01/11/2013
Il veut échapper à lui-même, fuir à tout prix quelque chose qui est en lui
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« On a parlé de missions secrètes : cela pourrait être exact dans l’un ou l’autre cas, mais non pour l’éternelle fuite de sa vie. En vérité, Kleist n’a jamais de but dans ses voyages. Il n’a pas de but, pas de projet, il ne vise pas une ville, un pays : il s’y lance comme une flèche projetée par l’arc hypertendu de son moi. Il veut échapper à lui-même, fuir à tout prix quelque chose qui est en lui, il change de ville « comme un fiévreux d’oreillers » (ainsi que dit Lenau – si proche de lui – dans un de ses poèmes mélancoliques). Partout, il espère trouver le calme, la guérison : mais aucun toit ne se dresse, aucun foyer ne fume pour celui que traque le démon. C’est dans ce même état d’esprit que Rimbaud court d’un pays à l’autre, que Nietzsche change perpétuellement de ville et Beethoven d’appartement, que Lenau va de continent en continent : tous sont fouettés par une effroyable inquiétude qui fait l’instabilité tragique de leur vie. Tous sont pourchassés par une force inconnue à laquelle ils ne sauraient échapper, une force qui s’agite fiévreusement dans leur sang, qui commande leur cerveau. Il faut qu’ils se détruisent, pour détruire l’ennemi qui est en eux, leur maître : le démon. »
Stefan Zweig, Le Combat avec le Démon : Kleist, Hölderlin, Nietzsche
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