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10/07/2011

L'homme ne se nourrit pas seulement de biens et de services

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=

 

« Je crois qu'il faut inverser radicalement les institutions industrielles, reconstruire la société de fond en comble. Pour être efficient et rencontrer les besoins humains qu'il détermine aussi, un nouveau système de production doit retrouver la dimension personnelle et communautaire. La personne, la cellule de base conjuguent de façon Optimale l'efficacité et l'autonomie : c'est seulement à leur échelle que se déterminera le besoin humain dont la production sociale est réalisable. Qu'il se déplace ou qu'il demeure, l'homme a besoin d'outils. Il en a besoin pour communiquer avec autrui comme pour se soigner. L'homme qui chemine et prend des simples n'est pas l'homme qui fait du cent sur l'autoroute et prend des antibiotiques. Mais chacun ne peut tout faire par soi et dépend de ce que lui fournit son milieu naturel et culturel. L'outil et donc la fourniture d'objets et de services varient d'une civilisation à l'autre.

L'homme ne se nourrit pas seulement de biens et de services, mais de la liberté de façonner les objets qui l'entourent, de leur donner forme à son goût, de s'en servir avec et pour les autres. Dans les pays riches, les prisonniers disposent souvent de plus de biens et de services que leur propre famille, mais ils n'ont pas voix au chapitre sur la façon dont les choses sont faites, ni droit de regard sur ce qu'on en fait. Dégradés au rang de consommateurs-usagers à l'état pur, ils sont privés de convivialité. J'entends par convivialité l'inverse de la productivité industrielle. Chacun de nous se définit par relation autrui et au milieu et par la structure profonde des outils qu'il utilise. Ces outils peuvent se ranger en une série continue avec, aux deux extrêmes, l'outil dominant et l'outil convivial. Le passage de la productivité à la convivialité est le passage de la répétition du manque à la spontanéité du don. La relation industrielle est réflexe conditionné, réponse stéréotypée de l'individu aux messages émis par un autre usager, qu'il ne connaîtra jamais, ou par un milieu artificiel, qu'il ne comprendra jamais. La relation conviviale, toujours neuve, est le fait de personnes qui participent à la création de la vie sociale. Passer de la productivité à la convivialité, c'est substituer à une valeur technique une valeur éthique, à une valeur matérialisée une valeur réalisée.

La convivialité est la liberté individuelle réalisée dans la relation de production au sein d'une société dotée d'outils efficaces. Lorsqu'une société, n'importe laquelle, refoule la convivialité en deçà d'un certain niveau, elle devient la proie du manque; car aucune hypertrophie de la productivité ne parviendra jamais à satisfaire les besoins créés et multipliés à l'envie. »

Ivan Illich, La Convivialité

07:00 Publié dans Lectures | Lien permanent | Commentaires (3) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Commentaires

Excellent blog. Comment vous faire parvenir des textes, dont il m'est avis qu'ils trouveraient leur place parmi les vôtres?
Cordialement
Jérôme Bodin

Écrit par : Cougar | 10/07/2011

Quels types de textes ? Et de qui ?

Écrit par : Nebo | 10/07/2011

Bonjour. Merci de votre réponse dont je croyais qu'elle viendrait sur ma messagerie.
Quels types de textes? Du même jus que ceux que vous publiez (Ciora, Evola, Nietzsche, Jean Raspail, Robert Poulet, Abellio, Montherlant, Bonald, etc). Vous voulez un exemple, qui me paraît tout à fait d'actualité :

« Quand on pense combien est rare la droiture, inconnue la probité, quand on songe à l'absence presque complète de la loyauté, sinon quand elle est utile, à l'ambition qui, sortant de ses propres limites, va jusqu'à trouver de l'éclat dans l'infamie, l'âme alors se laisse engloutir dans la nuit et, dans cette espèce de crépuscule des vertus où sombrent l'espoir de les rencontrer et le fruit de leur exercice, les ténèbres recouvrent tout. »
(Sénèque in De la tranquillité de l'âme).

ou encore :

« Il n'est plus une juste cause en ce monde qui vaille la peine d'être servie car il n'y a, au bout du chemin, pour les imprudents attardés qui s'y sont engagés par élan d'honneur et du cœur, que ridicule et dérision au mieux, au plus mal, haine ou indifférence, mais estime et émotion jamais. Alors, cause pour cause, si l'on en ressent le besoin à des altitudes où l'on n'est plus rejoint ni compris, autant s'en inventer une qui ne serve à rien... »
(Jean Raspail in Les Hussards).

Voilà, voilà et j'en ai quelques autres collationnés en 45 ans de lectures métapolitques.
Cordialement

Écrit par : cougar | 13/07/2011

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