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04/06/2011

Ne penser à rien, oublier la souffrance même là où elle est montrée

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Theodor W. Adorno


« Plus les positions de l’industrie culturelle se renforcent, plus elle peut agir brutalement envers les besoins des consommateurs, les susciter, les orienter, les discipliner, et aller jusqu’à abolir l’amusement : aucune limite n’est plus imposée à un progrès culturel de ce genre. Mais la tendance est immanente au principe même de l’amusement "éclairé" et bourgeois.

Si le besoin d’amusement a été produit dans une large mesure par l’industrie qui utilisait l’image du pudding pour vendre de la poudre de pudding, l’amusement, lui, a toujours révélé combien il dépendait de la manipulation commerciale, du baratin du vendeur, du bonimenteur des foires. Mais l’affinité existaient déjà à l’origine entre les affaires et l’amusement apparaît dans les objectifs qui lui sont assignés : faire l’apologie de la société. S’amuser signifie être d’accord. Cela n’est possible que si on isole l’amusement de l’ensemble du processus social, si on l’abêtit en sacrifiant au départ la prétention qu’a toute œuvre, même la plus insignifiante, de refléter le tout dans ses modestes limites.

S’amuser signifie toujours : ne penser à rien, oublier la souffrance même là où elle est montrée. C’est effectivement une fuite mais, pas comme on le prétend, une fuite devant la triste réalité ; c’est au contraire une fuite devant la dernière volonté de résistance que cette réalité peut avoir encore laisser subsister en chacun. La libération promise par l’amusement est la libération du penser en tant que négation.

L’impudence de cette question, qui est de pure rhétorique : "que croyez vous que les gens réclament ?" réside dans le fait qu’elle en appelle à ces gens même en tant que sujets pensants qu’elle pour tâche spécifique de priver progressivement de leur subjectivité. Même lorsqu’il arrive que le public se révolte contre l’industrie culturelle, il n’est capable que d’une très faible rébellion, puisqu’il est le jouet passif de cette industrie. »

Theodor W. Adorno & Max Horkheimer, Dialectique de la raison, 1944



Max Horkheimer

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