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01/09/2008

Clair et Obscur

=--=Publié dans la Catégorie "Humeurs Littéraires"=--=

En 1988 dans une « fiche bibliographique » publiée par le Magazine littéraire, Gilles Deleuze décrivait ses « signes particuliers » comme suit :
« Voyage peu, n’a jamais adhéré au parti communiste, n’a jamais été phénoménologue ni heideggérien, n’a pas renoncé à Marx, n’a pas répudié Mai 68 ».
Car si c’est bien la face sombre de Mai 68 qui a traversé, a posteriori le temps, si c’est la chienlit qui s’est emparée des rennes de l’Histoire de ce pays, et du monde occidental en général (tout ce qui a émergé de la « contre-culture » de la fin des années 60 de Bohn à Berkeley, de Prague à Londres en passant par Paris), si anéantissant des hiérarchies qui, dans certains cas, étaient bien poussiéreuses mai 68 n’a pas été capable, étouffé dans son œuf, d’accoucher de sens, de hiérarchiser des perspectives nouvelles, il n’en demeure pas moins que cet événement eut aussi un côté solaire et lumineux, un champ des possibles. Ce fut, aussi, un éclatement dionysiaque de la réalité, une expérience de l’immédiateté, une suspension de la grisaille en cours, la création — certes ratée — de situations dans la ville éventrée, renversée, ouverte comme une femme aux cuisses saillantes, offerte. Bras d’honneur à la police, pied de nez à la bêtise tranquille. C’était encore possible, il n’y avait pas autant de racailles que de nos jours. C’est une sottise sans nom qu’ont certains de dire que les émeutes récentes des banlieues leur laissent l’espoir d’un nouveau Mai 68, quarante ans après, car je doute fort que nos défoncés au mauvais shit des quartiers prennent soudain la peine de s’embarquer dans des discussions à n’en plus finir, des débats outranciers, des confrontations idéologiques, des postulats exacerbés, des insultes rieuses, des exaltations sensuelles, paresseuses et luxuriantes. Car Mai 68 a eu, aussi, ses fulgurances de droite : ironie, désinvolture, insolence. Quelque chose que les personnages ni de Déon, ni de Blondin ou Nimier n’auraient rejeté. Une manière d’insulter l’ordre et le ciel que Céline aurait approuvé. Une acidité dans le style digne de Retz via Debord. Oui. Il y a eu, aussi, de ça, on l’oublie un peu vite.

17:00 Publié dans Humeurs Littéraires | Lien permanent | Commentaires (14) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Commentaires

Ah, voui voui, il existe un 68 différent des rhétoriques lourdingues qui l’ont accaparé et des insipides mais pécuniairement truculentes récupérations qui ont fait de ce bref moment une rente à vie pour certaines serpillères.

Je prendrais d’abord le témoignage de mon père, anar de droite, bon copain d’Audiard de Blondin de Yanne et de Carmet - sa « famille » ( dire qu’il commence à se sentir seul serait un suave euphémisme). Noms qui n'apparaissent pas pour le douteux plaisir de snobiner velu mais plutôt pour situer mon vénéré, vu que les étiquettes politiques, j'ai beau bidouillé, macache nada. Alors qu'avec les bonshommes énoncés supra, je crois que c’est net. Donc, père me racontait qu’il avait certes entendu en 68 certaines conneries de ahute graisse à épater l’oreille humaine, tel que : « ya plus de Belmondo, plus de Delon, terminé les stars. Au théâtre, chaque soir le premier rôle sera joué par un type différent. Fini le vedettariat !» (authentique -évidemment le barbu de service ne semblait pas se rendre compte que ce gros faf de public choisirait de zieuter à mirettes que veux tu SON acteur... -et donc de PAYER, pour lui, pas pour la doublure)
Mais, mais mais -j’entends encore sa voix de basse virile et altière - pourtant il y eut une avérée utilité à 68 : "il était une fois,, dans les queux de l'époque par exemple, un fonctionnaire qui passait en glapissant secos "drrrroitttte la queux, tout le monde bien droit les uns derrière les autres. EN FILE !!!» - afin de montrer clairement à ces larves de non fonctionnaire qui était le patron, cequi était bien la seule raison de ces beuglements d'adjudants mal démobilisés vu que les lambdas de l’époque ne se conduisaient pas franchement comme une horde de bambins nourri à la 8.6. Bréfi, bréfa, tout micro-chef de l’époque se conduisait comme flic mal luné. Tous les loquedus titulaire d'un micron de pouvoir jouait les sous, sous sous de Gaulle (tels qu'ils de l'iamginaient les bonsveaux geulards). 68 a brisé cette morgue assaisonnées d’une cuistrerie inconcevable aujourd’hui » (Mon papa,oeuvres oratoires complètes vol.XXV).

Autre témoignage, qu’on taillera plus court : mon prof de philo qui nous disait n’être jamais rentré dans la couillonades politique s'était par contre rudemment éclaté: « quand on a pris l’Odéon (le théâtre donc), c’était merveilleux. Tout le monde s’est déguisé avec les costumes ; des Jules Césars discutaient avec des Hernani, des Sganarelles draguaient des Iphigénies. Carnaval ! Et ça baisait... Houlà!"
cette dimension qui à mon humble avis à dû être primordiale pour beaucoup -et mon prof soutient qu’effectivement, si quasiment tous bonissait le jargon attendu et passe partout, jargon indispensable pour faire basculer la charmante et ne pas passer pour une crapule stalinienne et un nervi du pouvoir, peu nombreux étaient les vrais zélotes. Ce qui explique d’ailleurs pourquoi aucune force politique -hormis les socialo qui ont reconverti à tour de bras du Mao et du trotskard -n’est sorti de là. Petite idée perso : cette ambiance de fête -que l’homo festivus de Murray tente désespérément de retrouver sous les oripeaux du vide -nous a peut être évité ce sérieux mortel (c’est le cas de le dire) qui provoquât en Italie et Allemagne les brigades rouges et autres fraction armée de même couleur. -Cf Baader et assassins.

Bon, le côté obscure de la force est pas mal quand même : règne d’une linguistique-sémiotique qui a flingué les études littéraires et se répand désormais dans les manuels comme un bran liquoreux, marxisme de pacotille pour grand bourgeois en goguette et, suprême de casse -couilleries sauce emmerdes : naissance d’un flicage de la pensée et de cette exquise obligation faite à tout prof écrivain chanteur journaliste et autres chéris des médias de s’afficher à gauche faute de passer pour un affreux patenté et d’y laisser du gras de larfeuille.

Écrit par : Restif | 01/09/2008

Ah Restif... voila une suite de témoignages fort sympathiques... et laisse-moi te dire que ton pater connaissait du beau monde. Carmet... entre autre... non de dieu ! C'est d'la fréquentation dorée ça... qui envoie direct dans les écoutilles. Il paraît que c'était encore un catholique le Carmet qui aurait pu finir prêtre... comme quoi l'Esprit Saint mène vraiment à tout.

Le côté obscur de la force nous a laminé la cervelle et le corps à un tel point qu'il n'est plus possible de penser et de baiser comme Rabelais ou Montaigne... et pourtant, en matière de Liberté, ces deux-là n'auraient pas de leçons à recevoir ni d'un José Bovidé... ni d'un bisounours Besancenot...

Écrit par : Nebo | 01/09/2008

C'est vrai qu'il a eu de la chance. Comme la vie est souvent bêbête, il fallait des tournages (pas de chefs d'oeuvres impérissables...qu'importe) ou qql bizz emsembles pour qu'ils se retrouvent. Sur 40 ans de carrière ça laisse quand même des occases. Il à entren autre deux lettres de Carmet (je lui demanderai pour la foi) et de Yann pas piqué des vers. Un jour j'espère te compter une anecdote assez savoureuse avec Yann.

En tous cas ces types qui avaient de la tripe et qui aimaient surtout se marrer sans jouer les consciences n'appréciaient, parait-il, pas beaucoup l'inquisition que nous évoquons ici (évidemment!)
Besancenot, Bovet... bordel -mais comment de tels guignols ont ils pu s'installer dans notre quotidien média? Enfin, avec le net nous avons nos samidzats! rigolons, apprécions un bon vin, la douce peau des dames et les gens qui font plaisir à vivre.

Écrit par : Restif | 02/09/2008

Ah ! après la verve audiardienne et chaloupée de sieur Restif (ses souvenirs nettoient l'esgourde et désambuent la rétine, assurément), je crois que la conclusion dudit gentilhomme est autrement plus charnelle et vraie de vraie que toutes les injonctions hédonistes : "rigolons, apprécions un bon vin, la douce peau des dames et les gens qui font plaisir à vivre." Que dire de plus, franchement !?

Bien à vous, messires Nebo & Restif

Écrit par : Comte de Clairanval | 04/09/2008

Très aimable Comte, me semble que vous aimez aussi à tanguer de la syllabe et trémousser du verbe, c’est plaisant -ce qui n’empêche nullement de papoter tout simple. Le Grand Cric nous garde de se sentir peser derrière l’épaule le regard pléiade de mère littérature.
En tous cas merci de vos vitamines.

Écrit par : Restif | 04/09/2008

J'entre dans une tristesse infinie quand je pense que je n'ai pas vécu ces temps...C'était le paradis des anars, de droite comme bourgeois de Mai 68, avec Sartre et tout. La physique et la science moderne perçaient les secrets de l'univers, Feynman vivait encore, les esprits dansaient...Là, on meurt étouffés, et essouflés. Rhha...

Écrit par : Spendius | 07/09/2008

Mais pensez, malheureux, que vous eussiez manqué Lapinos!
(Lequel m'a bien fait rigoler en enrolant Allais dans son panthéon, Allais qui était athée comme c'est pas permis. Et de plus, assez homme de science, puisque l'ancien potard travaillât avec Charles Cros -authentique savant qui découvrit notamment la photographie des couleurs et le bien connu phonographe, Cros pour qui "la totalité du savoir humain peut être transmis par des séries symétriques binaires" -1883!- qu'il travaillât disais-je à la synthèse de diamants artificiels et à la production tout autant artificielle d'améthyste. C'était d'ailleurs son meilleur ami. Allais eut aussi une grande correspondance avec Henri Moissan (prix nobel pour ses recherches sur le fluor) qui prenait Allais tout à fait au sérieux. Car le grand Alphonse ne cessat jamais de se tenir extrêmement au courant -cf la monumentale biographie de Caradec.
Je vous laisse à penser de quel poids il eu jugé un ignorant en ces matières qui de plus le christianiserait...
Mais quand vous n'êtes pas là, je fuis (jusqu'où sur Ilys y "l"on me rattrappe d'ailleurs...)
See you.

Écrit par : Restif | 09/09/2008

Le lapinos est une bonne cible à insultes! Ca défoule!

Mais le véritable blog ces derniers temps, qui m'a époustouflé, et surclasse tout les autres au rang de nain, c'est celui-ci:

http://www.schizodoxe.com/

Géant.

Écrit par : Spendius | 09/09/2008

Ah oui, le blog est intéressant. Et bien écrit. Résolument superbe le texte de Lawrence. On pourrait d'ailleurs faire un rapprochement avec Bartleby qui serait alors symbole de l'aphasie de la parole blanche, dernier homme condamné au refus même de l'action, du langage et de la pensée même comme action. (Au cas où vous n'auriez pas lu Bartleby,ça fait à peine 20 pages et c'est prodigieux. Mais vous devez connaître spendy).
Sur Moby Dick, on a écrit des tonnes de décryptages symboliques. Faut dire que le bouquin s'y prête. Mais à part quelques rareshypothèses, on a pas encore de certitudes (un peu comme pour le Quichotte,mais je trouve ce dernier plus clair question hermetisme). Tiens, je viens de penser au travail qu'on pourrait faire sur la conception de la langue telle qu'incarnant une patrie et un exil, la conception de la demeure telle qu'on la trouve dans l'extrait d'Holderlin donné par Nebo (quel traducteur -Guerne ou Jacottet?) et Bartleby. On pourrait faire un truc assez marrant là dessus. Pour peu qu'on y rajoute Heiddy,ça devient tout à fait batifolant. Par contre, faudrait eviter le jargon et à première vue c'est pas évident. Thème : "L'exil du langage" (avec de quoi jouer du symbolique sur le double sens!) vous trouvez pas que ça fait très "culture, garez-vous les ploucs"? Non,sérieusement, c'est tentant. Langage : exil de la pensée dans une forme. Négation de la fusion. Naissance de la conscience exprimée donc de la douleur psychologique et spirituelle2) exil de l'Autre,le langage me séparant. 3) La langue, cordon ombilical de l'Etre?!Bon, si ça amuse quelqu'un de continuer...(mais attention, le thème est déposé.grrrr. Plus que 3 autres et à moi Corti! 1 ère édition Incarnation nebojsa ciric)

en finissant ce com je remarque qu'Holderlin et Barleby ont une fin très proche...je n'en dis pas plus, il reste de quoi surprendre le lecteur.Me demande quand même si Melville -qui était lui même sur la piste de l'extinction complète - y a songé...

Écrit par : Restif | 09/09/2008

Votre savoir est sans limites, Restif! Mais faites gaffe, Schizodoxe, c'est plus nerd, moins réac. Plus dans mon genre, donc. Mais ça ne l'empêche pas d'être très ami avec des types comme Polydamas, grand et talentueux réac. Schizodoxe a tout pour plaire, déjà j'envie son pseudo, mais plus encore, le type est bon, très bon. Mais en littéraire, je le soupçonne d'être plus siècle des Lumières (Piron, Voltaire, Saint-Aimant, etc) - SF aussi, bien sûr.

Hey, demain, la fin du Monde hein! J'en ai parlé à une fille, juste après j'ai ajouter "on devrait donc faire une folie avant de mourir, toi et moi"...là votre, Restif? Nebo?

Écrit par : Spendius | 09/09/2008

(Je suis désolé, mais j'arrive pas à suivre votre pensée littéraire, Restif)

Écrit par : Spendius | 09/09/2008

Demain ? La fin du monde ? Pas de folie, en ce qui me concerne... recueillement... méditation... prière.

Écrit par : Nebo | 09/09/2008

Ma "pensée" n'est qu'un amusement : à partir du moment où Lawrence voit dans Moby Dick la fin de l'homme blanc, pourquoi ne pas voir dans Barleby du même Melville la fin de la parole blanche s'enfonçant dans l'aphasie? Et comme Holderlin a fini plus ou moins aphasique, j'opérais un rapprochement fort aventureux entre Holderlin et le dit Bartleby. Rien de sérieux, vraiment.

Pour la fin du monde, tout dépend de sa nature : 1) brûlure atomique, je hurle comme un porc.2) Egorgement, j'essaye d'en raconter une bien bonne à mes égorgeurs dans l'espoir que...
3)J'épouse Lapinos au grand étonnement de ma femme.
non, finalement je crois que je prendrais la solution Nebo...

Écrit par : Restif | 10/09/2008

Moi, j'essairais quand même ma folie avec la fille. Malheureusement, on est toujours en vie, fais chier...

Écrit par : Spendius | 10/09/2008

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