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13/01/2015

Tout historien des pratiques monétaires et financières dans les sociétés médiévales constate que le prêt à intérêt se pratiquait partout, par tous

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=

 

« L’homme du Moyen-Âge vivait donc accablé d’une religiosité aveugle, de superstitions ridicules, qui lui interdisaient tout libre arbitre et coulaient la société dans un étroit carcan d’obligations et de  tabous. Telle est l’idée communément admise et soutenue, depuis très longtemps, par toutes sortes d’ouvrages très sérieux. Preuve en serait, parmi tant d’autres, l’interdiction et la "condamnation" de l’usure, (...),  le schéma pouvait s’inscrire d’une manière simpliste et les auteurs, plus soucieux d’énoncer des principes généraux que de cerner des réalités d’approche parfois difficile, en ont tiré les conclusions que l’on sait : l’Eglise défendait, personne n’osait et les bons chrétiens se sont donc, de bon gré, par conviction ou par peur des pénitences et même des feux de l’Enfer, abstenus de pratiquer les prêts d’argent et même toute pratique comptable ou scripturaire qui impliquait un profit de ce genre. (...) Seuls les Juifs, placés hors de cette loi commune, marginaux, étrangers, méprisés et détestés de ce fait, pouvaient se risquer à pratiquer l’usure.

(...)

Ce fut la thèse soutenue, sans preuves à l’appui mais très satisfaisante pour l’esprit, par Werner Sombart, dans les années 1900-1930, thèse complètement démantelée depuis par des innombrables travaux, non de philosophes de l’Histoire mais de véritables chercheurs et, cependant, toujours à l’honneur, toujours inspiratrice de discours et de manuels. (...) Il y  a tant à dire sur ces naïvetés que l’on ne sait par où commencer. Tout est faux et à reprendre à la simple lecture des documents, lecture qui, évidemment, ressort d’une autre démarche intellectuelle que la spéculation.
Quelques évidences tout d’abord : les rappels de l’interdiction de l’usure, rappels précis, circonstanciés, adaptés à chaque pratique, certes furent très fréquents, constamment renouvelés, édictés non seulement par l’Église elle-même à différents degrés de la hiérarchie, mais tout autant par le gouvernement princier ou municipal. Cependant, la multiplication des règlements et interdictions n’est, en aucun cas, que les hommes s’y pliaient et que ces pratiques du prêt n’avaient pas cours ; tout au contraire, c’est le signe de graves résistances et désobéissances, et donc de la permanence des pratiques usuraires. Une abondante production réglementaire montre clairement que les infractions demeuraient nombreuses et que les hommes tenaient peu compte des interdictions.

(...)

Tout historien des pratiques monétaires et financières dans les sociétés médiévales, tant urbaines que rurales, constate que le prêt à intérêt se pratiquait partout, par tous, sous différentes manières et parfois vraiment à petit prix.

(...)

Les communautés juives n’étaient pas forcément exclues, nettement séparées, cantonnées dans une juiverie (le mot de ghetto n’apparaît que plus tard), dans un quartier fermé, en tous cas soigneusement isolé. (...) D’autre part, les Israélites n’étaient pas seulement prêteurs sur gages ; loin de là (...) Sur le plan des affaires, les prêteurs juifs ne se retranchaient pas de la bonne société chrétienne. Ils collaboraient souvent avec  les financiers de la ville ou de simples bourgeois en quête de bons investissements. »

Jacques Heers, Le Moyen-Âge, une imposture

 

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