11/12/2011
On essaie d’en sourire ; on fait le philosophe. On en reste accablé.
=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=
« L’effort de l’homme, l’objet où il met son point d’honneur, c’est d’agir à l’encontre de la nature ou de la raison. Le mâle est fait pour les amours courtes et multiples : on lui impose, dans le mariage, un amour unique et constant. L’enfant, naturellement, méprise ses parents et se désintéresse d’eux ; on lui impose de les respecter, de les aimer, de les nourrir, de se sacrifier pour eux s’il le faut, un demi-siècle durant. L’adolescent, dès l’âge de douze ans, ressent l’appel du plaisir ; on ne lui permet aucun moyen d’y répondre avant, mettons, dix-huit ans. La jeune fille doit être devenue femme à un certain âge : si elle y pourvoit sans la mairie, on la montre du doigt. L’homosexualité est la nature même : on la fait passer pour vice ou maladie ; elle mène à la prison, au bûcher.
Ce ne sont là que quelques exemples. Ajoutez les religions, toutes fondées sur la contre-nature et la contre-raison. Ajoutez les idéologies politiques et sociales, deux fois sur trois insanes, toujours grosses de catastrophes, le bon sens se vengeant d’avoir été outragé trop longtemps. Quoi d’étonnant si, dans ces conditions, l’humanité ne cesse de souffrir ? On naît sous cette cloche de superstitions et d’idées fausses, on y grandit, on y continue ; on se dit qu’on y mourra, que, pas un seul jour de sa vie, on n’aura vécu autrement que gouverné par des idées d’imbéciles et des mœurs de sauvages, enfreintes ou seulement dénoncées non sans risques. On y jette ses enfants, sans défenses, ou avec des défenses aussi dangereuses pour eux que le mal même. On se dit que cela a toujours été ainsi, que cela sera toujours ainsi, sur toute la surface de la terre. On essaie d’en sourire ; on fait le philosophe. On en reste accablé. »
Henry de Montherlant, Carnets. 1930-1944. 1957
07:00 Publié dans Lectures | Lien permanent | Commentaires (0) | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Les commentaires sont fermés.