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09/06/2008

La Glèbe en nous...

=--=Publié dans la Catégorie "Humeurs Littéraires"=--=

L’Homme ne serait-il réduit qu’à n’être qu’une statistique, un chiffre binaire codé dans la Matrice qui l’a chié ?

« Les droits de l’homme ne nous feront pas bénir le capitalisme. Et il faut beaucoup d’innocence, ou de rouerie, à une philosophie de la communication qui prétend restaurer la société des amis ou même des sages en formant une opinion universelle comme « consensus » capable de moraliser les nations, les États et le marché. Les droits de l’homme ne disent rien sur les modes d’existence immanents de l’homme pourvu de droits. Et la honte d’être un homme, nous ne l’éprouvons pas seulement dans les situations extrêmes décrites par Primo Levi, mais dans des conditions insignifiantes, devant la bassesse et la vulgarité d’existence qui hantent les démocraties, devant la propagation de ces modes d’existence et de pensée-pour-le-marché, devant les valeurs, les idéaux et les opinions de notre époque. L’ignominie des possibilités de vie qui nous sont offertes apparaît du dedans. Nous ne nous sentons pas hors de notre époque, au contraire nous ne cessons de passer avec elles des compromis honteux. Ce sentiment de honte est un des plus puissants motifs de la philosophie. Nous ne sommes pas responsables des victimes, mais devant les victimes. Et il n’y a pas d’autre moyen que de faire l’animal (grogner, fouir, ricaner, se convulser) pour échapper à l’ignoble : la pensée même est parfois plus proche d’un animal qui meurt que d’un homme vivant, même démocrate. »
G. Deleuze, F. Guatari, Qu’est-ce que la philosophie ?

C’est l’enfer sur terre. « Tout ce qui est en haut est en bas. Tout ce qui est en bas est en haut. » dit la sapience des alchimistes. Et l’Enfer, ici-bas, est bien implanté : Ignorance revendiquée, répétition programmée, lourdeur inconsciente, esclavagisme du corps soumis au puritanisme ou à la jouissance orgiaque (ce qui est la même chose), mensonge généralisé, absence de sortie (« s’il y avait une sortie, je l’aurais trouvée » disait espièglement Emile Michel Cioran). Quelques issues secrètes ici et là, données aux pèlerins seuls, issues pleines de promesses paradisiaques. Car c’est un voyage que peu assument. Un souffle intérieur qui vient gonfler la voile et même immobile, le monde dans son intégralité vient tourner autour de nous, yeux clos et souriants, regard pur et attentif. Pleinement Homme, l’espace d’un brin d’éternité. Printemps ensoleillé dont nous voudrions faire passer la lumière à travers les murs de la Citadelle grise et sanglante de ces hommes binaires qui ont oublié leur glèbe en eux.

10:58 Publié dans Humeurs Littéraires | Lien permanent | Commentaires (3) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Commentaires

Oui. Et pourtant...
Le sentiment de "honte" né du compromis avec une époque ig-noble comme "un des plus puissants motifs de la philosophie" ? Motif, peut-être; mobile c'est encore moins sûr... car enfin, pour ce qui est de la philosophie, sans doute faut-il dans le même temps tenir le monde pour au moins assez bel et bon qu'e cela dispose à le penser : sur la honte et le dégoût (passions tristes, passions tristes) seuls, peu de choses peut sans doute croître.
Pour comprendre, il faut aimer un peu et en quelque façon, non ?

(Sur les droits de l'homme... les propos de Deleuze et Guattari que je n'avais plus en tête font résonner ceux-là qui sont plus proches et qui me semblent également fort justes : les droits de l'homme "... ne font ni une politique, ni une philosophie. Ils énoncent plutôt un degré zéro de politique et de philosophie" affirmait J.L. Nancy dans un article du Monde il y a maintenant quelques années...)

Écrit par : Albertine | 09/06/2008

Il y a quelque chose qui me gêne chez Deleuze...c'est qu'il est pas assez subversif pour se trouver loin des mains de BHL, qui arrive à s'en réclamer.

Écrit par : Spendius | 09/06/2008

On peut dire par contre que la philosophie de Deleuze, c'est la maladie de ce siècle transformée en élixir puissant. Quelles voluptés apportées par la lecture de ses pages! Quel absurde, mais réjouissant personnage!

Écrit par : Spendius | 09/06/2008

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