03/11/2011
"J’ai travaillé pas mal. On travaille ou bien on regarde."
=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=
« J’ai travaillé pas mal. On travaille ou bien on regarde. C’est l’un ou l’autre. Mais si vous travaillez, vous ne faites pas autre chose. Maintenant on ne sait plus ce que c’est, le travail. C’est encore un truc que j’ai comme ça, parce que je ne suis pas d’une génération où l’on rigolait. Ca n’existait pas. Les distractions, c’était des choses de gens riches. Quand on était pauvre, on travaillait jusqu’à crever. C’était le destin. Mais je vois maintenant qu’ils ne travaillent plus. Alors ils ne savent rien. Oh, ils ont tous une petite envie, comme ça, de s’exprimer. Mais quand vous les mettez devant une feuille de papier, devant un pinceau ou un instrument, on voit surtout la débilité, l’insignifiance. Du jour où l’on s’est mis à apprendre sans douleur, le latin sans thème, le grec en dormant, on ne sait plus rien. C’est la facilité qui tue tout. La facilité et la publicité. C’est fini. Il n’y a plus rien. Il manque quelque chose : l’effort. »
Louis-Ferdinantd Céline, entretien avec Jacques d’Arribehaude
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Commentaires
J'arrive après la bataille sur cette note, mais cette question du travail me laisse toujours le c... entre deux chaises.
Je crois saisir et partager ce culte du travail, tel que l'entendait Péguy et Céline aussi semble-t-il, ce culte du travail bien fait d'essence chrétienne, et en meme temps je
ressens toute la pertinence et la noblesse de cette idée antique qui honnit le travail, sentiment que l'on trouve également dans le christianisme et qui fut l'éthique de notre aristocratie.
Et puis je refuse d'admettre que ce culte chrétien du travail soit un plaidoyer en faveur de la frénésie actuelle, mais je ne vois pas ou le bat blesse... Est ce le "genre" du travail qui est en cause et qui fait toute la différence entre le travail au sens ou l'entendaient nos aieux et le travail moderne?
En un mot je me noie un peu dans cette question, toute bouée sera donc la bienvenue. Merci!
Écrit par : thomas | 10/11/2011
Vous faites légèrement erreur, à mon humble avis... d'après la "Paideia" grecque, selon Werner Jaeger (par exemple) le travail est une valeur première dés l'Antiquité . L'homme libre, selon Hésiode (voir "Des Travaux et des Jours") est celui qui subvient à ses besoins par son labeur, ne dépend de personne pour sa nourriture, ses habits, son foyer... en bref : n'est l'esclave de quiconque.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Les_Travaux_et_les_Jours
Ensuite... si l'Aristocratie est devenue oisive avec le temps, ça n'était aucunement son but initial. Si les prêtres s'occupaient de l'esprit et de la culture, aux temps anciens, et les producteurs de produire (qui aux champs, qui dans l'artisanat, qui dans le commerce, etc...), les aristocrates, eux, s'occupaient essentiellement de la guerre et, croyez-moi, aux temps anciens, il y avait matière à s'occuper de cette question à temps plein. Ce n'est que dans les périodes d'accalmie, et entre deux entraînements martiaux, que les Seigneurs se sont adonnés à la Culture, aux choses de l'esprit et, cela, bien souvent pour épater la galerie et mesurer leur superbe à celle du Seigneur voisin, voire même à celle du Roy. ^^
C'est ainsi que nous avons eu notre part de Châteaux sublimes, de mécènes dépensiers défendant les Arts et les Lettres, etc...
A partir de François 1er, des bourgeois ayant fait fortune ont pu être en mesure de s'acheter une particule car le Royaume avait besoin de faire rentrer de l'argent sonnant trébuchant dans les caisses de l'état et cette aristocratie de seconde main (si je puis dire) a toujours été méprisée (du moins au début) par la vieille aristocratie qui, elle, s'était fait une renommée non pas en faisant tinter les pièces d'or et d'argent... mais en mettant leur peau et leurs couilles, c'est le cas de le dire, sur la table... autrement dit : sur les champs de batailles.
Cette jeune aristocratie qui n'avait aucun ancêtre ayant sacrifié sa vie pour le Royaume, a développé le culte du travail car, anciens bourgeois, c'est la seule chose dans laquelle ils excellaient avec un talent certain. Et j'ai envie de dire (car je suis un être paradoxal) : C'EST TANT MIEUX. Car ce sont bien eux qui, de concert avec la grande bourgeoisie, ont su doter la France, et l'Occident en général, d'une industrie digne de ce nom, de trouvailles technologiques et économiques remarquables, à une époque où une grande partie du monde pataugeait encore dans la boue et s'adonnait au troc, à la razzia ou à la rapine. Je pense encore que l'on peut être un entrepreneur capitaliste et faire preuve d'éthique et d'honnêteté dans ce que l'on créé. D'ailleurs je reste persuadé que les vrais capitalistes ne prennent l'argent que pour ce qu'il est : un outil et un moyen d'échanges et de créations.
Vous savez, même pour construire une Cathédrale (avec un long travail bien fait tel que l'auraient apprécié Péguy... ou Céline) il a fallut vendre, en amont, du vin, des étoffes, des épices, des bijoux et des terres et allez savoir quelles denrées, pour que les poches pleines quelques aristocrates entrepreneurs, quelques bourgeois déterminés à faire fortune, décident, soudain, de faire don à l'église de sommes opulentes pour se faire dresser vers le ciel ces lieux uniques (probablement pour s'acheter -- croyaient-ils -- une place au Paradis), alors qu'ils savaient pertinemment que les impôts sur le peuple n'y suffiraient pas.
De grands artistes on été pris en main par des "producteurs exécutifs" qui, pour pouvoir les signer et les aider à réaliser leurs visions, ont gagné l'argent nécessaire à cela en travaillant (très souvent beaucoup) à des oeuvres moins glorieuses.
Gallimard (pour parler "littérature) a engrangé beaucoup d'argent grâce à la Saga "Harry Potter"... mais grâce à cela, ils publient des auteurs que presque personne ne liera et qui un jour, peut-être, seront considérés comme des "classiques" de notre littérature. C'est un exemple parmi d'autres... ^^
Bref, quoi que ce soit que l'on fasse, il n'y a aucune honte à bien faire son travail, même à travailler plus pour gagner plus... ^^... !!!! ... tant que c'est une volonté propre et que l'on estime y trouver son compte. Mais il n'y a aucun mal non plus à cultiver l'oisiveté, à partir du moment que l'on y trouve son compte et que l'on n'est nuisible pour personne. Moi, par exemple, dans cette période de l'année, j'engrange les heures supplémentaires et les jours de travail (j'ai travaillé ce jour, jour férié, et demain sera mon 3ème samedi consécutif travaillé... et ça n'est pas le dernier !!!) mais je ne me fait pas payer, pour cela... mais j'accumule des " jours de récup' " pour pouvoir flâner, glander, lire, écrire et faire l'amour, lorsque les beaux jours reviendront et pendant que mes collègues s'emmerderont sèchement au travail face à l'absence d'activité et qu'on les mettra dans des services guère reluisants pour leur santé nerveuse histoire qu'ils soient productifs (ce qui est normal). Vous voyez ce que je veux dire ?
:-)
Enfin... c'est ma modeste opinion.
Écrit par : Nebo | 11/11/2011
j'aime bien vous lire, Nebo... la santé?
mon petit fils, 7 ans, veille de rentrée scolaire:
" toi tu travailles quand tu veux" (-c'est vrai, en fait-)
moi " c'est vrai ,Arthur, mais je veux tout le temps"
lui " oui, mais c'est TOI qui veux"
...
Écrit par : jean-marc | 11/11/2011
Merci pour votre réponse, et oui bien sur, je vois ce que vous voulez dire (enfin je crois...) ;-)
Message reçu concernant la place du travail dans l'Antiquité, qui fut finalement assez semblable avec celle qu'il eut plus tard dans la Chrétienté, bien qu'ayant un sens différent (vous me dites si je me trompe)
Idem quant à cette "oisiveté noble" qui n'était qu'apparente, puisque les nobles remplissaient des fonctions sociales essentielles (argument valable pour les vocations artistiques et religieuses également, sans meme parler du nombre d'Ordres qui faisaient du travail une obligation absolue)
Absolument d'accord également avec ce que vous dites de la bourgeoisie et de "l'entrepreneur capitaliste" probe et responsable. Et aussi sur l'importance de trouver son compte avant tout, dans le travail ou l'oisiveté (qui n'est pas le moindre des travaux car c'est presque une vocation me semble-t-il...)
Alors effectivement on ne peut pas tout vouloir en meme temps... :-) Il n'empeche que l'éthique du travail telle qu'elle se présente aujourd'hui, dans la bouche de ce qu'on appelle la "Droite" ne me fait pas sauter au plafond...
C'est un peu "Celui qui ne travaille pas, qu'il ne mange pas non plus" moins la Charité et la compréhension des quelques raisons supérieures de déroger à cette règle. Et surtout l'absence de conciliation totale avec la parabole des ouvriers de la onzième heure.
Bref, ça sonne bon sens, chrétien meme, mais ça tourne un peu au pharisianisme je trouve, pas tant par bassesse d'ame d'ailleurs (je ne crois plus au complot des patrons et des puissants depuis longtemps) que parce que la situation économique est difficile et qu'il faut avant tout sauver sa peau et son "bonheur" (son confort, son bien etre etc)...
En tout cas merci encore.
Écrit par : tgcianure | 13/11/2011
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