Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

02/11/2010

De l'origine et de la déviance idéologique du syndicalisme français

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=

 

Bénie soit La Crevette qui me remémore ce texte de Jean-François Revel que je connaissais déjà et que je reprends ici avec plaisir...

"On reconnaît ici la théorie selon laquelle seules les « luttes », les grèves, les occupations d’usines, voire les émeutes auraient permis le progrès social, qui n’aurait été obtenu que lorsqu’il était arraché aux propriétaires des moyens de production. Or il s’agit là d’une reconstruction de l’histoire par l’imagination marxiste. Des dizaines d’années avant l’apparition des premiers partis communistes et même des premiers théoriciens socialistes, ce sont les libéraux du dix-neuvième siècle qui ont posé, avant tout le monde, ce que l’on appelait alors la « question sociale » et qui y ont répondu en élaborant plusieurs des lois fondatrices du droit social moderne. C’est le libéral François Guizot, ministre du roi Louis-Philippe qui, en 1841, fit voter la première loi destinée à limiter le travail des enfants dans les usines. C’est Frédéric Bastiat, cet économiste de génie que l’on qualifierait aujourd’hui d’ultralibéral forcené ou effréné, c’est lui qui, en 1849, député à l’Assemblée législative intervint, le premier dans notre histoire, pour énoncer et demander que l’on reconnaisse le principe du droit de grève. C’est le libéral Émile Ollivier qui, en 1864, convainquit l’empereur Napoléon III d’abolir le délit de coalition (c'est-à-dire l’interdiction de faite aux ouvriers de se regrouper pour défendre leurs intérêts), ouvrant ainsi la voie au syndicalisme futur. C’est le libéral Pierre Waldeck-Rousseau qui, en 1884, au début de la Troisième République, fit voter la loi attribuant aux syndicats la personnalité civile. Est-il permis de souligner, tout en le rappelant, que les socialistes de l’époque, de par leur logique révolutionnaire (bien antérieure à l’apparition du moindre parti communiste) manifestaient une violente hostilité à l’égard de cette loi Waldeck-Rousseau ? Car, dissertait Jules Guesde, « sous couleur d’autoriser l’organisation professionnelle de notre classe ouvrière, la nouvelle loi n’a qu’un but : empêcher son organisation politique ». La suite, démentant ce perspicace pronostic, montrera, tout au contraire, que l’une devait favoriser l’autre. Ce sont les grands syndicats ouvriers qui servirent de socle et même de source de financement pendant longtemps au parti travailliste britannique, au parti démocrate américain, au parti socialiste allemand ainsi qu’aux divers partis socialistes réformistes de l’Europe scandinave. C’est aussi dans ces pays, en l’absence presque complète de tout aiguillon communiste, que surgirent et se perpétuèrent les syndicats ouvriers les plus puissants. C’est au contraire dans les pays, et notamment en France, où les partis communistes acquirent un poids politique important qu’ils affaiblirent le syndicalisme à force de l’idéologiser. On le sait, les adhérents syndicaux représentent en France un pourcentage infime de la population active. D’autre part, le syndicalisme français, quelle que soit l’idéologie de ses diverses centrales, en vint rapidement à ne plus défendre que des intérêts catégoriels, essentiellement ceux des agents de la fonction publique et des services publics, travailleurs déjà privilégiés par rapport aux salariés du secteur marchand. Il y a plusieurs décennies que les syndicats français ne remplissent plus les critères de la représentativité définis par la loi au début des années cinquante et en particulier le critère selon lequel un syndicat n’est légitime que s’il peut vivre des cotisations de ses adhérents. Les syndicats français, depuis belle lurette, ne subsistent que grâce aux subventions, directes ou indirectes, de l’Etat, c'est-à-dire grâce à de l’argent soustrait à des contribuables dont l’immense majorité n’est pas syndiquée. Le rôle d’aiguillon du progrès qu’auraient joué les partis communistes ne semblent pas démontrable. On peut même dire que dans bien des cas la présence dans le jeu politique d’un fort parti communiste a ralenti le progrès social au lieu de l’accélérer. Par exemple, à la fin des années cinquante et au début des années soixante, le PCF se mit en tête de défendre avec acharnement la théorie stupide de la « paupérisation absolue » de la classe ouvrière. Et cela au moment même où un décollage économique sans précédent dans l’histoire de France était en train, au contraire, de permettre à la classe ouvrière d’accéder à un niveau d’aisance auquel elle n’aurait même pas osé songer au moment du Front populaire, vingt ans auparavant. En fait, la seule paupérisation absolue de la classe ouvrière que le vingtième siècle nous ait donné l’occasion de contempler, s’est produite dans les pays communistes et seulement dans ces pays."

La grande parade, Jean-François Revel, p 51-52 éditions Plon-pocket , 2000

23:15 Publié dans Lectures | Lien permanent | Commentaires (1) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Commentaires

Merci Nebo pour le relais!
L'autre texte est très bon aussi (à mon sens encore plus intéressant) : http://oralaboraetlege.blogspot.com/2010/11/le-liberalisme-nest-pas-une-ideologie.html

Et j'en ai aussi un troisième en préparation... Ce bouquin de Revel est une mine.

Écrit par : la crevette | 03/11/2010

Les commentaires sont fermés.