19/05/2024
Bourgeoisie...
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« Dans "Ne plus attendre", Drieu définissait le bourgeois comme un être qui place "la pensée du bifteck aux pommes avant toute autre pensée." La mauvaise humeur fouette cette formule, et il faut chercher autre part dans ce livre, une pensée plus nuancée, qui correspond davantage à la conviction de Drieu. "Les artistes qui ont commencé, avant les intellectuels socialistes, à moquer et à haïr les bourgeois du temps de Louis-Philippe étaient eux-mêmes des bourgeois - tout romantiques qu’ils se prétendissent - et ils ne faisaient qu’opposer à la figure nouvelle du bourgeois ravagé par le lucre capitaliste, par la hâte industrielle, urbaine, l’image séculaire du bourgeois médiéval, robuste, belliqueux, comme le noble et le paysan, plus soucieux d’achèvement que de gain, animé par la foi chrétienne."
Les bourgeois, qui défilent dans "Rêveuse bourgeoisie", ont des ancêtres et, dès lors, des traditions. Ces traditions se dissolvent : les rites deviennent des routines; les prudences, des timidités ; les scrupules, des hypocrisies ; les convenances, des préjugés ; le sens de l’économie, le sens du confort. Mais Drieu ne croit pas, comme Mauriac, que la bourgeoisie soit seulement l’étroitesse, la mesquinerie et qu’elle pérît de ses querelles autour des héritages et des préséances. Cela, sans doute, est un aspect de cette classe sociale, mais sommaire, superficiel et qui ne rend pas bien compte du phénomène de sa déchéance. Pour Drieu, la bourgeoisie est une communauté qui se replie sur elle-même, par refus de l’effort. D’où son double caractère : anachronique et insignifiante.
L’analyse, ici, est poussée plus loin que dans les romans de Mauriac. L’intuition de Drieu cerne, rend parfaitement intelligible une réalité sociale. Elle explique qu’il y ait, dans cette bourgeoisie, rarement des haines, mais plus souvent des rancunes ; rarement des ambitions, mais plus souvent le souci d’une carrière. L’énergie manque pour soutenir une grande passion qui enflamme une existence. Tout est rapetissé, non, parce que l’on prend une vue basse des choses, mais parce qu’on n’ose pas et finalement parce que l’on ne peut plus empoigner le réel et le façonner avec hauteur.
Rêveuse bourgeoisie, décrète Drieu. Qu’est-ce à dire ? Molle, faible, velléitaire, abandonnée au fil des jours, trimbalée comme un songe creux ; mais surtout dépouillée de l’esprit réaliste, vaincue par l’illusion. Princesse des nuées, se livrant aux chimères comme la société américaine à la vulgarité, voilà ce qu’elle est. »
Pol Vandromme, Drieu La Rochelle
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