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26/10/2007

Z'y Va ta Reum... Z'y Va ton Reup...

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=

Comme je l'ai déjà dit, pour bouffer, je suis magasinier à la Fnac. Depuis 16 ans déjà. Et y travailler est difficile, croyez-moi. Mais je me suis habitué car, vous savez, on s'habitue à tout. Je me suis habitué, mais j'ai ma Conscience bien accrochée, vive et pleine de Lumière. Je ne lutte plus comme jadis. À 42 piges je me laisse porter par les éléments et les événements. J'économise mes forces. À la Taoïste. Je fais le Chinois. Sauf que je ne parviens pas, encore, à sourire comme Lao Zi. La gueule un peu défaite et le regard sombre, je surgis chaque matin, à l'heure, dans ce gigantesque entrepôt et me dirige d'un pas nonchalant vers le Hall n°: 1 (il y en a 3) où mon devoir m'appelle.

Nous sommes quelques 800 personnes à bosser là-d'dans, dans ce cube en tôle. Plus de 1000 en saison (septembre à décembre). Essentiellement du sous-prolétariat venu des cités alentours. Des charettes de lascars. Puis des minettes habillées en pop stars, vulgaires, trois mots à leur vocabulaire, tortillant des hanches et du cul, maquillées outrageusement, ridicules, tellement laides mais assurées de leur beauté, guettant le mec avec la caisse top, un salaire, le dernier portable nec plus ultra et, si possible, vêtu de marques. Quelques personnes attachantes surnagent dans cette mélasse. Une poignée sur 1000. Autant dire pas grand monde. Mais bon... Je préfère être seul que mal accompagné. Un auteur m'accompagne toujours. C'est mon arme. Au chaud dans ma poche. Pendant le repas, à la cantine de l'entreprise, ça jacte boulot de toutes parts, football, formule 1, Star Academy, le film d'hier soir sur TF1, un peu politique et puis boulot encore. Les ouvriers avec les ouvriers. Les hiérarques avec les hiérarques. Les chefaillons avec les chefaillons. Les hiérarques et les chefaillons doivent tirer des plans sur la comète. Z'ont les dents longues, la vie est courte, faut qu'y grimpent et les échelons sont glissants. Parfois un zozio me branche : "Tu manges avec nous ?" Je le regarde sans haine aucune, même pas avec du mépris, malgré ce que le ton de ma note pourrait laisser entendre et je lui réponds : "Non... je déjeune avec Antoine... Roger... ou Georges." Et comme il pige pas je lui agite un livre de Blondin, Nimier ou Bernanos. Alors il me fout la paix et part bouffer avec sa horde. Partout ça s'tape dans la main, ça s'dandine comme des gorilles, ça s'habille comme des sacs. J'ai piqué ça à Dantec... pas pu m'en empêcher. Et moi je pousse des soupirs. Et, bien entendu, ça crache sur les USA en buvant du coca cola pendant la pause, ça écoute du rap minable ou du R'n'B médiocre. Et ça parle en verlan à tire-larigot... je vais y revenir.

En 24h00 tous les magasins de France et de Navarre se doivent d'être servis. Tâche ô combien exaltante. Votre serviteur sait de quoi il parle. N'allez pas croire que je m'éclate à lire les livres... et puis quels livres ? Les bons livres, rares, à quelques exceptions près, partent directement en magasin, ils ne passent pas par les Stocks de la Réserve déportée, service où je bosse en essayant de demeurer serein.

Rentrer des livres. Sortir des livres. Régler quelques menus problèmes informatiques. La routine. Trois employés seulement au cours de l'année, en forte saison nous passons d'un seul coup, dans notre service, à... 30... 40 employés. Boîte d'intérim et tout l'toutim. Les syndicats ? Des gôchistes mornes et délavés qui y croient dur comme fer et qui distribuent des tracts remplis de fautes d'orthographes. Pas un d'entre eux n'a lu Marx. Morosité. Grisaille.

Voilà... la France a de l'avenir. J'imagine que ça doit groover et pulser pareil dans toutes les entreprises. Des corps aux âmes brisées, emplis de sang et de merde. Ras la gueule.

L'autre matin, à moitié réveillé, je me farcis un réassort pour la Fnac forum. Mais lorsque je suis tombé sur ce qui va suivre, ma mâchoire est tombée sur le sol comme dans les dessins animés de Tex Avery. Et ça m'a réveillé comme une douche glacée.

Dans la série cultivons nos enfants, ils nous le rendront bien j'ai eu l'immense honneur de servir un livre dont je vais me rappeler longtemps. Ma Zonmé que ça s'appelle. 9€ chez Seuil Jeunesse. C'est beau, vous allez voir. Pendant que le "parler des banlieues" se propage lentement mais sûrement vers les académies, le pouvoir tutélaire qui nous tient par les couilles, estimant probablement que nous ne sommes pas assez esclaves de l'absence affligeante de mots pour dire le monde, a décidé de laisser se propager la bêtise crasse dés l'innocence du berceau.



L'émerveillement de la vie, en notre douce et anihilante démocrassouillardise c'est le ludisme de la langue pour nos bébés cadums. Mais, comme j'aime à le dire, "C'est mon Choix" et "Je le vaux bien !". C'est mon droit de rendre mon enfant débile. Autant débile que moi. Plus débile même. Il faut que le niveau de la niaiserie monte. On se comprend.

Sur Amazon.fr j'ai trouvé une présentation des auteurs. Il est bon de connaître un peu ses ennemis, n'est-ce pas ?

Vincent Malone :

"Musicien de pub formé sur les planches : trompettiste dans les églises, piano bar au « Port du Salut », guitariste avec Mouloudji, chef d’orchestre big band, compositeur-chanteur pour le groupe Odeurs, artiste Carrère puis Polydor, compositeur de musiques de films, Vincent Malone passe aujourd’hui ses journées en studio, s’amuse à inonder les radios de publicités absurdes, et tente de faire partager son plaisir à ses (nos) enfants avec le « Roi des Papas ». Il est également l’auteur au Seuil jeunesse du livre-CD Le Petit Chaperon de ta couleur (2002) et de Quand papa était petit, y avait des dinosaures (2003)."

Soledad Bravi :

"Soledad Bravi a 38 ans, elle est mariée et mère de deux filles délicieuses. Après avoir fait l'ESAG, elle travaille trois ans dans la pub avant de revenir au dessin. Depuis, elle travaille pour de nombreux magazines (Elle France, Elle Girl Corée, le Point, la Vie, Spur au Japon) ainsi que pour des journaux pour enfants (comme Picoti). Auteur de livres d'enfants dans de nombreuses maisons d’édition, elle illustre aussi beaucoup de livres pour les adolescents et de couvertures. Elle travaille tout le temps, et comme elle déteste faire la même chose et être cataloguée, elle adore changer de tranche d'âge et de supports (elle a illustré les menus du restaurant de la boutique Colette, elle s’est mise à la peinture et a aussi un projet de BD) mais tout ça uniquement après s'être occupée de ses enfants !"

Et on peut lire un commentaire d'acheteur : "ce petit livre simple reprend les principaux acteurs de la vie quotidienne d'un enfant mais les transforme gentiment grace au verlan, et là c'est une véritable partie de rire qui commence !! les personnages sont donc représentés tous la tete en bas dans de droles de positions , affublés de leur nouveau nom !! tout le monde y passe: mon iench , ma reume et meme le ronpecha gerou !! ce livre est tordant de rire , aussi bien pour les petits que pour les grands ! de plus , il est cartonné donc ne craint rien. ce livre est vraiment moderne, bien illustré, et part d'une idée simple mais à laquelle il fallait penser !!" Notez le style enthousiaste.

Sur le site de la Fnac, une vendeuse, pauvre fille, affirme avec assurance : "Avec le règne de l’orthographe et de l’ordre, voici une leçon de "verlan" pour les tous petits qui présente - avec les couleurs vives et rigolotes de Soledad - l’univers bien connu et rassurant de la maison. Pas de grands bouleversements mais juste un « effet renversant ». Très drôle a partir de 18 /24 mois." Sophie, libraire jeunesse Mesurez la portée du "Très drôle a partir de 18 /24 mois."

Un mot de l'éditeur, sur le site de la Fnac, vient conclure cette sinistre farce qui ressemble à une histoire d'horreur :

"Dans ma zonmé - ma maison en verlan - il y a ma mère, mon père, mon chien, tout mon petit monde à l'envers. Les syllabes bougent et les mots changent sur la tête."

De la poésie pure !

Je me suis toujours dit que si le Diable existait, il ne ressemblait aucunement à la bête symbolique que nous décrit Saint Jean à Patmos dans l'Apocalypse. "Que l'esprit perspicace exerce son entendement" écrivait l'apôtre préféré de Jésus.











Un collègue de travail noir guadeloupéen, catholique et admirateur de Napoléon et Louis XIV (je vous assure que ça existe) m'a dit qu'ayant évoqué le livre auprès de son épouse (une camerounaise qui a les pieds sur terre), celle-ci lui a dit : "Je suis sûre que les auteurs de ce livre ne l'offriraient pas à leurs propres enfants." On peut, en effet, se le demander.

Sinon, si vous êtes parents de p'tits choux... ou pour vos cousins, cousines, p'tits frères, p'tites soeurs, marmaille de vos amis... Noël approche ! Un p'tit geste ! Ils le valent bien !

00:00 Publié dans Lectures | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : Décadence, Ma Zonmé, Travail, Fnac, Soledad Bravi, Vincent Malone | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Commentaires

Résonances, synchronicité, bref, encore une fois, tout sauf le hasard : hier soir Nebo me parle du petit chef-d'oeuvre de Seuil Jeunesse (la chose a eu un peu de mal à passer) et cet après-midi quasi 5 heures de réunion éditoriale pour les parutions du premier trimestre 2008 des Belles Lettres et Klincksieck. Bref, Klincksieck publiera en janvier 2008 un ouvrage intitulé "Le livre et l'éditeur" écrit par Eric Vigne, créateur et directeur de la collection NRF Essais chez Gallimard. Celui-ci se pose 50 questions (puisque tel est le titre de la collection dans laquelle cet ouvrage paraîtra) sur la façon dont fonctionne aujourd'hui l'édition. Le thème central en est la "marchandisation" et quels sont les diktats auxquels se soumettent nos bons éditeurs français (oh, la règle est la même chez nos voisins, rassurez-vous !).
Bref, le but est bien sûr de vendre, vendre et vendre encore, de pénétrer la grande distribution (Auchan, Carrefour et autres lieux largement fréquentés le week-end par.... beaucoup de gens dirons-nous) et donc de ce fait atteindre un public ni cultivé, ni intellectuel, ni curieux de véritables connaissances. Ainsi nos Gallimard, Grasset et consorts se compromettent en publiant des Loana ou autres people parce qu'à Auchan ça va vendre et qu'ils ont des objectifs à tenir. Eh ouai l'édition c'est devenu ça ! Je me rappelle d'une émission sur Arte consacrée à l'édition justement et était interviewé un gros éditeur allemand qui s'occupe de Stephen King pour la langue allemande, et ce brave monsieur a déclaré sans la moindre honte "Si Goethe m'apportait aujourd'hui un manuscrit je ne le publierai pas. Nous n'atteindrions jamais les ventes de Stephen King." Si si, je vous assure, je l'ai vu et entendu ce type qui se prétend éditeur ! J'ai eu un peu de mal à croire ce que j'entendais mais j'avais bien entendu !
Y'en a encore qui vont me prendre pour une sale "réac", vieille France mais je suis désolée, pour moi la vocation de l'éditeur est tout de même avant tout de publier des textes de qualités, des textes rares, , pas de fabriquer à la chaine du tout et du n'importe quoi pour amasser un max de pognon. Je suis profondément triste que l'édition soit aujourd'hui noyée dans tout ce flot économique, qu'il existe de mégas lobbies, usines à gaz qui crachent tout de même, ne erait-ce que pour les rentrées littéraires, pas loin de 1000 livres et qui en dehors de cette fameuse "rentrée littéraire", terme qui commence aussi à me courir, dégueule tout un tas de livres inintéressants qui ne participent finalement à tout ce génocide culturel ambiant qui me fait vômir.
Alors quand Seuil édite une aberration pareille je suis partagée entre : 1) fondre en larmes 2) foncer dans le tas
Finalement, je n'ai pas 3 ou 4000 euros par mois mais je suis bienheureuse de travailler pour un petit éditeur indépendant (ne dépendant que de ce plus gros éditeur Les Belles Lettres) parce qu'au moins, et même si nos meilleures ventes ne dépasseront pas 2000 ex pour un titre, on peut encore décider de ce qu'on publiera et surtout, on pourra se regarder le matin dans la glace sans avoir de problème de conscience professionnelle.

A bon éditeur,

Salut !

Écrit par : irina | 26/10/2007

Pour info, voici l'argumentaire du livre de Vigne :

"Comment l’édition est-elle passée du cycle de la commercialisation, dont la caractéristique est que, toujours, la pensée dictait son tempo au livre –à son écriture, son impression, sa parution–, à celui de la marchandisation, triomphe universel des valeurs du monde de la communication, qui a commencé le jour où l’éditeur a accepté que ce soit l’aval (les circuits de médiation) qui dicte formats, contenus, voire écriture même?

Dans ce livre –qui n’est pas un ènième ouvrage nostalgique sur l’édition, ni des mémoires–, Éric Vigne, après avoir mesuré les conséquences de ce bouleversement du monde de l’écrit sur la fiction, les ouvrages de sciences humaines et l’essai, tente de comprendre cette tendance à partir des pratiques de l’éditeur. Il constate la réorganisation de chaque circuit de médiation (presse, médias, distribution) autour du mythe de la « nouvelle modernité » qui sacrifie tout à la vitesse au nom de l’instant présent.

Il fait le pari que cette « grande transformation » n’est ni naturelle historiquement, ni inéluctable et qu’il existe des marges de manœuvres, esquissées ici, qui permettront à l’éditeur de continuer, avec des ouvrages exigeants, de faire son commerce des idées."

Re-info : 15 € ; petit investissement qui vaut le coup je pense
Dispo en librairie dès le 15 février 2008

Écrit par : irina | 26/10/2007

Affligeant, Nebo, affligeant. Vous devez en voir passer des choses de ce type à votre travail.

Écrit par : Henri | 26/10/2007

finalement, on se rend compte que tout part vraiment bien et de plus en plus en couille..si je vous parle de l'hôpital qui veut qu'on parle du client et plus du patient (patio:souffrir) dernière nouveauté! vous seriez horrifiés. Moi, j'ai décidé de me barrer de tout cela, et de servir l'humain autrement...encore quelques mois de patience!
amitiés à tous les 2(4 même) :-)

Écrit par : astrale | 28/10/2007

Petite info rassurante : il y a "des gens" dans la distribution qui font un peu le tri parmi les nouveautés proposées par les éditeurs et qui déterminent dans quelle proportion ils les prendront et comment elles seront exposées en magasin. La sélection peut un minimum se faire à cet échelon. Bien à vous.

Écrit par : Ezrah | 29/10/2007

Après l'Histoire, les conneries continuent.

Écrit par : Camuray | 09/12/2007

Vous exagérez.

Écrit par : Anne | 30/03/2008

Je n'ai pas lu tous les commentaires notez bien, juste votre ( riche et complexe) présentation. Je comprends votre point de vue et pourtant je trouve ce livre marrant moi. Bien utilisé lorsque les enfants connaissent la bonne orthographe d'un mot cela permet de ... rire ... un truc si rare même à l'école. Un truc qui fait du bien ... Je ne parle pas du rire de bétise que vous citez dans votre présentation, et encore que je ne suis pas si sure qu'il soit si idiot ... au fond ... Je parle du rire libérateur, du rire d'un enfant qui peut être intelligent, bosseur, curieux ET avoir envie de rire, de se décharger du poids de sérieux qu'on lui colle tout petit sur les épaules. Le rire qui empêche les cauchemars, puis les ulcères et les tristes mines, le mépris ou la suffisance, le rire léger qui permet de vivre sans trop d'amertume ... vous voyez???

Écrit par : nicolas | 11/11/2012

°°°000°°°Soupir°°°000°°°

Écrit par : Nebo | 11/11/2012

Les commentaires sont fermés.