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07/03/2009

Gran Torino - II

=--=Publié dans la Catégorie "PARENTHÈSE"=--=

Je songe à "Gran Torino", le dernier film de Clint Eastwood qui outre la grande maîtrise de son sujet est un hommage de grande classe à son maître John Ford et un film très catholique sur le sens du pardon, de l'ouverture à l'autre, et du sacrifice pour le bien de la communauté. Non content de le réaliser, Monsieur Clint Eastwood y campe un personnage en acier trempé dans le politiquement incorrect du début à la fin du film quand il a cette tirade testamentaire à propos de sa Gran Torino qu'il désire léguer à un jeune asiatique, véritable bras d'honneur, par-delà sa tombe à un monde sans repères moraux où la permissivité est telle qu'on en est arrivé à ne plus oser nommer les choses. Mais Monsieur Clint Eastwood les nomme, sans prendre de gants, en homme libre.

Durant tout le film on a l'impression d'être face à une sorte d'inspecteur Harry vieux et aigri, grossier, fumeur et buveur, irrespectueux vis-à-vis d'un prêtre dont il pourrait être le grand-père, qui chique et crache comme il respire. Le réac' libertarien dans toute sa splendeur. Sauf que le personnage qu'interprète monsieur Eastwood est un ancien ouvrier de chez Ford Motor Company (et je prends ça pour un clin d'oeil direct à John Ford) qui s'est customisé sa propre Gran Torino (une voiture bien américaine de bout en bout) dans son âge mur, en 1972 ! La Gran Torino, symbole du rêve américain, imaginé, inventé et réalisé par des américains n'est plus qu'une antiquité que tout le monde dans le film désire, comme la poussière d'une époque dorée où des valeurs communautaires, familiales prévalaient encore et faisaient tenir le monde. A présent les voitures sont japonaises, les voisins sont asiatiques, les jeunes blancs s'habillent comme les noirs et voudraient les considérer comme des frères tandis que ces derniers s'en fouttent - la scène relative à ces derniers propos que je viens d'écrire est très forte -, les gangs sont ethniques et toutes les maisons de ce qui fut jadis une résidence de la classe moyenne blanche sont occupées par des pauvres ou des étrangers et tombent en ruine. Kowalsky, c'est le nom du personnage qu'interprète Monsieur Clint, est raciste, sur ses gardes vis-à-vis de tout le monde mais il va très vite se rapprocher de ses voisins asiatiques, d'abord parce qu'il est seul (le film s'ouvre sur son épouse morte à l'église) mais surtout parce qu'il va réaliser que ces honnêtes asiatiques incarnent bien plus les valeurs traditionnelles auxquelles il croit que les membres de sa famille qui n'attendent qu'une seule chose : qu'il parte en maison de retraite pour crever afin qu'ils puissent hériter de sa maison... et de sa Gran Torino.

 

La maison de Kowalsky, seule maison potable du quartier, propre, rangée et arrangée comme il se doit, par les mains d'un ouvrier qui a fait la guerre de Corée, dont l'âme souffre de certaines choses qu'il y a commis, mais qui a travaillé honnêtement toute sa vie en tenant debout droit dans ses pompes, cette maison est la seule au milieu de la désolation à y arborer quotidiennement le drapeau américain. La bannière étoilée prend, ici, une signification de résistance face à la décrépitude et au laisser-aller général. Normalement, ça devrait en faire chier plus d'un dans notre joli pays où l'anti-américanisme le plus primaire s'est développé ces derniers temps, de la Gôche la plus crétine à la Drouâte la plus passéiste. Du coup les critiques bobos ont trouvé la parade pour encenser le film : c'est un hymne à la tolérance, bien-sûr, à l'ouverture à l'autre, évidemment. Ils se refusent à décrypter les agencements, les passerelles entre la culture de Kowalsky (américain d'origine polonaise) et celle de ses voisins (d'origine Hmong) et un universalisme qui transcende de loin leurs petites certitudes socio-politiques aux contours polis, sans relief ni aspérités. L'Amérique s'est construite sur l'immigration et jusqu'à présent ça lui a plutôt réussi. Je ne suis pas un spécialiste des projections géo-stratégiques futuristes et ne suis pas en mesure de préciser si ça le sera encore à l'avenir. Mais la mondialisation tend à y importer, aussi, son lot de difficultés et d'inadaptations que les Gôchistes voudraient taire pour s'assurer que leur rêve d'aplanissement général se poursuit selon leur code éthique, tandis que quelques Drouâtards bien arrêtés également dans leurs certitudes racialistes voudraient régler avec du muscle en guise de cerveau et sans état d'âme. Kowalsky, probablement, au début du film est de ces derniers : intransigeant, patriote et d'une sévérité sans mesure. Cependant, à la fin du film il est toujours intransigeant, patriote et sévère, ce que ne semblent pas avoir relevé nos criticailleurs qui se croient pertinents. Les Valeurs que respecte Kowalsky sont les mêmes du début à la fin, il a juste réalisé que la barrière raciale peut se trouver franchie par... des valeurs communes. Et c'est cette mesure qu'il n'avait pas au début qu'il a trouvé, me semble-t-il, à la fin.

La surprenante fin du film par-delà sa leçon très forte d'humanité et de sacrifice indique que si les valeurs qu'incarne la Gran Torino s'héritent, surtout et avant tout elles se méritent ! Et lorsqu'on en hérite on n'est pas sensé en faire n'importe quoi :

"Je voudrais léguer ma Gran Torino 1972 à mon ami Tao Van Lor à la condition que tu ne coupes pas le toit comme le font ces sales tacos, que tu ne peignes pas dessus des flammes débiles comme le font un tas de pecnos de tarés blancs et que tu ne mettes pas un aileron de pédé sur le coffre arrière comme on en voit sur toutes les voitures de bridés, c'est absolument horrible, si tu arrives à t'abstenir de ces conneries là elle est à toi."

 

01:19 Publié dans Parenthèse | Lien permanent | Commentaires (12) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Commentaires

Une critique pas politiquement correct, ça donne envie d'aller voir ce film en tout cas. Ne change pas Nebo! Je me demandai juste si ta critique aurait été accepté par un journal ces temps -ci et je n'arrive pas à trouver lequel, et ça pose un probléme. Bonne continuation.

Écrit par : lafouine | 07/03/2009

Ah bien voilà qui devrait peut être faire changer d'avis Restif que j'ai trouvé un peu rapide dans sa déclaration "d'autodafé" sur Ilys.
(Restif, tu devrais me lire, tu passes souvent... je n'ai rien dit sur ilys parce que bon ce bon Denis ne garantissait pas à mon avis un échange valable, tu vois ce que je veux dire...)

J'irai voir ce film demain Nebo, merci.

PS: Amusant la vision des immigrés asiatiques... Enfin amusant, ça me rappelle certaines choses dans mon collège au fond. pas pour des raisons racialistes (laissons cela à Denis) mais bien plutôt culturelles en effet. Leur cadre culturel d'origine n'a pas volé en éclat, pas encore du moins. Or justement les immigrés d'origine maghrébine c'ets tout autre chose bien souvent, les barbus même ne sont que des rois nus. (il ne leur reste qu'un misérable noyau coranique je crois, comme si leur culture d'origine n'était que cela! c'est peut être une chose que XP ne considère guère quand il réduit tout à l'appartenance à la catégorie à babouche ou pas...)

Écrit par : tanguy | 07/03/2009

Comment? Restif n'a pas aimé "Gran Torino"?? !! Faut qu'il nous explique.

Belle analyse Nebo. Bon, elle tombe sous le sens,mais il est plaisant de voir des films comme celui-là.

Écrit par : Philoxène | 08/03/2009

Nebo, je te félicite pour ton beau commentaire tout en nuance et sans fioritures. C'est un bon style pour se rendre clair et vraiment efficace. Keep on rockin'

Écrit par : jc | 08/03/2009

Rien dit sur Gran Torino que je n'ai pas vu pour cause de biberonneur exigeant. Ai simplement brâmé le temps d'un com contre le nombre exorbitant de portrait de "vieux fafs racisto durs de la couenne mais aux coeurs bons" que les médias nons font ingurgiter. Ca commençait déjà avec Michel Simon qui découvrait quelle intime ordure bien puante vérolée il était façe au jeune rejeton mosaïque lumineux dans Le vieil homme et la mer, Philippe Clay a joué le vieux salaud de service qui reçoit le visite de son jeune voisin juif et oh miracle! la rédemption éclate en ce coeur vychissois (larmes) et Gran torino est loin d'être le premier film ou le basané au coeur racorni voit la jouvence de l'abbé Licra lui redonner ses bonnes joues rouges de pensée citoyenne. Ce genre de vaseline à godes sentimentaux m'emmerdent. Point
Donc question de MEDIA pas d'Estawood DU TOUT (Tang c'es la deuxièmefois que je t'explique, attentions ou je préviens Denis !!!)

Écrit par : Restif | 09/03/2009

Restif, cher compagnon des méandres de la toile... voici une bonne lecture du film via "Valeurs Actuelles" qui indique bien le sens... je l'ai trouvé grâce au nommé "KIKI" dans des commentaires chez l'ami Tang :

http://www.valeursactuelles.com/public/valeurs-actuelles/html/fr/articles.php?article_id=4203

Écrit par : Nebo | 10/03/2009

Salut tous les deux!
Bon quand même Restif, le commentaire en question datait d'avant ton explication. Et puis bon Denis là, je n'ai moi même plus envie de l'enquiquiner.
J'aime m'avilir mais raisonnablement si j'ose dire. Et puis, par d'obscurs chemins cet exercice de cruauté mesquine devait avoir sa raison d'être. Pas sûr que le bonhomme ne comprenne autre chose que l'épreuve de force, par exemple.

Enfin oublions cela... J'ai un mail en souffrance, on pourra en reparler.

Écrit par : tanguy | 10/03/2009

Tanguy, mon bien cher fils, Dieu tire le bien du mal et de cette confusion (sans doute dûe à ma plume par trop entortillée, mais si, mais si - qu'il est doux de s'accuser dans les petites choses pour mieux se pardonner dans les grandes!) de cette confusion m'est venu un mot charmant de Nebo, ce précieux arpenteur des filets (net) dérivants... Mais je n'ai pas voulu lire tout l'article (que je garde sous le coude) car il me semble qu'on y dévoile trop de chose. Or malgré mon pilier de couffin qui sait mener son monde, sur la question "occupez-vous-de-moi-MAINTENANT!! Père indigne! Mère coupable" (et pas que pour la bouffe, le vibrajoula! *) malgré cette inestimable tâche je ne désespère pas de voir le dernier né du Big Clint, car j'aime ce sacré grand bonhomme. Des films comme Honky tonk Man ou Bird sont des merveilles, et je m'amuse de voir les "Doux, durs et dingues" et autres comédies grassouilletes et extrêmement populaires (tant mieux!) figurer dans la même filmo. Ca c'est être véritablement original, subversif même (ah la critique française qui le traita 20 ans de facho pour dirty Harry et qui maitenant se ruine en kiné à force de courbettes. Quel régal !)
* Vibrajoula : en Russe se dit - gentiment - de celui qui aime à se faire voir, qui se trouve plutôt beau et veut qu'on s'en aperçoive en l'admirant. Ca n'a pas nos connotations de "vanité" mesquine, non, c'est en partie du vocabulaire enfantin mais possible pour un adulte, et c'est l'aspect "défaut charmant" qu'il peint. Je ne sais si le Serbe à cete notion ou ce mot?

Écrit par : Restif | 10/03/2009

Gaffe Restif: je viens d'avoir mon 1er cheveu blanc (mazeltov comme n dit chez nous!), ca ne va pas te rajeunir de m'adopter!
Bon moi je n'ai rien d'un vibrajoula, cela va de soi et encore mieux en le disant...
Je n'ai pas vu "Honkey tonk man" ni "Bird", honte à moi! Marrant ce que tu dis sur la critique frenchy, je faisais remarquer à un ami (fred) que Clint réalisateur faisait méchamment consensus depuis quelques temps. Comme s'ils avaient quelque chose à se reprocher.. (remarque impitoyable déjà il me semble qu'il avait été pas trop mal accueilli, non?)

PS: Tain c'est délirant quand je tape pour mettre mon pseudo il me marque "Millie" si je fous un "M" pus son adresse mail et son site avec la casse automatique de firefox?

Pas la première fois qu'Incarnation flirte avec le malin Nebo! ;)

Écrit par : tanguy | 10/03/2009

Peuh ! Incarnation a flirté bien des fois avec le malin... mais pas que...

Millie ! Sors de ce corps !

"Vibrajoula"... non Restif, ce mot n'existe pas en serbe... je ne saurais dire s'il a un équivalent en serbe. Demandrai à ma môman.

Écrit par : Nebo | 11/03/2009

De ce single-core dirons nous!
Dame si elle sortait de ce corps, en tenue d'Eve fatale... Ah misère!
(Si vous passez Millie je plaisante gentiment, je suis un gentleman, c'est d'ailleurs mon drame...)

En tout cas Nebo ce n'est pas la première fois qu'il se passe ici de bien étranges choses... Le malin n'est suûrement pas venu seul... Il y a comme un odeur de Shogoth et l'on sent planer l'ombre du Chaos-rampant!

F'tagn, Cthuluh f'tagn! Rlyeh f'tagn etc...

Écrit par : tanguy | 11/03/2009

Je dirai bien qu'Incarnation est un "terrain neutre" pour déesse et daïmons si le mot "neutre" ne me paraissait guère représentatif du lieu. Un territoire sacré plutôt, tabou comme ces points d'eaux où vont boire lions et gazelles. Ici Mephisto peut venir tailler une bavette avec Cyrano et Don juan consoler Abélard (ou l'inverse).

Ah Impitoyable...Superbe! Le seul portrait de tueur réel que j'ai vu, et cette réplique inoubliable au jeunot "quand tu tues un type tu lui prend tout. Tout ce qu'ila et tout ce qu'il aurait pu avoir". Film couleur d'alcool et de boue, film où les prostitués se vengent et ou meurt *** (je préfère ne pas trop en dévoiler) alors disons que la verticalité de la société ne sort pas indemne de ce film étrange qui balaye toutes les légendes dorées.

Écrit par : Restif | 11/03/2009

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