11/03/2016
Excellent et atrabilaire, compatissant et féroce, railleur et quinteux
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« Huysmans était excellent et atrabilaire, compatissant et féroce, railleur et quinteux. Il ressemblait, avec son large front ridé, à un vieux vautour, désabusé et philosophe, perché sur l'huis de la misanthropie. Quand on lui demandait : "Que pensez-vous d'un tel ?" il répondait, le plus fréquemment, d'une voix lasse, en baissant ses yeux gris : "Ah ! quel déconcertant salaud ! ..." ou "quelle triste vomissure !", ou quelque chose d'approchant. Le contraste de cet accent feutré, mitonné, semi-poussiéreux, et de ces affirmations péjoratives, éfait d'un comique irrésistible.
Gourmet célèbre, chipoteur de petits plats, maudissant à bon droit la cuisine pour tous d'hôtel et de palace, l'auteur d' "En Route" et de "Là-Bas" lançait un regard de bourreau chinois aux mets que nous présentait le serveur et murmurait entre ses dents : "Voilà une étrange mixture !" Il en goûtait un peu, faisait la grimace, déposait sa fourchette, son couteau et riait pour lui seul, comme Bas-de-Cuir. Tout vin, selon lui, sentait "la vesse", ou "le crottin", comme tout fromage fleurait "le pied de pauvre" et toute sauce "la colle cadavérique" ou "l'encaustique à goût de sapin". Il abondait en définitions gastronomiques, d'une exactitude vireuse et parfois tragique, qui plongeaient dans la consternation les maîtres d'hôtel. Il me déclara un jour qu'il n'appréciait que le pot au feu, idéal, sucré à l'aide des seules carottes, et le poulet uniquement au beurre. Ceci est d'un véritable maître. Je l'approuvais d'autant plus que mon enfance a été bercée par les recommandations, concernant le poulet rôti, de mon grand-père Allard, fin connaisseur : "Pas de jus, au moins ! Rien que du beurre !" »
Léon Daudet, Vers le roi
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