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06/07/2011

Les "listes noires", l'étouffement par le silence remplacent le camp de concentration

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=

 

« Dans les régimes dits "libéraux", le conformisme, si marqué soit-il, est d'une toute autre nature. Il ne renvoie pas à une doctrine officielle appuyée sur un bras séculier ; il est insinuant et diffus. Ce conformisme constitue, lui aussi, une censure ; mais cette censure ne ferme pas les journaux, ne condamne pas les "dissidents" à la prison, à l'exil ou à l'hôpital psychiatrique. Marcuse a parlé à ce propos de "tolérance répressive". En fait, le conformisme dans les régimes "libéraux", qui ne saurait être confondu avec le conformisme totalitaire, se caractérise par trois traits.
Il s'en tient à l'implicite et préfère présenter ses dogmes comme des évidences "scientifiques", comme on le voit par l'exemple des diverses idéologies qui ont cours dans l'ordre pédagogique ou économique.
En deuxième lieu, la défense du conformisme n'est pas directement assumée par l'Etat. Les "listes noires", l'étouffement par le silence remplacent le camp de concentration.
En troisième lieu, la censure du point de vue cognitif constitue moins un mécanisme de répression qu'un mécanisme d'inhibition. Elle appauvrit le champ des possibles parmi lesquels notre esprit pourrait exercer sa capacité d'élection. Elle ne nous interdit pas telle pensée, elle nous détourne de nous y arrêter. Elle surveille plus qu'elle ne punit. Comme elle n'est pas strictement centralisée, elle procède par addition de biais cumulatifs, qui produisent un consensus sur des "croyances négatives" plutôt que sur des "croyances dogmatiques". »

Raymond Boudon et François Bourricaud, Dictionnaire critique de la sociologie

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