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09/07/2011

Dans les lieux...

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=

 

« J'ai traîné bien des soirs dans les lieux. Je traîne tous les soirs de ma vie, chassé de ma chambre par la peur de mon œuvre, par le geste instinctif de retarder l'exil dans le meilleur de moi-même, par l'appétit d'ajouter encore au trésor sur lequel je croupirai plus tard comme un cadavre. Immonde humilité, faible lâcheté, probable désintéressement de moi-même en tant que bête à concours, bête mise à prix.

Autrefois, je restais dehors, je courais dans les rues pendant des heures comme sur les routes de la campagne, ne regardant même pas les hommes, n'ayant pas encore ce modeste besoin de l'amitié et de l'amour.

Ensuite, je suis allé où il y avait de la lumière, un entassement de camarades et de seins. Je m'en suis gorgé. Mais de cette éponge molle, à l'humidité profonde, je tire ma goutte. (...)

Je suis retourné aux Français pour voir les derniers rangs des familles, rongés par les divorces, les mariages d'argent, les maîtresses-dactylos, la pédérastie du cadet, la messe du dimanche, la Ruhr. Et en face d'eux les sociétaires comme des vicaires de paroisse d'embaucher à la ville, pour jouer les dernières marquises. Juifs qui peuvent être les conservateurs les mieux camphrés de tous les faux plis d'une tradition qu'on ne sait plus porter.

J'ai digéré les dîners, que je payais d'ailleurs à des amis qui n'en auguraient rien de bon, dans les petits théâtres qui sentent la truffe et le bidet parfumé. C'est là qu'on voit le mieux se mêler les putains et les honnêtes femmes et la veulerie détendre les moustaches des gardes municipaux. »

Drieu La Rochelle, L'Œil mort, in Quelques écrits "farfelus", Confessions, L'Herne 2007. Vie des Lettres (et des Arts), volume XV, 1924

07:00 Publié dans Lectures | Lien permanent | Commentaires (2) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Commentaires

Drieu est notre grand oncle dévoyé que l'on aime détester mais à qui on trouve aussi des circonstances atténuantes. Comme Malraux et son frère ennemi Aragon, sa vie et son œuvre sont marquées par une attraction permanente pour l'homme fort, le dux, celui qui déclenche l'action politique et sait user de la violence guerrière. Cette fascination l'entraînera à suivre le tribun Doriot comme Aragon Staline via Thorez. Quant à Malraux, c'est le Connétable (de Gaulle) qu'il mit en scène au temps du RPF tel un immense druide dans les orages de l'histoire selon le témoignage de Jean Lacouture. Maurizio Serra a consacré aux trois écrivains un essai pertinent et fort bien tourné: "Les frères séparés: Drieu La Rochelle, Aragon, Malraux face à l'Histoire" réédité en poche dans la collection La petite vermillon/La Table ronde, 2011.

Écrit par : Paglop77 | 09/07/2011

Merci pour ces indications et conseils de lectures...

Écrit par : Nebo | 10/07/2011

Les commentaires sont fermés.