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26/05/2012

L’antiquité nous apprend que le malheur peut être auguste et que la vertu et le génie sont indépendants des viles couronnes que la fortune accorde ou refuse

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=

 

« On s’intéresse beaucoup à la jeunesse moderne, on se demande ce qu’elle pense, les plus naïfs vont jusqu’à le lui demander à elle-même. Beaucoup d’entre ces jeunes gens n’admirent que le succès, ils paraissent décidés à tout pour y parvenir, et c’est ce qui donne à certains d’entre eux un air cru, avide, aiguisé de petits fauves. A vrai dire, il ne faut pas s’effrayer outre mesure de ces dispositions : la force des choses, le plus souvent, a tôt fait de mater ces férocités enfantines. Mais ces idées se répandent, ces opinions tendent à abaisser de plus en plus le plafond qui pèse sur les esprits. Or l’éducation classique est opposée à d’aussi vils partis pris; elle nous apprend à juger les individus en eux-mêmes. Les grands hommes de Plutarque ont sans doute quelque chose de légèrement artificiel, d’un peu découpé. Mais qu’ils s’enfoncent dans l’exil, qu’ils meurent à la fin d’une de ces petites batailles antiques, où il semble qu’on aperçoive distinctement chaque combattant, ou que, sûrs d’avoir tout perdu, ils terminent volontairement leurs jours par un suicide héroïque, toujours la phrase qu’ils prononcent nous avertit que l’adversité n’est rien et qu’il importe seulement d’être magnanime. On peut reconnaître les belles époques à la distinction qu’elles ont su maintenir entre le succès et la grandeur. Par les exemples de son histoire et les vers de ses tragédies, l’antiquité unanime nous apprend que le malheur peut être auguste et que la vertu et le génie sont indépendants des viles couronnes que la fortune accorde ou refuse aux hommes. Jamais cette leçon ne sera venue plus à propos. »

Abel Bonnard, "La vie présente : les humanités" - Revue de Paris, année 30, tome 2, 1er mars 1923, p. 193-201

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