16/10/2013
Le Pays Perdu
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« Le Pays perdu ! Vous aurez un peu de mal à le trouver sur la carte, car il est un peu partout sans être précisément quelque part.
Ce n'est qu'à l'exploration qu'on le découvre.
Rien ne le distingue en apparence de tous les autres: à peine la solitude ordinaire de ses chemins, l'épaisseur de sa végétation, son indépendance de l'habituel trafic des hommes. Bien sûr, il est le plus souvent à l'écart de la grande voie ferrée ou de la route nationale. Seul, le car moderne, à l'étrange allure de diligence, s'y aventure, comme s'y aventurait l'antique tacot départemental, toussant, crachant et déraillant sur une branche de noisetier. Il est parfois aussi vaste qu'un département, et parfois grand comme un mouchoir de poche. Le mystère s'ouvre alors sur un sentier de forêt, sur une écluse solitaire chevauchant un frais court d'eau, sur un petit chemin vicinal ayant une raie de verdure sur le front, sur une vieille demeure abandonnée.
Tenez, sans vous faire languir davantage, je vais vous dire ce qui distingue essentiellement ce pays-là de tous les autres: c'est qu'il est le Paradis des coureurs d'aventures tels que vous et moi.
Si par hasard il contient une gare, ce n'est pas un de ces édifices fumeux et tapageur dont les hommes raffolent. Non ! La gare du Pays perdu ne se distingue des autres maisons que par sa chevelure de vigne-vierge verte et rose, et par la quantité de volatiles qui errent sur les voies herbeuses. Les trains qui passent sont bien élevés et n'aspirent qu'à se faire oublier. Et surtout, le chef de gare est un ami, qui comprend les choses, et qui ne pousse pas des cris d'effroi quand la salle des bagages est envahie par les "Cagoules Noires". J'ajoute même qu'il sait mettre volontiers ses wagons à la disposition des "Policiers du Grand ouest rouge" pour l'accomplissement de leur mission sacrée !
Au Pays perdu, le paysan chez qui vous venez frapper, le soir, ne lâche pas ses chiens, mais vous ouvre sa grange, voire sa cuisine aux poutres apparentes et à la cheminée monumentale. Il sait que ceux qui s'habillent comme au retour de la guerre de Trente ans et braillent des chansons de gueux, sont moins à craindre que le messager correct qui lui porte périodiquement de la ville quelque belle feuille de papier timbré.
Le Pays perdu n'a pas ses chemins couverts de bornes et d'écriteaux multicolores. Et cependant, il ne peut y avoir que les imbéciles pour s'y égarer. Deux heures après notre arrivée, chacun de nous connaît le sentier de la Terreur, le vallon de la Perdition, l'étang des Cailles et la maison des Chouans. Nous distinguons parfaitement le carrefour du Massacre du carrefour des Lapins. Que voulez-vous, la géographie est inséparable de l'Histoire au Pays perdu, et comme cette histoire là, c'est nous qui la faisons… !
De Pays perdu, j'ai cru longtemps qu'il n'y en avait un seul au monde: celui que j'ai découvert à dix-sept ans. Mais depuis qu'avec Hervé, André, Jean-Louis, François, Philippe et les autres… nous avons dû poursuivre le fameux alchimiste Nostradamus II, tirer l'enfant Guibelin, fils de Guillaume d'Orange, des mains des Guardaïa d'Or… j'en ai connu dix, des Pays perdus, plus merveilleux les uns que les autres… »
Jean-Louis Foncine, La Bande des Ayacks
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