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19/03/2016

Des images abstraites, des compositions géométriques

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« Les nouvelles agglomérations sont élaborées sur la planche à dessin et à partir de maquettes. Dans les deux cas, elles sont essentiellement présentées comme des images abstraites, des compositions géométriques, en relief ou non. Leur méthode d’engendrement occulte le fait qu’un espace urbain ne s’adresse pas à l’œil seulement mais concerne le corps tout entier et ne peut, sous peine de réduction, être traité dans le seul cadre d’un esthétique de la vision : l’espace de notre quotidienneté n’est pas "vu d’avion" mais vécu à ras de terre. Davantage, cette approche méconnait le fait qu’un espace urbain ne peut ainsi être perçu d’un coup, mais seulement dans la successivité de séquences fragmentaires, au gré des temps et des parcours. »

Françoise Choay, "Production de la ville, esthétique urbaine et architecture" in La ville aujourd’hui. Mutations urbaines, décentralisation et crise du citadin, ouvrage collectif sous la Direction de Marcel Roncayolo

 

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Ce qui trouble est ennemi de la Paix divine

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« C’est assez, pour moi, de savoir qu’il a inventé une religion. Prosterne-toi tant que tu voudras, au seuil du Vénusberg ou de la Walhalla, traîne-toi sur les marches du Graal qui est leur prolongement lyrique dans ce "crépuscule des Dieux". Omnes dii gentium dœmonia . Arrange tout ça avec les leçons de ton catéchisme dont tu me parais n’avoir gardé qu’un souvenir trouble. Mes genoux ne te suivront pas. Ils appartiennent à la sainte Église catholique, apostolique, romaine, exclusivement.

"Tout ce qui est en dehors d’elle vient du Mal, émane de l’Enfer, nécessairement, absolument, sans autre examen ni compromis oiseux, car ce qui trouble est ennemi de la Paix divine." C’est toi-même qui as écrit cela, dans un de tes jours lucides. L’aurais-tu oublié déjà ? Fût-on l’artiste le plus grand du monde, il n’est pas permis de toucher aux Formes saintes, et ce qui bouillonne dans le calice du Mont Salvat, j’en ai bien peur, ne serait-ce pas précisément l’élixir épouvantable dont tu nous as fait le poème ? Beethoven n’entreprit jamais de mettre à genoux les peuples et les rois et n’eut pas besoin d’autres forces que celles de son génie. Wagner, impatient de tout dompter, a prétendu faire de la Liturgie elle-même l’accessoire des combinaisons de ses prétendus chefs-d’œuvre. C’est la différence du légitime au bâtard. Pourquoi voudrais-tu que je me traînasse pieusement derrière ce brouillard sonore qui ne devrait paraître une colonne de nuées lumineuses qu’aux imaginatifs grossiers de la Germanie ? »

Léon Bloy, La femme pauvre

 

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Dans cinquante ans, on ne tiendra plus à rien

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« Qu’est-ce que la France de 1840 ? un pays exclusivement occupé d’intérêts matériels, sans patriotisme, sans conscience, où le pouvoir est sans force, où l’Élection, fruit du libre arbitre et de la liberté politique, n’élève que les médiocrités, où la force brutale est devenue nécessaire contre les violences populaires, et où la discussion, étendue aux moindres choses, étouffe toute action du corps politique ; où l’argent domine toutes les questions, et où l’individualisme, produit horrible de la division à l’infini des héritages qui supprime la famille, dévorera tout, même la nation, que l’égoïsme livrera quelque jour à l’invasion, On se dira : Pourquoi pas le tzar, comme on s’est dit : – Pourquoi pas le duc d’Orléans ? On ne tient pas à grand’chose ; mais dans cinquante ans, on ne tiendra plus à rien. »

Honoré de Balzac, Sur Catherine de Médicis

 

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Miles Davis : Kind of Blue - 1959 (Album Complet)

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...parce qu'un Jazz aussi élégant va à merveille avec ce Printemps qui s'en vient...

 

 

 

 

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18/03/2016

Moraline de gauche

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Au Journal "Libération", on aime donner des leçons de morale à Monseigneur Barbarin.... C'est important, ça, la morale, car ça permet de mettre des limites, de ne pas faire n'importe quoi... mais chez "Libé", c'est même pas de la morale qu'on déploie... mais plutôt ce que Nietzsche appelait, en se délectant, de la Moraline... de la p'tite Moraline de gauche, bien plate, idéologique et sans réelle contenance... et toute Moraline est hypocrite, il faut le savoir... 

Mais souvenons-nous un peu...

Journal "Libération" du 05/11/1977 - "Apprenons l'Amour à Nos Enfants"...

« La tyrannie bourgeoise fait de l'amoureux des enfants un monstre de légende qui croque les chaumières. Nous casserons ensemble monstres et chaumières. »


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Ce mal que Nietzsche appelait l’esprit de lourdeur

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« Ce monde est empoisonné de malheurs et semble s’y complaire. Il est tout entier livré à ce mal que Nietzsche appelait l’esprit de lourdeur. N’y prêtons pas la main. Il est vain de pleurer sur l’esprit, il suffit de travailler pour lui. Mais où sont les vertus conquérantes de l’esprit ? Le même Nietzsche les a énumérées comme les ennemis mortels de l’esprit de lourdeur. Pour lui, ce sont la force de caractère, le goût, le "monde", le bonheur classique, la dure fierté, la froide frugalité du sage. Ces vertus, plus que jamais, sont nécessaires et chacun peut choisir celle qui lui convient. Devant l’énormité de la partie engagée, qu’on n’oublie pas en tout cas la force de caractère. Je ne parle pas de celle qui s’accompagne sur les estrades électorales de froncements de sourcils et menaces, mais de celle qui résiste à tous les vents de la mer par la vertu de la blancheur et de la sève. C’est elle qui, dans l’hiver du monde, préparera le fruit. »

Albert Camus, Noces

 

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Le miel d’Assunta

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« Comme il étalait du miel sur son pain grillé, Beatrice sourit :

— C’est le miel d’Assunta. Elle a ses ruches à flanc de coteau, parmi le thym et la lavande. Quand les temps modernes, comme vous dites, tomberont sur nous, Assunta ne récoltera plus son miel. Elle l’achètera en pots. Nous aurons des microsillons, mais nous n’aurons plus de miel parfumé au thym et à la lavande. Qu’est-ce qui vaut mieux ?

— Vous n’avez pas le choix. On vous jettera de force dans les temps modernes. On vous oblige déjà à vous éclairer à l’électricité. Hier soir, en nous promenant, nous avons entendu des radios, et toutes captaient la même émission. Folco va au cinéma.

— C’est le curé qui choisit les films.

— Il ne les choisira pas toujours.

— Rien ne nous atteindra au fond du cœur. Varela est immuable.

— Il n’y a rien d’immuable. Entre 1939 et 1945 le monde a cassé sa tirelire. Nous dépenserons tout notre argent en quelques décennies. Dix siècles d’épargne partiront en fumée.

— Et après ?

— Je ne sais pas. Je ne suis ni économiste, ni astrologue. »

Michel Déon, Je vous écris d’Italie

 

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Les faux affranchis, les pétroleurs syndiqués, les anars inscrits à la Sécurité Sociale

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Cette photo en dit très long sur l'état d'esprit et le niveau mental de notre jeunesse...

 


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"Et ben moi, ce qui me les casse, c’est les faux affranchis, les pétroleurs syndiqués, les anars inscrits à la Sécurité Sociale. Ça refait la Chine, ça prend la Bastille, et ça se prostitue dans des boulots d’esclaves. Ah ! Ils sont beaux les réformateurs du monde ! Le statisticien qui baguenaude un placard d’usurier, le chinetoque qui propage les danses tropicales, et le mange-merde qui prône la gastronomie. Ah il est mimi le triumvirat ! Un beau sujet de pendule !"

Jean Gabin dans le rôle d'Archimède, dialogue de Michel Audiard. Film : "Archimède le clochard" de Gilles Grangier

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Grande précision de nos Médias Occidentaux...

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Un halluciné

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« L’homme moderne est un halluciné. L’hallucination a remplacé la croyance. L’homme moderne est un angoissé. L’angoisse s’est substitué à la foi. Tous ces gens là se disent réalistes, pratiques, matérialistes, enragés à conquérir les biens de ce monde, et nous sommes très loin de soupçonner la nature du mal qui les ronge, car nous n’observons que leur activité délirante, sans penser qu’elle est précisément la forme dégradée, avilie, de leur angoisse métaphysique. Ils ont l’air de courir après la fortune, mais ce n’est pas après la fortune qu’ils courent, c’est eux-mêmes qu’ils fuient.

Dans ces conditions, il est de jour en jour plus ridicule d’entendre de pauvres prêtres ignorants et paresseux tonner du haut de la chaire contre l’orgueil de ce perpétuel fuyard, l’appétit de jouissance de ce malade qui ne peut plus jouir qu’au prix des plus grands efforts, qui éprouve de la fringale pour tout, parce qu’il n’a plus réellement faim de rien. »

Georges Bernanos, La France contre les robots

 

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Deep Purple - Made In Japan (The Remastered 1998 Edition - Full Album)

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17/03/2016

Elle se donna au Sud

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« Hélène aimait les étrangers, ce qui n'était pas elle, la différence, l'Autre.

Elle s'en était fait une espèce de religion, bien à l'abri dans son quartier chic parisien, protégé par la caméra couleur qui filmait la rue devant son loft et sa porte blindée, design scandinave. Elle aimait les étrangers mais pas dans son quartier. Elle participait aux fêtes officielles, soutenait les sans-papiers, employait au black une femme de ménage ivoirienne — son principal lien avec l'Afrique, et voyageait dans le Sud, comme on allait jadis à l'Église — pétrie de recueillement, l'âme sensible ; elle se sentait coupable de tout.

Coupable de la colonisation, de la faim dans le monde, du racisme. De tout. Dans le souk, un homme l'approcha et lui parla. Il avait un beau sourire. Des dents blanches. Il sentait bon le Sud. Il n'était pas comme les parisiens un peu grisâtres et efféminés.

C'était un vrai homme. Ils couchèrent ensemble. Elle se donna au Sud, tenta quelques caresses osées qui confortèrent les fantasmes de l'homme sur les Occidentales, ces putes. Il éjacula vite et bien. Trop vite, peut-être. Puis, il la donna à ses amis, qui la baisèrent, sodomisèrent, corps contraints, chairs tordues, possessions. Puis, ils la donnèrent à l'Armée islamique de Libération, qui exigea une rançon. Elle fut décapitée dans une décharge, au milieu d'enfants qui cherchaient à bouffer. »

Jean-Luc Marret, Guerre totale

 

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Eric Zemmour : "Et si on changeait le nom de notre pays ?"

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Ecrivain, ennuyeux au possible, mais homme de grande conscience

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« Un sage très doux, de la "Revue des Deux Mondes", nommé M. Janet, — doux nom ! — personnage d’ailleurs important, appointé officiellement pour distribuer la sagesse, fait de charmants efforts en faveur de la Liberté de penser. Il voudrait délivrer cette aimable fille de ses accointances avec l’athéisme, qui induisent à mal parler d’elle ; et même il ne serait pas fâché de lui donner, s’il pouvait, une certaine figure chrétienne. Je dis une figure ! M. Janet ne tient pas à lui changer le caractère. il trouverait même un peu malheureux qu’elle eût autre chose de chrétien que la figure ; c’est à dire une partie de la figure, un profil par exemple. Car, toute la figure chrétienne, ce serait beaucoup ! Quelquefois, la figure engage plus qu’on en croit ; et la Liberté de penser, avec la figure toute, et toujours chrétienne, serait elle encore la liberté ? Mais un profil, à la bonne heure ! On a deux profils, pourquoi l’un des deux ne serait-il pas chrétien ? La Liberté de penser montrerait ce profil aux gens qui sont méticuleux sur la morale. M. Janet se croit lui-même un peu de ceux-là ; il signale des allures de la liberté qui l’importunent, qui lui feraient presque peur, qui pourraient l’empêcher de terrasser comme il faut les spiritualistes, les mystiques, les hargneux catholiques, ennemis jurés des expansions de l’esprit humain. Ces timorés crient beaucoup, et ne sont pas sans légitime crédit ; le profil chrétien leur fermerait la bouche. Que si pourtant c’est trop demander, et que la liberté ne puisse absolument pas prendre ce profil, alors qu’elle porte au moins une petite croix, — une croix "à la Jeannette" — sur sa gorge nue. Beaucoup de dames adoptent cet ornement ; il leur sert de profession de foi qui ne les gêne en rien. Elles vont ici et là, elles font ceci et cela ; mais, quoi que l’on puisse dire, puisqu’elles ont la croix au col, il y a toujours moyen de répondre qu’elles sont chrétiennes.

Ayant donné ce sage et doux conseil à la liberté, M. Janet se tourne du côté des moralistes et des catholiques, et, avec la même sagesse et la même douceur, il entreprend de les convaincre que la liberté de penser rend à la morale et à la religion des services tout à fait éminents, tout à fait incomparables, tout à fait indispensables. Dans cette vue, il leur pousse honnêtement plusieurs séries d’arguments variés. Si ce n’est pas ce qu’il y a de plus nouveau, c’est du moins ce qu’il a voulu ramasser de meilleur. Ecrivain, ennuyeux au possible, mais homme de grande conscience, et toujours sage, et toujours doux ! Enfin, il arrive à la conclusion de toutes ses majeures, de toutes ses mineures, de toutes ses définitions et de tous ses dévidages : à savoir que le doute, soumettant tout à la critique, procure la seule preuve possible des vérités qu’il faut croire. Et lui-même, M. Janet, n’a pas suivi d’autre méthode pour se procurer le soulagement de croire à l’existence de Dieu, comme toute la rédaction de la "Revue des Deux Mondes ».

Ils nous disent tous, et tous les jours, beaucoup de chansons que l’on sait ; mais ils les disent si ennuyeusement, si tortueusement, si obscurément ! On y est toujours pris ; on croit toujours que des gens qui se donnent tant de peine vont accoucher d’autre chose. »

Louis Veuillot, Les odeurs de Paris, Livre V, La science

 

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Ludwig van Beethoven : Violin Concerto in D major, Op. 61 (Henryk Szeryng / Bernard Haitink Royal Concertgebouw Orchestra)

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16/03/2016

L’amour exige certaines préparations

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« Je crains que, faute d’éducation, les jeunes filles d’aujourd’hui ne sachent pas aimer. L’amour exige certaines préparations, une retenue, des réserves, une rêverie préalable, comme une religion qui a été très tôt déposée dans le coeur.
Trop de rencontres, trop de facilité à se lier, gênent le choix, engourdissent l’instinct. C’est une concentration du sentiment qui fait découvrir dans un être ce qu’il peut donner. »

Jacques Chardonne, L'amour c'est beaucoup plus que l'amour

 

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Le chemin d’une résignation partielle

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« Je n’avais plus rien à manger, ni très envie d’aller au Géant Casino, le début de soirée était une mauvaise heure pour faire les courses dans ce quartier populeux, mais j’avais faim et plus encore j’avais envie d’acheter à manger, de la blanquette de veau, du colin au cerfeuil, de la moussaka berbère ; les plats pour micro-ondes, fiables dans leur insipidité, mais à l’emballage coloré et joyeux, représentaient quand même un vrai progrès par rapport aux désolantes tribulations des héros de Huysmans ; aucune malveillance ne pouvait s’y lire, et l’impression de participer à une expérience collective décevante, mais égalitaire, pouvait ouvrir le chemin d’une résignation partielle. »

Michel Houellebecq, Soumission

 

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15/03/2016

Un objet de croyance

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« En son "Dom Juan", Molière dit tout déjà de l’impossibilité de vaincre la crédulité. Sommé par Sganarelle de lui révéler ce en quoi il croit, Dom Juan finit par laˆcher cette réponse : "Je crois que deux et deux sont quatre, Sganarelle, et que quatre et quatre sont huit." Et le valet, dépité, de rétorquer : "La belle croyance et les beaux articles de foi que voilà ! Votre religion, à ce que je vois, est donc l’arithmétique ?" S’il se sentait d’humeur à disputer avec Sganarelle, Dom juan lui ferait remarquer que, bien sûr, les énoncés arithmétiques ne sauraient être objets de croyance mais uniquement de connaissance : qu’ils s’imposent, si l’on maîtrise le calcul, comme des évidences objectives.

Que l’on croit ou non en Dieu, rien ni personne ne pourra faire que deux plus deux n’égalent quatre, ni que quatre plus quatre n’égalent huit – à commencer par Dieu lui-même dont le pouvoir se heurte aux limites du langage des mathématiques. Que croire et savoir renvoient à deux formes de pensée distinctes, Sganarelle, bien sûr, le conçoit bien. Sauf que cela le désole. Si Sganarelle fulmine contre l’impiété tranquille de son maître, c’est parce que la pensée dont ce dernier se contente, qui consiste à se conformer à la plate réalité et à la précision des chiffres, présente le défaut de contrarier le rêve vague d’une autre réalité qui, elle, se conformerait au désir de Sganarelle. En retour, si Dom Juan n’essaie même pas de dissuader son serviteur de gober toutes les croyances en vogue du moment, c’est parce qu’il voit bien le peu de crédit que l’intéressé lui-même, malgré sa ferveur, leur accorde. Sceptique, Dom Juan (ou Molière) tient pour lui que nul savoir ne parvient jamais à détruire la superstition – au contraire de certains savants qui se figurent que le croyant dispose d’un esprit semblable au leur, animé des mêmes mobiles de connaissance, mais dont, simplement, la curiosité et le bon sens font fausse route vers l’imaginaire et à qui il suffirait d’indiquer une méthode pour lui faire voir son erreur et rectifier son errance. Louable intention, sans doute – allant dans le sens de l’éthique de Descartes et des Lumières. L’ennui est que, à supposer que le croyant soit prêt à apprendre des savants, ceux-ci échoueraient dans leur mission pédagogique. Car l’imperméabilité du croyant au savoir ne procède pas tant d’un refus d’exercer sa raison ou son esprit critique, que du malheur de savoir déjà qu’il ne croit en rien et, pire encore, que rien n’est crédible – raison pourquoi, d’ailleurs, Sganarelle exige de Dom Juan qu’il lui fournisse, lui qui est savant, ou qu’il imagine tel, un objet de croyance, mais, cette fois, solide et fiable.

C’est un fait banal, bien que rarement relevé, que le croyant ne s’attache jamais longtemps à tel ou tel objet déclaré de croyance. Et pour cause, puisqu’il est le premier confronté à l’évidence que le quelque chose en quoi il prétend croire ne peut être ni pensé avec précision ni, donc, connu, et que seul le verbe – le mythe, l’incantation, le discours philosophique, la formule ésotérique, etc. – a vocation à le faire exister par les sortilèges de l’évocation et à lui conférer un air de réalité et de crédibilité. Piètre expédient, assurément, qui l’enjoint aussitôt à ne rien vouloir savoir de son incroyance, à l’instar de ces enfants convaincus que le Père Noël n’est qu’une fable mais qui n’osent se l’avouer franchement de peur de ne plus recevoir de cadeaux. Il en va de même pour la croyance en l’éthique.»

Frédéric Schiffter, Le bluff éthique

 

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Le contentement de se sentir justes, bon, indispensables

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« Les hyper-modernes ne font pas le bien au nom de la raison ou de la foi, mais par indignation contre le Mal — redéfinition de l’engagement des plus avantageuses, puisque, à la fierté de revendiquer l’initiative d’une bienfaisance sociale ou humanitaire, aussi symbolique soit-elle, s’ajoute le contentement de se sentir justes, bon, et, enfin, indispensables. »

Frédéric Schiffter, Le bluff éthique

 

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14/03/2016

Carcel Modelo

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« La ville moderne n’a pas de forum. Elle n’a point d’arènes pour les spectacles et les joies de ses foules. Elle n’a point de maisons d’enfants. Elle n’a point, parmi tous ses caravansérails, de maisons pour le travail, la méditation, le repos de tous les hommes. En Amérique, ses gratte-ciel, création mécanique du génie financier, renferment à la fois, dans une confusion savamment ordonnée, sous une façade unique complètement anonyme et muette, des habitations, des banques, des cinémas, des hôpitaux, des écoles, des églises. Ses architectes n’ont presque rien ajouté aux legs du passé, si ce n’est pour ses victimes, ce rucher scientifiquement imperfectible de crimes, de vices et d’iniquités.
La prison moderne - les Espagnols disent avec candeur Carcel Modelo, prison modèle — résout victorieusement le problème de l’économie d’espace, de travail et de surveillance. Habitée d’une foule, elle réalise l’isolement total de chaque individu dans cette foule. Plus active qu’une ruche, elle sait accomplir en silence, avec méthode, autant de tâches différentes qu’on a jeté d’existences dans ses engrenages. Les chances d’évasion, elle les réduit à des proportions infinitésimales. On s’évadait de la Bastille. On s’évadait de Nouméa, malgré l’océan peuplé de squales. On s’évade de la Guyane, à travers la forêt vierge. On ne s’évade pas de la geôle moderne.
La prison moderne est imperfectible, étant parfaite. On ne peut plus que la détruire. »

Victor Serge, Les Hommes dans la prison

 

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Le Mythe du Sang et de la Race

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« Prenez garde, Vénérables Frères, qu’avant toute autre chose la foi en Dieu, premier et irremplaçable fondement de toute religion, soit conservée en Allemagne, pure et sans falsification. […]
Quiconque identifie, dans une confusion panthéistique, Dieu et l’univers, abaissant Dieu aux dimensions du monde ou élevant le monde à celles de Dieu, n’est pas de ceux qui croient en Dieu.
Quiconque, suivant une prétendue conception des anciens Germains d’avant le Christ, met le sombre et impersonnel Destin à la place du Dieu personnel, nie par le fait la Sagesse et la Providence de Dieu…
Quiconque prend la race, ou le peuple, ou l’État, ou la forme de l’État, ou les dépositaires du pouvoir, ou toute autre valeur fondamentale de la communauté humaine – toutes choses qui tiennent dans l’ordre terrestre une place nécessaire et honorable,- quiconque prend ces notions pour les retirer de cette échelle de valeurs, même religieuses, et les divinise par un culte idolâtrique, celui-là renverse et fausse l’ordre des choses créé et ordonné par Dieu : celui-là est loin de la vraie foi en Dieu et d’une conception de la vie répondant à cette foi. […]
Notre Dieu est le Dieu personnel, surnaturel, tout-puissant, infiniment parfait, unique dans la Trinité des Personnes, et tripersonnel dans l’unité de l’Essence divine, le Créateur de tout ce qui existe, le Seigneur et Roi et l’ultime consommateur de l’histoire du monde, qui n’admet ni ne peut admettre à côté de lui aucun autre dieu. Ce Dieu a, en Souverain Maître, donné ses commandements. Ils valent indépendamment du temps et de l’espace, du pays et de la race. […]
Seuls des esprits superficiels peuvent tomber dans l’erreur qui consiste à parler d’un Dieu national, d’une religion nationale ; seuls ils peuvent entreprendre la vaine tentative d’emprisonner Dieu, le Créateur de l’univers, le Roi et le Législateur de tous les peuples, devant la grandeur duquel les Nations sont "comme une goutte d’eau suspendue à un seau" (Is., XL, 15) dans les frontières d’un seul peuple, dans l’étroitesse de la communauté de sang d’une seule race. […]
Le point culminant de la Révélation atteint dans l’Évangile de Jésus-Christ est définitif, il oblige pour toujours. Cette Révélation ne connaît pas de complément apporté de main d’homme, elle n’admet pas davantage d’être évincée et remplacée par d’arbitraires "révélations" que certains porte-parole du temps présent prétendent faire dériver de ce qu’ils appellent le Mythe du Sang et de la Race.
Depuis que le Christ, l’Oint du Seigneur, a accompli l’oeuvre de la Rédemption, et que, brisant le règne du péché, Il nous a mérité la grâce de devenir enfants de Dieu, depuis ce temps aucun autre nom sous le ciel n’a été donné aux hommes par lequel ils puissent être sauvés, que le Nom de Jésus (Act., IV, 12).
Aucun homme, quand même toute la science, tout le pouvoir, toute la force extérieure du monde seraient incarnés en lui, ne peut poser un fondement autre que celui qui a déjà été posé : le Christ (I Cor., III, 11). Celui qui, dans une sacrilège méconnaissance des différences essentielles entre Dieu et la créature, entre l’Homme-Dieu et les enfants des hommes, ose dresser un mortel, fût-il le plus grand de tous les temps ; aux côtés du Christ, bien plus, au-dessus de Lui ou contre Lui, celui-là mérite de s’entendre dire qu’il est un prophète de néant, auquel s’applique le mot effrayant de l’Ecriture : "Celui qui habite dans les cieux se moque d’eux." (Ps., 4) »

Pape Pie XI, Encyclique "Mit brennender Sorge", publiée le 14 mars 1937

 

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