a posé cette question. Si la question est de savoir à qui elle appartient, alors elle n'appartient à personne. La véritable question à se poser est celle-ci: "Est-ce que moi, individu, j'appartiens à Jérusalem?". Autant il y aura d'individus, sans différence de religion, de race, de couleur, de nationalité qui répondront individuellement: "J'appartiens à Jérusalem", autant il y aura de place pour eux à Jérusalem. Quand les gens se tiennent debout, ils sont tous serrés et il n'y a pas assez de place pour chacun d'entre eux. Lorsqu'ils se prosternent, il y a de la place pour tous. Jacob, le premier qui ait pris le nom d'Israël, disait: "Je ne savais pas que cet endroit était saint". Arrive Teddy Kollek, le maire de la ville, et il dit: "Je balaie les rues de la ville, donc elle m'appartient". Jérusalem, ce n'est aucun des mots grandioses qu'on dit sur elle; c'est bon pour les journaux et les livres, pour le sensationnel. Moïse n'a pas pu entrer en Eretz-Israël et nous nous y promenons. Si les Russes et les Arabes venaient et qu'ils voulaient donner tout Israël aux juifs, nous, Nétourei Karta, nous nous y opposerions. Quel titre de propriété les autorise-t-il à donner ou à ne pas donner? Je peux vivre au Yémen ou en Allemagne, manger une olive ou du pain sec et je continuerai vingt fois par jour à prier Jérusalem. Et je peux vivre en plein Tel Aviv et ne pas faire partie d'Eretz-Israël. Israël, ce n'est pas une tranche de pain ou du riz.


Avi Katzman : De quel camp politique vous sentez-vous le plus proche ?

Reb Arieh Leib Weisfish : Pour vous dire la vérité, je suis loin de me sentir proche de moi-même. L'autocritique, avec ce qu'elle sous-entend de recherche de la perfection, est la perfection. Alors, lorsque tant d'idées et d'opinions se confondent et que vous cherchez la Voie, vous parvenez forcément à une situation sans issue, comme s'il n'existait pas de voie. Qu'est-ce que cela signifie? Que la recherche de cette voie est peut-être la meilleure des voies. La philologie de Jérusalem, c'est la crainte de la perfection qui est elle-même la voie de la perfection. Est-ce que vous comprenez ce que j'essaie de vous dire? Finalement, ce que nous disons, c'est que l'homme est un monde microcosmique. Le monde commence avec moi; pas demain ni là-bas, mais ici, maintenant et avec moi. Le judaïsme n'est pas une géographie sioniste. S'enfermer dans un ghetto avec un gouvernement polonais au Moyen-Orient ne résout aucun problème pour le peuple juif. Le judaïsme est bien plus important que ne le croient les fonctionnaires de l'appareil sioniste. Bien sûr, depuis que j'ai jeté un coup d'oeil dans le monde du savoir il m'est impossible d'être antisioniste comme il ne m'est pas possible d'être antichristique. Mais ces concepts n'évoluent pas dans ma sphère pour que je discute de leur "oui" ou de leur "non". Et si j'ai cru un jour que je savais et que les choses sont simples, je comprends mieux aujourd'hui, en vieillissant, que les choses deviennent encore plus complexes et compliquées, à tel point qu'il ne reste pas de temps à perdre pour les affaires publiques. L'éloignement permet une vision plus claire de ces questions. C'est ainsi que l'on parvient à un judaïsme plus réel, plus vivant. Je constate avec regret que la jeunesse israélienne, et plus particulièrement les étudiants, au lieu d'apprendre la connaissance, la nature, l'essence même du judaïsme et de l'homme, apprennent à connaître les boulons des tanks sur le Golan. C'est un dessèchement de l'esprit. C'est ne pas vouloir se connaître soi-même. Le judaïsme est un ensemble d'individus. Ce n'est ni un parti, ni une nationalité, ni rien d'autre. Nietzsche dit que c'est une race, la race supérieure. D'après Nietzsche, il n'existe aucun peuple qui soit destiné à vivre toujours en dehors du judaïsme. Si je possédais un amplificateur électronique universel, j'irais crier dans les universités aux étudiants qu'ils se lèvent, se saisissent de gourdins et cassent tout, tables, chaises et livres de cours. Ce qu'ont fait les Beatles, ce qu'a fait John Lennon, ce n'est encore rien à côté de ce que les jeunes doivent apprendre de l'insubordination, de ce qu'ils doivent se poser comme questions concernant leur vie.
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Source : http://www.lyber-eclat.net/lyber/weisfish.html

Commentaires

...Un rai de lumière dans "ma" nuit,que ce texte que vous nous soumettez,Nebo...
(...et les ténèbres n'ont pas interêt à m'le saisir !) ;o)
Merci pour les espèces de "clefs" que vous offrez...

Estime-ment Vôtre

Écrit par : aponi | 24/06/2007

Passionnant cet entretien avec le rabbin Reb Arieh Leib Weisfish, encore une fois Nietzsche, le grand Nietzsche, a dit qu’il ne fallait pas confondre la survie des plus aptes avec la survie des meilleurs.
Les barbares l’emportent trop souvent sur les civilisations, parce que détruire est plus facile que construire, requiert moins d’hommes, moins de technologie, moins d’effort, moins de ressources, moins d’intelligence, moins de vertu. Le rapport est de un à plusieurs milliards.

Écrit par : Ed | 25/06/2007

Vivons-nous la fin du sacré ou le retour du religieux ? La question n'en finit pas de se poser : d'un côté, les Eglises et les dogmes s'effacent au profit d'une religion «à la carte» ; de l'autre - force est de le constater - les intégrismes et autres fondamentalismes ne se sont jamais aussi bien portés. Comment se retrouver dans des tendances aussi contradictoires ?
extrait du livre "Le religieux après la religion" Luc Ferry, Marcel Gauchet

Écrit par : laufic | 25/06/2007

Luc Ferry quand il parle et écrit on peut voir à l'oeuvre la non-pensée en actes. Luc Ferry le nain : la transparence par excellence.

Écrit par : Bozo Alpha | 25/06/2007

pour répondre a bozo je suis ouvert a toute critique mais la
c'est une critique facile qui ne veut rien dire et non fondée

Écrit par : laufic | 25/06/2007

Commencez donc, Laufic, par ne plus passer par un proxy pour cacher votre IP et puis on pourra causer.

Écrit par : Michel, gardien des lieux | 25/06/2007

haa un pirate lol comme tu es le gardien des lieux tu dois avoir mon adresse mail au lieu de chercher mon adresse ip ?? c'est vrai c'est légal ton processus, mais illégal de l'utiliser alors au lieu de t'égarer dans le mauvais chemin demande moi c'est plus simple c'est plus rapide

Écrit par : laufic | 25/06/2007

Laufic, vous êtes très lourd et vous le savez. Vous jouissez de votre lourdeur.

Écrit par : Traffic | 25/06/2007

que répondre a cela ?
que veux tu dire par la, développe tes penses
de mon coté je pense n'avoir rien a me reprocher je donne mon avis et je répond comme je peux au attaques que veux tu que je fasse ? de me taire ? quand une chose me paraisse aberrante je le dis, sans utiliser la langue de bois, c'est ca que j'appelle la liberté d'expression

Écrit par : laufic | 25/06/2007

Quelques cours de français ne vous feraient pas de mal Laufic.

Écrit par : Traf | 25/06/2007

N’est-ce pas un pur sophisme d’attaquer sur ferry, sur mon ip, sur ma lourdeur, sur mon francais au lieu d’attaquer le vrai debat ?

Écrit par : laufic | 25/06/2007

Bel entretien, belle parole, que de sagesse!

Écrit par : Mot a mot | 26/06/2007

Je n'ai absolument rien compris. Se peut-il que cet homme soit fou ? Se peut-il que sa manière de tout emberlificoter soit une coquetterie ? Se peut-il que mon incompréhension trahisse une "faiblesse" intellectuelle chez moi ?

Très difficile à dire, mais je ne suis pas sûr que ce type là ne soit pas un frimeur ou un gentil fou.

ps: si quelqu'un veut bien m'expliquer ce que dit ce vieux juif, je lui en serais reconnaissant.

Écrit par : golem | 17/05/2011

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