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06/11/2007

Espiègleries Sollersiennes...

=--=Publié dans la Catégorie "PARENTHÈSE"=--=



Je ne l'ai pas encore lu... mais voici quelques extraits :

"Francis Ponge

Je vais voir Ponge chez lui, rue Lhomond, près du Panthéon, au moins une fois par semaine. Sa solitude est alors terrible, sa pauvreté matérielle visible. Là-dessus, une fierté et une ténacité radieuse, quelque chose de radical et d’aristocratique, dans le genre « tout le monde a tort sauf moi, on s’en rendra compte un jour ». J’arrivais, je m’asseyais en face de lui dans son petit bureau décoré par Dubuffet, j’avais des questions, il parlait, je le relançais. J’ai fait ce que j’ai pu pour lui par la suite : invitation d’un mois à l’île de Ré, conférence à la Sorbonne, envoi de caisses de vin de Bordeaux, obtention d’un maigre salaire dans le budget de la revue « Tel Quel » (il figure en tête du premier numéro), livre d’entretiens d’abord diffusés à la radio, etc. J’apporte un électrophone et on écoute du Rameau, et encore du Rameau (c’est son musicien préféré). Ponge, à ce moment-là, est très isolé : mal vu par Aragon en tant qu’ancien communiste non stalinien, tenu en lisière par Paulhan (malgré leur grande proximité), laissé de côté par Sartre, après son essai retentissant sur lui dans « Situations I ». Il est donc encore loin de l’édition de ses œuvres complètes et de la Pléiade, mais le temps fait tout, on le sait. Jusqu’en 1968, idylle. Ensuite, on s’énerve, moi surtout. Raisons apparemment politiques, mais en réalité littéraires (Malherbe, sans doute, mais n’exagérons rien) et métaphysiques (le matérialisme de Lucrèce, pourquoi pas, mais pas sur fond de puritanisme protestant). De façon pénible et cocasse, la rupture se produit apparemment sur Braque (texte critique de Marcelin Pleynet, privilégiant Freud), mais aussi (rebonjour Freud) à cause de mon mariage (sa propre fille est alors à remarier). Il y a, de part et d’autre, des insultes idiotes. A mon avis, à oublier.

J’ai beaucoup aimé et admiré Ponge, et la réciproque aura été vraie. Je ne vais pas citer ici les dédicaces super-élogieuses de ses livres. Les historiens le feront un jour, c’est leur métier.

François Mauriac

Il écrit son « Bloc-Notes » assis sur un petit lit, Mauriac, papier sur ses genoux, à l’écoute. Il est incroyablement insulté à longueur de temps, et il y répond par des fulgurations et des sarcasmes (ressemblance avec Voltaire, après tout). Il est très drôle. Méchant ? Mais non, exact. Sa voix cassée surgit, très jeune, la flèche part, il se fait rire lui-même, il met sa main gauche devant sa bouche. Homosexuel embusqué ? On l’a dit, en me demandant souvent, une lueur dans l’œil, si à mon égard, etc. Faribole. Mauriac était très intelligent et généreux, voilà tout. Fondamentalement bon. Beaucoup d’oreille (Mozart), une sainte horreur de la violence et de sa justification, quelle qu’elle soit. Les sujets abordés, après les manipulations, les mensonges et les hypocrisies de l’actualité ? Proust, encore lui, et puis Pascal, Chateaubriand, Rimbaud. Les écrivains sont étranges : avec Ponge, je suis brusquement contemporain de Démocrite, d’Epicure, de Lautréamont, de Mallarmé. Avec Mauriac, de saint Augustin, des « Pensées », d’« Une saison en enfer ».

Dominique Rolin

Elle est assise à côté de moi, sur ma gauche. Je ne fais attention à rien d’autre. Corps de rêve, seins magnifiques, voix-mélodie, rire de gorge, humour. Elle paraît dix ans de moins (elle a dix ans de moins), elle sort d’un deuil très dur qu’elle décrit dans un de ses meilleurs livres, « le Lit », c’est donc une veuve sombre et joyeuse. Coup de foudre pour moi, légère commotion pour elle (elle manque de tomber dans un escalier). Mon destin est là, aucun doute. Même conviction, fondée, qu’avec Eugénie, sept ans plus tôt. Le surnom d’Eugénie dans ma mythologie personnelle : « l’Ange ». Celui de Dominique, immédiatement : « la Fée ». Tout y est : lumière intérieure, effet d’irradiation, sensualité, peau, bijoux, extraordinaire impression de confort et de repos que donne la beauté indifférente à elle-même (elle ne se trouve pas belle, évidemment). Il ne manque que la baguette magique, mais elle est là, invisible, l’étoile est là. Les citrouilles, autour de la table, ont disparu dans une gélatine de paroles vides. Elle va partir en riant dans un carrosse, mais je la retrouverai.

Julia Kristeva

Ces années d’avant l’explosion de Mai sont étonnantes. Je mène toujours une vie très désordonnée, mais une autre rencontre féminine a lieu, rencontre de fond et coup de foudre. C’est Julia (Kristeva), arrivée de Bulgarie en 1966, avec une bourse d’étudiante en lettres. Elle a 25 ans, elle est remarquablement jolie, elle vient m’interroger, on ne se quitte plus depuis. Elle n’a pas de passeport français, elle est très suspecte, on se marie en août 1967. Elle est toujours là, qui dit mieux ? Attention : il y a Julia Joyaux et Julia Kristeva, Philippe Joyaux et Philippe Sollers. Pas deux, quatre. Et puis cinq, avec David Joyaux, en 1975.

Mai-68

Mai-68, je l’ai sans cesse écrit dans mes romans et ailleurs, a été une libération incroyable. Temps ouvert, espace ouvert, nuits éclatantes, bouleversements à tous les niveaux, rencontres flambantes, grandes marches sans fatigue dans Paris paralysé, déploiement physique. Il était amusant, et salubre, d’employer parfois la langue de bois pour la faire brûler (j’ai ainsi écrit, sur des coins de table, des tas de tracts anonymes). J’ai fait deux ans de chinois (trop tard, et pas suffisant, il faut commencer à 8 ou 9 ans), j’ai traduit des poèmes de l’incroyable tortue Mao et commenté son étonnant « De la contradiction » tout en ayant en tête une traduction nouvelle du « Laozi » et du « Zhuangzi », bref, une ivresse claire qui me tient encore. J’ai ensuite choqué beaucoup d’Américains en disant publiquement que mon souci principal était d’être ainsi décrit par un dictionnaire chinois, pas avant, mettons, 2077 : « Ecrivain européen d’origine française qui, très tôt, s’est intéressé à la Chine ». Je ne me plains donc pas de ma quasi-inexistence sur le marché anglo-saxon ? Non. Pouvez-vous m’expliquer ça ? Je n’arrête pas.


Mao et Jean-Paul II

La folie Mao m’occupe pendant trois ans, le temps de défrayer la chronique : sabotage du Parti français dont, bien entendu, je n’ai jamais été membre. On va jusqu’à Pékin en 1974, sans Lacan, qui, pourtant, avait donné son accord (mais avec Barthes qui s’ennuie beaucoup pendant le voyage). Retour vite transfusé en critique, et départ pour New York.

En somme : première vague, Mao. Deuxième vague, Soljenitsyne et les dissidents russes enfin écoutés. Troisième vague, l’élection surprise de Jean-Paul II, et l’insurrection polonaise. Quatrième vague, chute du mur de Berlin. Pendant tout ce temps, j’écris « Paradis », qui, on me l’accordera, a peu de chose à voir avec « Paludes ». [...]

Alors, après avoir été « maoïste », vous êtes devenu « papiste » ? En effet, et résolument. Si vous permettez, stratégie élémentaire : tout ce que l’adversaire attaque (Mao, le pape), on le défend ; et tout ce qu’il défend (l’ex-URSS et ses métastases), on l’attaque. La Chine n’est plus une colonie de la Russie, et, donc, plus des Etats-Unis ? Il semble. Le pape est mort ? Vive le pape.

Inutile de préciser que je suis, depuis fort longtemps, un défenseur radical des droits de l’homme en Chine, et que je n’ai rien contre l’avortement, le préservatif, l’homosexualité, et autres obsessions du temps. En revanche, le célibat des prêtres me paraît une excellente mesure. Dit autrement : oui au péché, non à la monogamie pieuse.


Alain Robbe-Grillet

Dans les péripéties malheureuses et confuses entre cinéma et littérature, l’échec le plus révélateur est quand même celui de Robbe-Grillet. Au début du « nouveau roman », il écrit contre toute image « la Jalousie », ascèse ennuyeuse mais intéressante. Ensuite, il veut filmer ses fantasmes érotiques, et c’est le kitsch. Une telle bouffée de laideur méritait bien une élection à l’Académie française.

François Mitterrand

Je n’aimais pas Mitterrand, mais il m’intriguait, et, au vu de la médiocrité politique ambiante, ce médiocre sinueux m’intrigue toujours. Je ne l’ai rencontré que deux fois. La première, à sa demande, après la parution de « Femmes », pour un déjeuner à l’Elysée, en compagnie de l’un des meilleurs stratèges d’aujourd’hui, BHL, l’homme qui sait tout de la comédie du pouvoir avant tout le monde. Mon gros roman avait du succès, le président voulait voir l’animal de près. Il a dû m’observer, et, comme je n’ai presque rien dit, sonder mes silences.

Mitterrand brillait, BHL brillait, Attali se taisait, le nez dans son assiette, j’avais tendance à m’endormir.

La deuxième fois est un déjeuner chez Colette et Claude Gallimard, au 17 rue de l’Université. Gallimard ? Le président est un habitué de la librairie du boulevard Raspail, il vient de temps en temps consulter des éditions rares, ou en acheter quelques-unes. Un président littéraire ? Il aime qu’on le croie, même si ses goût restent conventionnels (Chardonne, etc.). Mais on sent que « Gallimard », pour lui, reste un nom prestigieux, sans doute lié à des ambitions de jeunesse (mauvais poèmes, lyrisme petit-bourgeois). Il a sûrement été impressionné par la « NRF », surtout celle de Drieu la Rochelle.

Quoi qu’il en soit, ce deuxième déjeuner est amusant, et c’est lui qui a demandé ma présence. Nous sommes en 1988, il vient d’être confortablement réélu, et il a feuilleté mon roman « le Cœur absolu » qui se passe beaucoup à Venise, dans une atmosphère casanoviste ressuscitée. Le président a l’air content, il fonce sur moi en me disant « voilà le terrible monsieur Sollers », m’entraîne sur un canapé, s’assoit contre moi, me prend le bras gauche et me dit tout à trac : « J’espère que vous faites attention à votre santé. » J’hésite deux secondes avant de comprendre qu’il pense qu’un vrai libertin risque désormais sa vie avec le sida qui rôde. Va-t-il m’offrir des préservatifs ? Non, il me raconte son amour pour Venise et sa découverte de Casanova. Je suis sur le point de lui dire « bienvenue au club », mais comme je suis un amateur solitaire et sans club, je m’abstiens, tout en louant son sens historique.

Vatican

Mon livre sur « la Divine Comédie » paraît donc en 2000, et, en octobre, je vais l’offrir à Rome à Jean-Paul II. Il y a des photos : grand scandale dans les sacristies intellectuelles. La remise du livre a lieu, en audience publique, place Saint-Pierre.

Je rappelle au pape que je lui ai déjà envoyé, sept ans auparavant, un livre tournant autour de l’attentat dont il a été l’objet (« le Secret »), et, en effet, il hoche la tête, et là, geste inattendu, il tend le bras et appuie longuement sa main droite sur mon épaule gauche, tout en me regardant droit dans les yeux. Rituel militaire plus qu’étrange, d’autant plus que l’intensité du regard est du genre laser rayon vert. Pas un mot, la main sur l’épaule, silence de vie criant, félicitations pour mon activité de mousquetaire libre, absolution de mes péchés (et Dieu sait). Archivé. Par la suite, envoi d’une lettre très élogieuse sur le bouquin, avec hyper-bénédictions à travers la Mère de Dieu : pour un assassiné-ressuscité, c’est un comble.

Epitaphe

Je ne tiens pas du tout à mourir, mais, s’il le faut physiquement, j’accepte, comme prévu, qu’on enterre mes restes au cimetière d’Ars-en-Ré (Sollers en Ré), à côté du carré des corps non réclamés, des très jeunes pilotes et mitrailleurs australiens et néo-zélandais, tombés là, en 1942 (pendant que les Allemands rasaient nos maisons), c’est-à-dire, pour eux, aux antipodes ;

Simple messe catholique, à l’église Saint-Etienne d’Ars, XIIe siècle, clocher blanc et noir servant autrefois d’amer aux navires, église où mon fils David a été baptisé ;

Sur ma tombe, 1936-20..., cette inscription : Philippe Joyaux Sollers, Vénitien de Bordeaux, écrivain ;

Si un rosier pousse pas trop loin, c’est bien.



Günter Grass

Chacun devrait raconter ses expériences, les écrivains, les poètes, les philosophes, les curés, les curés de l’ombre, les politiques, les banquiers, les policiers, les militaires, les péroreurs révolutionnaires, qu’on voie un peu à travers.

Montre-moi ton enfance et ton adolescence, je te dirai qui tu es.

Je ris, en passant, des révélations de ce médiocre écrivain allemand, Günter Grass, Prix Nobel de littérature, avouant qu’il a été Waffen SS à l’âge de 17 ans, pour échapper à son étouffante famille. Grass, on s’en souvient peut-être, a été la grande conscience social-démocrate de l’après-guerre. Des hypocrites s’indignent de son long silence avant l’aveu de cette « souillure », mais personne ne pose la vraie question : pourquoi Grass a-t-il eu envie de cette incorporation ? Pour échapper à sa famille, vraiment ? Ou plutôt pour ne rien savoir de ses désirs à l’époque ? Lesquels, d’ailleurs ? Expliquez-vous clairement (ou alors lisez l’extraordinaire roman de Jonathan Littell, « Les Bienveillantes », confession d’un officier SS, cherchant à travers un matricide, une fusion incestueuse avec sa sœur via la sodomie passive, une issue impossible hors des massacres de cauchemar). Mon Dieu, mon Dieu, quelle misère : chrétienne, conservatrice, socialiste, fasciste, communiste, social-démocrate, réactionnaire, progressiste, etc. Est-ce qu’on ne pourrait pas s’évader de ces décors d’ensemble ? Grass, dites-moi : à 17 ans, qui aviez-vous envie de baiser ? Et vous, Bourdieu, et vous, l’abbé Pierre ? Et vous, Staline, Mussolini, Franco, Pétain, Hitler ? Et vous, Bush, Ben Laden ? A 7 ans ? Mais tout est déjà joué, bien sûr, merci Freud.

Adhérer aux Waffen SS à 17 ans, c’est comme si moi, au même âge, j’avais eu envie d’être parachutiste ou tortureur français. Peu importe, au fond, le contexte historique : l’inclination, le goût, tout est là. Vous avez, à cet âge, bandé pour ça ? Chacun ses goûts, mais dites-nous franchement pour qui et pour quoi.

Louis Aragon

Aragon, au café La Régence, place du Palais-Royal, me dit : « Tu comprends, petit, l’important est de savoir si on plaît aux femmes. » Je n’aime pas ce tutoiement forcé, et encore moins le mot « petit ». Quant aux femmes, je suis au courant, merci, j’ai, comme dit Casanova, « le suffrage à vue », et ça marche. L’autre formule, moins conventionnelle, et plutôt amusante, consiste, de sa part, à dire que le comble du snobisme est de se déclarer communiste. Bon, pourquoi pas. Après quoi, quelques rencontres, où, immanquablement, il se met à me lire ses poèmes qui, d’ailleurs, n’en finissent pas. Voix déclamatoire, très dix-neuvième siècle, la diction plaintive et forcée que vous entendez déjà dans l’enregistrement d’Apollinaire, « Ouvrez-moi cette porte où je frappe en pleurant », etc... Aragon est encore très beau, il est debout, il se regarde à travers vous, le miroir envahit la pièce, il vous glace. Il me fait le coup quatre ou cinq fois, rue de la Sourdière, d’abord (petit appartement encombré et obscur, plus modeste que celui, tout aussi encombré, de Breton rue Fontaine), rue de Varenne ensuite (luxe et chauffage, le Parti s’occupe de tout). Je m’ennuie, je suis fragile des tympans, l’admiration tonitruante du poète, dans la pose du grand poète, pour un vers de Henry Bataille, « J’ai marché sur la treille de ta robe », me laisse froid. Je note que le spectateur, épinglé dans son fauteuil, pourrait se lever, sortir, aller prendre un verre ou deux au café du coin, revenir une heure après, sans que l’auteur-acteur ait remarqué son absence. Bon, ça ira comme ça. La goutte d’eau qui fait déborder le vase sera « le pèlerinage au Moulin », là où il se fera enterrer avec Elsa, œuvres et cadavres croisés. Atmosphère de dévotion hyper-bourgeoise et cléricale, des invités, aucun snobisme, la servilité partout.

—oOo—



Rencontres au lance-pierre

Aurais-je souhaité rencontrer Gide autrefois ? Si on m’a lu jusqu’ici, on comprend que non, et pourquoi.

Sartre ? Il semble devenu indifférent à la littérature, qu’il assimilera bientôt à une névrose (« Les Mots »). Il remarque pourtant positivement un de mes premiers livres « Drame ». Vu seulement en 1972, dans les désordres du temps, deux heures dans son studio. Il me parle à toute allure de son « Flaubert », allume des Gitanes mais l’une après l’autre, « avant que le Castor n’arrive », me raccompagne sur le palier et me dit : « Bon, alors on se retrouve dans la rue ? » Flaubert ou la rue ? Les deux, sans doute, mais j’ai aussi autre chose à faire.

Blanchot ? Vu deux fois. Spectral. Coup de foudre d’antipathie immédiate et, je suppose, réciproque. Grande estime antérieure soudain effondrée. Bizarre.

Robbe-Grillet ? Drôle, décidé, sympathique, caustique, mais de plus en plus cinéma et érotisme tocard. Ca ne s’est pas arrangé, et il se fait tard.

Gracq ? Deux ou trois fois, compassé. Et puis une remarque : « Je n’aime pas Mozart. » Bonsoir.

Michaux ? Une seule fois. Coton dans les oreilles. Tristesse des lieux, très en dessous de la mescaline.

Duras ? Conversations marrantes au café. Et puis, elle s’emballe pour Mitterrand, bonsoir.

Claude Simon ? Très chaleureux, guerre d’Espagne, anarchiste buté. Me plaît.

Paulhan ? Le plus intrigant. Chez lui, rue des Arènes. Le seul qui semble penser avant de parler, allusions métaphysiques fréquentes, ironie matoise, signaux zen. Il travaille en écoutant des chansons à la radio. Me prête des livres chinois et « Orthodoxie » de Chesterton. Tout de biais, mais parfois éclairant. Aime « Le Parc », où il voit une mise en scène de la Trinité : bien joué. Très intelligent, œuvre faible. Belle écriture bleue ronde, billes allusifs. Se veut énigmatique, style société secrète, goût du pouvoir.

[...]

Sarraute ? Amitié incompréhensible, douceur, mélancolie, mélodie. J’essaie de lui cacher que je n’aime pas beaucoup ses livres. Elle le devine, mais, étrangement, ne semble pas m’en vouloir.

[...]

Céline ? Une seule fois, au téléphone, peu avant sa mort. « Venez me voir ! » J’aurais dû sauter dans un taxi.

Bataille ? Venant de temps en temps, l’après-midi, dans le petit bureau de « Tel Quel ». S’assoit, parle à peine. Très étrange rencontre avec Breton, au café du coin. Pour moi, grand signe. De tous les personnages rencontrés, c’est lui, et de loin, que j’admire le plus.

Les intellectuels à la question

Les philosophes et les intellectuels sont marrants : il suffit de les mettre à la question littéraire (et surtout poétique) pour observer leur affolement immédiat. Ils en rêvent, ils savent que c’est là que ça se passe dans le temps, ils tournent autour, ils en rajoutent, ils turbinent. Sartre, bien sûr, avec Baudelaire, Mallarmé, Genet ; Foucault avec Blanchot ou Raymond Roussel ; Lacan avec Joyce. Barthes finit du côté de Proust et de Stendhal et laisse croire qu’il va écrire un roman ; Althusser passe à l’autobiographie après avoir assassiné sa femme ; Derrida met les bouchées doubles avec Artaud ; Deleuze multiplie les incursions ; Badiou se veut écrivain (hélas), bref, ça brûle. Aujourd’hui, morne plaine, mais il est vrai que les philosophes et les intellectuels se sont désormais rangés dans le sermon politique et moral.

Le Clézio, Modiano et moi

Le film que se raconte le milieu littéraire français, depuis plus de trente ans, peut d’ailleurs être décrit comme un western classique, sans cesse rejoué, avec, de temps en temps, adjonction de nouveaux acteurs. Il y a un Beau, un Bon, un Vertueux exotique, Le Clézio, et un Méchant, moi. Je m’agite en vain, Le Clézio est souverain et tranquille, il s’éloigne toujours, à la fin, droit sur son cheval, vers le soleil, tandis que je meurs dans un cimetière, la main crispée sur une poignée de dollars que je ne posséderai jamais. Modiano, lui, a un rôle plus trouble : il est à la banque, il avale ses mots, il a eu de grands malheurs dans son enfance, il est très aimé des habitants de cette petite ville culpabilisée de l’Ouest, aimé, mais pas adoré, comme Le Clézio, dont la photo, en posters, occupe les chambres de ces dames. Le Diable, ne l’oubliez pas, c’est moi. Je suis un voleur, un imposteur, un terroriste, un tueur à la gâchette facile, un débauché, un casseur, j’ai des protections haut placées, des hommes et des femmes de main, je sème la peur, je ne crois à rien, j’expierai mes fautes.

Le parrain

Je passe sur les différentes désinformations m’attribuant, de temps en temps, un « pouvoir » exorbitant dans la république des lettres (alors que, sur ce dernier point, je suis plutôt d’un monarchisme endiablé). A en croire une multitude d’articles, je serais un manitou maniant tout, un « parrain », un faiseur d’opinions et de prix (moi qui ne vois jamais aucun juré du cirque), en tout cas un agent d’influence considérable. Rumeur risible, et qui ne demande qu’à se transformer en son contraire. On m’aura même accusé de diriger « Le Monde des Livres », où je publiais, chaque mois, des articles classiques, repris, avec beaucoup d’autres, dans « La Guerre du goût » ou « Eloge de l’infini ». [...] Que mes amis et mes proches ne finissent pas par me détester à cause de toutes les malfaisances et les dommages dont ils sont l’objet à mon sujet est une grâce. Après tout, je dois la mériter.

L’écran et la plume

L’ordinateur est construit pour faire barrage à la main, faire écran à la véritable audition, appauvrir le vocabulaire, donc les sensations, se plier à la fabrication. Le tour de main, lui, a lieu, comme une perfusion à l’envers, le sang d’encre négatif, biliaire ou mélancolique, se transforme en encre-sang positive, en sang bleu. Quelque chose coule, mais reste embrassé. Ca respire.

[...]

Se prendre, ou se reprendre, en main : expressions justes. L’esprit est une main.

Tempête dans un bénitier

Le pape Benoît XVI a bien raison de réinjecter un peu de latin dans la foire catholique. Geste pas du tout « intégriste », comme on se plaît à le dire, mais hommage à tout ce qui s’est écrit et chanté dans cette langue, de saint Augustin à Monteverdi ou à Mozart. Comment voulez-vous comprendre une énorme partie de la bibliothèque et de la discothèque sans savoir que c’est du latin ? Vous écoutez une messe classique sans comprendre les paroles ? « Incarnatus » ne vous dit rien ? « Miserere » et « Gloria » non plus ? « Et in saecula saeculorum » pas davantage ? Dommage.

« Celui qui ne comprend rien, dit Maistre par provocation, comprend mieux que celui qui comprend mal. » Vérification facile, et raison pour laquelle, sans doute, ma jolie petite concierge catholique portugaise me comprend beaucoup mieux que mes connaissances, mes proches et la plupart de mes amis."




Publié à l'origine dans Le Nouvel Observateur

07:00 Publié dans Parenthèse | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : Philippe Sollers, Écrire, Écrivain, Benoît XVI | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

25/10/2007

Albert Camus... Tolérance et Intelligence...

=--=Publié dans la Catégorie "Brèves"=--=

Les anarchistes sont, dans leur large part, de tristes grenouilles de bénitier qui s'ignorent. Les oeillères sur leur devanture, ils prêchent leurs maladies comme des certitudes saintes d'analphabètes tout pénétrés d'eux-mêmes.

Mais c'est bien-sûr, il fallait y penser, c'était là sous nos yeux mais nous nous refusions de voir pour, enfin, croire l'essentiel : des prétentieux osant gueuler "Ni Dieu ni Maître" sont bien les esclaves de leurs propres peurs, de leur propre néant, de leur mal-être.

Dans la misère de l'esprit actuelle, toujours grandissante, les anarchistes bloqués sur leurs vieilles antiennes se consolent à l'ombre de leur drapeau nocturne. Le Solaire leur fait défaut.

L'Intelligence est aux oubliettes, aux abonnés absents, jetée à la décharge. La misère de leur pensée (peut-on nommer cela ainsi ? je me le demande !) et la pensée de leur misère, pour paraphraser un échange musclé entre Marx et Proudhon au 19ème siècle, leurs niaiseries socio-politiques ne sont qu'une impasse qui les fait jouir de leur vide dont ils parviennent à se satisfaire. Ils sont dans l'impuissance de transformer le monde car ils le réduisent à leur nombril. Décadence et Nihilisme. Contempteurs de l'idée même de Civilisation. Ils semblent en guerre avec les paisibles démocrates bourgeois, ou idéologues de l'Ultra-Gôche, ou socialistes ultra-libéraux... en apparence. L'Inconscient a ses raisons que la Conscience ignore complètement. S'ils savaient que la véritable supériorité, selon le mot de Nietzsche, se trouve justement dans l'absence de revendication. Mais Nietzsche est, à leurs yeux, un réactionnaire, bien entendu, lui qui méprisait le passéisme pour lui-même mais rêvait de le féconder pour accoucher d'un Avenir. Il faut savoir lire. Et les idéologues, quels qu'ils soient, ne savent pas. Les vrais réactionnaires sont parmi les anarchistes qui, réagissant aux Maîtres qu'ils abominent, cherchent à les imiter en négatif par un retournement impulsif de leur soumission.

Comme Goebbels sous l'atroce régime que chacun connaît, dés qu'ils croisent la Culture et une Pensée en mouvement (le contraire de leurs latrines neuronales) ils sortent leur revolver et tirent à vue.

Albert Camus qui, lui, savait lire et que Jean-Paul Sartre ("Jean Sol Partre" disaient Louis Ferdinand Céline et Boris Vian) traitait de "Salaud" parce qu'il dénonçait le Stalinisme avec force, sans aucune demi-mesure, a collaboré en maintes occasions avec le mouvement anarchiste. Sa quête n'était pas arrêtée. Il allait de l'avant l'inquiétude au front, le regard scrutateur et la douleur au coeur. Et il a laissé quelques livres dont l'importance est de premier ordre. Albert Camus savait lire, lui, savait aimer par delà les clivages politiques l'essentiel souffle qui parle à tous les hommes sous le ciel de Dieu ou sous sa vacance sinistre. Ô phrases d'orfèvre.

"Un homme est plus un homme par les choses qu'il tait que par les choses qu'il dit."

"Pour un homme sans oeillère, il n'est pas de plus beau spectacle que celui de l'intelligence aux prises avec une réalité qui le dépasse."

"Vouloir, c'est susciter des paradoxes."

"Georges Bernanos, cet écrivain de race mérite le respect et la gratitude de tous les hommes libres."

"Comprendre, c'est avant tout unifier."

"Il est toujours aisé d'être logique. Il est presque impossible d'être logique jusqu'au bout."

"Que voulez-vous, je ne m'intéresse pas aux idées, moi, je m'intéresse aux personnes."


Une leçon pour les "Gardiens du Temple Anarchiste" qui ne savent même pas lever la patte pour pisser.

00:55 Publié dans Brèves | Lien permanent | Commentaires (55) | Tags : Penser, Écrire, Albert Camus, Anarchistes, Georges Bernanos | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

20/10/2007

Le Poète et Son Christ - Pierre Emmanuel

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=

« Sur un écran des scènes passent toujours à toute allure.
La vérité changeante de l’uniforme de la jeunesse.
Jeunesse sans expérience, déchaînée. Nos sourires qui
bousculent. Nos membres charmants.
Nous étions aussi innocents et dangereux que des enfants
courant dans un champs de mines. »


Patti Smith (« Au Lecteur » - Corps de plane)

À pas même dix-huit ans, je loupe mon bac sans état d’âme particulier. Mais je lis Nietzsche depuis peu, après avoir dévoré Max Stirner l’année précédente, armé d’un dictionnaire, le corps exalté. La musique est une part importante de ma vie. Groupes de Rock en tout genre, alcools balkaniques très forts et autres ferments de l’esprit et du réseau nerveux que n’auraient pas désavoué les aventuriers psychédéliques du 19ème Siècle ou de la belle époque. Durant deux années, je vais glander sévèrement. Enfin… Glander… Ce n’est pas ne rien foutre pour moi.

Entre mes 18 et mes 20 ans, durant deux années, le malheur s’abattait sur moi 3 jours par semaines. Le lundi, le jeudi et le dimanche. Ces jours-là, la bibliothèque municipale était fermée. Sinon mon programme était simple : si je me levais suffisamment tôt je m’y rendais en matinée, puis, après la coupure du repas qui pour moi se réduisait souvent à du thé ou du café et… du tabac pour accompagner mes lectures à la maison, j’y retournais dans l’après-midi et y restais jusqu’au soir, armé d’un carnet et d’un stylo, je prenais des notes fiévreuses, le sourire enthousiaste, face aux gueules défaites des étudiants qui auraient préféré être au troquet à rire de leurs bêtises de futurs adultes, mais se devaient de venir là pour tenter de concevoir tel exposé sur tel sujet, pour telle matière… en soupirant… leur carne triste, secouée de tics… l’âme déjà desséchée face aux livres à parcourir… et ils les parcouraient néanmoins, en long, en large et surtout en diagonales. Vernis culturel comme chez beaucoup de matamores post-modernes qui estiment que la culture n’est pas importante, qu’il faut penser par soi-même.
Si vous leur citez trois extraits d’auteurs, ils estiment que ce n’est que de l’étalage en vitrine. Pauvres ploucs.

Ils confondent les petits intellectualistes bobos, pénétrés d’eux-mêmes, avec les pèlerins de l’absolue nécessité, les pèlerins de la fange et de l’Or, les pèlerins cheminant humblement vers leur cité solaire ou obscure, et qui n’ont pas de temps à perdre avec les illusions épuisées. Ils n’osent pas se mesurer à leur propre fond humide et puant.

Vous faites de l’étalage de vitrine ? On vous classe aussitôt parmi les « pédants », les « intellos » et la valse des rancœurs commence comme dans un très mauvais scénario, comme toujours. Les habitudes ont la peau dure.

Mais moi, dans le silence de cette petite bibliothèque, je touchais le ciel, je transperçais le verbe et le Verbe me transperçait à son tour. Le Verbe posait sur mon front sa cinglante couronne d’épines. Les plaies mystiques. Mon spasme existentiel. Les questions douloureuses. Ô jeune âge des fureurs. Fiévreux je lisais tous les livres du rayonnage « Poésies ». Paul Claudel. Philippe Jaccottet. Paul Valéry. Pierre Jean Jouve. Eugène Guillevic. Keats. Coleridge. J’en oublie. Je ne pourrais même pas citer les œuvres que je lisais avec frénésie. C’est la musique des mots qui me transportait. Je ne comprenais pas toujours tout. À la maison il n’y avait pas beaucoup de livres. Et je n’ai jamais été un très bon élève. En classe je rêvais. Mais dans le silence de cette petite bibliothèque, je traversais des espaces, lançais des ponts, dressais mes statues de sel, de marbre vers des vertiges que personne ne soupçonnait. Le soir, enfin, après mon unique repas de la journée, je glissais comme un reptile vers quelques potes ombrageux en compagnie desquels j’explorais des « paradis artificiels » en refaisant naïvement le monde, le dégoût dans ma pomme d’Adam et les larmes aux bords des yeux.

Le temps est passé, j’ai fait l’acquisition de quelques œuvres, mais je ne peux pas tout avoir, mes moyens sont limités. Deux grands poètes sont restés : Saint-John Perse et Pierre Emmanuel. Malgré les années, j’aime toujours ces deux poètes qui, au début, m’ont surtout soulevé aux nues avec l’utilisation déployée de la phrase altière, m’ont enivré de leurs langues respectives, sculptées, précises, précieuses, possédées, habitées. Même si Rimbaud et Lautréamont ont fondé le creuset digne d’accueillir tout ce qui allait suivre dans le flux de ma vie, même si c’est vers eux-deux que je reviens sans cesse comme on reviendrait en un pèlerinage heureux vers la source lumineuse des origines, même si j’y puise encore des saveurs et des souffles, de la chair s’incarnant en de nombreuses phrases (surtout chez Rimbaud), je n’ai jamais pu me défaire de Saint-John Perse ou de Pierre Emmanuel, d’autant qu’avec l’âge, je sais lire entre leurs lignes, entre leurs mots, le blanc du vide qui me remplit de tant de choses. La mesure de la démesure, assumée pourtant, par le poète qui veut dire, dont la marque, la trace, la paraphe certifie le sens et la portée des sentences de l’être et des lois qui le travaillent, des lois qu’il façonne pour demeurer dans la beauté des choses et la souffrance sous les astres.

Pierre Emmanuel réussit à me faire mesurer toute la distance parcourue par le poète, en un voyage intérieur pour parvenir à l’épuisement, l’incapacité, la faiblesse et l’insuffisance de son poème pour dire, néanmoins, la parole qu’il ose manipuler comme un apprenti sorcier alors qu’il est porté par elle. Et pourtant, combien admirablement il dit les choses pour la glèbe de l’homme. C’est par lui, par exemple, que j’ai découvert pour la première fois, à 18 ans, Friedrich Hölderlin, à travers son œuvre hommage, « Le Poète Fou ». Et puis vint le moment du « Poëte et son Christ ». Car Pierre Emmanuel est un poète chrétien, n’en déplaise aux larves rampantes se roulant dans leur haine et y prenant le plaisir tant espéré.

Le poème qui suit est une foudre d’amour qui expulse la haine, nettoie les lieux des déjections nauséabondes, et après la présence de quelque troll ici-même, ce souffle, ces mots sont une nécessité sainte.

La femme adultère


"Celle dans le jardin si belle et nue sous l’homme
les arbres ondulaient dans son regard marin,
et l’algue souple et nonchalante de l’extase
par les profonds courants échevelés, s’ouvrait
aux fleuves d’astres et de plaintes. Une comète
de cri sombrant soudain dans le plaisir sans bords
éclairait au zénith un visage, ce sombre
Ciel ! que brûle la lèvre à tâtons vers les eaux.

Mais la terre à tes reins cambrées et qui se creuse
d’avance sous le jet sauvage du soleil,
l’arbre s’en déracine, abrupt ! et la brûlure
bâille, où fuse une flore acide au long des nerfs
Ta honte comme une eau que l’on battrait de verges
trouble le ciel vacant où se mirait ton corps,
et de sinistres bulles crèvent, des visages
qui remontent avec la vase du remords.
Pudeur ! l’attouchement de ses yeux sur ton ventre
rétracte le plaisir encore à fleur de chair.
Et, repliant le paysage entre tes jambes
tes cuisses durement se joignent sur tes mains :
les hautes herbes te cachant te font plus nue,
ton ombre a peur. Dieu te retire Son manteau,
tout contre toi les faces floues luisent énormes
qu’importe ! Abandonnant ta beauté au destin
royale, tu tiens tête aux gueules qui te cernent
et ton regard s’attache aux dents blanches des chiens.

Ah ! LE confondre… ils rient de jouisseuse attente :
que la haine en leurs bouches est pulpeuse ! Les mots
dont la rondeur tente la langue, ils les retournent
d’avance, pour en mieux éprouver la liqueur.
Toute-Bonté ! connais leur âme à leur poussière
Quand ils hâtent, vêtus de démence et de vent
Leur ombre sur la paix souveraine des terres.
O scandale ! les robes folles en drapeaux
claquent inassouvies autour des hampes maigres :
l’air chaste en est ému d’horreur, il sent frémir
la réprobation immobile des arbres,
et l’unanime azur expulse la nuée
des pas rués tumultueux dans le silence
les cris aiguillonnants la femme talonnée
qui sèche les sueurs du plaisir sous la poudre
et court, ses cheveux chauds l’inondent ! une odeur
d’homme lui monte sur le dos, étalon fauve
qui l’étreint des jarrets et cherche à la forcer

Jésus dans le verger en pente, et l’innocence
des plaines, paume ouverte au ciel. Ces fleuves sont
les lignes d’un destin qui déchiffrent les astres
et ses forêts des monts de miel où le regard
médite un songe en pleurs perdu dans la fougère
les yeux vers quelle palme pure de pensées…
Le bien-aimé siège sous l’arbre de justice,
ce doux pommier d’avril d’où neigent les pardons.
Nue, les fleurs mêlées à tes toisons, gazelle
farouche ! sous ta peau l’eau court en frissons vifs,
mais tes seins noblement dressés n’ont point de honte
la tête rejetant en arrière le ciel
dégage un front pur de huées et qui fait face
résumant d’un beau corps l’orgueil simple ! l’ardeur.

Parlent tous à la fois les Pharisiens ! Moïse
a dit. La lettre ornée d’un dragon vieux, la Loi
édentée qui ne sait que faire de sa proie
et la rapporte dans sa gueule aux pieds du Maître.
Ils rêvent d’un ciel cru et hurlant à la mort
de pierres s’abattant avec un cri rapace
d’un plaisir qui s’ébroue, atroce ! éclaboussant
la foule de sang noir et de rire. Oh ivresse
tourbillon de colère et d’étoffes tordues
qui happe le passant par la toge et l’entraîne
vers l’ère vaste que pressentent les vautours !
Elle voudrait courir plus vite que les arbres
et voler en avant des pierres, traverser
ce décor peint en bleu pour narguer son martyre,
la bête aux seins arqués superbe dans la peur :
mais déjà la détend l’imminence des larmes,
une immense douceur funêbre

Elle s’étend
pour mourir le reflet des fleurs sur son visage,
au creux du jour aimant où bruit l’amandier.

(Pas une plainte. Rien que le soupir des pierres.
Les bras s’abattent émondés par la fureur,
chacun soutient des yeux la courbe horrible et sûre
et le coup fait gémir celui qui l’a porté.
Ils lapident sans fin l’azur ! les yeux hantés
par cette frêle main qui te fleurit, ruine
de tant de haine sans l’atteindre amoncelée.
Oh angoisse ! la fleur éclose dans le Père
scelle la ressemblance à dieu qu’ils ont tuée.)

Ce rêve que leur sang recompose sans cesse
Christ le laisse mourir dans le silence. Loin
l’écho des voix se perd dans le chant des cigales.
Longtemps ! la paix est intenable. Les cœurs durs
dont le ressentiment est la gangue, ce calme
les fait trembler dans leur alvéole de fer.
Jésus, les yeux baissés, comme par jeu dessine
des figures d’enfant sur le sable. On y voit
des constellations lentement émergées
des cœurs, un œil pleurant au ciel : ce sont des mots
qui pénètrent comme un cautère jusqu’à l’âme
et la brûlent d’un sens pour elle seule, nu.
Les regards cherchent-ils à s’évader ? Ces signes
se projettent au ciel, ondulent aux déserts
font relief sur la mer selon le pouls des vagues
incisent l’œil sous la paupière ! Tout se tait
car tout est verbe : et nul n’élude la sentence
que porte la beauté des choses contre lui.

Alors, levant en majesté ses yeux sans ombre
le Juge dit :

Que celui de vous qui est sans péché
Lui jette la première pierre

Ayant dit, il se baisse encore. Son regard
grave leur nudité honteuse dans la terre.
Les yeux au sol comme en pitié, — qui soutiendrait
la transparence aiguë des siècles ?— il leur laisse
la chance de glisser, furtifs ! dans le remords.
Il sent la force de leurs doigts crisper les pierres,
la tension des chairs méditant à un lancer
qu’il freine, l’esquissant sur le sable : terrible
instant ! leur souffle atteint au crime… Mais le sable
frémit au plus subtile frisson de leur pensée.
La nuque de cet homme, elle les voit ! et saigne
jusqu’à la garde le regard en ce duel

Ils s’en vont, les plus vieux d’abord. Les plus opaques.
Par degrés, le soleil s’allège. Se reprend
la femme clandestine a respirer : l’haleine
des vergers dissipant la pestilence humaine
étonne la craintive – elle ose dilater
son sein, et si prudente investit le silence
d’un souffle lentement qui fait fondre la peur.

Christ
— il soutient ce souffle hésitant, il demeure
penché longtemps, l’oreille émue de ce sang fier
dont la rougeur reflue à l’âme et se recueille
toute en le battement effarouché d’un cœur —,
la regarde

Soulevant l’ombre avec effort
Pour dégager ses yeux pesants de la matière,
elle entre nue, sans un frisson, dans le regard
où le monde surgit moite des eaux premières.
O Ciel ! lave son corps jusqu’en ses plis secrets
qu’elle palpite dans la Grâce ! La colombe
fuse de la crinière folle de la mer,
quand la femme qui fut impure sort de l’onde
prête à la danse devant dieu : et, dépouillant
l’artifice dernier d’être nue devant l’homme,
la vierge qui s’éveille en elle raffermit
ses chairs que le plaisir tint molles sous sa langue
et les lances en jet dru dans l’or ! vouant au dieu
un temple dont la mer anime les colonnes
une âme secouant les cendres de sa mort

Ils sont seuls. Ce doux temple attend sa dédicace,
déjà l’ombre en son cœur brûle comme l’encens
des voix dans la hauteur s’accordent. O Prêtresse
psaume vivant d’une pénitence infinie,
voici se détacher sur tes basses profondes
dont le deuil épaissit en sourdine les murs,
la rosace d’un chant inondé d’ailes blondes
les vitraux absolus tempes où bat l’obscur
les colonnes de lait dont la blancheur marine
fusent de la pénombre vieille ! Et, nouveau-née
foulant aux pieds sa chrysalide prosternée
dont les cheveux éteints se mêlent à la poudre,
l’Épouse quand le pas divin frôle le seuil
Arche vivante aux hanches belles, elle danse
la palme de son corps balance le silence,
rythmant l’inclinaison des astres sur la mer.

Très loin sur le chemin, — derrière un mont d’olives —
un tertre attend, où la femme noire écroulée
étreint le pied d’un arbre maigre. Une spirale
atroce de douleur occupe le futur."


1943
Pierre Emmanuel (Le poëte et son Christ)




Un courte Biographie du poète sur le site de l'Académie Française

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26/09/2007

Écrire - IX

=--=Publié dans la Catégorie "Brèves"=--=

Refuser de penser est une barbarie. C’est un génocide de l’âme. Ecrire des banalités pour transmettre des opinions. Ecrire en abréviations, en onomatopées. C'est une involution. Une dégringolade. De plus en plus j’aspire à être hors du commun. Car le commun des mortels ne souhaite plus penser. Sa vie est déjà une mort. Sa vie c’est déjà LA MORT. Or, moi, j’aime considérer la pensée, l’écriture, comme un risque. C’est un cheminement qui me met face à moi-même. Il y a une bête sauvage, un animal furieux en nous. C’est un risque qui me met en face de ce monstre qui sommeille en moi et s’éveille au dessin de la phrase. Le dessin de la phrase est un viol. Le choix du mot doit être juste. La littérature, c’est de la Magie. Elle doit révéler les justes forces et tenir en laisse les forces mauvaises pour les montrer. La langue doit être crue. Même sophistiquée elle doit être crue. C’est-à-dire, cruelle. C’est-à-dire authentique. Même passée au philtre singulier de nos cinq sens elle doit dire la Vérité. La Vérité ne peut être objective. C’est le lien d’amour ou de haine qui existe entre toutes les réalités subjectives qui fait la seule réalité objective possible. C’est ce livre, écrit à l’autre bout du monde, qui me parle, me fait frémir, pourtant, comme s’il avait été écrit ici. La littérature c’est Eros. Mais qui le sait encore ? Il faut érotiser l’écriture. Il faut la sortir de sa gangue Mortuaire.

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25/09/2007

Écrire - VIII

=--=Publié dans la Catégorie "Brèves"=--=

Pour écrire vraiment, il faut être en mesure de se donner des règles nombreuses et strictes. Et ces règles, je ne les connais pas. Je les pressens tout au plus. J’ai un mal fou à les formuler. Je me demande même si je cherche à les formuler vraiment. En fait, je me donne des règles à l’instant de l’écriture. Je ne sais pas toujours ce que je veux. Je sais, par contre, ce que je ne veux pas. Or, j’ai besoin d’une assise pour dire ce qui doit être dit et me faire comprendre. Je sais, simplement, que tout acte en provoque un autre, tout est intimement lié et donc ce qui arrive, ce qui survient comme un accident à notre petite échelle, ne pouvait qu’arriver. Un acte ne peut pas provoquer d’autre acte que celui qu’il provoque. Donc lorsqu’on écrit on ne fait pas dans la fantaisie, même lorsque le style est fantaisiste. Il y a bien une couleur ici. Un bruit, un chuchotement là-bas. Une odeur. Des traces de pas dans le jardin. Des traces de spermes dans les draps. Un son particulier indique la présence d’un individu, animal, humain, ou autre. Un « Horla » peut-être ? Il n’y a rien de gratuit. Tout est très clair. C’est peut-être pour cela que la monstruosité existe dans la littérature. Dans l’Art. Et aussi dans la Vie qui est une tragédie, ami lecteur, amie lectrice, qui vaut la peine d’être vécue. S’il y a bien une règle qu’il n’est pas un instant envisageable de transgresser (sans sortir, du coup, de l’œuvre elle-même et des représentations qu’elle consacre) c’est bien celle-là : tout est lié, bien que disparate, à présent, sachant cela, écris !

On pourrait dire aussi : tout est lié, bien que disparate, à présent, sachant cela, aime.

Mektoub !

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24/09/2007

Écrire - VII

=--=Publié dans la Catégorie "Brèves"=--=

Oui, c’est ça. La pensée serait prête à concéder certaines choses en pure théorie. Quel intérêt ? L’incarnation prime, non ? La littérature dit les choses telles quelles ! Sinon ce n’est pas de la littérature. C’est du verbiage. Car, en vérité, la littérature décrit la Vie du point de vue de la Logique. Le Logos. (Dieu ? Christ ? Il y a ici un lien). Du point de vue de la logique, c’est-à-dire, du point de vue de la pensée. Car à l’instant de l’écrit, c’est l’acte d’écriture lui-même qui va déployer la Logique nécessaire pour que la pensée puisse penser ce qui EST, indiscutablement. C’est un cheminement qui démarre à la page blanche. Dans l’avancée on décrypte la réalité en se décryptant soi-même. C’est une purge et une offrande, une avancée. Et c’est une œuvre que la pensée, le logos, régit, anime, transforme, modèle, rééquilibre dans le moindre détail et la moindre nuance. Pensée pénétrant les limbes, douces ou tortueuses, de l’imagination. Comme nous sommes à une époque où le Diable règne et où Dieu est clandestin (selon le mot de Sollers), il semblerait que le Logos se soit réfugié dans l’Imagination. Il attend son heure. Comme l’amour. Ou comme le guerrier. Ou comme Dieu. Ou comme nous-mêmes. Il faut être dans la présence ! Et parfois pour être dans la Présence il faut savoir être dans l’attente. Je consigne ma Vie, ma souffrance, ma Jouissance avec le plus d’exactitude possible !

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23/09/2007

Écrire - VI

=--=Publié dans la Catégorie "Brèves"=--=

J’écris. Et tout ce que j’écris est réel, bien réel, parfaitement réel, définitivement réel. Je me dois, chaque jour, de mesurer le réel à ce que j’écris et cherche à montrer. Je sais, ici, ce n’est qu’un blog, avec ses instants de grincements de dents, de rires, que mes états d’âme gravent consciencieusement ou avec nonchalance. C’est selon. Cela reste de la littérature, en substance. Je veux dire : l’expression d’un sentiment sur un support donné cherchant à décrire le souffle de mon incarnation maladroite et se dévoilant fugitivement, peu à peu. Dévoilant le monde. Ombres de la vigne sous le haut soleil, ou description éruptive de ce qui terrifie. La fuite est abrogée. Ici il faut dire avec la plus grande précision possible ce qui est généralement fui. Il faut le dire sous tous ses angles ! Il faut le clamer comme un chant, sans s’encombrer un seul instant de la morale ou de toute autre injonction.

Ici ou Ailleurs...

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20/09/2007

Écrire - V

=--=Publié dans la Catégorie "Humeurs Littéraires"=--=


Entre Varna qui se demande si je ne me pose pas trop de questions sur l'Écriture pour oser écrire...(Voir ici...) et Saneptia qui me met en garde contre l'emphase...(Voir là...)... j'ai décidé, bien entendu, d'être encore et toujours dans le questionnement et l'écriture, fut-elle qualifiée d'emphatique, à mon modeste niveau. Mais en auriez-vous douté ?

Ce n’est pas la première fois que l’on sous-entend, autour de moi, que je me pose un peu trop de questions en matière d’écriture. Pour ce qui est de la critique littéraire, je n’ai pas de culture véritablement assise et la sémantique, dans mon cas, est synesthésie du Verbe. Mais même la synesthésie doit faire sens et ne pas se parer d’un hermétisme gratuit. Rimbaud. Artaud. Lautréamont. Baudelaire et ses correspondances. Les formes, le fond, l’inspiration se percutent, se répercutent, se déclarent et se professent, certifient quelque chose qui va au-delà. Au-delà de quoi ? Au-delà de cet espace-temps qui me porte, vers Le Lieu et La Formule.

Il est exact que je ne suis pas prêt à écrire, c’est précisément pour cela que j’écris, sinon je n’écrirais certainement pas. Je serais, une fois prêt, comme un Verbe incarné ?

Non… je ne suis pas prêt.

Il est exact, aussi, que faibles sont mes certitudes… pour tout un tas de raisons. Passons.

J’admire ceux qui ont tranché et assis ne bougent plus, satisfaits, s’agitent sur place et, s’agitant sur place, croient parcourir l’univers. Je les admire car j’aspire moi aussi, de temps à autre, à un peu de repos. Être là, en le point nodal qui les fonde, les affirme, et les projette, parés d’une force que je n’ai pas, comment me mesurerais-je à eux, moi qui ne suis qu’un pèlerin dérivant de questions en questions ? Peut-être suis-je trop « juif » pour eux ? Peut-être ma culpabilité est-elle trop innocente aussi ? Peut-être suis-je trop nomade ?

Après son baptême, Jésus, le Verbe en personne, partit jeûner 40 jours au désert pour que le Malin le tente. Lorsque le Verbe incarné se confronte aux 1000 et 1 questions de sa part « humaine trop humaine », qui suis-je, moi, pauvre glèbe, pour m’affirmer seigneurial ?

J’écris, sans aucune autre prétention que celle de survivre. Ça aide. C’est déjà pas mal par les temps qui courent. Mais, bien entendu, même si mon blog est une part de mon autobiographie (infime… sachez-le), même s’il est le reflet de mes réflexions, de mes lectures, du parcours de mon Corps à travers ce Temps et cet Espace, je ne souhaite en rien faire croire que les désastres du monde tournent autour de mon nombril. J’écris juste pour avoir un peu d’air pur dans cette fournaise infernale. Et si quelqu’un d’autre reçois un peu d’air pur à la lecture de mes petites brèves, de mes humeurs littéraires ou de mon « écriture en acte » j’en suis plus que satisfait et m’en contente avec jubilation.

Mais avant tout, Montaigne l’a très bien dit, écrivant on se sonde, on se sculpte, on se découvre, on se bâtit. Je me détermine par ma quête perpétuelle dans la conscience que j’ai de ma durée, dans ma capacité ou absence de capacité à réagir, agir, me soumettre et m’affirmer face aux représentations de mon Espace et de mon Temps et aux manières que je trouve (il s’agit de tenter constamment de les renouveler) à investir cet Espace et ce Temps comme des territoires de bonheur et de litige. Ici la langue est primordiale car dés l’instant où elle me structure, me faisant m’élaborer dans une relation vivante avec moi-même, mes semblables, elle passe vite le stade de l’instrument, de l’outil permettant une structuration individuelle et sociale, et devient une altération de mes perceptions immédiates m’ouvrant mille portes dérobées vers… l’INTIMITÉ DE L’ÊTRE… canal me reliant au monde, à la communauté, au Logos révélé… la Langue devient une révélation. Et soudain, tout se détruit et se crée, se fait… rien n’est maintenu, tout est illusoire, permanent… se transforme sans se perdre, car la Langue, ici, là, hier, maintenant, demain, toujours… comme existant par elle-même, au delà du livre et de ses phrases –ô Voluptueuses Phrases– dans la texture même du Réel demeure, se perpétue, s’élabore et change.

Écrire c’est parfois pénétrer une pièce, une chambre baignée de lumière où l’on voit se soulever la poussière et cette poussière pénètre les lignes de l’écrit comme des trophées arrachés à la pénombre, voire aux ténèbres ! Poussière d’Or. Le Pouvoir des ténèbres, le Pouvoir de la Lumière s’échangent et s’intervertissent remarquablement : la Lumière parfois nous aveugle, là où la Ténèbres vient à nous éclairer.

Écrire, c’est ressentir le mouvement interne, lent et affirmatif des plaques tectoniques qui envers et contre tout avancent. Combinaisons dévastatrices du centre, ses champs multiples en liaison nerveuse avec son épicentre gravitationnel creusant un peu plus loin la boursouflure inévitable, existentielle, de la profondeur. Abcès appelé à exploser là où on ne l’attend pas toujours. Au sommet de l’accouchement douloureux ou joyeux, ou joyeusement douloureux, ou douloureusement joyeux, par le Magma apparaît le poème, le souffle, la Stance Vivante. Et malgré moi, croyez-le bien. J’écris, oui, mais ce n’est pas moi, c’est l’Autre en moi, l’Ange qui affrontait déjà Jacob.

Vient, après, le sentiment d’être un assentiment incarné. Le goût des origines et du futur assiège mon palais. Sel et miel et vin et lait. Chairs.

Transfigurer la douleur en Extase Incarnée. Me tromper parce que JE SUIS. Jouir d’Être, bien sûr.

Saint-Exupéry dans « Citadelle » : « Mais il est des heures où le marin s’interroge :"Pourquoi la mer ? " Et l’époux : "Pourquoi l’amour ?" Et ils s’occupent dans l’ennui. Rien ne leur manque sinon le nœud divin qui noue les choses. Et tout leur manque. »

Et il dit aussi plus loin : « Ceux-là qui mélangent les langages se trompent, car, certes, il peut manquer ça et là une épithète comme d’un certain vert qui est celui de l’orge jeune et peut-être la trouverai-je dans le langage de mon voisin. Mais il s’agit ici de signes. Ainsi puis-je désigner la qualité de mon amour en disant que la femme est belle. Ainsi puis-je désigner la qualité de mon ami en parlant de sa discrétion. Mais ainsi je ne porte rien qui soit mouvement de la vie. Mais considération sur l’objet tel que mort. »

Pourtant les questions s’imposent au pauvre ermite sur son chemin de Damas. Et qu’est-ce donc que l’écriture si ce n’est un autre chemin de Damas qui peut aveugler pour éclairer plus en profondeur et tenter de défaire les litiges du Langage, des concepts, des pensées emmêlées les unes aux autres.

Écrire c’est parvenir à danser dessus le gouffre avec l’Infini, le Néant, le Singulier, le Multiple et s’emparer de la Vie par-delà la morne bassesse sociale, quotidienne, figurative, comédienne. Redevenir le metteur en scène et le narrateur de sa langue, saisir, enfin, le feu qui consume tout. C’est emphatique, dites-vous ?

« Les livres tournent sur eux-mêmes, sortis des noms propres comme des langues de feu, et ces mêmes langues de feu sortent d'elles-mêmes et viennent se dire à moi. Ce sont des paroles ailées toute la nuit, les livres défilent et leur voix sort du volume en panaches entrelacés, comme une neige douce, comme des phylactères. Ces phrases volantes composent bientôt, éployés en ramures qui me couvrent le corps, un lierre vert et frais qui m'embrasse, et par lequel je respire l'effluve inconnu des plus anciennes beautés : à mesure que fleurit le lierre en moi, et que mes phrases aux siennes s'enchevêtrent pour ne plus bientôt faire qu'une seule plante grimpante, je descends les siècles; mes phrases s'offrent avec l'application du buisson à rejoindre cette région peuplée de noms propres où étant reconnues, agrées, leur descente s'inversera : avec des tremblements de joie continue, elles se feront la courte échelle, elles grimperont, bourgeon sur bourgeon, afin d'atteindre, en bas ou en haut peu importe, plus loin en tout cas que ces limites vers lesquelles le désir humain aime à lancer ses filets, à ce nulle part où les phrases éclosent, sans nous, sans personne, et d'où elles nous sont renvoyées à travers le temps, signées par l'un, signées par l'autre, qui se saluent depuis toujours et se parlent dans le lierre dont la feuillaison prolifère. » Yannick Haenel (Introduction à la mort française)

Ah ! Ces emphatiques !

_____________________________________________________

Lecture du moment :

*Le peintre Nolten d'Eduard Mörike

Bande son :

*Ronnie Montrose : Speed of Sound

Citation du jour :

"I hurt myself today
to see if I still feel
I focus on the pain
the only thing that's real
the needle tears a hole
the old familiar sting
try to kill it all away
but I remember everything

what have I become?
my sweetest friend
everyone I know
goes away in the end
you could have it all
my empire of dirt
I will let you down
I will make you hurt

I wear my crown of thorns
on my liar's chair
full of broken thoughts
I cannot repair
beneath the stain of time
the feeling disappears
you are someone else
I am still right here

what have I become?
my sweetest friend
everyone I know
goes away in the end
you could have it all
my empire of dirt
I will let you down
I will make you hurt

if I could start again
a million miles away
I would keep myself
I would find a way"


Trent Reznor, la chanson "Hurt" du groupe NIN, dont je conseille aussi la version bien incarnée de feu Johnny Cash.

20:29 Publié dans Humeurs Littéraires | Lien permanent | Commentaires (14) | Tags : Écrire, Yannick Haenel, Saint-Exupéry | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

13/09/2007

Écrire - IV

=--=Publié dans la Catégorie "Brèves"=--=


Oui… Aussi… Je suis persuadé qu’Ecrire est un acte Religieux. C’est-à-dire qui nous relie à d’anciennes résonances.
« Anciennes » n’est pas le mot qui convient. Je dis ça en me basant sur les écrits saints… L’ère antédiluvienne. Ce qui y est dit, clamé, imploré pour aujourd’hui…et pour demain. Je peux me baser dessus mais non point m’y fixer. En réalité, ces « résonances » sont intemporelles. Elles relèvent à la fois d’un passé immémorial et d’un futur aux probabilités multiples. Elles transcendent l’un et l’autre à la seule condition, toutefois, d’en saisir la densité incarnée Ici et Maintenant. Elles révèlent quelque chose qui nous dépasse.

07:20 Publié dans Brèves | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : Écrire | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

12/09/2007

Écrire - III

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En inscrivant mes marques là où je me dois de les inscrire, un Dialogue se noue entre l’être et l’action.

Le Poète est lucide. Prince de la lucidité.

L’écriture inquiète. Les Arts inquiètent, tous, sans exception. Mais plus particulièrement l’écriture. La lecture qui nous y confronte provoque des résonances et vibrations singulières. Le Verbe a des qualités étonnantes. C’est vraiment de l’ordre de la création pure. Du vide de l’Alphabet (le vide n’est que probabilités multiples, nous le savons bien !) surgit un monde. Je dis cela et pense aussi : la sexualité inquiète, les sexualités inquiètent, toutes, sans exceptions. Mais plus particulièrement la sexualité féminine.

Curieux.

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11/09/2007

Écrire - II

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L’écriture fait parler dans le Vide et réinvente presque ce qui existe déjà mais que l’on ne voit pas ou plus. C’est une formulation de la réalité authentique lorsque la subjectivité y règne. Oui. C’est bien ce que je pense. Conviction profonde. Certitude. Mon sang sur la page salue la Vie Réelle. Ce théâtre. Mon sang sur la page veut retrouver le Spectacle de la Vie et non pas…mettre en spectacle la vie. Nuance. Car l’authentique Spectacle de la Vie n’est pas « la société du spectacle ».

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10/09/2007

Écrire

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Ecrire. Quel beau silence quand le langage hurle, chante, tance, rit, jouit et que l’esprit danse ! Quel magnifique et sublime silence quand les phrases surgissent majestueusement telle une aube sereine.

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08/08/2007

Verbe - II

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Parvenir à ce point où je serai affranchi de toute dépendance. En tant qu’écrivain faire sourdre l’écriture par chaque lettre, chaque ponctuation ou… absence de ponctuation (c’est la même chose). Sentir le souffle, le mouvement vif du sang, la gravité des étoiles, le sperme, les algues… Tout.

M’affranchir de toute figuration et non-figuration, de toute abstraction, de tout formalisme. Le signe appelle un sens. Le sens est porteur de signe. Rien n’est pré-évalué. Tout tombe, là, comme un couperet ou une caresse certaine.

Être.

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07/08/2007

Possession - III

Intimité de l’incarnation.

La forme de l’énoncé, bien que difficile, bien que plus haute que moi, en provenance d’ailleurs, de je ne sais où, hors la loi, s’impose à moi comme la seule juste mesure.

Curieux mystère.

Je me sens traversé par quelque chose.

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06/08/2007

Source

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Mon écriture doit, coûte que coûte, dépasser le monde tout en retrouvant ce rapport au monde qu’adolescent j’entretenais comme un enchantement féerique.

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05/08/2007

Hors la meute

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Je suis en marge de tout.

Je veux, souriant, partir même hors la marge.
Plus loin.
Je sais que je vais en emmerder plus d’un… plus d’une.

Refus de se plier au groupe. Même, et surtout, au groupe d'amis...
Même et surtout à ceux qui pensent m'aimer, vouloir mon bien. Balivernes...

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Possession - II

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Je respire encore malgré la transe intérieure qui me défait.

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04/08/2007

Possession

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Ma main se saisit du stylo. Le regard se perd. Dans mon cercle visuel et tactile l’action prime. Je crois que ça y est : quelque chose de terrible, de violent est en train d’éclore et j’ai cette force en moi pour recevoir même l’horreur.

20:10 Publié dans Humeurs Littéraires | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Écrire, Possession | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

24/07/2007

"Combat... avec le Démon..." - V

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Ainsi les mots ne sortent qu’à leur convenance. Inutile de se mettre en condition quelconque. Méditation, mon cul ! Le Verbe fait ce qu’il veut. Il te choisis ce jour ou il ne te choisis pas. S’il le souhaite, il te recrache comme bon lui semble après t’avoir goûté au tranchant de sa langue. Aucune idée téméraire. Jamais. Seule l’antenne capte ou ne capte pas. Le reste du temps je peux très bien m’amuser à décrire ma déroute.

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08/07/2007

Encre

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Les mots tissent une toile où l’Univers entier vient se prendre comme une proie délicate. Je n’en suis que conscient. J’organise et hiérarchise un peu ce qui me parvient. C’est tout.

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30/03/2007

Vivre et Écrire - III

Dans les grandes lignes, Écrire n’a pas la moindre importance. De nos jours, le risque est de petite envergure. Affirmer qu’on trempe sa plume même dans du sang, c’est souvent prendre la posture qui convient. Le spectacle en société vaut le détour. Vous aurez beau, emprunté d’une pouézie moderniste-expérimentale, recouvrir votre page de haut en bas de mots du type « massacre », « holocauste », « génocide », « viol », « tuerie », pas une goutte de sang ne viendra poindre sur votre papier… ou sur l’écran de votre PC. L’écrivain poussera son cri en vain. Même dévoré par le démon de sa névrose, il pourra, une fois le cahier rangé dans son tiroir ou laissé en vrac sur sa table de travail, son écran éteint, aller aux putes se faire sucer la queue, au supermarché le plus proche s’acheter une bouteille de Whiskey, se mettre à table en compagnie de sa fratrie, pointer à l’ASSEDIC, se promener dans la ville, dans la campagne, ou dans le trou du cul du monde. Un œil jeté aux livres qui encombrent les étagères des librairies le confirme à merveille. « Ça » ne trempe sa plume nulle part. « Ça » trompe sa plume et « Ça » trompe son monde en se trompant soi-même. Là, « Je » n’est même pas un autre. Trifouillage de mots. Masque sur les maux. Les profondeurs de l’Être sont merdiques aussi. Mais « Ça » se révèle à qui sait lire. Phrases pauvres ou pompeuses et architecturales, emphase, dérèglement nerveux et distance d’avec les missives. Et « Ça » a des théories sur les autres toutes faites mais bon sang c’est bien-sûr !

Écrire. J’en viens à éprouver du dégoût pour cet Acte et à ne plus même en mesurer le sens initial. Aussi je sors à mon tour dans la fraîcheur du soir et pars trouver un meilleur usage de mon corps pour ne pas ressembler aux usurpateurs. Car Écrire devrait être le risque par excellence, celui par lequel on se confronte en premier lieu à soi-même et aux autres toujours à travers soi-même. Quand la douleur se présente et qu’on ne désire pas l’esquiver, mais la regarder bien en face dans la noirceur de ses yeux au lieu de contaminer les autres de son poison néfaste. Car l’exigence qui compte est celle de la Vérité. Mais il faut se mêler aux faits, y inscrire sa persévérance au lieu de s’enfoncer dans une logorrhéique surabondance de foutre verbal qui n’est qu’une catharsis arrêtée sur elle-même. Appliquer des formules sans cesse. Brasser des mots, juste pour faire de jolies phrases. Déployer sa syntaxe, son vocabulaire pour que sa basse-cour prenne soudain des airs de cour royale. On peut, avec un peu de chance et beaucoup de culot devenir chef de meute. Mais « Celui qui veut apprendre à voler, celui-là doit d'abord apprendre à se tenir debout et à marcher et à courir, à grimper et à danser. Ce n'est pas du premier coup d'aile que l'on conquiert l'envol ! »*

Oui. Écrire est autre chose. Ce n’est, en tout cas, pas se draper de dentelle, se calfeutrer de distance, même si pour survivre, parfois, souvent, l’homme doté de raison pratique avec délectation l’Art du détachement. « Écris avec ton sang et tu verras que le sang est esprit. »* C’est qu’il convient d’observer les phénomènes « à mi-pente »* selon cette « morale de la pente »** que Saint-Exupéry exprimait avec une grande lucidité pour la « Terre des hommes »**. « Ce pour quoi tu acceptes de mourir, c'est cela seul dont tu peux vivre. »**

Contre l'improbable abstraction, facile et seulement musicale se doivent de prévaloir l'appréciation, l’évaluation, le jugement qui font surgir l’idée qui nous fait maintenir le fil d’Ariane qui en vient à élargir notre vue qui honore notre sentiment qui nous couronne de la pensée. Cependant, loin d’être docile face au cortège d'émotions surannées, Écrire instaure le face-à-face de l'homme avec le monde, le duel propitiatoire, la confrontation légitime de l’individu avec la Cité. Joute éternellement recommencée depuis l’Antiquité lointaine.

Vient la Vision. L’œil révèle la représentation passée au prisme de la subjectivité. Le « Moi » se voit affiné, débarrassé de ses scories grossières il devient une loupe frontale, un scalpel méticuleux. L’Impression est le trésor à capter pour dire le flux énergétique qui transperce le monde. L’objectivité naît-elle de la rencontre de la rencontre de plusieurs subjectivités ? Car ce qui importe, dans l’acte d’écrire, c’est (avant l’effet exprimé) la vue, le sentiment, l’intuition, la sensation, les cinq sens et le sixième naissant du parfait équilibre des cinq premiers. C’est une perception de plus en plus fine, aiguë, cinglante, de la réalité cachant le Réel de l’Être.

Écrire est une rencontre avec le monde. Et le monde ne vient au monde que parce que l’écrivain le regarde, le conquiert, le saisit, le comprend. Le monde obtient ainsi son unité dans la diversité qui est la sienne. Il y a le futur qui appelle. Il y a la grâce lumineuse de l’Origine. Il y a l’Instant, le Lieu et la Formule. Ici et Maintenant. L’écriture peut-être sobre, directe, travaillée, journalistique, classique, mais la chose observée, le phénomène appréhendé se doit d’être transcendé par l’absolutisme de la Vision qui s’impose et que la Raison sait étreindre. Sinon c’est du verbiage. Du nombrilisme. De la posture.


Se contenter de décrire la nature ? Écrire automatiquement ? Jeter des phrases en l’air en mimant la maîtrise ? Le jeu peut découvrir des parts de nous obscures, mais cela ne suffit pas. Écrire nous fait toucher les secrets du monde et nous les fait livrer sur la page comme des offrandes. La Raison guide, mais il ne s’agit nullement de faire du rationalisme car, n’en déplaise aux scientistes et aux scribouillards prosaïques l’énigme, la profondeur, l’obscurité, l’Ombre Silencieuse qui hurle, l’arcane secrète, l’intangible et le sacré percent vers nous sans cesse. Les captons-nous ? L'essence de l’écriture est la poésie : un émerveillement, une admiration, une extase dans le frimas percé par une lumière que nous croyons d'ailleurs mais qui est d’ici. C’est le démesuré, l’incalculable qui nous anime. C’est un souffle de feu, une palpitation de tellurique, une pluie de larmes de joie ou de souffrance. On l’approche tout au plus. S'en emparer est impossible. Écrire est cette parole que ce souffle nourrit et manifeste, d'où son pouvoir sur nous.

En lecteur enchanté de la « Paideia » de Werner Jaeger, je peux vous confirmer que « Poïésis » signifie, en Grec ancien, « faire en fonction et à partir d’un savoir ». C’est une action qui transmue, tout en l’affirmant, le monde. Cependant, ce n’est pas une fabrication limitée à ses données techniques, ni un simple rendement, un vulgaire ouvrage. C’est le suc substantifique. L'œuvre issue de la « poïésis » réconcilie l’intelligence, la Raison, l’entendement, la méditation, la réflexion, la rêverie, la fantaisie, autant dire l’Esprit avec la substance et l’étoffe de nos carnes sur ce vieux caillou et avec le temps qui nous est imparti, et l'homme avec l’Univers sous l’œil malicieux des dieux… ou l’œil scrutateur du Dieu unique. Elle est le partage d’un bien commun, des corps se croisant et embrassant un chant dans une étreinte de l’esprit, une éclosion commune dans le cercle de l’engagement, de la rencontre, les juteuses harmoniques issues de l’altercation entre la matière, le temps et les hommes. De cet Athanor naquirent les Cités de la Grèce ancienne, les œuvres des poètes et penseurs pré-Socratiques. Même le sinistre Platon. Sur la scène du monde. La Poésie est cette action dans le monde qui fonde sans cesse le monde. Écrire n’est rien d’autre que cela. Par nous le monde s’accouche continuellement. Supprimez la Poésie et le monde implose sur lui-même. Supprimez la Poésie… ou exaltez-vous de mauvaise littérature.
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*Friedrich Nietzsche
**Antoine de Saint-Exupéry

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Bande son du moment : L'intégralité des albums de King Size


Lecture du moment : ...pas de lecture particulière... butinages divers...

Citation du jour : « Bien écrire, c'est le contraire d'écrire bien. » Paul Morand (Venises)

Humeur du moment : Le regroupement des forces... encore et toujours...