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17/06/2015

Les caractères originaux des peuples, s’effaçant de jour en jour, deviennent en même raison plus difficiles à saisir

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« Les anciens voyageaient peu, lisaient peu, faisaient peu de livres ; et pourtant on voit, dans ceux qui nous restent d’eux, qu’ils s’observaient mieux les uns les autres que nous n’observons nos contemporains. Sans remonter aux écrits d’Homère, le seul poète qui nous transporte dans les pays qu’il décrit, on ne peut refuser à Hérodote l’honneur d’avoir peint les mœurs dans son histoire, quoiqu’elle soit plus en narrations qu’en réflexions, mieux que ne font tous nos historiens en chargeant leurs livres de portraits et de caractères. Tacite a mieux décrit les Germains de son temps qu’aucun écrivain n’a décrit les Allemands d’aujourd’hui. Incontestablement ceux qui sont versés dans l’histoire ancienne connaissent mieux les Grecs, les Carthaginois, les Romains, les Gaulois, les Perses, qu’aucun peuple de nos jours ne connaît ses voisins.

Il faut avouer aussi que les caractères originaux des peuples, s’effaçant de jour en jour, deviennent en même raison plus difficiles à saisir. À mesure que les races se mêlent, et que les peuples se confondent, on voit peu à peu disparaître ces différences nationales qui frappaient jadis au premier coup d’œil. Autrefois chaque nation restait plus renfermée en elle-même ; il y avait moins de communications, moins de voyages, moins d’intérêts communs ou contraires, moins de liaisons politiques et civiles de peuple à peuple, point tant de ces tracasseries royales appelées négociations, point d’ambassadeurs ordinaires ou résidant continuellement ; les grandes navigations étaient rares ; il y avait peu de commerce éloigné ; et le peu qu’il y en avait était fait ou par le prince même, qui s’y servait d’étrangers, ou par des gens méprisés, qui ne donnaient le ton à personne et ne rapprochaient point les nations. Il y a cent fois plus de liaisons maintenant entre l’Europe et l’Asie qu’il n’y en avait jadis entre la Gaule et l’Espagne : l’Europe seule était plus éparse que la terre entière ne l’est aujourd’hui.

Ajoutez à cela que les anciens peuples, se regardant la plupart comme autochtones ou originaires de leur propre pays, l’occupaient depuis assez longtemps pour avoir perdu la mémoire des siècles reculés où leurs ancêtres s’y étaient établis, et pour avoir laissé le temps au climat de faire sur eux des impressions durables : au lieu que, parmi nous, après les invasions des Romains, les récentes émigrations des barbares ont tout mêlé, tout confondu. Les Français d’aujourd’hui ne sont plus ces grands corps blonds et blancs d’autrefois ; les Grecs ne sont plus ces beaux hommes faits pour servir de modèles à l’art ; la figure des Romains eux-mêmes a changé de caractère, ainsi que leur naturel ; les Persans, originaires de Tartarie, perdent chaque jour de leur laideur primitive par le mélange du sang circassien ; les Européens ne sont plus Gaulois, Germains, Ibériens, Allobroges ; ils ne sont tous que des Scythes diversement dégénérés quant à la figure, et encore plus quant aux mœurs.

Voilà pourquoi les antiques distinctions des races, les qualités de l’air et du terroir marquaient plus fortement de peuple à peuple les tempéraments, les figures, les mœurs, les caractères, que tout cela ne peut se marquer de nos jours, où l’inconstance européenne ne laisse à nulle cause naturelle le temps de faire ses impressions, et où les forêts abattues, les marais desséchés, la terre plus uniformément, quoique plus mal cultivée, ne laisse plus, même au physique, la même différence de terre à terre et de pays à pays. »

Jean-Jacques Rousseau, Emile, livre V

 

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15/06/2015

L'adjudant Bonnin a sauté sur une mine

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« L'adjudant Bonnin a sauté sur une mine, dans les lacets du col de Kem, sur la route d'Hoa Binh. L'explosion a soufflé ses jambes et son bassin. Nous sommes restés autour de lui quelques minutes qui resteront gravées en moi jusqu'au dernier jour. La piste était noire de sang. Il est mort comme un Templier, perdu dans un pays lointain, porté par ses camarades. »

Hélie de Saint Marc, Les champs de braises

 

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14/06/2015

Un esprit que rien ne trouble

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« Que de crimes la religion a pu inspirer aux hommes !  »

« La piété, ce n'est pas se montrer à tout instant couvert d'un voile et tourné vers une pierre, et s'approcher de tous les autels ; ce n'est pas se pencher jusqu'à terre en se prosternant , et tenir la paume de ses mains ouvertes en face des sanctuaires divins ; ce n'est point inonder les autels du sang des animaux, ou lier sans cesse des vœux à d'autres vœux ; mais c'est plutôt pouvoir regarder d'un esprit que rien ne trouble. Car lorsque, levant la tête, nous contemplons les espaces célestes de ce vaste monde, et les étoiles scintillantes fixées dans les hauteurs de l'éther, et que notre pensée se porte sur les cours du soleil et de la lune, alors une angoisse, jusque là étouffée en notre cœur sous d'autre maux, s'éveille et commence à relever la tête : n'y aurait-il pas en face de nous des dieux dont la puissance infinie entraîne d'un mouvement varié les astres à la blanche lumière? Livré au doute par l'ignorance des causes, l'esprit se demande s'il y a eu vraiment un commencement, une naissance du monde, s'il doit y avoir une fin, et jusqu'à quand les remparts du monde pourront supporter la fatigue de ce mouvement inquiet ; ou bien si, doués par les dieux d'une existence éternelle, ils pourront prolonger leur course dans l'infini du temps et braver les forces de l'éternité ? »

Lucrèce, "De rerum natura" (De l’Origine du Monde)

 

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"LA CAUSE PALESTINIENNE : UN MENSONGE HISTORIQUE" par Bernard Botturi

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L'invention de la cause palestinienne par Bernard Botturi, titulaire d'un DEA de philosophie, d'un DEA de psychologie et sciences de l’éducation, d'un DEA d’histoire de l’antiquité, et d'un DESS de psychologie clinique et pathologique.

Il est l'auteur d'une traduction du Tao Tö King (le livre de la tradition du Tao et de sa sagesse), aux éditions du Cerf 1984, réédité en 1997

Depuis les défaites arabes des guerres 1948/49, la cause palestinienne avait été définitivement enterrée et cela pour plusieurs raisons, parmi celles nous en citerons deux principales :

• ses leaders tels Hajj Amin al-Husseini étaient décriés à cause de leurs collaborations notoires avec le nazisme.
• La cause palestinienne était une menace séparatiste qui aurait pu contaminer les différents pays arabophones.

La "Cause" reçut son acte de décès par l'annexion de la Cisjordanie à la Jordanie et de la Bande de Gaza à l'Égypte et surtout par la relégation des réfugiés dans des camps sordides ne vivant que par l'aide de l'ONU. Les Palestiniens vivant dans les camps de réfugiés étaient dépourvus de tous droits, victimes de ségrégations multiples : interdictions professionnelles, interdictions de construire en dur, liberté de déplacement en dehors des camps plus que réduite, etc.

Depuis son accession au pouvoir en 1952, Nasser était bien plus préoccupé à construire un panarabisme politique que de s'occuper des Palestiniens qui n'étaient que des figurants de 13° zone fournissant des troupes supplétives pour mener des coups de mains sur la frontière israélienne sans pouvoir être inquiété. Mais aussi groupes incontrôlés et incontrôlables menaçant l'armistice de 1957.
Puis à partir des années 1960 le leader des pays non-alignés, du Tiers Monde va essuyer plusieurs revers :

• Échec de la République Arabe Unie qui profite à l'Irak
• Hostilité de l'Arabie Saoudite qui n'a guère appréciée l'inclusion du Yémen au sein de la RAU
• Méfiance de la Jordanie qui voyait dans la RAU une menace.
• Lutte de leadership avec Bourguiba qui apparaît plus sage

À l'intérieur :

• Échec de la réforme agraire
• Échec des diverses politiques d'industrialisation
• Montée d'une bureaucratie corrompue
• Croissance de l'influence des Frères Musulmans qui récupèrent à leur profit le mécontentement populaire…
• Nasser s'il veut garder sa place tant de champion du panarabisme et de leader du tiers monde se doit de se refaire une notoriété.

Cette dislocation du panarabisme ruinait le rêve de Nasser à être le leader des pays arabes, lui donnant par cela une légitimité pour être le leader du tiers monde. Face à cet effondrement du panarabisme Nasser et ses conseillers se sont rappelés que l'antisionisme avait permis après les défaites de 1948 / 49 de masquer les divergences d'intérêts des divers pays arabes.

Certes mais comment rendre acceptable l'antisionisme ?

L'Europe garde en travers de la gorge la nationalisation du canal de Suez, est globalement pro-israélienne, depuis la shoah est très susceptible envers toute hostilité antisémite, la Gauche sociale-démocrate voyait dans les Kibboutzim l'utopie socialiste réalisée tout en respectant la Démocratie, contrairement à l'aventure soviétique dont les crimes staliniens révélés par Kroutchev commençait à perdre du prestige. Enfin le petit Israël apparaissait comme le David qui avait su résister à une coalition de six pays supérieurement équipés lors de sa création. Israël, globalement, bénéficiait d'une image positive…. Dans ce contexte il semblait périlleux de refonder le panarabisme et le leadership du tiers Monde à partir de l'antisionisme.

Dans ce contexte, Nasser sut se tourner vers des conseillers techniques spécialistes en matière de propagande : ex-nazis et soviétiques spécialistes les uns comme les autres en matière de subversion.

Les différents travaux avaient pour but premier de séparer Israël de ses soutiens naturels : la Gauche Sociale Démocrate et les Libéraux américains (nous excluons de la Gauche le PCF qui était et restera profondément stalinien). La Gauche était dans le combat de la décolonisation, l'émancipation des peuples, la lutte anti-impérialiste et néo-colonialiste.

C'est ainsi que Nasser va créer de toute pièce la Cause Palestinienne, mais une cause où bien sur les Palestiniens seront absents : le premier Congrès National Palestinien se tient le 28 mai 1964, à Jérusalem, ses membres sont soit des délégués de la Ligue Arabe, soit des Palestiniens complètement inféodés à l'Égypte, à la Syrie, à la Jordanie, ne siègeront aucun représentants des camps… Ce premier congrès valide la proposition de création de l'OLP proposée par l'Egypte lors du sommet de la Ligue Arabe qui s'est tenu au Caire en janvier 1964.
Pendant les débats la Cause Palestinienne est présentée par deux fidèles de Nasser : Yasser Arafat et Ahmad al Choukheiri / Shuqayri, deux "Palestiniens" bon teint qui se garderont bien d'évoquer de quelque manière que ce soit un état palestinien, le sort des réfugiés et toute allusion quelconque qui ferait planer quelque velléité de séparatisme.
La Charte Nationale de l'OLP est rédigée en juin 1964, elle sera reconnue puis officialisée lors de la conférence de la Ligue arabe d’Alexandrie en septembre 1964.

Ce n'est pas un hasard si le nouveau discours antisioniste s'ancre dans la Cause palestinienne. Les Palestiniens offraient toutes les caractéristiques pour élaborer un discours délégitimant Israël :

Un peuple de réfugiés, de pauvres subsistant de la charité internationale via l'UNWRA. Bien évidemment, le discours de la Cause jettera un voile pudique sur les raisons de la relégation des Palestiniens, l'opinion publique c'est bien connu est peu soucieuse d'Histoire et est facilement malléable par les chocs émotionnels, de ce qui relève de l'affectif.

Examinons maintenant le texte de la Charte de l'OLP :

1 / L'invention du Peuple Palestinien :

Dans un premier temps la charte va inventer la notion de Peuple Palestinien, alors que jusqu'à maintenant il était parlé d'Arabes vivant en Palestine, arabes aux origines diverses : syrienne, libanaise, bédouine, égyptienne, soudanaise, libyenne auxquels nous pouvons rajouter divers minorités turques, circaucasiennes, arméniennes, kurdes, druzes, berbères, grecque, maltaise, chypriote, etc.…. Rappelons que les divers mouvements arabes de la Palestine n'avaient pu trouver d'unité, car ils se définissaient avant tout soit comme syriens, soit comme égyptiens, soit comme bédouins mais pas comme palestiniens, seuls jusqu'en 1947 les Juifs se disaient palestiniens… humour de l'histoire.
Donc la Charte va commencer par établir, définir le Peuple Palestinien et la Palestine dans les sept premiers de ses articles :
La Palestine est le territoire du mandat britannique et « constitue une unité territoriale indivisible ».
"Le peuple arabe palestinien détient le droit légal sur sa patrie et déterminera son destin après avoir réussi à libérer son pays en accord avec ses vœux, de son propre gré et selon sa seule volonté. »
L'identité palestinienne constitue une caractéristique authentique, essentielle et intrinsèque : elle est transmise des parents aux enfants.
Le peuple palestinien désigne « les citoyens arabes qui résidaient habituellement en Palestine jusqu’en 1947 », « l’identité palestinienne est une caractéristique authentique, intrinsèque et perpétuelle » et « seul le peuple palestinien a des droits légitimes sur sa patrie ».
Il est à noter que ces premières définitions sont immédiatement temporisées par : elle (La Palestine) constitue une partie inséparable de la patrie arabe Le peuple palestinien fait partie intégrante de la nation arabe.
Qui permet d'étouffer à l'avance tout nationalisme particulier, ce qui est en jeu c'est la nation arabe, le peuple arabe que les Palestiniens ne se méprennent pas ! Nasser ne tient pas à ce que se répète le particularisme libanais.
Cela dit, l'article 7 va sortir de son chapeau une historicisation de la Palestine :

L'existence d'une communauté palestinienne, qui a des liens d'ordre matériel, spirituel et historique avec la Palestine, constitue une donnée indiscutable. Tous les moyens d'information et d'éducation doivent être employés pour faire connaître à chaque Palestinien son pays de la manière la plus approfondie, tant matériellement que spirituellement.
Nous pouvons apprécier l'expression de "donnée indiscutable" qui est pour le moins contestable pour quiconque s'est penché sur l'histoire. Cet article avec les précédents seront la base de toute une propagande inventant la Palestine et le Peuple Palestinien.

2/ La victimisation du peuple Palestinien !

L'occupation sioniste et la dispersion du peuple arabe palestinien, par suite des malheurs qui l'ont frappé, ne lui font pas perdre son identité palestinienne, ni son appartenance à la communauté palestinienne, ni ne peuvent les effacer.
Les Palestiniens sont les citoyens arabes qui résidaient habituellement en Palestine jusqu'en 1947, qu'ils en aient été expulsés par la suite ou qu'ils y soient restés.
Les palestiniens sont frappés par le malheur de l'invasion sioniste, un peuple d'expulsés, de dispersés. Il est remarquable de souligner comment les attributs du peuple Juif sont repris, le texte reprend en miroir l'expulsion de la Judée romaine et la dispersion diasporique. Attributs qui ne peuvent qu'apitoyer les chaumières.

3 / La disqualification du sionisme :

L'entreprise sioniste est vue sous l'angle d'une vaste opération d'invasion et d'expulsion et va être accablé de tous les maux de la terre notamment par l'article 22 :
« le sionisme est un mouvement politique, organiquement lié à l’impérialisme mondial et opposé à tous les mouvements de libération et de progrès dans le monde. Le sionisme est par nature fanatique et raciste. Ses objectifs sont agressifs, expansionnistes et coloniaux. Ses méthodes sont celles des fascistes et des nazis. Israël est l’instrument du mouvement sioniste. C’est une base géographique et humaine de l’impérialisme mondial qui, de ce tremplin, peut porter des coups à la nation arabe pour combattre ses aspirations à la libération, à l’unité et au progrès. Israël est une menace permanente pour la paix au Proche Orient et dans le monde entier. »
Nous voyons ici se dessiner ce qui deviendra la vulgate de la Cause palestinienne qui, depuis, ne changera pas d’un iota comme nous avons pu le constater lors des manifestations pro-palestiniennes récentes clamant haut et fort « Israël=nazisme », « Israël, état raciste », « halte à la colonisation sioniste » et autres lieux communs… dans la logique du nazisme supposé du sionisme ce sont rajouté des slogans du genre « Tsahal= génocidaire » ou « Gaza= Auschwitz », quitte à faire dans la subversion allons jusqu'au bout de sa folie.
Dans cette logique de propagande le sionisme va être ravalé au rang de force obscurantiste et ainsi qualifié de « fanatique » et « opposé à tous les mouvements de libération et de progrès dans le monde ». À cela se rajoute la menace quasi apocalyptique du sionisme, « menace permanente pour la paix dans le monde »…. Israël petit état ne pouvait sérieusement apparaître comme La menace, aussi ce dernier ne va-t-il devenir qu’un instrument du sionisme « mondial », le terme de mondial n’est pas exprimé mais sous entendu par le fait que le sionisme est identifié à l’impérialisme… nous ne sommes pas loin des « Protocoles des Sages de Sion » qui seront repris par la charte du Hamas. Et cela est doublé par un appel vibrant à la disparition du sionisme :
« Les aspirations à la sécurité et à la paix, de même que les exigences de vérité et de justice, réclament que tous les états considèrent le sionisme comme un mouvement illégal, le déclarent hors la loi, et interdisent ses activités afin de préserver les relations amicales entre les peuples et de sauvegarder la fidélité des citoyens envers leurs patries respectives » (Cf. art.23)
Discours curieux faisant du sionisme un ennemi de la paix, de la sécurité, de la vérité, de la justice, donc un mouvement belliciste, agressif, menteur, inique… nous retrouvons là les accusations classiques de l’antijudaïsme… pire le sionisme est stigmatisé comme portant atteinte à l’amitié entre les peuples, et agissant de façon occulte pour détourner les citoyens des états pour en faire des agents du sionisme… nous pointons ici en filigrane la théorie du complot juif… mais énoncé de telle manière que les lecteurs hâtifs n’y voient que du feu…pourtant cette théorie fleurit maintenant un peu partout, même en France un "humoriste" a fondé un parti « antisioniste »… nous pouvons nous demander si la réémergence du complot sioniste aurait pu s’exprimer sans le poison savamment distillé par les discours de la Cause palestinienne ?

4 / Dissocier le sionisme du judaïsme :

Les porte paroles historiques des arabes palestiniens (Hadj Amine el-Husseini ou Ahmad Choukeiry) s’étaient fait connaître par leurs sympathies pro-nazies et un anti-judaïsme virulent qui les avaient disqualifiés aux yeux de l’opinion occidentale ; la question demeurait comment légitimer la lutte contre Israël sans apparaître anti-juifs ? Tout simplement en créant un nouvel argument dissociant judaïsme et sionisme :
« l’affirmation selon laquelle des liens historiques ou spirituels unissent les Juifs à la Palestine n’est pas conforme aux faits historiques et ne répond pas aux conditions requises pour constituer un état. Le judaïsme est une religion révélée. Ce n’est pas une nationalité particulière. Les juifs ne forment pas un peuple avec son identité distincte, mais sont citoyens des états auxquels ils appartiennent ».
Cet argument permet de pouvoir se dire farouchement antisioniste tout en se défendant de faire de l’anti-judaïsme, car il va de soi dorénavant judaïsme et sionisme non seulement sont différents, mais opposés. Tour de passe-passe consistant à définir le Judaïsme et le Sionisme à la place des Juifs, tout en se dédouanant à moindre frais de tout anti-judaïsme auprès d’une opinion occidentale très susceptible depuis la Shoah…

5 / La Dé-légitimation d'Israël :


 Israël étant mis du côté des impérialistes, colonialistes, des forces d'oppressions il est tout naturel de proclamer :
• Article 19 : Le partage de la Palestine en 1947 et l'établissement de l'État d'Israël sont entièrement illégaux, quel que soit le temps écoulé depuis lors, parce qu'ils sont contraires à la volonté du peuple palestinien et à son droit naturel sur sa patrie et en contradiction avec les principes contenus dans la charte des Nations unies, particulièrement en ce qui concerne le droit à l'autodétermination.
• Article 20 : La déclaration Balfour, le mandat sur la Palestine et tout ce qui en découle sont nuls et non avenus. Les prétentions fondées sur les liens historiques et religieux des Juifs avec la Palestine sont incompatibles avec les faits historiques et avec une juste conception des éléments constitutifs d'un État. Le judaïsme, étant une religion, ne saurait constituer une nationalité indépendante. De même, les Juifs ne forment pas une nation unique dotée d'une identité propre, mais ils sont citoyens des États auxquels ils appartiennent.
• Article 21 : S'exprimant par révolution armée palestinienne, le peuple arabe palestinien rejette toute solution de remplacement à la libération intégrale de la Palestine et toute proposition visant à la liquidation du problème palestinien ou à son internationalisation. Il est curieux que ces articles à l'époque n'aient point soulevés de vives protestations au sein de l'ONU, car s'il existe un pays fondé par le droit international c'est bien Israël, rappelons les deux étapes clés :
Sous les auspices de la SDN la Conférence de San Remo en avril 1920, dans l'article 22, reconnaît la création d'un "Home national" pour le peuple juif. Article 22 qui sera repris dans les articles 94 & 95 du traité de paix dit traité de Sèvres le 10 aout 1920. Où il est dit : "le mandataire (GB) sera responsable de la mise en exécution de la déclaration originale faite le 2 novembre 1917 (Déclaration Balfour) par le gouvernement britannique et adoptée par autres puissances alliées, en faveur de l'établissement en Palestine d'un foyer national pour le peuple juif, étant bien entendu que rien ne sera fait qui pourrait porter préjudice aux droits civils et religieux des communautés non-juives en Palestine" Puis le 29 novembre 1947, l'ONU vote la résolution 181 partageant la Palestine mandataire, permettant la création de l'état d'Israël qui devient membre officiel de l'ONU le 11 mai 1949.
Notons au passage comment la Ligue Arabe, puis l'OCI qui n'arrêtent point de crier "Israël pays voyou" au prétexte qu'Israël n'applique point les diverses résolutions de l'ONU depuis 1967, sont les premiers à enfreindre le droit international par leur refus entêté des décisions de la SDN puis de l'ONU légitimant à la fois le sionisme et Israël.

6/ Légitimer le terrorisme :

Israël pays néo-colonialiste, agent de l'impérialisme devient tout naturellement un ennemi que l'on peut combattre de façon juste, puisque combattre Israël c'est libérer un peuple opprimé qui a droit comme tous les autres à l'autodétermination et à la souveraineté sur son sol dont il a été injustement dépouillé.
Les Palestiniens étant trop faible sont habilités à pratiquer le terrorisme "arme des pauvres opprimés" (c'est bien connu, ben voyons…Gandhi n'y avait pas pensé, tiens !) :
• Article 9 : La lutte armée est la seule voie menant à la libération de la Palestine. Il s'agit donc d'une stratégie d'ensemble et non d'une simple phase tactique. Le peuple arabe palestinien affirme sa détermination absolue et sa ferme résolution de poursuivre la lutte armée et de préparer une révolution populaire afin de libérer son pays et d'y revenir. Il affirme également son droit à avoir une vie normale en Palestine, ainsi que son droit à l'autodétermination et à la souveraineté sur ce pays.
• Article 10 : L'action des commandos constitue le centre de la guerre de libération populaire palestinienne, ce qui exige d'en élever le degré, d'en élargir l'action et de mobiliser tout le potentiel palestinien en hommes et en connaissances, en l'organisant et en l'entraînant dans la révolution palestinienne armée. Cela suppose aussi la réalisation de l'unité en vue de la lutte nationale parmi les divers groupements du peuple palestinien, ainsi qu'entre le peuple palestinien et les masses arabes afin d'assurer la continuation de la révolution, son progrès et sa victoire.
Tous ces discours incendiaires ne seront malheureusement pas pris en considération par l'opinion occidentale qui nourrissait envers les pays arabes des sentiments oscillant entre le mépris plus ou moins raciste et la condescendance bienveillante…

7 / Un discours refondant le panarabisme :

La Palestine est trop petite pour mener à bien son "juste" combat, aussi devient-il légitime de la soutenir et de combattre à ses côtés. Les articles 12 à 15 vont étroitement lier la Cause palestinienne à la Cause pan-arabe en général.
l’article 13 proclame que “l’unité arabe et la libération de la Palestine sont deux objectifs complémentaires. Chacun d’eux conduit à la réalisation de l’autre. L’unité arabe mènera à la Libération de la Palestine, et la libération de la Palestine conduira à l’unité arabe. Œuvrer en faveur de l’une revient à agir pour la réalisation des deux. »
L’article 14 : « le destin de la nation arabe, et à vrai dire l’existence même des arabes, dépend du destin de la cause palestinienne. »
L’article 15 : « la libération de la Palestine est une obligation nationale pour les arabes »
Ces divers articles, par delà leur côté surprenant, car on ne voit guère le lien qui pourrait exister entre le destin de la Palestine et celui du monde arabe, préfigurent de ce qui va devenir effectivement un des fondamentaux du panarabisme, puis plus tard du panislamisme. Ce lien entre la libération du monde arabe et celui de la Palestine ce discours ne situe-t-il pas l’ensemble du monde arabe dans une position d’opprimé ? Et donc légitime tous les conflits et refus.

8 / Un discours séduisant

La vision flamboyante d’un combat quasi cosmique, entre d’une part les forces de libération, de progrès, de justice et de paix, représentées par la Cause palestinienne, puis d’autre part les forces fanatiques et racistes de l’impérialisme mondial expansionniste et colonialiste, va servir de tremplin à toute une propagande internationale, notamment auprès des diverses opinions de gauche, d’abord dans les milieux de l’extrême gauche anti-impérialiste, puis dans les milieux tiers-mondiste sensibles aux nouvelles formes de néo-colonialisme, enfin dans une gauche traditionnelle auprès de laquelle la Cause palestinienne s’est présentée comme résistance de progrès face au colonialisme, au racisme et au fanatisme qui bien entendu sont fascistes et nazis.
Propagande qui a réussi à séparer Israël, état de nature sociale-démocrate depuis le Bund, des gauches traditionnelles de l’Europe. Propagande qui braque le regard des progressistes sur la seule condition faite par Israël aux palestiniens, en grossissant la moindre bavure, tout en négligeant une approche globale de la condition des réfugiés palestiniens, notamment dans les pays arabes… les massacres de palestiniens commis par des arabes tels que ceux de Bordj et Barajneh, Tal el Zaatar, Dbayé, Tripoli, La Quarantaine, et récemment Nar El Bared ne mobiliseront guère les foules, voire ne seront étudiés et commentés que par les seuls spécialistes du conflit.
Ne parlons pas de la divine supercherie de Sabra et Chatila, qui à force d’intox a réussi à faire croire que le massacre est le fait de Tsahal. Répétons que la tragédie de Sabra et Chatila qui a fait 900 morts civils a été organisée par les phalanges arabo-chrétiennes du Liban. Le tort de Tsahal a été de ne pas garantir la sécurité du camp (tel que cela est prévu au titre de la IV° convention de Genève). Faute lourde qui a suscité une tempête d’indignation en Israël (400 000 manifestants), entrainant le limogeage du chef d’état major Raphaël Eytan, la démission du directeur des renseignements militaires, Yehoshua Saguy et du ministre de la défense Ariel Sharon. Tandis que du côté arabe les responsable directs n’ont jamais été inquiétés de quelque manière que ce soit, mieux, l’organisateur du massacre Elie Hobeika sera plusieurs fois ministre au sein de divers gouvernements libanais…
Mais pour les Arabes massacrer du Palestinien n'est pas grave….ce ne sont que des faire-valoir.

9 / La subversion

Mais au-delà de tout cela le discours vise à miner les fondements du sionisme et décrédibiliser ses valeurs fondatrices. Rappelons que le sionisme historique de Ben-Gourion et Weizmann est fondamentalement démocratique et laïc, d'inspiration socialiste, voire marxiste dans certaines de ses composantes (Palmakh), que le sionisme s'inscrit dans le mouvement de l'émancipation des peuples et a toujours eu une aversion envers les différentes formes d'impérialisme ou de néo-colonialisme ; aversion dont feront les frais les britanniques de la Palestine mandataire.
Le discours de la Charte fut et garde sa force de persuasion qui a réussi par la répétition de mensonges financés par le lobby des pays producteurs de pétrole à disqualifier le sionisme, à semer la culpabilité parmi les Juifs d'Israël et de la Diaspora, l'angoisse quant à une nouvelle Shoah…. Comportements qui inhibent les réactions, d'où un discours sioniste qui se jouent trop souvent sur les registres de la défense agressive ou de la justification.
Il est temps de redresser la tête, car l'un des objectifs de la Cause est, à défaut de remporter la victoire par les armes, de la remporter par la guerre des consciences. Nous n'avons pas à nous justifier, ni à nous défendre sur un mode réactif…. Car à ce jeu nous sommes amenés à dire des mensonges pieux, des demi-vérités, des approximations historiques et on ne détruit pas un mensonge par un autre mensonge. Nous n'avons pas à rougir de notre histoire, car devant le Tribunal de l'Histoire, c'est bien Nasser et son chien de garde Arafat qui ont des comptes à rendre.
Il est temps de nous affirmer calmement sans haine, ni émotions à partir des faits, Ne nous y trompons pas la conversion à la cause palestinienne, les revirements de l'opinion, les reniements de nos soutiens naturels (les démocrates et socio-démocrates) ne sont pas solidement ancrés…. Nous avons davantage à faire avec une opinion de surface, de conformisme qu'à des convictions profondes (je mets bien sûr de côté les idéologues indécrottables de CAPJO, et autres gauchistes radicaux), il suffit de s'affirmer calmement, de questionner, de désarçonner par des faits et nous pourrons rallier les "braves gens", les "honnêtes gens" qui Dieu merci sont plus nombreux que les canailles et les naïfs thuriféraires de la Cause.

 

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Source : MEDIAPART

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11/06/2015

Oui, j'ai bien connu ma France

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« J’ai bien connu la France. J’ai connu ses villages. Le dimanche, l’église était pleine à craquer et, à la fin de la messe, une foule se répandait dans la rue principale en direction des boulangeries et des boucheries. J'ai connu les banlieues quand elles étaient la campagne du pauvre, le repos du citadin, l’excursion des amoureux. J’ai vu, de mes yeux vu, derrière les pavillons en meulière, des cultures et des champs en friche. J’ai bien connu cette France-là, quand on apprenait l’orthographe aux enfants, quand des générations entières s’écrivaient de longues lettres pour se donner mutuellement des nouvelles. Oui, j'ai bien connu ma France. »

Alain Paucard, La crétinisation par la culture

 

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Des crises de vie

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« La crise de l'enseignement n'est pas une crise de l'enseignement ; il n'y a pas de crise de l'enseignement ; il n'y a jamais eu de crise de l'enseignement ; les crises de l'enseignement ne sont pas des crises de l'enseignement ; elles sont des crises de vie ; elles dénoncent, elles représentent des crises de vie et sont des crises de vie elles-mêmes ; elles sont des crises de vie partielles, éminentes, qui annoncent et accusent des crises de la vie générales ; ou si l’on veut les crises de vie générales, les crises de vie sociales s'aggravent, se ramassent, culminent en crises de l'enseignement, qui semblent particulières ou partielles, mais qui en réalité sont totales, parce qu'elles représentent le tout de la vie sociale ; c’est en effet à l’enseignement que les épreuves éternelles attendent, pour ainsi dire, les changeantes humanités ; le reste d’une société peut passer, truqué, maquillé ; l’enseignement ne passe point ; quand une société ne peut pas enseigner, ce n’est point qu’elle manque accidentellement d’un appareil ou d’une industrie ; quand une société ne peut pas enseigner, c'est que cette société ne peut pas s'enseigner ; c'est qu'elle a honte, c'est qu'elle a peur de s'enseigner elle-même ; pour toute humanité, enseigner, au fond, c'est s'enseigner ; une société qui n'enseigne pas est une société qui ne s'aime pas ; qui ne s'estime pas ; et tel est précisément le cas de la société moderne. »

Roger Nimier, Pour la rentrée (1904), in La Pléiade, Œuvres en prose complètes, tome I

 

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La tragique volupté de l’admiration

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« C’est qu’en effet, dans l’Art, est beau uniquement ce qui a du caractère.
Le caractère, c’est la vérité intense d’un spectacle naturel quelconque, beau ou laid : et même c’est ce qu’on pourrait appeler une vérité double: car c’est celle du dedans traduite par celle du dehors; c’est l’âme, le sentiment, l’idée, qu’expriment les traits d’un visage, les gestes et les actions d’un être humain, les tons d’un ciel, la ligne d’un horizon.
Or pour le grand artiste, tout dans la Nature offre du caractère: car l’intransigeante franchise de son observation pénètre le sens caché de toute chose.
Et ce qui est considéré comme laid dans la Nature présente souvent plus de caractère que ce qui est qualifié beau, parce que dans la crispation d’une physionomie maladive, dans le ravinement d’un masque vicieux, dans toute déformation, dans toute flétrissure, la vérité intérieure éclate plus aisément que sur des traits réguliers et sains.
Et comme c’est uniquement la puissance du caractère qui fait la beauté de l’Art, il arrive souvent que plus un être est laid dans la Nature, plus il est beau dans l’Art.Il n’y a de laid dans l’Art que ce qui est sans caractère, c’est-à-dire ce qui n’offre aucune vérité extérieure ni intérieure.

Est laid dans l’Art ce qui est faux, ce qui est artificiel, ce qui cherche à être joli ou beau au lieu d’être expressif, ce qui est mièvre et précieux, ce qui sourit sans motif, ce qui se manière sans raison, ce qui se cambre et se carre sans cause, tout ce qui est sans âme et sans vérité, tout ce qui n’est que parade de beauté ou de grâce, tout ce qui ment.
Quand un artiste, dans l’intention d’embellir la Nature, ajoute du vert au printemps, du rose à l’aurore, du pourpre à de jeunes lèvres, il crée de la laideur parce qu’il ment.
Quand il atténue la grimace de la douleur, l’avachissement de la vieillesse, la hideur de la perversité, quand il arrange la Nature, quand il la gaze, la déguise, la tempère pour plaire au public ignorant, il crée de la laideur, parce qu’il a peur de la vérité.
Pour l’artiste digne de ce nom, tout est beau dans la Nature, parce que ses yeux, acceptant intrépidement toute vérité extérieure, y lisent sans peine, comme à livre ouvert, toute vérité intérieure.
Il n’a qu’à regarder un visage humain pour déchiffrer une âme; aucun trait ne le trompe, l’hypocrisie est pour lui aussi transparente que la sincérité; l’inclinaison d’un front, le moindre froncement de sourcils, la fuite d’un regard lui révèle les secrets d’un coeur. Il scrute l’esprit replié de l’animal. Ebauche de sentiments et de pensées, sourde intelligence, rudiments de tendresse, il perçoit toute l’humble vie morale de la bête dans ses regards et dans ses mouvements.
Il est de même le confident de la Nature insensible. Les arbres, les plantes lui parlent comme des amis.
Les vieux chênes noueux lui disent leur bienveillance pour l’humanité qu’ils protègent de leurs branches éployées.
Les fleurs s’entretiennent avec lui par la courbe gracieuse de leur tige, par les nuances chantantes de leurs pétales : chaque corolle dans l’herbe est un mot affectueux que lui adresse la Nature.
Pour lui la vie est une infinie jouissance, un ravissement perpétuel, un enivrement éperdu.
Non pas que tout lui paraisse bon, car la souffrance qui s’attaque si souvent à ceux qu’il chérit et à lui-même démentirait cruellement cet optimisme.
Mais pour lui tout est beau, parce qu’il marche sans cesse dans la lumière de la vérité spirituelle. 

Oui, même dans la souffrance, même dans la mort d’êtres aimés et jusque dans la trahison d’un ami, le grand artiste, et j’entends par ce mot le poète aussi bien que le peintre ou le sculpteur, trouve la tragique volupté de l’admiration. Il a parfois le coeur à la torture, mais plus fortement encore que sa peine, il éprouve l’âpre joie de comprendre et d’exprimer. Dans tout ce qu’il voit, il saisit clairement les intentions du destin. Sur ses propres angoisses, sur ses pires blessures, il fixe le regard enthousiaste de l’homme qui a deviné les arrêts du sort. Trompé par un être cher, il chancelle sous le coup, puis, se raffermissant, il contemple le perfide comme un bel exemple de bassesse, il salue l’ingratitude comme une expérience dont s’enrichit son âme. Son extase est parfois terrifiante, mais c’est du bonheur encore parce que c’est la continuelle adoration de la vérité.
Quand il aperçoit les êtres qui se détruisent les uns les autres, toute jeunesse qui se fane, toute vigueur qui fléchit, tout génie qui s’éteint, quand il voit face à face la volonté qui décréta toutes ces sombres lois, plus que jamais il jouit de savoir et, rassasié de vérité, il est formidablement heureux. »

Auguste Rodin, L’Art

 

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Un Baiser...

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« Lis mon âme, beau guerrier :
Tu es parti loin. J'ai vu les vagues... avaler tes vaisseaux,
Et rouler mon coeur au fond des eaux.
Je voudrais t'envoyer un baiser
Déchirant comme un coup de dague. »

Virgile, "Mort de Didon"in L’Enéide

 

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09/06/2015

Je voudrais me pencher sur l’instinct, en son sens de lumière...

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« Je me sens attiré avant tout par les gestes inconscients de l’être, qui passent leurs mains lumineuses à travers les créneaux de cette enceinte d’artifice où nous sommes enfermés. Je voudrais étudier tout ce qui est informulé dans une existence, tout ce qui n’a pas d’expression dans la mort et dans la vie, tout ce qui cherche une voix dans un cœur. Je voudrais me pencher sur l’instinct, en son sens de lumière, sur les pressentiments, sur les facultés et les notions inexpliquées, négligées ou éteintes, sur les mobiles irraisonnés, sur les merveilles de la mort, sur les mystères du sommeil, où malgré la trop puissante influence des souvenirs diurnes, il nous est donné d’entrevoir, par moments, une lueur de l’être énigmatique, réel et primitif ; sur toutes les puissances inconnues de notre âme ; sur tous les moments où l’homme échappe à sa propre garde ; sur tous les secrets de l’enfance, si étrangement spiritualiste avec sa croyance au surnaturel, et si inquiétante avec ses rêves de terreur spontanée, comme si réellement nous venions d’une source d’épouvante. »

Novalis, Fragments

 

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Parler et écrire...

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« C’est réellement une drôle d’affaire que de parler et d’écrire ; la vraie conversation n’est qu’un pur jeu de mots. On ne peut qu’admirer l’erreur ridicule des gens qui se figurent parler en fonction des choses. Mais précisément, personne ne sait que le propre du langage est de s’occuper purement et simplement de lui-même. Voilà pourquoi le langage est un mystère si admirable et si fécond, - celui qui ne parle que pour parler exprime justement les vérités les plus splendides, les plus originales. »

Novalis, Fragments

 

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Maladie littéraire

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« Lui (le lettré ), lit pour lire, pour retenir ce qu'il a lu. Pour lui, le livre n'est pas l'ange qui s'envole aussitôt qu'il a ouvert les portes du jardin céleste, mais une idole immobile, qu'il adore pour elle-même, qui, au lieu de recevoir une dignité vraie des pensées qu'elle éveille, communique une dignité factice à tout ce qui l'entoure. Le lettré invoque en souriant en l'honneur de tel nom qu'il se trouve dans Villehardouin ou dans Boccace, en faveur de tel usage qu'il est décrit dans Virgile. Est-il besoin de dire que si je qualifie de malsains ce goût, cette sorte de respect fétichiste pour les livres, c'est relativement à ce que seraient les habitudes idéales d'un esprit sans défauts qui n'existe pas, et comme font les physiologistes qui décrivent un fonctionnement d'organes normal tel qu'il ne s'en rencontre guère chez les êtres vivants. Dans la réalité, au contraire, où il n'y a pas plus d'esprits parfaits que de corps entièrement sains, ceux que nous appelons les grands esprits sont atteints comme les autres de cette "maladie littéraire". Plus que les autres, pourrait-on dire. Il semble que le goût des livres croisse avec l'intelligence, un peu au-dessous d'elle, mais sur la même tige, comme toute passion s'accompagne d'une prédilection pour ce qui entoure son objet, a du rapport avec lui, dans l'absence lui en parle encore. Aussi, les plus grands écrivains, dans les heures où ils ne sont pas en communication directe avec la pensée, se plaisent dans la société des livres. N'est-ce pas surtout pour eux, du reste, qu'ils ont été écrits ; ne leur dévoilent-ils pas mille beautés qui restent cachées au vulgaire ? A vrai dire, le fait que des esprits supérieurs soient ce que l'on appelle livresques ne prouve nullement que cela ne soit pas un défaut de l'être. De ce que les hommes médiocres sont souvent travailleurs et les  intelligents souvent paresseux, on ne peut pas conclure que le travail n'est pas pour l'esprit une meilleure discipline que la paresse. Malgré cela, rencontrer chez un grand homme un de nos défauts nous  incline toujours à nous demander si ce n'était pas au fond une qualité méconnue, et nous n'apprenons pas sans plaisir qu'Hugo savait Quinte-Curce, Tacite et Justin par coeur, qu'il était en mesure, si on contestait devant lui la légitimité d'un terme, d'en définir la filiation, jusqu'à l'origine, par des citations qui prouvaient une véritable érudition. (J'ai montré ailleurs comment cette érudition avait chez lui nourri le génie au lieu de l'étouffer, comme un paquet de fagots qui éteint un petit feu et en accroît un grand).

Maeterlinck, qui est pour nous le contraire du lettré, dont l'esprit est perpétuellement ouvert aux mille émotions anonymes communiquées par la ruche, le parterre ou l'herbage, nous rassure grandement, sur les dangers de l'érudition, presque de la bibliophilie, quand il nous décrit en amateur les gravures qui ornent une vieille édition de Jacob Cats ou de l'abbé Sanderus. Ces dangers, d'ailleurs, quand ils existent, menaçant beaucoup moins l'intelligence que la sensibilité, la capacité de lecture profitable, si l'on peut ainsi dire, est beaucoup plus grande chez les penseurs que chez les écrivains d'imagination. Schopenhauer, par exemple, nous offre l'image d'un esprit dont la vitalité porte légèrement la plus énorme lecture, chaque connaissance nouvelle étant immédiatement réduite à la part de réalité, à la portion vivante qu'elle contient. »

Marcel Proust, Sur la lecture

 

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L'initiatrice

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« Il n'y a peut-être pas de jours de notre enfance que nous ayons si pleinement vécus que ceux que nous avons cru laisser sans les vivre, ceux que nous avons passés avec un livre préféré. »

« Tant que la lecture est pour nous l'initiatrice dont les clefs magiques nous ouvrent au fond de nous-même la porte des demeures où nous n'aurions pas su pénétrer, son rôle dans notre vie est salutaire. Il devient dangereux au contraire quand, au lieu de nous éveiller à la vie personnelle de l'esprit, la lecture tend à se substituer à elle, quand la vérité ne nous apparaît plus comme un idéal que nous ne pouvons réaliser que par le progrès intime de notre pensée et par l'effort de notre coeur, mais comme une chose matérielle, déposée entre les feuillets des livres comme un miel tout préparé par les autres et que nous n'avons qu'à prendre la peine d'atteindre sur les rayons des bibliothèques et de déguster ensuite passivement dans un parfait repos de corps et d'esprit. »

Marcel Proust, Sur la lecture

 

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La place inviolable du Passé

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« Tout autour, les jours actuels, les jours que nous vivons circulent, se pressent en bourdonnant autour des colonnes, mais là brusquement s’arrêtent, fuient comme des abeilles repoussées ; car elles ne sont pas dans le présent, ces hautes et fines enclaves du passé, mais dans un autre temps où il est interdit au présent de pénétrer. Autour des colonnes roses, jaillies vers leurs larges chapiteaux, les jours actuels se pressent et bourdonnent. Mais, interposées entre eux, elles les écartent, réservant de toute leur mince épaisseur la place inviolable du Passé : – du Passé familièrement surgi au milieu du présent, avec cette couleur un peu irréelle des choses qu’une sorte d’illusion nous fait voir à quelques pas, et qui sont en réalité situées à bien des siècles ; s’adressant dans tout son aspect un peu trop directement à l’esprit, l’exaltant un peu comme on ne saurait s’en étonner de la part du revenant d’un temps enseveli ; pourtant là, au milieu de nous, approché, coudoyé, palpé, immobile, au soleil. »

Marcel Proust, Sur la lecture

 

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Tout se fragmente et tout se désassemble

« Tout se fragmente et tout se désassemble, les notions - que l'on jugeait acquises - se défont, le grand ébranlement prélude et chacun rompt les instruments dont se servaient nos pères.
Dans les pays où règne la censure, on se consume à nier l'évidence; dans les pays où la censure est abolie, on dit n'importe quoi; la différence paraît insensible, car il revient au même de mentir ou de se perdre et l'on présume que ceux-là, qui mentent, rejoindront quelque jour ceux qui se sont perdus. Les Muses ont abandonné la terre et voilà plusieurs générations que les beaux-arts sont morts, les imposteurs ont le champ libre et jamais il ne s'en vit de plus incroyables, mais le pire est que ceux qui s'opposent à leur imposture, ne nous proposent rien, rien que des platitudes.
Nos villes sont des cauchemars, leurs habitants deviennent pareils aux termites, tout ce qui s'édifie est d'une laideur monstrueuse et nous ne savons plus bâtir de temples, de palais ni de tombeaux, de places triomphales ni d'amphithéâtres. A chaque pas, la vue est offensée, l'oreille abasourdie et l'odorat désespéré, nous nous demanderons bientôt :
- A quoi bon l'ordre ? »

Albert Caraco, Bréviaire du Chaos

 

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Agréable, huileux et tiède

« Le christianisme, qui n'avait su ni vaincre ni mourir, fit alors comme tous les conquis. Il reçut la loi et paya l'impôt. Pour subsister, il se fit agréable, huileux et tiède. Silencieusement, il se coula par le trou des serrures, s'infiltra dans les boiseries, obtint d'être utilisé comme essence onctueuse pour donner du jeu aux institutions et devint ainsi un condiment subalterne, que tout cuisinier politique put employer ou rejeter à sa convenance. On eut le spectacle, inattendu et délicieux, d'un christianisme converti à l'idolâtrie païenne, esclave respectueux des conculcateurs du Pauvre, et souriant acolyte des phallophores.
Miraculeusement édulcoré, l'ascétisme ancien s'assimila tous les sucres et tous les onguents pour se faire pardonner de ne pas être précisément la volupté, et devint, dans une religion de tolérance, cette chose plausible qu'on pourrait nommer le catinisme de la piété. »

Léon Bloy, Le désespéré

 

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Mystères...

« J'ai abordé, sans le savoir, des mystères qui me confondent. »

Sainte Bible, Livre de Job, 42 : 3

 

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Le leurre

« Après le lycée Jeanson, le lycée Henri-IV, où elle avait approfondi sans ménager sa peine la littérature française, et la philosophie, l’anglais, et la littérature anglaise. A vingt ans, après le lycée Henri-IV, l’Ecole normale supérieure de Fontenay, avec l’élite intellectuelle française... "on n’en reçoit que trente par an". Thèse : "Le déni de soi chez Georges Bataille" (Bataille, allons bon, pour changer !). A Yale, les étudiants chics travaillent tous sur Bataille ou Mallarmé. Il n’a pas grand mal à comprendre ce qu’elle cherche à lui faire comprendre, d’autant qu’il connaît un peu Paris pour y avoir, grâce à une bourse Fulbright, passé un an avec femme et enfants, du temps qu’il était jeune professeur ; il connaît un peu ces jeunes Français ambitieux, formés dans les lycées d’élite. Parfaitement préparés, connaissant les intellectuels qui comptent, des jeunes très intelligents, immatures, dotés de l’éducation française la plus snob, se préparant ardemment à être enviés toute leur vie. On les voit traîner le samedi soir dans des petits restaurants vietnamiens pas chers rue Saint-Jacques, parler des grands problèmes, jamais de banalités, jamais de la pluie et du beau temps – débats d’idées, philosophie et politique, à l’exclusion de tout autre sujet. Même pendant leurs loisirs, lorsqu’ils sont en tête à tête avec eux-mêmes, ils pensent l’incidence de Hegel sur la vie intellectuelle française au XXème siècle. L’intellectuel s’interdit d’être frivole. La vie c’est la pensée. Conditionnés à être violemment marxistes ou violemment antimarxistes, ils souffrent d’un effarement congénital devant tout ce qui est américain.[...] Ses jeunes étudiants l’amusent. Elle cherche encore leur côté intellectuel. Elle est sidérée par la façon dont ils s’amusent. Leur façon de penser, de vivre, hors de toute idéologie, dans le chaos. Ils n’ont jamais vu un film de Kurosawa – même ça, ils l’ignorent. Elle, à leur âge, elle avait vu tout Kurosawa, tout Tarkovski, tout Fellini, tout Antonioni, tout Fassbinder, tout Wertmuller, tout Satyajit Ray, tout René Clair, tout Wim Wenders, tous les Truffaut, les Godard, les Chabrol, les Resnais, les Rohmer et les Renoir. Eux, ils n’avaient vu que Star Wars.[...] A contrecoeur, elle pose sa candidature, et la voilà, avec son kilt et ses bottes, dans le bureau du doyen Silk, en face de lui. Pour avoir le prochain poste, le poste chic, il faut en passer par Athena. Sauf que pendant près d’une heure le doyen Silk va l’écouter quasiment se disqualifier pour le poste en question. Structure narrative et temporalité. Les contradictions internes de l’oeuvre d’art. Rousseau s’avance masqué, mais sa rhétorique le trahit (la tienne aussi, en somme, se dit le doyen, au vu de l’essai autobiographique [Delphine a écrit un essai autobiographique pour présenter sa carrière universitaire...]). La voix du critique n’a pas moins de légitimité que celle d’Hérodote. Narratologie. Diégétique. La différence entre diégésis et mimésis. L’expérience entre parenthèses. La qualité proleptique du texte. Coleman n’a pas besoin de lui demander ce que ce jargon veut dire. Il le sait, dans l’original grec, ce que ces mots de Yale veulent dire, ce que les mots de l’Ecole normale supérieure veulent dire. Et elle, le sait-elle ? Il y travaille depuis trois décennies, il n’a pas de temps à perdre. Il se demande : pourquoi une femme aussi belle tente-t-elle de dissimuler la dimension humaine de son expérience sous ces mots-là ? Peut-être parce qu’elle est si belle, justement. Il se dit : Elle est si contente d’elle, elle se leurre tellement. »

Philip Roth, La tache

 

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Nul fruit ne mûrit pour nous qui n’ait tenu dans les orages de fer

« Le combat demeure une chose sainte, un jugement de Dieu entre deux idées. Notre nature profonde nous pousse à défendre notre cause avec toujours plus d’acharnement, de sorte que le combat est le dernier mot de notre raison, et que seul ce qu’il nous acquiert peut être possession véritable. Nul fruit ne mûrit pour nous qui n’ait tenu dans les orages de fer, et tout, jusqu’au meilleur et au plus beau, exige d’être conquis de haute lutte.

Qui creuse ainsi jusqu’aux racines du combat et vénère l’authentique esprit combattant, qu’il le vénère partout, même chez l’adversaire. Aussi la réconciliation après le combat devrait-elle rassembler d’abord les hommes du front. C’est en guerrier que j’écris cela, qui peut n’être point au goût du jour : mais pourquoi ne tenterions-nous pas, nous autres guerriers, de nous trouver sur notre ligne à nous, celle de la bravoure virile ? Nous n’y saurions rencontrer pire insuccès que les hommes d’État, les artistes, les savants et les dévots sur la leur. N’avons-nous pas souvent serré les mains qui venaient de nous lancer des grenades, alors que ceux de l’arrière s’empêtraient toujours plus profond dans les taillis de leur haine ? N’avons-nous pas planté des croix sur les tombes de nos ennemis ? Nous sommes restés les plus décents de tous, nous qui chaque jour trempions nos mains dans le sang. La lutte est une façon d’être qui reste ce qu’elle est, mais on peut l’ennoblir par l’esprit chevaleresque. »

Ernst Jünger, La guerre comme expérience intérieure

 

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07/06/2015

La tempe de l’Occident

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« Nous ignorons les arcanes de l’économie pétrolière. Nous négligeons le fait que le carburant consommé alimente les guerres, fournit sa force à certains réseaux terroristes. Le pétrole est le sang de l’islamisme, le nerf de la radicalité. La houille est le carburant d’une idéologie fossile. Et à chaque fois que nous mettons le pistolet de la pompe dans le trou du réservoir, on l’appuie en fait sur la tempe de l’Occident. »

Sylvain Tesson, L’or noir des steppes

 

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L’idéal du chien crevé

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« La pensée qui domine l’ensemble de la société, c’est justement l’existence d’un cours de l’histoire, implacable, nécessaire, qui suppose que tout effort est vain s’il ne se situe pas dans le bateau qui suit le courant… Or, le lieu commun du sens de l’histoire correspond exclusivement à l’idéal du chien crevé. Bon petit chien bien gonflé (nécessaire pour surnager) qui s’installe au filet le plus fort du courant et descend le fil de l’eau en se dandinant gravement avec des airs de docteur ès sciences politiques et qui oscille à droite ou à gauche selon les vaguelettes (ses opinions mûrement pensées); parfois un remous lui fait perdre la bonne direction, il hésite en tournoyant (ce sont les scrupules de conscience), il dérive vers un banc de sable (c’est la manifestation de la liberté de sa personne); il se trouve aspiré par un entonnoir vers les fonds (c’est l’angoisse); mais il surmonte bientôt bravement ces tentations, une vague le remet à flot et il poursuit victorieusement son chemin ayant enfin retrouvé la bonne ligne, qui le porte, évidemment, vers la fin nécessaire. Et plus il avance, plus il se gonfle orgueilleusement d’horribles certitudes sur sa liberté et le sens de l’histoire, qui le font s’affirmer plus turgide chaque fois, jusqu’au moment où l’imprégnation de l’âme par cette corruption le fait s’en aller en lambeaux de matières affreuses, à jamais décomposées. »

Jacques Ellul, Exégèse des nouveaux lieux communs

 

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Tout est prêt pour l’apparition d’un racisme de type nouveau, basé sur le masochisme

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« "A l’époque où les Blancs se considéraient comme supérieurs, dit-il, le racisme n’était pas dangereux. Pour les colons, les missionnaires, les instituteurs laïques du XIX siècle, le Nègre était un gros animal pas très méchant, aux coutumes distrayantes, une sorte de singe un peu plus évolué. Dans le pire des cas on le considérait comme une bête de somme utile, déjà capable d’effectuer des tâches complexes ; dans le meilleur des cas comme une âme fruste, mal dégrossie, mais capable par l’éducation de s’élever jusqu’à Dieu - ou jusqu’à la raison occidentale. De toute façon on voyait en lui un "frère inférieur", et pour un inférieur on n’éprouve pas de haine, tout au plus une bonhomie méprisante. Ce racisme bienveillant, presque humaniste, a complètement disparu. A partir du moment où les Blancs se sont mis à considérer les Noirs comme des égaux , il est clair qu’il en viendrait tôt ou tard à les considérer comme supérieur. La notion d’égalité n’a nul fondement chez l’homme" continua t’il en dressant à nouveau l’index.

Je crus un moment qu’il allait citer ses sources - La Rochefoucauld , ou je ne sais qui - mais finalement non. Lionel plissa le front. "Les Blancs se considérants eux mêmes comme inférieurs , poursuivit Robert, soucieux d’être compris, tout est prêt pour l’apparition d’un racisme de type nouveau, basé sur le masochisme : historiquement, c’est dans ces conditions qu’on en arrive à la violence, à la guerre interraciale et au massacre. Tous les antisémites, par exemple, s’accordent à attribuer aux Juifs une supériorité d’un certain ordre : si vous lisez les écrits antisémites de l’époque, vous serez frappé par le fait que le Juif est considéré comme plus intelligent, plus malin, qu’on lui prête des qualités spéciales dans le domaine de la finance - et, par ailleurs, de la solidarité communautaire. Résultat : six millions de morts." »

Michel Houellebecq, Plateforme 

 

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Industrialiser l’oecumène

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« Nos maîtres furent de tout temps nos ennemis 
et maintenant plus que jamais, plus que
 jamais nos maîtres sont faillibles, car si nous 
sommes innombrables, c’est leur faute, voilà des
 siècles et des millénaires qu’ils veulent que les subalternes 
multiplient, afin de les embesogner et de les
 mener à la mort.

Aujourd’hui même que le monde éclate et que la 
terre manque aux hommes, leur rêve est de 
construire des maisons ayant cinquante étages et
 d’industrialiser l’oecumène, sous le prétexte de 
fournir aux besoins de ces milliards qui naissent, car 
il leur faut toujours plus de vivants, toujours, malgré 
ce qu’ils affirment. Ils organisent méthodiquement 
l’Enfer, où nous nous consumons, et pour nous
 empêcher de réfléchir, ils nous proposent des
 spectacles imbéciles, où notre sensibilité se barbarise 
et notre entendement achèvera par se dissoudre, ils
 iront consacrer ces jeux en présidant à leur manie
 avec toute la pompe convenable.

Nous revenons au cirque de Byzance et nous en
 oublions nos vrais problèmes, mais sans que ces 
problèmes nous oublient, nous les retrouverons 
demain et nous savons déjà que lorsqu’ils seront
 insolubles, nous irons à la guerre. »

Albert Caraco, Bréviaire du chaos

 

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L’aventure

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« Quand il n’y aurait qu’une chance sur mille de trouver l’aventure au coin de la rue, il faudrait aller au coin de la rue. »

Henry de Montherlant, Carnets

 

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Fait de cellules et de sang

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« L'homme, on a dit qu'il était fait de cellules et de sang. Mais en réalité, il est comme un feuillage. Il faut que le vent passe pour que ça chante. »

Jean Giono, Que ma Joie demeure

 

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Pour l’instant, l’homme n’est qu’un pionnier de lui-même...

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« L’homme - mais bien sûr, mais comment donc, nous sommes parfaitement d’accord : un jour il se fera ! Un peu de patience, un peu de persévérance : on n’en est plus à dix mille ans près. Il faut savoir attendre mes bons amis, et surtout voir grand, apprendre à compter en âges géologiques, avoir de l’imagination : alors là, l’homme ça devient tout à fait possible, probable même : il suffira d’être encore là quand il se présentera. Pour l’instant il n’y a pas de transes, des rêves, des pressentiments… Pour l’instant, l’homme n’est qu’un pionnier de lui-même. Gloire à nos illustres pionniers ! »

Romain Gary, Gloire à nos illustres pionniers

 

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