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22/06/2009

HOW THE WEST WAS WON (part two)

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HOW THE WEST WAS WON

(part two)

 

Laurent Schang

 

 

Lorsque enfin la nation américaine prit conscience derrière son président de l’ampleur de la catastrophe, la plupart des analystes interrogés considérèrent qu’il était déjà trop tard, l’avance économique, financière, plus encore technologique enregistrée en vingt-cinq ans par les Chinois ne pouvant être raisonnablement comblée à ce rythme avant un demi siècle, sauf intercession de la Divine Providence.

Pour comprendre cette situation inédite, il faut remonter à 1972 et à la poignée de main historique échangée à Pékin entre Richard Nixon et Mao Zedong. Chinois et Américains formaient un projet commun, celui de contenir au maximum la puissance de l’URSS, conjointement l’ennemi numéro un des États-Unis et de la République Populaire de Chine depuis la suspension en 1960 de tous les accords de coopération entre Pékin et Moscou. En se rapprochant de manière si spectaculaire tant sur le plan diplomatique que commercial, chacune des deux parties savait défendre en priorité ses propres intérêts dans la région. Les Américains comptaient tirer profit de ces relations mutuelles apaisées afin, notamment, d’ouvrir la Chine aux lois du « marché capitaliste planétaire » (Immanuel Wallerstein), suite logique − de leur point de vue − de son admission à l’ONU l’année précédente. Seulement, parmi les différents scenarii échafaudés à Washington, Henry Kissinger n’avait pas envisagé l’hypothèse où la Chine s’érigerait à son tour en superpuissance, devenant par là même le principal concurrent des États-Unis.

 

Les années 80 et 90 virent l’inflation de la dette nationale américaine aller s’aggravant, avec pour corollaire la diminution constante des exportations made in USA. Pendant ce temps, l’économie chinoise continua sa progression vers le leadership, élargissant tous azimuts ses compétences par le rachat de secteurs entiers de l’industrie américaine : énergie, électronique, télécoms, informatique, banque, assurances. Ce jusqu’à investir assez en bons du Trésor américains au début des années 2000 pour conférer aux multinationales chinoises, autant dire à l’État chinois, plus de contrôle sur l’économie américaine que les États-Unis n’en avaient sur elles.

Mais la menace ne s’arrêta pas là. Fort de ses succès, le gouvernement chinois conclut en 2004, sur son initiative, un traité des plus fructueux avec ses voisins de l’ASEAN (Association des États du Sud-Est Asiatique), traité dont le résultat fut l’inauguration officielle de la première zone mondiale de libre-échange, excluant de fait Américains et Occidentaux. Surmontées de part et d’autre les réticences de façade, Chinois, Coréens réunifiés et Japonais signèrent la décennie suivante un accord de partenariat privilégié, englobant les questions économique, politique et militaire. Taiwan rentra sagement dans le giron chinois. Exit la prédominance américaine, le péril jaune était devenu réalité.

La pacification de l’Irak avait eu beau être un fiasco (le retrait des troupes américaines laissa une autorité irakienne désemparée) et la « guerre contre le terrorisme » un piètre substitut idéologique à la chute du communisme en regard des efforts colossaux consentis par les USA, l’administration américaine se résigna une nouvelle fois à abattre sa carte majeure, la plus dangereuse certainement, la plus radicale aussi : la carte militaire.

Les versions modernes du combat de David contre Goliath ayant conduit à l’échec systématique de ce dernier (les États-Unis en Somalie, la Russie en Tchétchénie, Israël au Sud Liban), les stratèges du Pentagone convinrent des risques encourus a fortiori à engager une lutte de Goliath à Goliath dans un contexte aussi défavorable. La Chine se développait-elle économiquement à pas de géant, sacrifiant sa politique frontalière à ses besoins immédiats en nouveaux marchés ? Les Américains recourraient à la doctrine de l’endiguement ou containment déjà employée à l’époque de la Guerre froide contre l’URSS.

Le 11 septembre 2001, le monde occidental était entré avec fracas dans l’ère de la guerre dite de la quatrième génération, une guerre en ordre dispersé, non linéaire, une guerre englobant des sociétés, des cultures entières, où l’ennemi trouve refuge au milieu de la population civile et où le contrôle de l’information audiovisuelle est plus déterminant que la destruction de dix divisions blindées. Une guerre où les systèmes d’armement les plus high-tech se montrent inaptes à déjouer des attaques menées à l’aide de moyens artisanaux.

Puissance investissant une proportion énorme de sa richesse nationale dans la défense, il apparaît normal avec le recul que les États-Unis aient perçu les premiers le passage de l’affrontement symétrique de haute intensité à l’affrontement asymétrique de basse intensité. À ennemis diversifiés : proto-étatiques (mouvements indépendantistes), para-étatiques (sociétés privées, crime organisé), anti-étatiques (partis extrémistes, bandes armées, groupes terroristes), répliques diversifiées ! De l’intimidation par démonstration des effets dévastateurs de la « mini-nuke », bombe nucléaire miniaturisée, à la neutralisation pure et simple de la cible.

État de dimension continentale, les pays en bordure de la République Populaire de Chine présentaient l’avantage significatif, pour qui voulait s’immiscer dans leurs politiques, d’être soit étroitement dépendants de ses décisions (obligation de composer, d’où désir d’émancipation), soit en proie à une instabilité chronique (d’où facilité d’infiltration, possibilité de déstabilisation et/ou renversement d’alliance). Le pourtour chinois fut donc divisé par les spécialistes en quatre zones d’intervention, déterminées en fonction du type d’opération à y mener. Comme un fait exprès, ces zones d’influence s’avérèrent correspondre à la répartition géographique « naturelle » des États sur la carte : au Nord, la Russie, rival traditionnel donc manoeuvrable de la Chine ; à l’Est, le Japon, la Corée ; au Sud, une ligne oblique séparant l’Océan indien du Pacifique, de la Birmanie à l’Indonésie ; à l’Ouest, le bloc des États d’Asie centrale, auquel il fallait ajouter le Pakistan, le Népal et le Bhoutan. L’Inde et l’Australie, alliés objectifs, serviraient de relais.

S’agissant des secteurs Sud et Ouest, de loin les moins sécurisés, on procéda pays par pays afin d’obtenir l’allégeance des gouvernements. La seconde guerre d’Afghanistan avait fait la preuve de l’obsolescence des déploiements de forces conventionnelles, remplacées sur le terrain par de petits détachements interarmées, souples, autosuffisants à court terme et agissant à haute vitesse à partir de bases disséminées hors du théâtre des opérations. Pour le ravitaillement, les Américains disposaient déjà d’infrastructures dans le périmètre. La maîtrise du réseau de communications serait assurée en temps réel depuis les États-Unis. Selon la situation, les services américains choisirent de mater la guérilla ou d’aider à la destitution du pouvoir en place, tantôt ravivant les vieux démons locaux, tantôt étouffant dans l’œuf les velléités de rébellion, en vertu de leur vision « stratégique » du droit international. Parallèlement, des émissaires américains proposèrent à chacun une série de partenariats directs pour répondre aux causes multiples des conflits : investissements financiers, projets humanitaires (installation d’ONG, organisations non gouvernementales mais téléguidées) ; engagements diplomatiques longs.

Au Nord et à l’Est, les Américains agitèrent un autre spectre, en l’espèce l’émergence d’un nouvel hégémonisme de fer, la politique d’ouverture de la Chine n’ayant de finalité à leurs dires que la mise sous tutelle de l’ensemble de la zone Pacifique. Une course à l’armement avec les USA n’aurait pas eu grand sens pour des dirigeants chinois en quête permanente de capitaux. La publication opportune du rapport annuel du Pentagone sur les dépenses militaires de la Chine suffit néanmoins à semer le trouble dans les esprits. Ce faisant, les Américains atteignirent deux de leurs objectifs : geler momentanément les contrats militaires russo-chinois (des accords-cadres signés avec le Kremlin les compenseraient par ailleurs) ; créer un sentiment de panique chez les nations les plus chatouilleuses au sein de la sphère d’influence chinoise. Le reste du travail fut confié aux ambassades. Les systèmes de surveillance multimédias tournaient à plein régime.

 

Ce programme complexe prit fin brutalement le jour où les banques chinoises cessèrent de financer la dette américaine, mettant à genoux dans l’heure suivante l’économie des États-Unis.

Au livre III de L’Art de la Guerre, le général chinois Sun Zi écrivait : « Celui qui remporte cent victoires en cent combats n’est pas le plus grand ; le plus grand est celui qui remporte la victoire sans combattre. » Il y a vingt-six siècles.

 

 

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Une première version de ce texte avait paru dans une revue confidentielle aujourd'hui disparue, Laurent Schang l'a retravaillé.

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Lisez ou relisez l'autre texte de Laurent Shang qui se trouve sur Incarnation...

 

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