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30/11/2012

La "pauv’ fille" au grand cœur qui aura inspiré tant de chansons d’amour

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« La prostitution. Ce mot-là à lui tout seul vaut son pesant de préservatifs. Il fait vendre les journaux et frétiller les "ratés de la bagatelle", comme le chantait si drôlement Patachou. "Le Nouvel Observateur" dénonce cette semaine "les nouvelles filières de la prostitution", ça ne mange pas de pain et ça plaît toujours. On se doutait bien que les choses n’allaient pas être simples à régler et l’angélisme du ministre nous amuse beaucoup. Nicolas Sarkozy aura beau faire le malin, il ne parviendra pas mieux que ses prédécesseurs à nettoyer les trottoirs, à "interdire la prostitution". Quelle drôle d’idée ! On l’a connu mieux inspiré, le cher Nicolas. Qu’il passe par les armes tous les proxénètes qui lui tomberont sous la main, nous ne demandons pas mieux. Pour le reste, qu’il se calme.
Interdire la prostitution, et pourquoi donc ? Il faut la légaliser au contraire, rouvrir les maisons closes de si belle mémoire. La "pauv’ fille" au grand cœur qui aura inspiré tant de chansons d’amour, de romans, de films, de fantasmes, il faut la mettre en maison, à l’abri des salopards qui la massacrent. Il faut nous garder les filles au chaud pour soigner nos cœurs blessés.
Il faut rouvrir d’urgence les maisons closes. Dans un même élan de générosité et d’amour, il faudrait rouvrir aussi les maisons de correction où l’on dressait si bien les mauvais garçons à coups de trique. Le bon temps que celui-là du tapin tranquille. On peut faire confiance à Genet. Il faut rouvrir les maisons de correction. Si l’on manque d’argent, on pourrait fermer les maisons de la culture où l’on joue des pantalonnades subventionnées par nous, où des troupes de gugusses intouchables se payent notre tête à nos frais. »

Pascal Sevran, Le privilège des Jonquilles

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29/11/2012

J’ai le droit d’exiger l’obéissance parce que mes ordres sont raisonnables

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« — Je voudrais voir un coucher de soleil… Faites-moi plaisir… Ordonnez au soleil de se coucher...
— Si j’ordonnais, dit le Roi, à un général de voler d’une fleur à l’autre à la façon d’un papillon, ou d’écrire une tragédie, ou de se changer en oiseau de mer, et si le général n’exécutait pas l’ordre reçu, qui, de lui ou de moi, serait dans son tort ?
— Ce serait vous, dit fermement le petit prince.
— Exact. Il faut exiger de chacun ce que chacun peut donner, reprit le roi. L’autorité repose d’abord sur la raison. Si tu ordonnes à ton peuple d’aller se jeter à la mer, il fera la révolution. J’ai le droit d’exiger l’obéissance parce que mes ordres sont raisonnables. »

Antoine de Saint Exupéry, Le Petit Prince

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28/11/2012

Il habite avec nonchalance le pays des morts

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« Mercredi 21 septembre 2011 : J’ai beau me saouler de travail et ne sortir pratiquement pas de cette bibliothèque, je bois à grandes lampées l’élixir de septembre, qui d’ailleurs n’est nulle part si enivrant qu’entre ces pans de livres. Les Pyrénées complaisantes, pour la première fois de la saison, sont apparues dans le soleil au-dessus de la canopée, comme en hiver. Pourtant nous sommes encore en été, je crois bien. Le matin semblait le penser aussi, sans y tenir plus que cela. C’est cela, l’enchantement de septembre : il n’y tient pas. Creusé qu’il est du temps qui fut (weather aussi bien que time), il habite avec nonchalance le pays des morts. Je regrette de m’être laissé influencer une ou deux fois déjà, jadis et naguère, par mon entourage qui a poussé les hauts cris à l’idée d’un volume de ce journal qui se serait appelé Septembre absolu. C’est pourtant bien de cela qu’il s’agit. Toute la journée s’est écoulée dans la splendeur discrète de ce mois détaché des choses, tranquillement revenu de tout, et qui n’en fait pas une affaire. Entré sans manières par les fenêtres, il prenait ses aises entre les rayonnages, dans les fauteuils, sur les tapis, jusqu’entre les dalles de notre carrelage décrié. Nous vivons sans doute les dernières heures de l’absolutisme. C’est aussi ce qui le rend irrésistible. »

Renaud Camus, Septembre absolu

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27/11/2012

Tristes vies de cons

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« Si les gens vivent leurs tristes vies de cons dans ces mornes pays de cons, c’est parce qu’ils ont la trouille. Il leur faut la Sécurité, le Confort et la Dignité. Voilà ce que je pensais. Ils n’aiment pas se fatiguer, ils bouffent comme des vaches, ils boivent l’apéro, ils discutent de conneries à perte de vue, ils jouent aux courses, ils s’intéressent au football, ils prennent du bide sans se dégoûter d’eux-mêmes, ils s’en foutent d’être moches répugnants mous dégueulasses pourvu qu’ils aient une cravate, de se faire chier dix heures par jour et toute la semaine et toute la vie pourvu qu’ils aient la paye et le cinoche avec Maimaire le samedi. »

François Cavanna, Les Ritals

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26/11/2012

L'électeur

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« Les moutons vont à l’abattoir. Ils ne disent rien, et ils n’espèrent rien. Mais du moins ils ne votent pas pour le boucher qui les tuera et pour le bourgeois qui les mangera. Plus bête que les bêtes, plus moutonnier que les moutons, l’électeur nomme son boucher et choisit son bourgeois. Il a fait des Révolutions pour conquérir ce droit. »

Octave Mirbeau, La Grève des électeurs

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24/11/2012

La solide alliance

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« Je voudrais qu’il m’ait été donné d’avoir bien parlé des choses sublimes, sans avoir mal parlé des choses honnêtes, celles-ci méritant le respect comme celles-là l’enthousiasme, et j’espère que j’aurai su célébrer ce qui couronne la vie, sans avoir méconnu ce qui la soutient. Il est très certain qu’il y a plus d’amour véritable dans la solide alliance d’un bon ménage que dans la fragile association de plaisir que deux amants ont formée et qu’ils sont prêts à rompre à la moindre alerte. Si la première impulsion de ceux qui s’éprennent l’un de l’autre est de fuir les difficultés de leur vie, leur second mouvement, dès qu’ils s’aiment davantage, est de revenir à elles pour les attaquer ensemble : ceux qui ont commencé par être les lâches du plaisir finissent par être les braves de l’amour, et cela est si vrai que dès que le goût qui a rapproché deux amants prend un peu de force, chacun ne peut s’empêcher de s’enquérir des ennuis de l’autre, avec une prudence qui le retient de s’y mêler et un intérêt qui le pousse à y prendre part. Ce n’est pas la solidité qui manque au bonheur conjugal, mais bien plutôt la finesse et comme les amants volages n’auront eu que des instants sans durée ,la plupart des époux heureux n’auront eu qu’une durée sans instants. Encore n’est-il pas fatal qu’il en soit ainsi. Tout dépend de chacune de leurs deux natures et de l’accord qu’elles font. Depuis que les gens se marient plus tôt, leur bonheur peut avoir plus de vivacité. Ayant déjà des enfants qui seront grands avant qu’eux-mêmes soient vieux, de jeunes époux ne sont pas si loin de l’enfance qu’ils ne puissent en retrouver l’espièglerie et les rires; l’insouciance de leur âge se joint à la prévoyance de leur état; ils peuvent être sérieux sans être forcés d’en avoir toujours l’air; leur sagesse habituelle n’empêche pas des folies d’un moment, qui mettent dans leur bonheur les feux du plaisir. »

Abel Bonnard, L’amour et l’amitié

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23/11/2012

Atomisation définitive de l’espèce humaine

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« Ce n’est certainement pas, en effet, en diabolisant comme "réactionnaire" tout sentiment d’appartenance et de filiation ou en considérant, par principe, comme nécessairement "passéiste" l’attachement légitime des peuples à leur langue, leurs traditions et leur culture (puisque tel est, de nos jours, le noyau résiduel de toute métaphysique de gauche) que les individus modernes pourront trouver le chemin d’une émancipation personnelle et collective à la fois réelle et véritablement humaine. C’est là toute la différence entre un combat politique qui – à l’image de celui des anarchistes, des socialistes et des populistes du XIXe siècle - visait d’abord à offrir aux individus les moyens d’accéder à une vie réellement autonome – condition de toute "vie bonne" et, si possible, heureuse - et un processus historique de fuite en avant perpétuelle (sous le triple aiguillon du marché "autorégulé", du droit abstrait et de la culture mainstream) que presque plus personne – du moins parmi nos éblouissantes "élites"- ne songe encore à maîtriser en profondeur et qui ne saurait conduire (quand bien même serait-il sanctionné sous le nom de "Progrès") qu’à une atomisation définitive de l’espèce humaine. »

Jean-Claude Michéa, Postface à "La culture de l’égoïsme" de Christopher Lasch & Cornelius Castoriadis

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22/11/2012

Toute l’ivresse d’une défaite éclatante et méritée s’est présentée devant nous

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« Plus l’apocalypse s’est rapprochée de l’Allemagne et plus elle est devenue ma patrie. On ne peut pas compter sur le hasard. Les rencontres individuelles sont des chances. Il n’y a pas de logique des chances. Or l’Allemagne, en 1944, fut le grand lieu de rencontre des desperados de l’Europe. Toute l’ivresse d’une défaite éclatante et méritée s’est présentée devant nous. »

Roger Nimier, Les épées

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21/11/2012

Car les pierres ont mieux résisté que les âmes

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« Mais c’était la douceur savoureuse d’octobre, il l’emmenait quelquefois à la campagne un jour entier, toujours vers les forêts. Il n’avait jamais osé auparavant emmener une femme parmi les grands arbres. Il voulait la retirer des salons, des golfs, des restaurants. La France est un pays de forêts. Il y a encore autour de Paris, en tirant vers le nord ou vers l’ouest, de ces grands refuges. Là il aurait voulu la préparer au ton secrètement hautain des cathédrales, des châteaux et des palais qui sont les derniers points d’appui de la grâce, car les pierres ont mieux résisté que les âmes. Il était soudain fort éloigné de leur lit et de ses fièvres; elle retrouvait près de lui le climat nordique où les gens nourrissent si abondamment le rêve, qu’ils s’y épuisent et s’y effacent pendant de longs moments. Il n’était plus que floraison imaginaire. »

Pierre Drieu la Rochelle, Gilles

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20/11/2012

Oui, le cœur de l’Europe est à l’Est

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« Nous refusons la “petite Europe” bourgeoise et réactionnaire. Dans la bibliothèque du couvent Strahov, à Prague, il y a une gravure ancienne représentant l’Europe sous les traits d’une femme dont le cœur est la Bohême. Ce dessin exprime notre sentiment profond : oui, le cœur de l’Europe est à l’Est, dans cette antique et noble ville de Prague dont nous autres, bons Européens, nous ferons un jour notre capitale rayonnante. »

Gabriel Matzneff, Le défi

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18/11/2012

J'espère des aventures de rang égal, et plus haut encore

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« Il est faux de dire que j'attends le retour au passé, comme Chateaubriand, ou, comme Boutefeu, l'éternel retour : je laisse cette marotte aux conservateurs, en politique, et, dans l'espace cosmique, aux astrologues. Non : j'espère des aventures de rang égal, et plus haut encore, et non seulement dans le domaine humain. »

« Nous frôlons ici une autres des dissemblances entre [l'anarque] et l'anarchiste : la relation à l'autorité, au pouvoir legislateur. L'anarchiste en est l'ennemi mortel, tandis que l'anarque n'en reconnaît pas la légitimité. Il ne cherche, ni à s'en emparer, ni à la renverser, ni à la modifier - ses coups de boutoir passent à côté de lui.

C'est seulement des tourbillons provoqués par elle qu'il lui faut s'acommoder. »

Ernst Jünger, Eumeswil

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17/11/2012

Je suis résolu à ne me laisser captiver par rien

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« Etant anarque, je suis résolu à ne me laisser captiver par rien, à ne rien prendre au sérieux, en dernière analyse... non, certes, à la manière des nihilistes, mais plutôt en enfant perdu qui, dans le no man's land d'entre les lignes des marées, ouvre l'oeil et l'oreille.

Aussi ne puis-je non plus m'engager dans la direction du retour. C'est l'ultime refuge du conservateur, apèrs qu'il a perdu tout espoir en politique et en religion. Mille ans sont alors, pour lui, la plus petite unité monétaire ; il parie sur les cycles cosmiques. Un jour viendra où le Paraclet connaîtra son épiphanie, où l'Empereur magiquement endormi sortira de la montagne.

Mais en attendant, le devenir, le temps sont toujours là. L'être dans le temps se répête, et contraint les Dieux mêmes à assumer ses corvées - aussi ne peut-il y avoir de retour éternel ; c'est un paradoxe -, il n'y a pas de retour éternel. Le retour de l'éternel vaut bien mieux ; il ne peut se produire qu'une seule fois- et voilà le temps renversé dans la poussière.

(...) L'idée de l'éternel retour est une inspiration de poisson qui veut bondir hors de la poêle à frire. Il retombe sur la plaque de la cuisinière. »

Ernst Jünger, Eumeswil

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16/11/2012

Il ne s'agit pas d'endiguer ici et là le phénomène, mais de dompter le temps

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« Notre intention n'est pas, plus généralement, de nous en prendre aux coulisses de la politique et de la technique, ni à leurs groupements. Elles passent, tandis que la menace demeure, et même revient plus vite et plus violemment. Les adversaires finissent par se ressembler, au point qu'il n'est plus difficile de deviner en eux des déguisements d'une seule et même puissance. Il ne s'agit pas d'endiguer ici et là le phénomène, mais de dompter le temps. On ne peut le faire sans souveraineté. Or, elle se trouve moins, dans nos jours, dans les décisions générales qu'en l'homme qui abjure la crainte en son coeur. Les énormes préparatifs de la contrainte ne sont destinés qu'à lui, et pourtant, ils sont voués à faire éclater son triomphe ultime. C'est ce savoir qui le rend libre. Les dictatures tombent alors en poussière. Là reposent les réserves, presque vierges, de notre temps, et non pas seulement du nôtre; c'est le thème de toute l'histoire et sa délimitation, ce qui la sépare, et des empires et des démons, et du simple événement zoologique. Les mythes et les religions en donnent un modèle qui se reproduit sans cesse, et sans cesse les Géants et les Titans dressent leur puissance accablante. L'homme libre les abat; il le peut, même s'il n'est pas toujours prince et Héraclès. Le caillou lancé par une fronde de pâtre, l'oriflamme portée par une vierge, une arbalète ont déjà suffi à cette tâche. »

Ernst Jünger, Traité du rebelle, ou le recours aux forêts

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15/11/2012

Tout passe

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« Les affiches vont et viennent, mais le mur sur lequel on les colle demeure. »

Ernst Jünger, Eumeswil

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S'enivrer avec Omar Khayyam

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« Il y a des pilleurs de tombes, qui falsifient le poème et les actes, au profit du marché. Mieux vaut alors s'enivrer avec Omar Khayyam que d'offenser les morts en leur compagnie. »

Ernst Jünger, Eumeswil

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14/11/2012

Les périls eux-mêmes vous apportent leurs plaisirs

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« Entre le service et le loisir, c'est à peine si je fais la différence. L'un me plaît autant que l'autre. Ce qui répond à mon principe : éviter le temps mort, pas une minute sans tension et vigilance de l'esprit. Quand on parvient à faire de sa vie un jeu, on trouve du miel jusque dans l'ortie et la ciguë ; les contrariétés et les périls eux-mêmes vous apportent leurs plaisirs. »

Ernst Jünger, Eumeswil

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13/11/2012

Rayonner de beauté

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« Les nénuphars jaunes n'avaient pas encore fleuri ; mais dans les angles du pont de pierre qui enjambait en zigzag une allée proche du salon de cérémonie, des iris poussaient leurs inflorescences blanc et violacé hors du fourreau pointu de leur feuillage vert.

Son oeil fut attiré par le dos irisé d'un scarabée qui, après s'être tenu sur le rebord de la fenêtre maintenant s'avançait carrément dans la chambre. Deux raies d'un rouge cramoisi couraient le long de sa carapace ovale, où brillaient le vert et l'or. On le voyait agiter prudemment ses antennes avant de poursuivre sa marche en avant sur les petites dents de scies de ses pattes qui rappelaient à Kiyoaki de minuscules outils de bijoutier. Au milieu des remous dissolvants du temps, n'était-il pas absurde que cette tache minuscule de couleur richement concentrée demeurât en sécurité dans un monde à elle ? Peu à peu, cette scène le fascina. Petit à petit, le scarabée continuait à se faufiler, corps chatoyant qui s'approchait de lui comme si son cheminement sans but avait enseigné que dans la traversée d'un monde en changement perpétuel, l'unique chose qui importe était de rayonner de beauté. »

Yukio Mishima, Neige de printemps

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12/11/2012

L'abîme

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« Pourquoi donc faut-il que les hommes recherchent les profondeurs, l'abîme ? Pourquoi faut-il que la pensée, tel un fil de plomb, s' inquiète exclusivement de descente verticale ? Pourquoi n' est-il pas possible que la pensée change d' orientation et se mettre à grimper verticalement, vers le haut, vers la surface ? »

Yukio Mishima, Le Soleil et l'Acier

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11/11/2012

Cet énigmatique rapport à la présence et à l'absence commun à la religion et à l'écriture

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« Et par le christianisme j'entends non seulement la littérature superficielle ou proprement relgieuse, mais une culture (terme à présent aussi dévoyé que celui d'écrivain, et qui se confond avec divertissement) englobant les pensées juive, grecque et latine, et cet énigmatique rapport à la présence et à l'absence commun à la religion et à l'écriture, dont bien sûr le siècle ne veut plus entendre parler, tout entier voué à la promotion de l'individualisme petit-bourgeois. »

Richard Millet, Le dernier écrivain

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Au nom d'un ordre nouveau

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« Ce qui nourrit mon désespoir (un désespoir proche de l'allégresse des renonçants, non des victimes) a la force de l'évidence : tout ce à quoi je crois, dans quoi on m'a élevé et dont on m'a fait le scrupuleux héritier en me donnant pour devoir de le transmettre, d'en maintenir haut la puissance spéculaire, tout ce qui prend la figure de l'éternité sans l'idée de laquelle il est impossible de s'attarder ici-bas, c'est-à-dire la nation, la langue, la grandeur, la pureté, l'élitisme, la permanence, le paysage, le christianisme, la faculté de juger, l'esprit critique, la méditation, même si j'ai conscience que l'écrivain doit se tenir à l'écart des illusions et des doxas de la tradition humaniste, tout cela se trouve aujourd'hui piétiné, jeté aux orties, désigné à l'opprobre universel non seulement comme obsolète mais comme l'expression même du Mal et pied à pied combattu, contredit, moqué, liquidé au nom d'un ordre nouveau, que d'aucuns appellent post-humaniste, et dont les points de convergence se situent entre un très ancien fantasme de transparence absolue, la gnose de l'hybridation généralisée et la vieille affaire de la servitude volontaire ; de quoi la langue française cristallise exemplairement les ambiguités, non pas en tant que telle, par ses vertus instrumentales, mais dans sa monumentalité littéraire, avec la mythologie qu'elle suscite - la question de la langue n'étant d'ailleurs pas une spécificité française : Nietzsche voyait dans "la rage actuelle de surproduction et de hâte excessive", et dans "la détérioration du langage", "les symptômes d'une barbarie approchante", et Thomas Bernhard évoque, cent ans plus tard, ces apprentis musiciens germaniques si insensibles à leur langue qu'ils parlent un allemand "complètement détérioré". »

Richard Millet, Le dernier écrivain

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09/11/2012

J'ai vu le grand crucifix qui s'élevait au centre de mon village natal tomber dans l'herbe et n'être relevé par personne

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« J'ai vu le grand crucifix qui s'élevait au centre de mon village natal, dans le Haut-Limousin, tomber dans l'herbe et n'être relevé par personne, le bois pourrir, le corps rouillé du Christ oublié là dans le silence des derniers regards, dans la lente mort de la langue limousine et les métamorphoses délétères du français. Je vois s'effondrer la grande verticalité européenne au profit d'une horizontalité parcellaire : la fin du christianisme, c'est-à-dire, d'une certaine façon (plus mystérieuse encore qu'historique), celle de la littérature telle qu'elle nous a portés jusqu'en ce nouveau millénaire d'où elle semble se retirer, nous abandonnant à ce rivage plus nus que la surface de la mer infinie qu'elle fut pour nous, dans un mouvement d'expiation qui est l'ultime avatar d'une religion échappant à elle-même par le biais du protestantisme et de la laïcité, et qui, cette conscience expiatoire, confère aux individus le droit de n'exister que dans la négation de soi. »

Richard Millet, Le dernier écrivain

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La gauche refuse d'examiner la validité du socialisme

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« La gauche refuse d'examiner, sur le fond, la validité du socialisme en tant que tel, de tout socialisme, de peur d'avoir à découvrir ou, plutôt à reconnaître explicitement que son essence même est totalitaire. Les partis socialistes, dans les régimes de liberté, sont démocratiques dans la proportion même où ils sont moins socialistes. »

Jean-François Revel, La Grande Parade

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06/11/2012

Jeune cadre dynamique

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« Au cours de la matinée un septième personnage fera des apparitions épisodiques, venant égayer l'aréopage. Il s'agit du chef du service "Études informatiques" du ministère de l'Agriculture, celui que j'ai raté l'autre jour. L'individu semble s'être donné pour mission d'incarner une exagération survoltée du personnage du patron jeune et dynamique. Dans ce domaine, il bat de plusieurs longueurs tout ce que j'ai eu l'occasion d'observer auparavant. Sa chemise est ouverte, comme s'il n'avait vraiment pas eu le temps de la boutonner, et sa cravate penchée de côté, comme pliée par le vent de la course. En effet il ne marche pas dans les couloirs, il glisse. S'il pouvait voler il le ferait. Son visage est luisant, ses cheveux en désordre et humides, comme s'il sortait directement de la piscine. »

Michel Houellebecq, Extension du Domaine de la Lutte

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05/11/2012

La douleur est dans ma poitrine

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« Je passe la journée comme quelqu’un qui a heurté un angle avec la rotule de son genou : toute la journée est comme cet instant intolérable. La douleur est dans ma poitrine qui me semble défoncée et encore avide, palpitante d’un sang qui s’enfuit sans recours, comme à la suite d’une énorme blessure. Naturellement, tout cela est une idée fixe. Mon Dieu, mais c’est parce que je suis seul et demain, je connaîtrai un bref bonheur, et puis de nouveau les frissons, l’étreinte, la torture. Je n’ai plus physiquement la force de rester seul. Une seule fois j’y suis parvenu, mais maintenant c’est une rechute et comme toutes les rechutes, elle est mortelle. »

Cesare Pavese, Le Métier de vivre

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04/11/2012

Je compris bien qu'il y avait là un homme qui avait changé l'écriture

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« J'étais jeune, affamé, ivrogne, essayant d'être un écrivain. J'ai passé le plus clair de mon temps à lire Downtown à la Bibliothèque municipale de Los Angeles et rien de ce que je lisais n'avait de rapport avec moi ou avec les rues ou les gens autour de moi. C'était comme si tout le monde jouait aux charades et que ceux qui n'avaient rien à dire étaient reconnus comme de grands écrivains. Leurs écrits étaient un mélange de subtilité, d'adresse et de convenance, qui étaient lus, enseignés, digérés et transmis.C'était une machination, une habile et prudente "culture mondiale". Il fallait retourner aux écrivains russes d'avant la Révolution pour trouver un peu de hasard, un peu de passion.(...) Je tirais livre après livre des étagères. Pourquoi est-ce que personne ne disait rien? Pourquoi est-ce que personne ne criait? J'essayais d'autres salles de la Bibliothèque. La section "religion" n'était qu'un vaste marécage pour moi. Au rayon "philosophie" je trouvai un ou deux Allemands amers qui me remontèrent le moral et ce fut terminé. J'essayai les mathématiques, mais les mathématiques supérieures étaient comme la religion : cela me passait à côté. Ce dont j'avais besoin n'était nulle part. J'essayai la géologie, domaine que je trouvai curieux, mais finalement pas nourrissant. J'ai trouvé des livres de chirurgie, j'aimais les livres de chirurgie, les mots étaient nouveaux et les illustrations merveilleuses. J'ai particulièrement aimé et je me souviens des opérations du mésocôlon.Je laissai tomber la chirurgie et retournai vers la grande salle avec les romanciers et les écrivains de nouvelles.(...) Un jour j'ai sorti un livre, je l'ai ouvert et c'était ça. Je restai planté un moment, lisant et comme un homme qui a trouvé de l'or à la décharge publique. J'ai posé le livre sur la table, les phrases filaient facilement à travers les pages comme un courant. Chaque ligne avait sa propre énergie et était suivie d'une semblable et la vraie substance de chaque ligne donnait sa forme à la page, une sensation de quelque chose de sculpté dans le texte. Voilà enfin un homme qui n'avait pas peur de l'émotion. L'humour et la douleur mélangés avec une superbe simplicité. Le début du livre était un gigantesque miracle pour moi. J'avais une carte de la Bibliothèque. Je sortis le livre et l'emportai dans ma chambre. Je me couchai sur le lit et le lus. Et je compris bien avant de le terminer qu'il y avait là un homme qui avait changé l'écriture.
Le livre était "Demande à la poussière" et l'auteur, John Fante. Il allait toute ma vie m'influencer dans mon travail. »

Charles Bukowski, Préface au livre de Fante, "Demande à la poussière"

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