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24/04/2015

J’aime le mot de décadence

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« J’aime le mot de décadence, tout miroitant de pourpre et d’ors. J’en révoque, bien entendu, toute imputation injurieuse et toute idée de déchéance. Ce mot suppose au contraire des pensées raffinées d’extrême civilisation, une haute culture littéraire, une âme capable d’intensives voluptés... Nous pouvons faire une application ironique et nouvelle de ce mot en y sous-entendant la nécessité de réagir par le délicat, le précieux, le rare, contre les platitudes des temps présents. »

Paul Verlaine, Les Poètes Maudits

 

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Une éternelle et grandiose comédie

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« La nature est pour moi une éternelle et grandiose comédie à laquelle je veux assister infiniment. Et je me suis promis d’épuiser jusqu’à la dernière goutte les joies de cette contemplation. »

Henri Vincenot, Prélude à l’aventure

 

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Un remède contre l’anxiété

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« J’ai cherché dans le doute un remède contre l’anxiété. Le remède a fini par faire cause commune avec le mal. »

Emil Cioran, De l’inconvénient d’être né 

 

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Il n’est rien de plus naturel à l’homme que de tuer

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« Mais les chiffres ne sont peut-être pas l’essentiel en pareille matière. L’essentiel, c’est l’attitude à l’égard du meurtre. Je n’ai jamais vu, ni parmi les Espagnols, ni même parmi les Français venus soit pour se battre, soit pour se promener — ces derniers le plus souvent des intellectuels ternes et inoffensifs — je n’ai jamais vu personne exprimer même dans l’intimité de la répulsion, du dégoût ou seulement de la désapprobation à l’égard du sang inutilement versé. (...) Des hommes apparemment courageux — il en est au moins un dont j’ai de mes yeux constaté le courage — au milieu d’un repas plein de camaraderie, racontaient avec un bon sourire fraternel combien ils avaient tué de prêtres ou de "fascistes" — terme très large. J’ai eu le sentiment, pour moi, que lorsque les autorités temporelles et spirituelles ont mis une catégorie d’êtres humains en dehors de ceux dont la vie a un prix, il n’est rien de plus naturel à l’homme que de tuer. Quand on sait qu’il est possible de tuer sans risquer ni châtiment ni blâme, on tue ; ou du moins on entoure de sourires encourageants ceux qui tuent. Si par hasard on éprouve d’abord un peu de dégoût, on le tait et bientôt on l’étouffe de peur de paraître manquer de virilité. Il y a là un entraînement, une ivresse à laquelle il est impossible de résister sans une force d’âme qu’il me faut bien croire exceptionnelle, puisque je ne l’ai rencontrée nulle part. J’ai rencontré en revanche des Français paisibles, que jusque-là je ne méprisais pas, qui n’auraient pas eu l’idée d’aller eux-mêmes tuer, mais qui baignaient dans cette atmosphère imprégnée de sang avec un visible plaisir. Pour ceux-là je ne pourrai jamais avoir à l’avenir aucune estime. »

Simone Weil, Lettre de Simone Weil à Georges Bernanos, in "Oeuvres" - Quarto Gallimard

 

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Ce qui se passe au Conseil des ministres, c’est ce qui se passe au Café du Commerce

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« C’est une dure mais juste loi que celle qui rend les peuples responsables des actes de leurs chefs : car les peuples ont les moyens de ne pas laisser à leurs chefs l’autorité, comme les chefs ont le devoir de gouverner s’il le faut contre les goûts de leurs peuples. Les peuples ont les gouvernements qu’ils méritent. On nous dit quelquefois : "Les peuples sont des enfants. Si les Français avaient d’autres maîtres, vous verriez comme ils changeraient vite..." Nous ne sommes pas insensible à cette raison, et elle nous touche particulièrement quand nous l’entendons, comme il nous arriva, dans la bouche de personnes très humbles ; nous y sommes si peu insensible que bien des fois nous avons exprimé notre surprise que, conduit et inspiré comme il l’est, le peuple français eut encore tant de vertus. Mais enfin ces hommes et ces femmes sont traités en adultes, et non en enfants : les hommes votent, les hommes et les femmes témoignent en justice, ont autorité sur leur progéniture, etc. S’ils n’exigent que pour de petits intérêts sordides et jamais pour autre chose (à l’exemple de ces mutilés de guerre qu’on n’a jamais vu exiger de façon efficace, lorsqu’il s’agissait des affaires de la France mais qui ont bien su le faire une fois -en barrant la circulation sur les grands boulevards, de leurs petites voitures !- lorsqu’il s’est agi d’une augmentation de leurs pensions) s’ils acceptent tout sans haut-le-cœur, s’ils ne vomissent ni la vulgarité, ni la bassesse, ni la bêtise, ni les bobards dont on les gave, eux aussi sont coupables. S’ils souffrent le mal, c’est qu’ils n’en souffrent pas. Gouvernants, parlement, nation, nous nous refusons à distinguer. Le parlement, c’est la France. Elle a envoyé là ceux qu’elle préférait. Ce qui se passe au Conseil des ministres, c’est ce qui se passe au Café du Commerce. Tout le monde est solidaire et complice. »

Henry de Montherlant, L’Équinoxe de septembre

 

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23/04/2015

Gouvernail

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« Energie et direction de l’énergie. – Chez les hommes ordinaires, les mobiles inférieurs (les passions), non seulement fournissent l’énergie, mais l’orientent. Chez les hommes supérieurs aussi, l’énergie vient d’en bas (d’où pourrait elle venir chez un être incarné ?), mais elle est dirigée, utilisée par les mobiles élevés. Il ne faut donc pas lutter contre les passions en tant que moteur, il faut simplement leur ôter le gouvernail. »

Gustave Thibon, L’échelle de Jacob

 

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Les hommes sont faits pour danser, chanter, se battre de la main à la main

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« Le sang de mon rêve, de tout ce que j’aime dans la vie me remontait au cerveau. Se faire tuer pour s’abîmer en Dieu dans un élan pur. Les hommes sont faits pour danser, chanter, se battre de la main à la main. Et les chevaux, et les chiens, et les femmes. Amitié naïve de jeunes guerriers. Un idéal de steppe pouvait seul me contenter. La seule joie qui soit offerte aux hommes sur cette terre, c’est une fureur de santé quand un jeune homme saute sur son cheval et pousse un cri vers Dieu. Il faut que nos âmes fouettent nos corps, les relancent en pleine course. Mon âme a soif de mon sang. Ô vents, ô soleil, battez mon sang, faites-le rebondir ! »

Pierre Drieu La Rochelle, Le Jeune Européen

 

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Notre ordure lancée au visage de l’humanité

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« Est-ce alors que j’ai, pour la première fois compris ce qu’en d’autres régions du monde, d’aussi démoralisantes circonstances m’ont définitivement enseigné ? Voyages, coffrets magiques aux promesses rêveuses, vous ne livrerez plus vos trésors intacts. Une civilisation proliférante et surexcitée trouble à jamais le silence des mers. Les parfums des tropiques et la fraîcheur des êtres sont viciés par une fermentation aux relents suspects, qui mortifie nos désirs et nous voue à cueillir des souvenirs à demi corrompus.
Aujourd’hui où des îles polynésiennes noyées de béton sont transformées en porte-avions pesamment ancrés au fond des mers du Sud, où l’Asie tout entière prend le visage d’une zone maladive, où les bidonvilles rongent l’Afrique, où l’aviation commerciale et militaire flétrit la candeur de la forêt américaine ou mélanésienne avant même d’en pouvoir détruire la virginité, comment la prétendue évasion du voyage pourrait-elle réussir autre chose que nous confronter aux formes les plus malheureuses de notre existence historique ? Cette grande civilisation occidentale, créatrice des merveilles dont nous jouissons, elle n’a certes pas réussi à les produire sans contrepartie. Comme son oeuvre la plus fameuse, pile où s’élaborent des architectures d’une complexité inconnue, l’ordre et l’harmonie de l’Occident exigent l’élimination d’une masse prodigieuse de sous-produits maléfiques dont la terre est aujourd’hui infectée. Ce que d’abord vous nous montrez, voyages, c’est notre ordure lancée au visage de l’humanité. 
Je comprends alors la passion, la folie, la duperie des récits de voyage. Ils apportent l’illusion de ce qui n’existe plus et qui devrait être encore, pour que nous échappions à l’accablante évidence que vingt mille ans d’histoire sont joués. Il n’y a plus rien à faire: la civilisation n’est plus cette fleur fragile qu’on préservait, qu’on développait à grand-peine dans quelques coins abrités d’un terroir riche en espèces rustiques, menaçantes sans doute par leur vivacité, mais qui permettaient aussi de varier et de revigorer les semis. L’humanité s’installe dans la monoculture; elle s’apprête à produire la civilisation en masse, comme la betterave. Son ordinaire ne comportera plus que ce plat. »

Claude Lévi-Strauss, Tristes tropiques

 

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Transition historique

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« Incroyable destin de la banlieue "rouge" qui aura été la transition historique entre le christianisme (la cathédrale de Saint-Denis) et l’islam. Livrées comme les places fortes des nouveaux "protestants", qui avaient troqué Luther pour Staline, elles se transformèrent au fil des ans en d’innombrables La Rochelle islamiques qui enserrent, encerclent et menacent nos grandes métropoles. À l’époque du siège par Richelieu, on surnommait La Rochelle "La Mecque du protestantisme". Chateaubriand avait été prophète en 1840 : "Détruisez le christianisme et vous aurez l’islam". »

Eric Zemmour, Le suicide Français

 

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L'innocence d'un paradis infernal

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« L’absence de vie contemplative fait de la vie active d’une société un grouillement de rats pestilentiels. »

« L’unique régime politique qui n’incline pas spontanément au despotisme, c’est la féodalité. »

« On est venu à bout des analphabètes, pour multiplier les illettrés. »

« Prier est le seul acte dont l'efficacité m'inspire une totale confiance. »

« La modernité tente d'élaborer avec la luxure, la violence et l'infamie l'innocence d'un paradis infernal. »

Nicolás Gómez Dávila, Les horreurs de la démocratie - Scolies pour un texte implicite

 

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L'émotion, l'indignation ou la compassion

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« Comme l'analyse Christophe Guilluy, la substitution de la diversité ethnoculturelle à la lutte des classes et le culte du nomadisme, banalement investi dans l'aide aux migrants, plus spectaculairement érigé en norme de dissociété ("nous sommes tous des immigrés") sont les mécanismes protecteurs de la bourgeoisie urbaine contre tout mouvement social effectif. L'ethnicisation galopante des conflits déporte le terrain de la justice vers l'émotion, l'indignation ou la compassion, vertus individuelles sans portée politique, et la décomposition sociale désarme toute mutualisation nationale ! »

Hervé Juvin, La grande séparation

 

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Tout perdre sans regret

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« Le mariage peut vous sauver de l'isolement, mais c'est une folie de lui demander de vous guerir de la solitude. »

« Jouir de tout sans remords, à condition d'être capable de tout perdre sans regret... »

« Personne ne "comprend" personne. -Soif d'être compris chez les uns, prétention de comprendre chez les autres- vaste jeu de dupes, où, des deux côtés, chacun se berce d'illusions... - Je ne te comprends pas, mais je respecte en toi ce que je ne comprends pas, j'accueille ton âme sans lui demander son nom et ses références, je crois en toi ; ce qui, en toi, me choque où me déconcerte, je ne l’interprète pas ; là est la seule vraie "compréhension". »

Gustave Thibon, Aux ailes de la lettre... : Pensées inédites

 

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22/04/2015

Le monde n’est pas fait pour les anges

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« Tu ne sais rien du monde, tu n’en veux rien savoir, c’est tellement plus simple ! Ta mère prétendait déjà marcher à travers les chemins boueux avec la petite pantoufle de Cendrillon. Oui, il fallait que tu l’apprisses un jour ou l’autre, le monde n’est pas fait pour les anges. Je suis un catholique irréprochable, j’ai consacré une partie de ma vie à l’histoire de l’Eglise et je dis : le monde n’est pas fait pour les anges. J’ajoute même : tant pis pour les anges qui s’y hasardent sans précaution ! »

Georges_Bernanos, La Joie

 

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Le massacre joyeux des crétins, des traîtres, des routines, des conventions...

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« Drieu la Rochelle disait que l’Action Française avait créé le mouvement littéraire le plus important d’Europe, avec celui de la Nouvelle Revue Française, pendant le premier tiers du XXe siècle. L’Action Française a groupé en effet autour de Charles Maurras, quelques-uns des meilleurs écrivains de notre temps et, tout d’abord, Léon Daudet (1868- 1er juillet 1942). A vrai dire, Léon Daudet a un peu trop ébloui ses contemporains par ses dons jupitériens de polémiste, par le massacre joyeux des crétins, des traîtres, des routines, des conventions et des dessus de pendule auquel il se livrait chaque matin. Léon Daudet, qui avait été élevé dans l’entourage de son père, Alphonse, par la IIIe République naissante, devint promptement un homme populaire dont les faits et gestes se trouvaient guettés avec une égale avidité par ses amis et ses adversaires. L’éclat de sa vie publique a un peu nui à sa réputation d’écrivain. Il est vrai que son évasion de la Santé a été un moment savoureux dans l’histoire de la IIIe République. Mais Léon Daudet député, Léon Daudet duelliste, Léon Daudet exilé, Léon Daudet grand orateur et grand politique n’est pas l’homme qui nous retient ici. Au delà du vivant déchaîné, il faut voir l’écrivain dont on n’a pas toujours compris la valeur...
La part la plus inégale dans son œuvre est celle du romancier. Il ne faudrait pas cependant la condamner trop vite à l’oubli (...) Mais Léon Daudet critique littéraire n’a pas son pareil. Il se trouve également à l’aise parmi les vivants et parmi les ombres. (...) Avec cela libre, indépendant, ne cherchant jamais à contraindre, toujours prêt à saluer le talent chez ses pires ennemis, dépourvu de tout esprit de parti, mettant son autorité au service du beau avec une générosité inépuisable, Léon Daudet est le premier critique littéraire de son temps. Que dire du mémorialiste ? Il est de la lignée du cardinal de Retz et de Saint Simon. En quatre mots saisissants, d’une cocasserie inimitable, il peint un homme au physique et au moral, lui rendant son souffle, son allure, les plis et la couleur de ses vêtements, ses tics, ses manies et jusqu’au son de sa voix. La série des Souvenirs Littéraires, les deux volumes de Paris Vécu, ouvrages mouvementés, passionnés, pathétiques, pleins d’intelligence, de culture et d’une gigantesque drôlerie, gardent la chaleur de toute une époque, avec ses lumières et ses parfums, ses jours et ses nuits, ses personnages ridicules, falots ou grandioses, et les rues de Paris, le ciel de Paris, tout ce qui fait le plaisir et la douleur de vivre. Chaque mot devient la sensation même. »

Kléber Haedens, Une histoire de la littérature française

 

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L'absence de ce qu'on aime

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« L'attente d'un retour ardemment désiré
Donne à tous les instants une longueur extrême ;
Et l'absence de ce qu'on aime,
Quelque peu qu'elle dure, a toujours trop duré »

Molière, Amphitryon, Acte II, Sc 2

 

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Réduire le vocabulaire...

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Ouais... ça a la couleur de notre monde... 

 

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Nous, nous ne sommes rien...

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« Une jeune fille de douze ans, interpellée par les conversions religieuses de ses copines de classe, qui se découvrent musulmanes, et prennent le voile, interroge sa mère : "Et nous, nous sommes quoi ?". La réponse est simple : "Nous, nous ne sommes rien". C'est la mère, cadre supérieure d'une entreprise bancaire, encore effarée de cet aveu et du vide soudain qu'il creuse, qui rapporte l'histoire au cours d'un séminaire. Elle précise : "Je lui ai dit : 'nous ne sommes rien' pour bien lui faire comprendre que nous étions laïcs, que nous ne dépendions de rien ni de personne, qu'elle était libre." Sans doute. Nous ne sommes rien, libres de faire de nous ce que nous voulons, indéterminés. C'est plus que "l'ère du vide" annoncée par Gilles Lipovetsky, plus que le temps du mépris ou celui du désespoir ; l'incapacité de définir, de désigner et de nommer, qui est aussi l'impossibilité de faire société, et le désarmement de toute stratégie – les tactiques de survie seules peuvent trouver leur place dans un univers indéfini.

J'ai retrouvé d'un coup l'interrogation de toutes celles, et de tous ceux qui, de Madagascar au Montana, et des Philippines à l'Ethiopie, m'ont posé question pour savoir ce que je suis. Tous imaginent que l'ont peut être évangéliste, musulman, copte, bouddhiste, adepte de Zarathoustra, du grand lézard ou du Dieu-Crocodile, mais pas "rien". »

Hervé Juvin, La grande séparation

 

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21/04/2015

La vacuité de l'âme

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« Ce n'est pas seulement la vacuité des choses et des êtres qui blesse l'âme, quand elle est en proie à l'ennui ; c'est aussi la vacuité de quelque chose d'autre, qui n'est ni les choses ni les êtres, c'est la vacuité de l'âme elle-même qui ressent ce vide, qui s'éprouve elle-même comme du vide, et qui, s'y retrouvant, se dégoûte elle-même et se répudie. »

Fernando Pessoa, Le livre de l'intranquilité

 

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Conversations...

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« Les conversations qui ne parlent pas de religion ou d’art sont si basses et si vaines ! »

Joris-Karl Huysmans, Là-Bas

 

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Un langage inaccessible

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« La poésie est un langage à part, où le mystère égale le rythme, et d’autant plus inaccessible d’une langue à une autre que, dans un même pays, elle n’est compréhensible qu’à une élite. Si elle sort de celle-ci, c’est par des qualités vulgaires, ou un snobisme. »

Léon Daudet, Journal "L’Action Française" - 17 février 1939

 

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Une vérité provisoire

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« La démocratie : une vérité provisoire qui ne dure pas une minute de plus que la majorité qui l’a faite. »

Georges Bernanos, La grande peur des bien-pensants

 

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La puissance grandissante de la pensée à voie unique

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« Un signe caractéristique, à première vue tout à fait extérieur, de la puissance grandissante de la pensée à voie unique, c’est – on le remarque partout – l’accroissement du nombre de ces désignations qui consistent à abréger les mots ou à accoler des initiales. Sans doute aucun de ceux qui sont ici présents n’a-t-il encore jamais considéré sérieusement ce qui est déjà accompli lorsqu’au lieu de dire Faculté, vous dites simplement Fac. Fac, c’est comme Ciné. Il est vrai que le cinématographe demeure différent des hautes écoles scientifiques. Cependant la désignation Fac n’est ni fortuite ni inoffensive. Peut-être même est-il dans l’ordre que vous entriez et sortiez de la "Fac" et que vous empruntiez vos livres à la "B.U." La question demeure seulement de savoir quel ordre s’annonce dans la contagion de cette façon de parler ? Peut-être est-ce un ordre dans lequel nous sommes entraînés et auquel nous sommes abandonnés par Cela qui se retire devant nous ? »

Martin Heidegger, Qu’appelle-t-on penser ?

 

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Des réceptacles du merveilleux

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« Il avait pour principe de traiter les hommes qui nous approchaient comme autant de rares trouvailles découvertes au fil d’un long voyage. Il aimait aussi nommer les hommes les optimates, signifiant par là que tous autant qu’ils sont, ils forment l’aristocratie naturelle de ce monde et que chacun d’eux peut nous apporter l’excellent. Il les concevait comme des réceptacles du merveilleux, et, créatures suprêmes, il leur accordait des droits princiers. Et réellement, je voyais tous ceux qui l’approchaient s’épanouir comme des plantes qui s’éveillent du sommeil hivernal, non point qu’ils devinssent meilleurs, mais parce qu’ils devenaient d’avantage eux mêmes. »

Ernst Jünger, Sur les falaises de marbres

 

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Rester libre

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« Lorsqu’on pense aux moyens chaque fois plus puissants dont dispose le système, un esprit ne peut évidemment rester libre qu’au prix d’un effort continuel. »

Georges Bernanos, La France contre les robots

 

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20/04/2015

L’illusion égalitaire des démagogues

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« L’illusion égalitaire des démagogues est encore plus dangereuse que la brutalité des traîneurs de sabre... Pour l’anarque, constatation théorique, puisqu’il les évite les uns comme les autres. Qu’on vous opprime : on peut se redresser, à condition de n’y avoir pas perdu la vie. La victime de l’égalisation est ruinée, physiquement et moralement. »

Ernst Jünger, Eumeswil

 

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