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20/08/2013

Le sang est l’engrais

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=

 

« Il n’est pas aisé, à beaucoup près, d’expliquer pourquoi la guerre produit des effets différents, suivant les différentes circonstances. Ce qu’on voit assez clairement, c’est que le genre humain peut être considéré comme un arbre qu’une main invisible taille sans relâche, et qui gagne souvent à cette opération. A la vérité, si l’on touche le tronc, ou si l’on coupe en tête de saule, l’arbre peut périr ; mais qui connaît les limites pour l’arbre humain ? Ce que nous savons, c’est que l’extrême carnage s’allie souvent avec l’extrême population, comme on l’a vu surtout dans les anciennes républiques grecques, et en Espagne sous la domination des Arabes. Les lieux communs sur la guerre ne signifient rien : il ne faut pas être fort habile pour savoir que plus on tue d’hommes, et moins il en reste dans le moment ; comme il est vrai que plus on coupe de branches, et moins il en reste sur l’arbre ; mais ce sont les suites de l’opération qu’il faut considérer. Or, en suivant toujours la même comparaison, on peut observer que le jardinier habile dirige moins la taille à la végétation absolue qu’à la fructification de l’arbre : ce sont des fruits, et non du bois et des feuilles, qu’il demande à la plante. Or les véritables fruits de la nature humaine, les arts, les sciences, les grandes entreprises, les hautes conceptions, les vertus mâles, tiennent surtout à l’état de guerre. On sait que les nations ne parviennent jamais au plus haut point de grandeur dont elles sont susceptibles, qu’après de longues et sanglantes guerres. Ainsi le point rayonnant pour les Grecs fut l’époque terrible de la guerre du Péloponèse ; le siècle d’Auguste suivit immédiatement la guerre civile et les proscriptions ; le génie français fut dégrossi par la Ligue et poli par la Fronde : tous les grands hommes du siècle de la reine Anne naquirent au milieu des commotions politiques. En un mot, on dirait que le sang est l’engrais de cette plante qu’on appelle génie. »

Joseph de Maistre, Considérations sur la France

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