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25/01/2015

"Zeus nous a fait un dur destin afin que nous soyons chantés par les hommes à venir"

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=

 

« Par la voix de leur poète fondateur, nos anciens âges avaient la conscience forte de ce qu’ajoute une mort dramatique à l’image du défunt. Ainsi parle Hélène: "Zeus nous a fait un dur destin afin que nous soyons chantés par les hommes à venir" (Iliade, VI, 357-358). Ainsi parle également Alcinoos, roi des Phéaciens, pour consoler Ulysse qui pleure ses camarades morts : "Si les dieux ont infligé la mort à tant d’hommes, c’est pour donner des chants aux gens de l’avenir" (Odyssée, VIII, 579-580). Donner des chants, autrement dit des poèmes, cela signifie transcender le malheur en œuvre d’art. Ce fut une constante de l’imaginaire européen pour qui les grands drames font les grandes sagas. Achille était d’une vitalité extrême, pourtant, il fit le choix d’une vie brève et glorieuse, plutôt que d’une existence longue et terne (Iliade, IX, 410-417). Le héros était d’ailleurs sans illusion sur ce qui survient après la mort: "La vie d’un homme ne se retrouve pas ; jamais plus elle ne se laisse saisir, du jour qu’elle est sortie de l’enclos des dents" (Iliade, 408-409). Plus tard, réduit à l’état d’ombre aux Enfers, il dira à Ulysse que l’éternité lui semble d’un ennui mortel. Opinion partagée par Ulysse lui-même. Dans l’Odyssée, le héros éponyme se voit proposer par la nymphe Calypso une vie éternelle et voluptueuse à ses côtés. Contre toute attente, il refuse, préférant son destin de mortel et choisissant de retrouver sa terre et son épouse Pénélope pour mourir à ses côtès (Odyssée, V, 215-220).

La mort n’est pas seulement le drame que l’on dit, sinon pour ceux qui pleurent sincèrement le disparu. Elle met fin aux maladies cruelles et interrompt le délabrement de la vieillesse, donnant leur place aux nouvelles générations. La mort peut se révéler aussi une libération à l’égard d’un sort devenu insupportable ou déshonorant. Elle peut même devenir un motif de fierté. Sous sa forme volontaire illustrée par les samouraï et les «vieux Romains», elle peut constituer la plus forte des protestations contre une indignité autant qu’une provocation à l’espérance. »

Dominique Venner, Editorial de La Nouvelle Revue d'Histoire - n°: 64, Janvier-Février 2013, La Fin des Habsbourg

 

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