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25/09/2007

Écrire - VIII

=--=Publié dans la Catégorie "Brèves"=--=

Pour écrire vraiment, il faut être en mesure de se donner des règles nombreuses et strictes. Et ces règles, je ne les connais pas. Je les pressens tout au plus. J’ai un mal fou à les formuler. Je me demande même si je cherche à les formuler vraiment. En fait, je me donne des règles à l’instant de l’écriture. Je ne sais pas toujours ce que je veux. Je sais, par contre, ce que je ne veux pas. Or, j’ai besoin d’une assise pour dire ce qui doit être dit et me faire comprendre. Je sais, simplement, que tout acte en provoque un autre, tout est intimement lié et donc ce qui arrive, ce qui survient comme un accident à notre petite échelle, ne pouvait qu’arriver. Un acte ne peut pas provoquer d’autre acte que celui qu’il provoque. Donc lorsqu’on écrit on ne fait pas dans la fantaisie, même lorsque le style est fantaisiste. Il y a bien une couleur ici. Un bruit, un chuchotement là-bas. Une odeur. Des traces de pas dans le jardin. Des traces de spermes dans les draps. Un son particulier indique la présence d’un individu, animal, humain, ou autre. Un « Horla » peut-être ? Il n’y a rien de gratuit. Tout est très clair. C’est peut-être pour cela que la monstruosité existe dans la littérature. Dans l’Art. Et aussi dans la Vie qui est une tragédie, ami lecteur, amie lectrice, qui vaut la peine d’être vécue. S’il y a bien une règle qu’il n’est pas un instant envisageable de transgresser (sans sortir, du coup, de l’œuvre elle-même et des représentations qu’elle consacre) c’est bien celle-là : tout est lié, bien que disparate, à présent, sachant cela, écris !

On pourrait dire aussi : tout est lié, bien que disparate, à présent, sachant cela, aime.

Mektoub !

07:00 Publié dans Brèves | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : Écrire | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Commentaires

"Tant l'écriture humaine est un mystère" écrit Bloy a propos de Hello qui eut des traits de génie (voir chez IDC sur " De Maistre") sans avoir le plus mince talent pour ses titres.

Ce "mystère" évidemment, ne s'apprend pas. A l'origine, il y a la vocation : vocatus, appelé. Mais après ce "premier moteur", vient la recherche. Le métier - c'est Flaubert passant 10 heures sur 2 phrases, Céline gardant 600 pages sur 10 000, Saint Simon passant toute une vie. sur ses Mémoires Les exemples abondent Bien sûr, il y a des exceptions, mais outre qu'elles sont extrêmement rares, elles sont le plus souvent le fait d'hommes ayant derrière eux toute une œuvre. C’est Stendhal dictant en 13 semaines la Chartreuse, Giono rédigeant, en hommage à Beyle, son prodigieux « Roi sans divertissement » dans le même délai – ce qui le fit si infiniment souffrir qu’il s’exclama « plus JAMAIS !!! ». Certes, Hugo écrit Hernani en un mois, mais c’est Hugo. Et puis Hernani n’est pas son chef d’œuvre, les "Travailleurs de la mer" est peut être son plus grand poème et le triomphe d'une prose qui éclate en traits de lyrisme concentrés, striant comme des foudres une page hallucinée.

L’affrontement à l’écriture est la condition de tout style. Mais cette écriture c'est la projection d’un tempérament. On se sent porteur d’un vision, elle exige sa couleur, son tempo, et un élagage forcené, impitoyable des inutilités,des effets de manche de ce qui fait plaisir à l'auteur mais dessert l’économie générale de l’œuvre. C’est par ce qu’on retire qu’on arrive à frôler l’harmonie. Biffer, encore, toujours.
Emonder l'arbre des mots ( ce serait bien une expression à barrer, ça...)
Le lecture des écrivains qui ont fouillé les racines de leur style apprend beaucoup. Céline dans le professeur Y, Léautaud dans son Journal littéraire et les Goncourts. Leur Journal, bien sûr, mais aussi un chef d’œuvre méconnu comme « Manette Salomon », doté – une fois n’est pas coutume – d’une prodigieuse introduction de Michel Crouzet (Poche classique), l‘un des 2 ou 3 meilleurs dix-neuvièmeiste d’aujourd’hui. Pas besoin de lire beaucoup, ce qui importe c’est la qualité, c’est la grande prose. Que serait Flaubert sans Montesquieu lu et relu. Proust sans Saint Simon et Mm de Boigne ? Tout écrivain à eu ses maîtres, fusse pour les trahir –ainsi de Proust se débarrassant de l’influence trop envahissante des Goncourts en pastichant le Journal dans « Le temps retrouvé ». Céline avait tout lu, lui qui se cache si bien, on est tout étonné de découvrir dans Léautaud l’envoi à ce dernier du Voyage, avec une belle dédicace. Hors, à l’époque, Léautaud n’est lu que de rares initiés. Preuve que Ferdinand suivait de très près l’ « évolution » de la prose française, (ce qui se faisait). Puiser au passé et au présent. Accepter ses influences, l’ originalité sortira peu à peu de sa gangue, si elle existe. Et travailler, avec un acharnement sans relâche. D’ailleurs,quand on est dedans… que la danse vous habite, ça finit par vous traverser. Après la lave, on ramasse mes scories…c’est long et fastidieux. C’est cet aspect ennuyeux, train-train, grisâtre qu’il faut pouvoir surmonter. Ne pas oublier qu’il est au moins aussi important que la création dans son surgissement. Revoir son texte, encore et encore. Oh, sans doute pas tout de suite ! après l’écriture, un temps de repos, qu’il « fasse sa maladie », puis lire, comme son pire ennemi. Enfin, chacun aménage sa ratatouille.

La langue est un outil qu’on se doit de maîtriser. Parataxe, concordance des temps, phrases nominales… Loin de toute cuistrerie, comme un peintre connaît (connaissait…) sa perspective et le travail de la lumière. Peu importe d’ailleurs les étiquettes, seul compte la compréhension intime de la syntaxe. C’est une question d’oreille, je l’ai souvent remarquée.

Je suis toujours étonné de voir combien la leçon du passé est oubliée. Etonnement naïf. Rappeler que Sully Prudhomme fut regardé comme un titan de la poésie française (premier prix Nobel), que Pierre Benoit, Loti, Bourget étaient dévorés quand Villers, Bloy, Schwob n’avaient qu’entre 1000 et 2000 lecteurs – et Jarry aucun, Geste et opinions du Dr Faustroll… est tiré à 50 exemplaires – ces rappels obligeraient les critiques stipendiés par les maisons d’éditions à se poser de douloureuses questions. André Frédérique, c’était à peine hier, et sans quelques fanatiques, on l’oublierait. Pareil pour Hardellet. Aujourd’hui, il y a encore des écrivains, mais trop souvent le silence les recouvre. Il y a Pierre Michon, Combet, des auteurs Corti que je ne connais pas. Mais qui peut se vanter d’échapper aux roulades médiatiques, modernes tambours de Sancerre qui s’abattent pendant que la littérature essaye de parler? On publie des choses désespérantes de médiocrité, le succès d’une Catherine Millet en fait champignonner 50. Mais c’est l’écume.
Continuons, plus que jamais. Il n’y a pas de fatalité.

Écrit par : Restif | 25/09/2007

Merci Restif pour cette intervention qui montre bien que l'écriture est une Guerre intérieure avec le LOGOS pour faire éclore la Rose de la Vérité et du Réel de l'Être.

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Écrit par : Nebo | 25/09/2007

Céline disait qu'écrire, c'était mettre sa peau sur la table, et je crois que c'est bien d'avantage q'une métaphore.

Un écrivain doit ressentir l'impression qu'on lui tire le sang, et que la tête lui tourne. Si en se levant le matin, les pages de la veille ne lui inspirent pas un sentiment qui oscille entre la peur et le dégoût, comme s'il se rappelait avoir dit des choses monstrueuses à des proches en état d'ébriété, c'est qu'elles sont ratés.
Mettre sa peau sur la table, c'est à dire,littéralement, se détruire pour laisser place à l'oeuvre. Un écrivain est celui qui rêve de ne plus avoir à le faire, et se dit"plus jamais ça, si j'en sors". Arriver à mettre un point final, et partir loin de cette p… de plume. Comme Rimbaud.

Écrit par : XP | 25/09/2007

Resbif, sur le vif, et dans le profond de la main travaillée par les mots... C'est l'invitation du laboureur aux ongles maculés d'encre, de terre, de brûlures, de yeux ramonés par les sillons, comme l'on voudra, bien plus que les paillettes supposées de la conscience affirmée et de la vérité. Très beau texte innervé par la littérature. À la liste des prosateurs actuels, j'oserais ajouter le nom de Réjean Ducharme (Gallimard) qui s'est rigoureusement tenu loin de toute posture publique, sauf celle d'avoir écrit patiemment dans son coin.

Écrit par : Jack | 26/09/2007

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