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11/01/2017

La principale menace n'est pas le terrorisme mais la sécession culturelle de l'islam de France

=--=Publié dans la Catégorie "PARENTHÈSE"=--=

 

FIGAROVOX/GRAND ENTRETIEN - Deux ans après le massacre de Charlie Hebdo, le magazine Causeur a enquêté sur les «Molenbeek» français. Pour Elisabeth Lévy, « Les Français, y compris musulmans, veulent que l'islam s'adapte à la République, pas le contraire ».

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Le dernier numéro de Causeur s'intitule, «Au coin de la rue la charia». En photo, une femme entièrement voilée. Pourquoi cette couverture choc? Ne cédez-vous pas à une forme de sensationnalisme ?

Elisabeth Lévy : Ce serait sensationnel si ce n'était pas réel! Or, cette photo n'est pas un montage, elle a été prise à Paris il y a quelques années et depuis, ce genre de présence fantomatique est devenu encore plus courant dans certains quartiers, lisez Rue Jean-Pierre Timbaud, de Géraldine Smith. Et si on peut voir cela dans le centre de la capitale, imaginez ce qui se passe dans nombre de nos banlieues, la loi des Frères devient la règle. Comme le montre notre reportage à Sevran, effectué dans la foulée de celui de France 2, les femmes sont amenées à se cacher toujours plus, et, finalement, à limiter leur présence dans l'espace public au strict minimum, soit par conviction, soit pour avoir la paix. Nous n'avons pas choisi une image violente, qui suscite la peur, mais une image devenue banale. Et ce qui fait peur, c'est qu'elle soit banale.

Peut-être, mais les femmes voilées ne menacent pas la sécurité publique...

Elisabeth Lévy : Oui, mais vous vous trompez lourdement en postulant que nous avons d'abord un problème de sécurité. S'il nous fallait seulement neutraliser quelques milliers de djihadistes violents, on y arriverait. Mais il n'y a pas un mur étanche entre l'islamisme pacifique et l'islamisme violent. Et aussi douloureuses soient les pertes que nous inflige le terrorisme islamiste, ce n'est pas lui qui menace à long terme la cohésion et l'existence même de notre pays, c'est la sécession culturelle dans laquelle est engagée une partie de l'islam de France et d'Europe. Le problème n'est pas seulement l'arbre mais la forêt dans laquelle il a grandi, cette contre-société islamiste qui s'est constituée au fil des ans, vit dans un entre-soi que brisent seulement les impératifs du travail et voue une hostilité croissante au mode de vie majoritaire. Pendant ce temps, le président nous complimente comme si nous étions des enfants, pour être restés bien gentils les uns avec les autres. Admettez que c'est un peu court.

Ce n'est pas une infime minorité mais une fraction notable des musulmans français qui n'habitent plus mentalement le même temps et le même espace que nous.

Après tout François Hollande a raison de se féliciter que la France soit restée unie...

Elisabeth Lévy : Eh bien pendant que François Hollande se félicite, que d'autres proclament que nous ne céderons pas et que d'autres encore font la chasse aux islamophobes, un nombre croissant de quartiers passent sous la férule d'une idéologie séparatiste érigeant une barrière entre purs et impurs, fidèles et kouffars, putes et soumises, des enfants juifs sont exfiltrés de l'école publique (pour leur sécurité, bien sûr), des collégiennes condamnées au jogging informe, des lycéens obligés d'observer le ramadan ou de faire semblant, des populations entières contraintes de se soumettre à la loi des Frères, au nom de la solidarité entre musulmans supposée prévaloir sur toute autre allégeance. Sans oublier les caricatures qu'on n'ose plus publier, les vérités qu'on n'ose plus dire, les libertés qu'on n'ose plus exercer. Or, ce que nous avons découvert, c'est que cette emprise s'exerce non seulement dans certains territoires mais aussi dans certains milieux comme le foot amateur, dans certaines entreprises: permettez-moi d'attirer votre attention sur l'enquête passionnante qu'Olivier Prévôt, auteur et critique cinéma de Causeur décédé le 25 décembre, consacre à la RATP. On y voit comment l'heureuse politique des grands frères, assaisonnée de lamento victimaire, a permis d'installer les salafistes dans la place. Et le jour même où notre numéro paraissait, on apprenait de Jean-Claude Lagarde que la fermeture de PSA à Aulnay avait été en partie due à la volonté d'échapper aux revendications islamistes.

N'exagérez-vous pas l'ampleur du problème ? Tout cela est très impressionniste…

Elisabeth Lévy : Les témoignages de professeurs enseignant dans les «territoires perdus de la République» sur l'antisémitisme, le sexisme et l'homophobie d'un grand nombre de leurs élèves, en 2002, n'étaient pas impressionnistes. Ceux que nous publions sur la RATP, les stades, l'exclusion des femmes non plus. Pas impressionnistes non plus, les travaux de Kepel ou ceux du chercheur Tarik Yildiz que nous interrogeons dans ce numéro. D'ailleurs, quand bien même ils le seraient, si autant d'impressions convergent, cela doit avoir un sens, non? Même la sociologie découvre la lune après avoir déployé toute son énergie à dénoncer le doigt, tout comme ces prétendus savants et autres idiots utiles de l'islam politique qui répétaient que le problème ne venait pas de l'antisémitisme mais de ceux qui le dénonçaient, pas du séparatisme musulman mais du racisme français, pas de l'islam mais de l'islamophobie. Le soir du 7 janvier 2015, après l'attentat de Charlie Hebdo, Edwy Plenel et Laurent Joffrin expliquaient que le problème de la France s'appelait Finkielkraut, Zemmour ou Houellebecq.

D'accord, mais les éditos de Plenel ou Joffrin ne sauraient constituer une anti-preuve…

Elisabeth Lévy : Si cela ne vous suffit pas, en deux ans on a publié plus de témoignages, d'enquêtes, de reportages, d'études, de sondages sur l'islam radical et ses diverses manifestations, que durant les treize années précédentes. Le tableau d'ensemble est de moins en moins conjectural et de plus en plus effrayant. Ce n'est pas une infime minorité mais une fraction notable (entre un quart et un tiers selon les critères retenus) des musulmans français qui n'habitent plus mentalement le même temps et le même espace que nous. Beaucoup d'autres musulmans sont les premiers surpris et l'effroi de certains responsables comme Tareq Oubrou, Kabtane et d'autres, qui ont pourtant constitué la première génération islamiste, n'est pas feint, devant le monstre qu'ils ont enfanté ou laissé prospérer - une jeunesse en colère née dans un pays qu'elle dit exécrer et qui divise le monde entre «eux» et «nous», le «eux» comprenant l'essentiel de ses compatriotes. Alors non, je ne crois pas que nous exagérions le problème.

Ainsi a-t-on recruté les barbus dans des structures locales associatives ou parapubliques, qui leur ont permis de quadriller les quartiers avec des animateurs acquis à la cause.

Comment en est-on arrivé là ?

Elisabeth Lévy : Difficile de résumer l'incroyable accumulation de bons sentiments dévoyés, de complaisances intéressées, de lâchetés inavouées, d'aveuglement volontaire et d'une énorme dose d'imbécillité à visée électoraliste, qui a permis à cet islam de s'implanter, souvent avec l'aide de l'argent public. Il faut remonter au tournant idéologique des années 1980. La droite ayant ouvert les vannes à l'immigration de masse, la gauche, se trouvant fort dépourvue quand la bise individualiste et libérale fut venue, recycla alors les immigrés en damnés de la terre avec l'antiracisme en guise de lutte des classes et l'exaltation des différences comme mantra. Ces excellentes intentions antiracistes ont finalement empêché les nouveaux arrivants de s'assimiler et même de s'intégrer. La mise en musique de ces sottises idéologiques a été réalisée par un clientélisme local parfaitement œcuménique sur le plan politique, qui assignait les descendants d'immigrés à leur culture d'origine puisque c'est cette assignation qui permettait d'obtenir leurs voix. Ainsi a-t-on recruté les barbus dans des structures locales associatives ou parapubliques, qui leur ont permis de quadriller les quartiers avec des animateurs acquis à la cause. Ensuite, la pression a fait le reste. Selon le vieil adage, les plus gênés s'en vont et une fois qu'on est entre musulmans ou presque, la conception la plus étroite c'est-à-dire celle qui permet le plus facilement au croyant d'enquiquiner ses contemporains s'impose à tous.

En somme, c'est arrivé sans que personne ne le veuille ?

Elisabeth Lévy : Je ne dirais pas tout-à-fait cela. Chez beaucoup, l'idéologie a agi comme un voile qui les empêchait de voir ce qui se passait: la jeunesse immigrée était victime des Dupond Lajoie et autres beaufs franchouillards, quand elle sombrait dans la délinquance c'était bien normal à cause du racisme si répandu. Mais d'autres n'ont pas l'excuse de l'inconscience ou de l'aveuglement. Il y a en France un parti de l'islam, que Finkielkraut appelle justement le parti de l'Autre, qui s'est prêté à toutes sortes d'accommodements avec «les Frères», représentants de la «religion des pauvres», comme disait Emmanuel Todd, non pas par cynisme électoral mais parce qu'il comprend, dans le fond, que seul l'islam pourrait effectivement le débarrasser de ce peuple qui vote de plus en plus mal et demeure, on se demande pourquoi, rétif aux séductions très relatives du multiculturalisme réel. Ramadan, les Frères musulmans de l'UOIF, et plus encore leurs alliés de l'islamo-gauche, comme Edwy Plenel ou Clémentine Autain et pas mal d'autres ont clairement encouragé la sécession que j'ai évoquée en lui fournissant des visages présentables, une panoplie idéologique de légitimation et des relais médiatiques. Et ce sont les mêmes qui ont seriné aux jeunes nés sur notre sol que nous étions coupables de tout et eux responsables de rien. On ne saura jamais à quel point ce discours victimaire a contribué à faire haïr la France par des Français.

Il y a tout juste deux ans, les attentats de Paris contre la rédaction de Charlie Hebdo puis l'Hypercacher ensanglantaient la France. Depuis rien n'a changé ?

Elisabeth Lévy : Si évidemment ! Maintenant non seulement tout le monde voit mais on a le droit de dire. Même dans Le Monde, qui a publié cette semaine une excellente enquête sur Stains où l'imam, très républicain, n'a pas vu que sa mosquée était un vivier de recrutement pour l'EI. Et même à France Télévision où on a pu voir au 20 heures de David Pujadas, le reportage sur Sevran dans lequel on voit un patron de bistrot lancer «Ici, c'est le bled!» (comprenez qu'il est normal qu'on n'y voie pas les femmes). Aujourd'hui, seule une minorité continue à nier le problème et à radoter sur les méchants islamophobes qui sont à l'origine de tout le mal. Même la lutte sacrée contre le populisme fait de moins en moins recette. Quoi qu'on pense du FN, il est difficile de prétendre qu'il est plus dangereux pour la République que l'islam radical.

Les propos de Vincent Peillon qui compare les musulmans aux juifs des années 30 laissent penser que l'influence politique des islamo-gauchistes n'a jamais été aussi grande…

Elisabeth Lévy : Ah bon, expliquez-moi en quoi. Ce qui prouverait que cette influence est grande, c'est que Vincent Peillon gagne la primaire - et l'élection présidentielle. On n'en est pas là et quelque chose me dit au contraire qu'il risque de payer fort son ânerie historique et politique. Reste une aberration que je ne m'explique pas. Sauf à croire que les électeurs de gauche vivent dans un monde enchanté protégé de tous les maux de l'époque, je ne comprends pas que les candidats à la primaire cherchent à flatter une fibre multiculti qui est plutôt chancelante, même chez les meilleurs croyants. Et s'il semble que Manuel Valls conserve un certain socle électoral, je suis convaincue que la fermeté qu'on lui prête face à cet islam y est pour beaucoup.

Sur le plan intellectuel, certaines digues ont sauté. En revanche, sur le plan politique, c'est toujours le règne de l'impuissance …

Elisabeth Lévy : Sur le plan intellectuel, il est urgent d'améliorer notre connaissance objective des faits et d'y réfléchir calmement, sans minimiser ni exagérer. L'enquête CNRS/CEVIPOF en chantier ainsi que d'autres travaux devraient nous y aider. Seulement, plus on sait qu'il faut agir, moins on sait comment agir. En effet, les enjeux sécuritaires sont infiniment moins complexes que les fractures culturelles et idéologiques. On peut traquer des criminels, couper leurs sources d'approvisionnement et de financement, les juger, les condamner ou les abattre. On peut combattre les discours de haine, en tout cas quand ils sont tenus publiquement, même si c'est plus compliqué et en grande partie vain. En revanche, on ne sait pas comment lutter contre les idées fausses qui s'emparent de certains esprits. Ou plutôt on sait que c'est une guerre de trente ans qu'il faudrait mener sans relâche sur tous les fronts où se fabrique l'esprit public: école, université, médias, justice. Tout en s'employant par ailleurs à réduire le plus possible des flux migratoires que plus personne n'est aujourd'hui en état d'accueillir, ni les issus-de ni les de-souche.

Surtout, ne laissons pas tomber ceux et surtout celles qui, dans les quartiers, refusent de céder.

Vous écrivez, "on ne saurait tout attendre des gouvernants ou de la loi". Mais les Français victimes de cette terreur lente, souvent les plus pauvres, attendent que l'Etat les protège...

Elisabeth Lévy : Il ne vous a pas échappé que nous entrons en campagne électorale? Par ailleurs, il paraît que nous vivons dans le monde merveilleux des réseaux sociaux et de la participation citoyenne. Alors, que la majorité silencieuse profite de ces quelques mois où on va la courtiser pour faire savoir à ceux qui briguent ses faveurs ce qu'elle veut - en l'occurrence rester un peuple, un peuple, divers, et même chatoyant, accueillant aux individus, mais qui n'entend pas accueillir un autre peuple, poursuivant un autre projet, et encore moins un contre-peuple poursuivant un contre-projet. Les Français, y compris musulmans, veulent que l'islam s'adapte à la République, pas le contraire.

Vous expliquez que la reconquête des territoires perdus ne se fera pas par la force. Mais le recours à l'autorité de l'Etat et du politique, y compris en prenant le risque de nouvelles émeutes, n'est-il pas le meilleur moyen d'éviter à terme la guerre civile que certains redoutent ?

Elisabeth Lévy : Quand la sécession prend des formes violentes, l'Etat doit répliquer par la force et, de mon point de vue, en faisant un tout petit peu moins de chichis - d'ailleurs c'est déjà le cas avec l'assouplissement des règles de tir pour les policiers. Je ne vois pas aujourd'hui de foyers d'émeutes tels que vous semblez les décrire, mais si des événements du type de 2005 devaient se reproduire, j'espère que la réaction serait rapide et ferme. Cependant, pour l'essentiel, la sécession qui met la République au défi est en apparence, sinon pacifique, du moins non-violente. C'est dans les esprits qu'il faut mener la reconquête des territoires perdus - ce qui veut dire à la dure, sans céder sur ce que nous sommes, pas par la force. Nous ne gagnerons pas cette guerre si la majorité silencieuse des musulmans ne choisit pas bruyamment la loi de la République contre celle des «Frères» et la majorité silencieuse le restera tant qu'elle aura plus peur du jugement des siens que besoin de l'approbation de ses concitoyens. Surtout, ne laissons pas tomber ceux et surtout celles qui, dans les quartiers, refusent de céder. Salman Rushdie dit que, si la fatwa contre lui était prononcée aujourd'hui, il serait beaucoup moins soutenu qu'à l'époque. Je veux croire qu'il se trompe et que nous sommes collectivement déterminés à résister, calmement mais fermement, à l'emprise islamiste. Faute de quoi, dans quelques décennies, on recensera les quartiers de France où il est permis de se promener en mini-jupe et de s'embrasser dans la rue.

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SOURCE : Le Figaro

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