15/04/2024
Enfin en France !
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Sondage !
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La tolérance, il y a des maisons de retraite pour ça
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« De votre Mal, comme toujours, sortira donc notre Bien. Car nous n’accouchons jamais de rien d’autre. Mais ce Bien est une maison assez large pour qu’après un certain nombre de convulsions supplémentaires encore incalculables vous veniez aussi l’habiter. Pour cela, il ne vous suffira que d’être enfin correctement oecuménisés, syncrétisés, pacifiés, de vous montrer prévisibles et raisonnables comme des Suédois, et de ne plus prêter l’oreille aux trompettes lugubres de votre apocalypse. Dès le 11 septembre, nos plus accommodants prêcheurs se sont bousculés pour rappeler que l’Islam est une religion de paix et de tolérance. Nous savons bien qu’il n’en est rien. Aucune religion vivante n’est une religion de tolérance, et votre Islam, hélas, est encore une religion un peu trop vivante. La tolérance, il y a des maisons de retraite pour ça. Nous ne demandons qu’à vous accueillir dans la nôtre. Les premières réactions du peuple afghan depuis votre débandade nous donnent à cet égard beaucoup d’optimisme pour la suite des événements, et nous en reparlerons : cette musique et ces cerfs-volants qui ressortent de la clandestinité nous paraissent d’excellent augure. C’est un premier pas. Il y en aura d’autres. Un jour, vous connaîtrez le plaisir de participer à nos longs travaux de sensibilisation et de prévention, à nos débats sur l’estime de soi et le respect d’autrui, à nos commissions d’accès à la citoyenneté et à la parité. Un nouvel Islam, alors, sera né, que nous pourrions d’ores et déjà appeler "Islam pluriel", car il aura triomphé de vos mauvais génies.
Pour en revenir à Halloween, à peine avons-nous renoncé, mais avec regret, à pendre des squelettes aux fenêtres et à planter des tombes en carton au milieu des jardins. Dans plusieurs villes américaines, les autorités scolaires rédigèrent une circulaire suggérant que les enfants choisissent des costumes "positifs" pour festoyer. Vérifiez par là, chers djihadistes, combien nous sommes blindés. À toute autre civilisation que la nôtre, ce que nous appelons positivité aurait fait dresser les cheveux sur la tête. Mais nous autres Occidentaux nous sommes donné jusqu’aux moyens de faire taire ceux qui oseraient encore noter que nous vivons dans un film d’épouvante. Et vous nous apportez l’occasion, depuis votre hideux 11 septembre, grâce au film d’horreur que vous nous avez imposé, de les museler catégoriquement en les traitant d’anti-humanistes ; et de les rendre, s’ils osaient encore ouvrir la bouche, complices de ce "vaste camp des nostalgiques d’un ordre communautaire où l’individu ne s’appartient pas" dont vous êtes devenus l’avant-garde infâme, comparée à notre Jardin d’Éden rempli "d’humanistes qui persistent à vouloir accoucher, non sans douleur, d’une société d’individus autonomes, responsables et solidaires".
Ne trouvez-vous pas remarquable, chers djihadistes, que la question de respecter ou non cette fête, quelques jours après vos attentats, ait été si gravement débattue chez nous ? Certes, elle l’a été prioritairement aux États-Unis. Mais cet important problème, sous des formes diverses, a au fond remué toutes les contrées de notre festivo-sphère, que vous identifiez en général au monde des "infidèles" ou à l’Occident "mécréant", et que vous imaginez en proie à un complot "judéo-croisé" alors qu’il s’agit tout simplement de l’île aux enfants. Et, en fin de compte, il a été résolu que l’Amérique "devait continuer à être l’Amérique", ainsi que l’a déclaré le chef de la sécurité intérieure de l’Amérique : ce qui indique aussi que ce pays ne s’imagine pas tous les jours en statue de la Liberté, et ne s’identifie pas seulement aux tours de Manhattan, mais qu’il se fantasme d’abord en sorcière à chapeau pointu en train d’agiter un balai et de danser une danse macabre.
Seule a été déconseillée un peu partout la fameuse coutume du "Trick or treat", qui fait la délectation des enfants lorsque, de nuit et déguisés, ils vont de maison en maison et réclament des bonbons sous menace de mauvaises farces. "Trick or treat" ? Un sort ou une friandise ? A-t-on cherché à supprimer cette pratique parce qu’elle rappelait un peu trop ce que les Afghans vivaient tous les jours au même moment à cause de vos sinistres menées : un tapis de bombes ou des rations alimentaires ; un missile intelligent ou du beurre de cacahuète ; un Tomahawk ou un colis de raisins secs et de pâtes de fruits ; un B52 ou un avion-cargo rempli de plats cuisinés empaquetés dans des sacs jaunes frappés du drapeau américain ; une bombe à fragmentation ou deux mille deux cents calories ? Farces ou attaques ? À vrai dire, la chose est de peu d’importance. Seul compte que notre autorité se déploie désormais de cette façon. C’est la raison pour laquelle notre système si innovant peut être défini comme un despotisme tempéré par la joie. Les plus efficaces de nos bonimenteurs vont répétant que "le monde ne sera plus jamais le même après le 11 septembre", mais c’est pour masquer qu’il n’est plus le même depuis un temps beaucoup plus considérable ; et que tout l’édifice humain repose désormais essentiellement, une fois encore, sur le respect de la joie. L’appel à cette joie en tant que fondement d’un nouveau Contrat social, expression d’une volonté générale et d’une nouvelle vision du monde, peut paraître dérisoire à un regard superficiel ou à une conscience résolument hostile. Il n’en annonce pas moins le nouvel ordre des choses, et une nouvelle conception du monde parfaitement objective. C’est la nôtre, en tout cas, et elle a vocation à devenir celle de tous. Respectez la Gay Pride, aurait aussi bien pu crier notre ministre de la Jeunesse et des Sports le soir du match France-Algérie. Respectez Halloween. Respectez nos loups-garous, nos fantaisies potagères et notre hémoglobine. Respectez les destructions touristiques par lesquelles un univers, peu à peu, se substitue à l’autre. »
Philippe Muray, Chers djihadistes
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"Et vous, qu'avez-vous souffert pour moi ?"
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14/04/2024
Impôts
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Constellation...
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Ouin Ouin !!!
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Dans notre propre coeur...
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13/04/2024
Continuellement murmurer Le Nom de Jésus...
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12/04/2024
Dieu comprend...
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11/04/2024
Ne contrariez pas ce mouvement, il vous broierait
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« Au fond, nous vous envions. Vous avez tout à découvrir. À commencer par cette égalité, que l’on qualifie généralement d’ "idéal", et qui est en réalité une occupation parfaitement concrète et qui dévore le plus clair de notre temps. Comme nous, elle vous absorbera un jour si complètement que vous en oublierez votre guerre sainte.
Ce n’est d’ailleurs pas qu’une occupation. C’est une passion et c’est une rage. Elle rend notre existence aventureuse, sensationnelle et magnifique. De tous côtés, dès le matin, on court, on se bouscule, on proteste ; on vérifie au centime près, chez les coiffeurs, les différences de tarifs entre les coupes de cheveux des petits garçons et celles des petites filles. Il n’y a pas de tracas négligeables. On épluche pendant des mois images télés, photos, couvertures des quotidiens nationaux et régionaux, propos rapportés, mentions diverses, et, de cet examen minutieux, on conclut à la sous-représentation des femmes dans les médias : dix-huit pour cent seulement (encore n’apparaissent-elles, dans vingt et un pour cent des cas, que comme "femme de" ou "mère de", là où l’homme n’est "mari de" ou "père de" que dans quatre pour cent des cas). On s’indigne de ce que le partage des tâches domestiques, à en croire les plus pointilleux de nos statisticiens, n’ait pratiquement pas évolué en quinze ans, hormis les huit minutes trente-neuf secondes supplémentaires que les mâles daignent consacrer aux corvées ancillaires. Où irait-on sans ce genre de soucis ? À quelle gabegie indescriptible ? Et que dire de l’ "image" de l’homosexuel dans la fiction télévisée ? Est-elle bonne ? Est-elle mauvaise ? Est-elle réductrice ? Y a-t-il matière, là aussi, à légiférer, comme dans le domaine des propos machistes véhiculés par les médias ? Sans doute. Mais à condition de savoir que même l’arsenal juridique le plus contraignant ne résoudra pas l’ensemble du problème. Ce qui nous laissera bien du pain sur la planche. Et beaucoup de nouveaux chevaux de bataille à enfourcher. Et encore d’innombrables manifestations "insidieuses" d’androcentrisme à détecter. Tellement insidieuses, d’ailleurs, qu’elles ne se connaissaient pas elles-mêmes, ces manifestations, avant qu’on ne les repère. Qu’elles sont toutes surprises, à chaque fois, de se découvrir telles. Toutes confuses et décontenancées. Qu’elles en rougissent affreusement. Qu’elles présentent leurs excuses. Qu’elles demandent pardon. Qu’elles s’effacent. Qu’elles s’abîment.
Chers djihadistes, cette tendance est irrésistible, et son ampleur en accroissement perpétuel. Car chaque inégalité résorbée en fait naître sur-le-champ de nouvelles. Tandis que chaque démenti d’arrière-garde infligé par hasard ou par imprudence à notre passion de l’égalité en redouble l’énergie, en même temps qu’il nous permet de nous croire solitaires dans une lutte héroïque. Et tant qu’il demeurera un seul brin d’herbe plus haut que l’autre, et tant que nous pourrons repérer une seule petite différence, une seule discrimination affectant le setter écossais ou le gypaète barbu, croyez bien que cette activité haletante qui fait de chacun de nous un juge (ou, du moins, un rapporteur de loi éventuelle) ne nous laissera aucun répit.
Ne contrariez pas ce mouvement, il vous broierait. L’Histoire, que nous avons de bonnes raisons de juger conclue, ne s’accélère pas comme le disent parmi nous beaucoup d’imbéciles indispensables. Ou plutôt, en se retirant, elle nous a laissé l’accélération, et elle seule. Le temps tourne en roue libre et revient sur lui-même et travaille pour nous. Il faut qu’à la disparition du devenir logique se substitue une effervescence de surface qui masque cette disparition en même temps qu’elle camoufle nos démolitions. C’est pourquoi les nôtres dureront encore, et produiront leurs effets, quand les vôtres seront même oubliées. C’est qu’elles viennent de plus loin, malgré les apparences. Vous n’invoquez, pour justifier votre fanatisme sanguinaire, que les pures origines de l’Islam, la restauration du califat et le projet sans nul doute excessif d’imposer à toute l’humanité un gouvernement fondé sur la "charia" ; mais votre système, une fois encore, n’a qu’un défaut : il ignore l’Histoire. Vous omettez le processus qui a transformé la nature en homme, et vous ne pouvez donc pas davantage envisager le processus inverse, de transformation de l’homme en nature, que nous avons enclenché, dont la réalisation concerne elle aussi la planète entière, et qui réussira là où vous échouerez, dussions-nous y passer un siècle ou davantage. Il faut du temps pour défaire un monde. Presque autant que pour le faire. Et, dans cette entreprise, nous ne reculerons pas.
Votre monstruosité, le 11 septembre, nous a surpris. Elle nous a même stupéfiés à un point tel que nous avons d’abord eu l’impression que vous débarquiez de beaucoup plus loin que le système solaire. Pour autant, nous n’avons rien eu de plus pressé que de vous ramener à du connu, notre connu. Ce connu lui-même présente toutefois la particularité de nous être, à nous-mêmes, largement inconnu. Les mots nous manquent encore pour le définir dans toutes ses parties. La plus grande nouveauté de notre monde, en effet, est qu’il nous est devenu étranger à mesure que nous le fabriquions, et que nous en parlons comme s’il nous était toujours familier.
L’enjeu, dans de telles circonstances, consiste à faire semblant de n’avoir rien remarqué, et à considérer nos pires bizarreries comme la continuation d’une vie quotidienne presque inchangée depuis la nuit des âges. C’est ainsi, chers djihadistes, vous l’aurez noté, que vos premiers assauts ne nous ont pas empêchés de fêter Halloween. N’importe qui d’autre que nous se serait dit qu’en pleine actualité d’horreur il était urgent de renoncer à nos morts-vivants de bazar, à nos toiles d’araignées, à nos monstres et à nos citrouilles. De tels accoutrements, au surplus, ne faisaient-ils pas double emploi avec ceux des braves gens qui, au même instant, déguisés en bacilles filtrants, s’employaient à décontaminer un courrier que l’on supposait bourré de vos bactéries ? Après quelques réticences de pure forme, néanmoins, il a été décidé que l’on continuerait à se faire peur, quoique avec modération, et que l’impératif festif, que nous autres Occidentaux identifions de longue date avec l’impératif moral, et qui est même devenu tout récemment, grâce à vous, une des expressions majeures du patriotisme, devait continuer à triompher. Il y eut, certes, des hésitations. "Bien sûr on a envie de faire la fête, témoignait par exemple cette mère de trois enfants. Mais on ne sait pas trop ce que l’on doit faire. L’année dernière, mes enfants se sont baladés un peu partout pour récolter des bonbons mais, cette fois, j’ai peur qu’ils soient contaminés par la maladie du charbon ou quelque chose d’autre. Alors, je leur ai dit que j’irais avec eux et qu’on frapperait seulement chez les gens que l’on connaît." Ce qui emporta toutefois la décision de célébrer Halloween coûte que coûte, dans le Nouveau Monde bien entendu mais aussi sur le Vieux Continent, peut être résumé par la déclaration d’un gamin à la télévision : "Mes parents ont peur mais moi je veux jouer." Nous voulons tous jouer, chers djihadistes, même si nombre d’entre nous ne sont plus des enfants, du moins en apparence. Et lorsque, pour parler d’un beaucoup plus petit pays que l’Amérique, des centaines de jeunes Franco- Algériens, au Stade de France, en octobre, acclamèrent l’Algérie, sifflèrent "La Marseillaise", envahirent la pelouse et bombardèrent de bouteilles les sommités présentes ce soir-là, tout ce que notre ministre de la Jeunesse et des Sports trouva à jeter comme cri du coeur aux hordes qui perturbaient le match de football fit un écho spontané à l’aveu du petit garçon américain qui voulait jouer : "Respectez la joie !" lança dans un micro, et d’ailleurs en pure perte, ce remarquable ministre. Car nous ne pouvons plus rien respecter d’autre. Nous ne pouvons plus rien brandir comme trésor propre, comme notre propre à nous, et comme ce que nous voulons que soit le propre de toute la nouvelle humanité à venir, que cette "joie" dont nous implorons maintenant qu’on la respecte. Et dont nous entendons que tous se plient aux contraintes qu’elle suppose.
Bien sûr, il ne s’agit nullement, et il ne s’agira plus jamais, de joie "réelle". L’énergie en est perdue depuis des éternités et nous ne l’ignorons pas. S’il s’agissait de joie « réelle », d’ailleurs, il n’y aurait aucune raison de la respecter. Rien de ce qui existe n’a besoin de respect. Rien de ce qui appartient à la réalité n’est passible de cette protection. Si la joie doit être respectée, désormais, c’est qu’elle n’est plus de ce monde, et que lui-même ne se ressemble plus. C’est une joie parfaite, arrivée à un point d’accomplissement tel qu’elle n’a plus d’antagoniste elle non plus, qu’elle ne peut plus et qu’elle ne doit plus en avoir. Elle a même pour ainsi dire absorbé la peine ou le chagrin, lesquels étaient légitimement, eux, susceptibles de respect. En mangeant littéralement la peine ou le chagrin, elle s’est intégrée par la même occasion le respect qui ne lui était pas dû. Par le rituel que celui-ci implique, elle parvient à faire oublier qu’elle n’existe plus puisqu’elle ne relève plus d’aucun imprévisible, puisqu’elle n’annonce plus l’irruption d’aucune violence non calculée, et qu’on ne peut plus rien lui comparer.
Cette joie dont nous réclamons à si hauts cris qu’elle soit respectée est une joie de seconde main, une fiction de remplacement dont le peu de puissance "actuelle" ne peut être compensé que par le respect dont on demande qu’elle soit entourée. Mais s’il faut absolument qu’elle soit enveloppée de respect, et s’il faut que l’on respecte Halloween au même titre que bien d’autres manifestations de notre temps, c’est qu’il s’agit à nos yeux de "victimes" en puissance. Chers djihadistes, notre monde victimiste et victimophile a réussi l’exploit de faire de la joie une victime de plus, et peut-être la plus importante, après tant d’autres par nous préalablement recensées et désormais sacrées. Ce qui signifie aussi que nous nous employons à la placer, légalement et constitutionnellement, à l’abri des propos ou des actes offensants, et, de manière plus générale, hors de portée de l’esprit critique et de ses malfaisances. Voyez-vous le pas de géant que vous venez de nous faire franchir, certes bien involontairement, dans ce domaine aussi ? Nous autres Occidentaux peinions depuis déjà un certain temps à placer la fête, où se matérialise sous des espèces jubilatoires l’ordre hégémonique que nous entendons imposer (lequel, par ailleurs, et sur d’autres plans, s’appelle "Marché universel" ou "Tribunal pénal international") sous le sceau du sacré. Les désastres que vous avez provoqués le permettent enfin. Ils sont également prometteurs de tout un ensemble de nouvelles lois répressives dont nous nous délectons par avance. »
Philippe Muray, Chers djihadistes
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10/04/2024
Téléspectateur...
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Contraire à nos tendances à l'idylle
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« Car nous ne pouvons pas croire "en même temps" à deux choses aussi contradictoires que l’ancien monde réel et notre nouveau monde onirique. La réalité telle que vous avez le malheur de la concevoir encore impliquait des renoncements dont nous sommes bien heureux de nous être débarrassés. Par la même occasion, nous autres Occidentaux sommes devenus allergiques à l’Histoire, réfractaires à la chronologie et hostiles à la topographie. L’état civil lui-même commence à nous taper sur le système, pour ce qu’il est contraire à nos tendances à l’idylle, et il ne faudrait pas grand-chose pour que nous ne nous déplacions plus que dans un univers peuplé de Chats Bottés, de Riquets à la houppe, de Petits Poucets, de Chaperons Rouges et de Cendrillons. Nous y arriverons. De cela aussi, d’ailleurs, nous avions commencé à nous occuper, peu avant que vous ne veniez mettre du désordre dans notre remue-ménage, en faisant inscrire dans la loi le droit pour la mère de donner son nom aux enfants au même titre que le père. Il va de soi que cette assomption du matronyme n’est qu’une étape sur le chemin de la disparition ou de l’interdiction du patronyme ; et ce n’est aussi qu’un premier pas sur la route de l’effacement de tous les "nymes". La dissociation du nom et de la filiation est, dans ce domaine, le but que nous poursuivons. Mais il faudra "aller encore plus loin" et, pour commencer, se demander pourquoi les enfants seraient la propriété de leurs parents. Nous aimons énormément aller encore plus loin. C’est une de nos occupations les plus appréciées. De mauvaises langues prétendent qu’elle emplit en nous quelque "vide intérieur" qui va grandissant et dont les conséquences se révèlent chaque jour un peu plus dangereuses. Mais ces mauvaises langues ne sont guère écoutées. Elles sont même inaudibles parce que c’est toujours en nous "dévouant à une cause" que nous allons plus loin. Et qu’ainsi la virulence de nos déprédations se met hors de portée de toute critique. Elle devient même irrepérable sous le brouillard des intentions.
Chers djihadistes, toutes ces anecdotes vous apparaissent certainement de peu d’importance ; et même, d’une certaine façon, triviales ou ridicules. Et en effet, dans un sens, elles ont été choisies au milieu de l’abondante chronique du temps pour leur peu de poids manifeste. Elles sont cependant révélatrices de ce que, pardessus tout, nous autres Occidentaux aimons dormir debout : c’est notre façon d’être éveillés. Cette disposition ne va pas de soi. Elle demande à être illustrée par de nombreux épisodes de l’existence concrète et par leur examen attentif, qui ne semblera disproportionné qu’à ceux qui ne s’étonnent jamais de rien. Au surplus, et puisque après quelques jours de sidération il a été décidé, chez nous, que la vie continuait, il convient de préciser ce qu’est exactement cette vie, et de quoi elle est faite. On peut donc noter que dans la semaine qui a suivi vos exécrables raids, nous nous sommes empressés de revenir aux choses sérieuses, c’est-à-dire au développement de notre conte de fées. Il y avait urgence à retrouver la véritable terre ferme des mirages. Dans ces heures tragiques, et tandis que les ruines de Manhattan fulminaient toujours, on pouvait donc tout de même recommencer à se réjouir en apprenant par exemple que "l’être connectif" allait remplacer avantageusement notre "petit moi", ainsi que le détaillait un de nos ductiles sociologues. Et celui-ci se félicitait de ce que le "réseau" était en train de devenir "un prolongement de nous-mêmes", que toute "simulation" était à présent "crédible", que notre "multisensorialité récupérée" faisait du "numérique le nouveau sens commun", mais que notre corps, dans ces nouvelles conditions, continuait à être un "interface de choix". Et, concluait-il : "Les connectés sont mieux armés que les autres, ils ont un rapport direct avec la globalisation." Non sans ajouter aussi que depuis vos "attentats hyperterroristes", ainsi que nous avons résolu de les appeler, "le globalisme s’impose comme l’obligation de repenser le monde".
Chers djihadistes, il est nécessaire que vous vous mettiez dans la tête cette vérité sans précédent : tout ce qu’il reste encore d’actif sur nos continents complote jour et nuit à perdre ce qu’il reste encore d’être humain ; et même, plus personne ne peut être payé s’il lui vient l’idée saugrenue de se livrer à une autre tâche. Notre société ne salarie que cette besogne. La dévastation de l’ancienne raison est une commande sociale. Ce travail, qui aurait semé l’épouvante dans l’humanité des temps héroïques, est accueilli désormais avec des cris de joie.
Chevauchant vos éléphants de fer et de feu, vous êtes entrés avec fureur dans notre magasin de porcelaine. Mais c’est un magasin de porcelaine dont les propriétaires, de longue date, ont entrepris de réduire en miettes tout ce qui s’y trouvait entassé. Ils ne peuvent même survivre que par là. Vous les avez perturbés. Vous êtes les premiers démolisseurs à s’attaquer à des destructeurs ; les premiers Barbares à s’en prendre à des Vandales ; les premiers incendiaires en concurrence avec des pyromanes. Cette situation est originale. Mais, à la différence des nôtres, vos démolitions s’effectuent en toute illégalité et s’attirent un blâme quasi unanime. Tandis que c’est dans l’enthousiasme général et la félicité la plus pimpante que nous mettons au point nos tortueuses innovations. C’est aux applaudissements de tous, par exemple, qu’ici nous machinons le nouveau "livret de paternité" (" 'Ce livret est pour vous, le père. Vous aussi, à votre manière, vous le mettez au monde. Il souligne votre place et votre rôle' : voici ce que les pères vont pouvoir lire, signé Ségolène Royal, ministre déléguée à la Famille, en préface du tout nouveau livret de paternité. Un guide concocté par ses services et qui devrait remettre progressivement les yeux en face des trous des heureux pères qui planent le lendemain de la naissance de leur enfant'), ou que nous faisons un triomphe à l’utile film "Chaos", dont la fabricante ne se borne pas à répéter partout qu’il "déplaira aux machos, aux proxénètes et aux intégristes" (il va de soi qu’avec les machos et les proxénètes vous constituez la majorité du public de ce spectacle), mais délivre aussi et en clair (quoique sous la forme chez nous parfaitement codée de la rébellion de confort ou de l’iconoclasme en charentaises) le message bucolique essentiel de ces temps d’euphorie : "Tous mes films sans exception parlent du patriarcat et de sa destruction, seule évolution possible pour l’humanité, dans le sens où ce système détruit toute l’humanité." Nous n’avons, en effet, plus rien de commun avec les anciennes contraintes du principe de réalité. Et si ne se trouve, dans cet attendrissant charabia tombé goutte à goutte d’une de ces cervelles dévastées comme nous les apprécions, pas le moindre mot auquel puisse être attribué un sens "quelconque", vous imaginez bien que ce n’est pas non plus pour nous déplaire. Par la même occasion, il vous sera loisible de constater une fois encore que nos démantèlements sont tout de même un peu plus subtils que vos saccages. Ne serait-ce qu’en ceci : ils ne rencontrent, eux, que des approbations ; ou les tremblants silences des derniers agnostiques. Par rapport à nous, vous n’êtes que des saboteurs maladroits et, au bout du compte, même de votre point de vue, inefficaces.
Vous compromettez, avec vos destructions, nos déconstructions. Vous intervenez, avec vos anéantissements, contre nos néantisations. Vous faites double emploi. Vous menacez nos vies humaines, mais c’est déjà l’au-delà de l’humanité dans lequel nous nous situons et dont nous avons entrepris d’accélérer l’avènement. Il serait léger, au surplus, d’imaginer que celui-ci ne vous concerne pas autant que nous. Vous voulez notre mort. Vous le dites et vous le répétez sur tous les tons. Mais cela est vrai aussi dans un autre sens que celui auquel vous pensez actuellement. Vous cherchez bien entendu notre mort physique. Mais vous voulez également autre chose de plus mystérieux, et qui vous reste pour le moment inconnu : vous désirez accéder vous aussi à cet état de mort historique et néanmoins active vers lequel depuis des siècles nous tendons et que nous sommes sur le point d’atteindre. Sans le savoir encore, chers djihadistes, c’est ce que vous avez avoué, le 11 septembre, de manière obscure et sanglante, à bord de vos Boeings fous, lorsque du fin fond de votre histoire qui ignore si rigidement l’Histoire, et qui ne peut qu’ignorer que cette Histoire est terminée, vous êtes venus chercher l’obstacle d’une contradiction qui est pour vous un exotisme. Si convaincus que vous ayez pu être de "tout ce que Dieu a promis aux martyrs", si persuadés que vous demeuriez de pourfendre les "alliés de Satan" et les "frères du diable", si décidés que vous soyez, avec l’aide du Prophète (paix sur lui), à faire trembler la terre sous nos pieds, ce ne sont que nos décombres "construits" que vous rencontrez. Et il serait temps que vous en tiriez la conclusion que vous ne provoquerez jamais autant de dégâts chez nous que nousmêmes. À cette différence près, une fois de plus, que vous serez traqués, pour vos exactions, aux quatre coins du monde, quand pour les nôtres nous ne rencontrons, nous autres Occidentaux, que louanges et soutiens.
Il ne vous reste plus qu’à vous intégrer au processus que nous avons engagé et auquel vous n’avez pu que donner encore un peu plus d’élan, quoi que vous pensiez l’enrayer. Vous puiserez à la longue dans ce ralliement des satisfactions qui surpassent de loin celles de votre harassant "Djihad pour la cause de Dieu". Il est bien d’autres causes, d’ailleurs, plus immédiates et gratifiantes que la cause de Dieu. En réalité elles sont innombrables et inépuisables. Nous les appelons généralement "luttes" (pour la citoyenneté, contre l’homophobie, la xénophobie, le patriarcat, etc.), et l’avantage, à la faveur de celles-ci, vient de ce que l’on trouve toujours à nourrir son ressentiment, ainsi qu’à étancher ce besoin de reconnaissance qui nous tenaille tous depuis le commencement des temps mais qui a pris de nos jours, et chez nous, une forme très particulière. Le ressort en est la "surenchère" illimitée, et vous ne tarderez pas à en constater les agréments, ainsi que le bonheur qu’il y a à tout désintégrer en pleine légitimité. Par là, vous ressentirez comme il est bon de passer son temps libre à demander réparation en justice pour ses propres turpitudes ; ou de faire inscrire dans la loi ses moindres caprices ; d’obtenir que des tribunaux déclarent un cigaretier coupable de ne vous avoir pas correctement informé des dangers que vous encouriez en fumant ; de remplir le monde de vos clameurs pour que le phallocentrisme soit réprimé comme il le mérite, pour que les malentendants sortent du placard, pour que les aveugles s’expriment, pour que l’on fixe des quotas d’embauche concernant les minorités, pour que l’hétéroparentalité soit susceptible d’une sanction juridique, pour que soit légalisée la délation de précaution en matière de pédophilie, et pour que le devoir de mémoire se retrouve élevé au rang de culte officiel.
Vous militerez pour les "cultures croisées". Vous danserez devant les Rembrandt. Vous adorerez fréquenter des "espaces décloisonnés". Vous manifesterez votre enthousiasme pour une implication accrue des hommes dans le travail domestique. Vous bénéficierez de "chèques-culture". Au besoin revendiquerez-vous votre bisexualité, ou plus exactement votre identité mixte, qui reste un continent encore trop inexploré.
Vous apprendrez les infinies délices de la repentance, qui est un nom sublime pour désigner et encourager la destruction de tout le passé.
Vous vous occuperez du sens de la justice chez les grands singes, de la transmission de l’information chez les dauphins et de la perception des valeurs éthiques fondamentales par la femelle bonobo. Vos recherches vous permettront-elles de démontrer qu’existe chez les mandrills une connaissance intuitive de l’impératif catégorique kantien ? On peut l’espérer.
Un jour, vous vous surprendrez à grimacer en entendant des mots comme "autrefois", "hier" ou "nostalgie", tandis que "mouvement" ou "positivité" susciteront de votre part un prompt sourire d’adhésion.
Vous commencerez à regarder l’avenir en rose.
Beaucoup plus tard, et constatant que vos muezzins ne sont jamais des femmes, vous pourrez vous divertir en portant plainte pour discrimination sexuelle à l’emploi dans les minarets.
Vous vous poserez aussi la question de savoir si l’inceste ne serait pas un tabou répressif, une idée périmée, un modèle normatif se faisant passer pour une évidence anthropologique, et en tout cas un préjugé à liquider.
Vous serez mûrs alors pour notre ordre nouveau, où la prolifération des technologies ne doit pas vous abuser : il s’agit bien d’un retour très spécial à l’état de nature, d’où toute possibilité de négation est en voie d’être bannie.
En cela d’ailleurs, et pour une fois, certaines dispositions de votre religion devraient vous aider dans ce cheminement salutaire puisque vous ne reconnaissez pas le péché originel dont le fardeau a si douloureusement pesé sur nous et dont nous sommes en train d’arracher, pour ce qui nous concerne, les dernières racines bibliques. À ce travail d’évacuation de la part d’ombre ou de la négativité, sans doute même pourrezvous apporter un concours original.
Vous n’en êtes pas là. Vous en êtes encore loin. La question brûlante du "moral des ménages" n’est pas encore devenue l’un de vos tourments principaux. Le problème de savoir si nous devons craindre dans les mois qui viennent un fort recul de la consommation, ainsi qu’une chute des investissements des entreprises, ne vous empêche pas de dormir. C’est très regrettable. L’éventualité d’adopter une loi réprimant le sexisme dans les médias ne vous fait pas vibrer. C’est un tort. Il va falloir que vous appreniez à mieux placer vos plaisirs. »
Philippe Muray, Chers djihadistes
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Conversation...
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Demain, le Monde !
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Toute ressemblance avec une personne existante n'est absolument pas fortuite...
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09/04/2024
L' I. A.
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Serfs...
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La postvie avait repris ses droits et son intraitable bonhomme de chemin
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« C’est bien à tort que vous vous courroucez de notre libéralisation des moeurs et de nos progrès remarquables dans la réduction des inégalités sexuelles (car nous savons que ce n’est pas le système industriel et les échanges marchands qui vous horripilent d’abord, même si nous le faisons écrire à longueur de pages par nos plus diligents analystes ; nous n’ignorons pas que c’est "contre cela", "Loft Story" ou Catherine Millet, que vous avez fait tomber nos châteaux de cartes). Toutes ces fructueuses avancées n’auraient pu avoir lieu sans un effacement salutaire de ce que l’on appelait encore, il y a si peu de temps, la séduction ou le charme. De sorte que notre obscénité, visible en effet, n’est que publicitaire, et que notre dévergondage n’est que de surface ; et que, là encore, vous surestimez grandement le contenu de ce qui est montré.
Vous en éprouvez un échauffement qui vous passera au fur et à mesure que vous vous alignerez sur nos positions. Ce sont les meilleures puisque, de la vie sexuelle, il ne reste que les "images" ; ainsi qu’une "guerre des sexes" sans cesse et savamment réenvenimée, et qui est principalement une guerre d’usure menée contre la division du féminin et du masculin. Nous n’avons entrepris, d’ailleurs, de domestiquer la planète que dans le but de lui apprendre à se débarrasser de l’ancien fardeau de la libido (et nous appelons cette opération "dépassement des dominations sexuées"). L’aventure est hardie et elle peut prêter à confusion parce qu’elle semble au contraire emprunter les voies d’une débauche sans frein, mais il s’agit bien d’éliminer celle-ci, au bout du compte, comme il s’agit d’effacer toute altérité, et de convertir les provinces de la Terre à notre positivité sans autre et sans échappatoire. Comme par un fait exprès, les régions retardataires dans ce domaine, donc toujours et encore trop sexuées, sont aussi celles qui se montrent allergiques à nos droits de l’homme et à notre économie. C’est pour cela que nous nous attaquons à elles. Nous vaincrons parce que nous sommes les plus faibles, bien évidemment ; mais nous vaincrons aussi parce que nous sommes les moins érotiques.
Nous autres Occidentaux n’avons guère de temps à perdre avec vous. Il est urgent que nous poursuivions, en dépit de vos sombres menées, nos destructions lumineuses, et que nous continuions à en développer l’immense chant épique. Nous ne pouvons pas arrêter une seule minute de faire péricliter la raison. Le démantèlement programmé de l’ancien patriarcat et la reconduction définitive du monde au jardin d’enfants sont deux de nos buts essentiels. Et ils sont presque atteints. Quelques jours après votre funeste 11 septembre, un de nos hebdomadaires les plus versés dans le modernisme onctueux détaillait avec gourmandise les charmes des individus des nouvelles générations, baptisés "kidultes" ou "adulescents", qui "se passionnent pour Harry Potter et pleurent devant la bonne fée Amélie Poulain", qui "redécouvrent les doudous et les peluches", "organisent des parties de Monopoly autour d’un bon gros chocolat chaud" et se donnent rendez-vous à des "Gloubiboulga Nights" où ils peuvent revoir "les dessins animés de leurs tendres années". De tels divertissements ne sont-ils pas mille fois préférables à vos rêveries barbares ? Et ne démontrent-ils pas que notre sexe des anges a l’avenir pour lui ? L’identification de toute tendance régressive à la modernité est une de nos plus belles réussites. "On fait la fête, on pense à rien, c’est le pied", confiait aussi au journaliste une de ces "adulescentes" : il est en effet capital, chez nous, de "penser à rien" et de trouver que "c’est le pied". Durant quelques jours, vous nous avez empêchés de penser à rien. Nous ne vous le pardonnons pas. Nous aurons du mal à l’oublier.
Cependant, nous nous sommes vite ressaisis. Nous n’avons même pas eu besoin d’une semaine pour retrouver les bonnes ornières du nouveau monde irréel et rattraper le fil du grand feuilleton de soumission idyllique, de contrôle volontaire et de rééducation décapante dans lequel nous étions plongés quand vous nous avez interrompus.
Nous ne sommes certes pas retournés à "Loft Story" ni à Catherine Millet, lesquels, entre-temps, avaient attrapé un coup de vieux bien excusable ; mais nous nous sommes tout de même dépêchés de revenir aux affaires importantes. C’est ainsi que dans un autre de nos organes de presse les plus représentatifs, et alors qu’aux autres pages les ruines du World Trade Center fumaient encore, une journaliste spécialisée dans ces innovations "sociétales" par lesquelles, entre autres, s’accomplit le nouveau dressage, faisait part de son ravissement ; et informait que tout n’est pas si noir ici-bas. "La justice accouche de l’homofamille", s’enthousiasmait-elle, à si juste titre, et avec un à-propos admirable. Et, nous entraînant à travers les allées enchantées de l’avenir, elle poursuivait : "Sans tambour ni trompette, la justice française a donné naissance à la première famille homosexuelle. Le 27 juin, le tribunal de grande instance de Paris a permis à une femme d’adopter les trois enfants mineurs de sa compagne. Le bon sens et la réalité l’ont emporté sur ce qui semblait inconcevable : donner deux filiations maternelles à ces fillettes conçues par IAD (insémination avec donneur anonyme), élevées par ces deux femmes." En effet, comme on le voit, le bon sens et la réalité l’avaient emporté. Et, tandis que l’on commençait à ramasser des bouts de corps humains dans les décombres de Manhattan, Alice au Pays des Merveilles continuait à nous éblouir avec son conte bleu : "Giulietta, sept ans, Luana, quatre ans, et Zelina, deux ans, ont désormais deux parents de même sexe. Elles s’appellent désormais officiellement Picard-Boni, elles sont juridiquement les petitesfilles des parents de Caria, 'Mammina'. La vie de famille ne va pas changer. Dès les naissances des petites, Caria et Marie- Laure se sont toujours présentées comme parents, à la crèche, à l’école, dans le voisinage. Elles ont toujours signé à deux tous les documents administratifs, se sont investies indifféremment dans la crèche parentale, aux réunions de parents d’élèves."
Et, tandis que notre excellent Bush se préparait à contreattaquer, et que votre effrayant Ben Laden mijotait au fond de quelque grotte de nouveaux plans démoniaques pour faire exploser une planète qui s’y entend très bien toute seule, Blanche-Neige, chez nous, persistait et jouissait : "La consécration du tribunal est un immense bonheur : 'Je n’ai jamais supporté que Caria n’ait aucun lien de parenté, alors que, sans elle, ces enfants ne seraient pas là. Pour moi, il s’agissait d’une injustice intolérable. J’avais tout, elle n’avait rien. […] Mes parents ont pleuré lorsqu’on leur a envoyé les nouveaux actes de naissance.' "
Bien d’autres personnes pleuraient, au même instant, à Washington ou à New York, et pour de tout autres motifs, car il n’y avait alors que quatre jours que vous aviez frappé ; mais chez nous la postvie avait repris ses droits et son intraitable bonhomme de chemin. Et l’ancien monde réel que vous aviez si injustement ramené au milieu de nous reculait de nouveau jusqu’à retrouver son véritable rôle, qui est de se tenir derrière le décor. »
Philippe Muray, Chers djihadistes
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Faiblesse...
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08/04/2024
Obéir...
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Carrière...
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Ce qui s’étend c’est notre système planétaire sans contrepartie
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« Vous surestimez grandement les enjeux de la bataille où vous vous êtes lancés tête baissée. Vous paraissez les premières victimes de notre propagande. Vous croyez que vous vous attaquez à une civilisation et à ses tendances profondes, sécularisantes, séduisantes, désacralisantes, obscénisantes et marchandisantes. Vous vous trompez de moulins à vent. Il n’y a pas de civilisation. Vous accordez une bien trop grande confiance, même pour le haïr, au discours commun de nos porte-parole innombrables, politologues, chroniqueurs, commentateurs et observateurs, qui disent, et ne disent pas, que nous sommes plongés dans une "guerre des mondes". Il n’y a plus de monde. Le terme de "mondialisation" lui-même est chargé d’escamoter cette disparition. Ils racontent aussi, nos charmeurs de serpents, et nous y reviendrons, que l’Histoire se poursuit, mais il n’y a plus d’Histoire ; ou, du moins, l’Histoire elle-même a cessé de produire de l’Histoire : elle produit de l’innocence, notre innocence, et elle ne produit plus que cela. À trop croire à notre pouvoir, vous avez fini par vous convaincre que nous existions. Vous éclairez vos lanternes avec nos vessies. Vous vous précipitez contre les miroirs aux alouettes et les panneaux consolateurs que nous avons nous-mêmes édifiés pour notre usage interne, et vous y mettez cette énergie irréfléchie qui vous possède lorsque vous foncez sur nos tours aux commandes d’avions bourrés de kérosène. Mais nous savons, nous, que cette civilisation présente, que nous nous obstinons à appeler l’Occident et qui n’en a presque plus aucun trait, est incompatible avec la dignité humaine la plus élémentaire : c’est aussi le motif principal pour lequel nous serons implacables dans sa défense. Vos ripostes ne feront que nourrir notre détermination. Votre violence, même de plus en plus folle et meurtrière, ne cessera de nous renforcer en vous liant dialectiquement, et chaque fois de manière plus étroite, à nous. La "mise en réseau de l’humanité", dont on parle tant, et cette dynamique de l’interdépendance dont on se gargarise, ne travaillent qu’en notre faveur. Vos raisons religieuses, que nous ne pouvons prendre en compte, sauf à vous prêter justement des raisons, ce qui reviendrait à vous attribuer aussi une humanité, se perdront dans la pagaille féerique du parc d’attractions dont nous sommes les créateurs et qui, peu à peu, supplante le reste.
À la rigueur, chers djihadistes, pourrez-vous représenter, dans notre nouveau dispositif, une sorte d’Opposition provisoire de Notre Majesté permettant de croire encore à une bipolarisation de la planète, et à une "alternance" plausible (quoique redoutable), alors que ce qui s’étend c’est notre système planétaire sans contrepartie.
Dans notre monde sans Autre, vous pourrez être pendant quelque temps cet autre postiche qui, de toute façon, et sous des apparences diverses, nous sera toujours nécessaire. Vous nous êtes rentrés dedans. Vous avez voulu rentrer dans le jeu, dans notre jeu. Et maintenant il va vous falloir le jouer, ce jeu, et ne jouer que celui-là, et le jouer jusqu’au bout, même si vous vous obstinez à le colorer de références pittoresques au califat, à l’ "oumma", aux splendeurs de Grenade, à l’âge d’or de Cordoue et à tant d’autres turqueries qui vous donnent encore dans votre lutte l’illusion d’une substance, d’un contenu, d’une autonomie, d’une origine et d’une finalité.
Mais le véritable secret est que ce à quoi vous vous en prenez est sans contenu. Et si vous tenez à demeurer à la hauteur de la situation sans précédent que vous avez créée, il va vous falloir nous imiter. Dès cet instant, donc, votre horizon assigné est l’absence de signification. Mais il vous faudra aussi, sur ce point capital, garder le silence comme nous le faisons nous-mêmes. Et, d’ailleurs, qui vous croirait ? Qui nous croirait ? C’est bien légèrement, mais aussi très utilement de notre point de vue, qu’au lendemain du 11 septembre tant de nos bouffons à gages, de ce côté-ci de l’Atlantique, se sont donné une importance de quelques instants en comparant avec gravité ce qu’étaient nos préoccupations avant cette date et ce qu’elles ne pouvaient que devenir après tant de pertes et de fracas. De notre futilité passée, ces analystes livrèrent un exemple qu’ils jugeaient décisif, et rappelèrent qu’avant vos offensives aériennes nous ne manifestions d’intérêt que pour les microscopiques et enfantines péripéties de pacotille de "Loft Story". Ils conclurent dès lors avec sévérité qu’il nous fallait au plus vite retrouver le "sens" des choses et renouer fortement avec nos propres "valeurs". Ce prêche agréable n’avait évidemment pour but que de masquer qu’il n’y a plus, de toute façon, ni sens ni valeurs, et que nous saurons bien aussi, au bout du compte, absorber votre 11 septembre dans notre inexistence. Il ne fera que l’engraisser davantage. C’était d’ailleurs très intéressant, ce "Loft Story", et on ne discerne pas pourquoi vos saccages devraient inciter à en déprécier le souvenir. À sa faveur, on put voir s’étriper des anti-Loft qui invoquaient la dignité humaine des loftés, et de chauds partisans qui affirmaient qu’ici enfin se déroulait la vraie vie dans ses nouvelles pompes et ses nouvelles oeuvres. Des amis de longue date se fâchaient à mort pour ou contre la "télé-poubelle", comme si la possibilité de choisir subsiste quand l’Histoire s’est retirée et qu’il ne reste que les poubelles. Les égoutiers de TF1 traitaient de boueux les vidangeurs de M6. Des controverses d’une subtilité culminante s’élevaient à propos du "voyeurisme organisé" ou encore du "brouillage des frontières privépublic et réel-virtuel". En 1453 à Constantinople, juste avant la chute, une légende prétend que l’on débattait du sexe des anges. On en discutait chez nous avant vos agressions. Et il n’y avait pas davantage de sexe dans tout cela, bien entendu, qu’à Constantinople. C’est même pour cette raison que l’on pouvait en discuter. Comme on s’émerveillait, dans le même temps, de l’exhibition de Catherine Millet et de son naturisme de caserne. Mais nous ne sommes pas à Constantinople, et nos discussions sur le sexe des anges, même si elles ont pu sembler précéder une catastrophe, et peut-être l’annoncer "a contrario", ne sont nécessaires que parce qu’elles accompagnent l’expansion sans partage de notre hégémonie allégée de toute libido. »
Philippe Muray, Chers djihadistes
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Endure...
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