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08/07/2012

Si quelque chose devait me manquer, ce ne serait pas le vin mais l’ivresse

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=

 

« Si quelque chose devait me manquer, ce ne serait pas le vin mais l’ivresse. Comprends-moi : des ivrognes vous ne connaissez que les malades, ceux qui vomissent, et les brutes, ceux qui recherchent l’agression à tout prix ; il y a aussi les princes incognito qu’on devine sans parvenir à les identifier. Ils sont semblables à l’assassin du fameux crime parfait dont on ne parle que lorsqu’il est raté. Ceux-ci, l’opinion ne les soupçonne même pas ; ils sont capables des plus beaux compliments comme des plus vives injures ; ils sont entourés de ténèbres et d’éclairs ; ce sont des funambules persuadés qu’ils continuent de s’avancer sur le fil alors qu’ils l’ont déjà quitté, provoquant les cris d’admiration ou d’effroi qui peuvent les relancer ou précipiter leur chute ; pour eux, la boisson introduit une dimension supplémentaire dans l’existence surtout s’il s’agit d’un pauvre bougre d’aubergiste comme moi, une sorte d’embellie, dont tu ne dois pas te sentir exclue d’ailleurs, et qui n’est sans doute qu’une illusion mais une illusion dirigée… Voilà ce que je pourrais regretter. »

Antoine Blondin, Un Singe en Hiver

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07/07/2012

Le sens de la globalisation, la place de l'Occident et de l'Europe dans le monde

=--=Publié dans la Catégorie "PARENTHÈSE"=--=

 

Le sens de la globalisation, la place de l'Occident et de l'Europe dans le monde avec les philosophes Peter Sloterdijk et Rémi Brague...

 

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06/07/2012

Ces écrivains qui disent écrire avec leurs tripes et dont la prose a quelque chose d'un produit intestinal

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=

 

Merci, encore, au fidèle lecteur de mon Blog, Paglop77, pour cet extrait...

 

« Thierry Cecille : Le relâchement de la langue ternirait la vision ?

Richard Millet : C'est vous qui employez le mot relâchement. Ça me fait penser à ces écrivains qui disent écrire avec leurs tripes et dont la prose a quelque chose d'un produit intestinal. J'ai parlé du tout-venant de la langue ; on pourrait même parler, parfois, de tout-à-l'égout linguistique. On peut certes envisager un travail littéraire à partir de ce relâchement, mais il faudrait invoquer Rabelais, Queneau, et tout un savoir que les plumitifs contemporains n'ont pas... On m'a quelquefois reproché une attitude réactionnaire à propos de la langue ; c'est ne pas lire ce que j'écris, et croire que je campe sur une position défensive, ou crispée, ou prescriptive, alors qu'il me semble que le redéploiement d'une syntaxe puissante et riche permet les innovations les plus singulières - le paradoxe n'est qu'apparent -, ce qui est beaucoup plus générateur de nouveauté, voyez Racine, Sade, Proust, Genet, Ponge, que le fait de s'abandonner à une sorte de flux linguistique qu'on retranscrit avec tous les euphuismes argotiques, les pitoyables jeux de mots dans le goût de Libération, et les académismes. »

Richard Millet, Harcèlement littéraire (Entretiens avec Delphine Descaves et Thierry Cecille)

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05/07/2012

L'homme horizontal est un homme abrégé, comme son langage

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=

 

Merci au fidèle lecteur de mon Blog, Paglop77, pour cet extrait...

 

« Les langues perdent leur universalisme singulier pour s'effacer dans la rumeur d'un monde horizontal, celui d'une Californie généralisée, dans laquelle les Maeva Johnson rencontrent les Kevin Durand, et les Océane N'Dongo les Julio Mayoshi, et les Jennifer Ben Mouloud, les Mustapha Meunier. Ce dernier nom, je l'emprunte d'ailleurs au 'Meilleur des mondes' de Huxley, qui date de 1932, première et visionnaire description du monde horizontal. L'homme horizontal est un homme abrégé, comme son langage. L'orthographe est simplifiée en Allemagne, et le sera bientôt en France. La Suède a renoncé au vouvoiement au profit du tutoiement. (...) L'effondrement de la langue a pour résultat son flottement syntaxique et sémantique: régime de l'à peu près, du 'cool', du libidinal, de tout ce qui cherche dans le tout-venant de la langue une authenticité qui est en réalité une forme "naturellement" dégradée de la vérité sur soi. (...) La langue française n'est plus que le lieu d'une singulière solitude; comme les autres langues occidentales, l'anglais y compris, mais plus que les autres, elle est le corps mort de la civilisation occidentale, laquelle fut française comme elle fut grecque, les Français ayant été les seuls, après les Grecs, à identifier avec justesse et opiniâtreté les Barbares avant de les accueillir, cédant aux vertiges du nihilisme américain. Elle flotte, cette langue, sur l'océan des vocables, parmi d'autres épaves, abandonnée au main stream du renoncement. »

Richard Millet, Arguments d'un désespoir contemporain

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04/07/2012

Mais les mers sont différentes comme les pays : il faut d’abord distinguer la Méditerranée de toutes les autres

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« Mais les mers sont différentes comme les pays : il faut d’abord distinguer la Méditerranée de toutes les autres. Dans l’Océan, c’est l’homme qui appartient à la mer ; dans la Méditerranée, c’est la mer qui est à l’homme. Il la tient, il la travaille, il y grave ou il y cisèle son adresse et sa force : il se mesure avec elle, puis retourne au port. La tempête l’empoigne parfois, mais la solitude ne l’étreint jamais ; des vagues où il est ballotté, souvent il aperçoit un des hauts signaux de la Terre; quand il perd de vue l’Etna, en s’élevant vers le Nord, il pourra voir bientôt, si le ciel est clair, les pointes des Alpes nettoyées et fourbies par la tramontane ; si la cime de la Sicile disparaît de son ciel, quand c’est vers l’Est qu’il s’éloigne, bientôt y apparaîtra le sommet de la Crête ; ailleurs domine l’Athos, la Montagne Sainte. Celui qui se perd sur les Océans s’engage dans des espaces indéterminés. D’une part il est menacé par des périls plus énormes, par des tempêtes démesurées, qui lui demandent un effort prolongé, épuisant et solitaire ; d’autre part il est plus bercé et plus assoupi ; il a passé de la mer qui excite aux mers qui endorment. Voici l’Atlantique de l’alizé, où les traversées se font toutes seules, avec ses vagues éclaboussées de poissons volants, ses petits nuages ronds comme des ballots de laine et, le soir, le pâle clignotement de la Croix du Sud, surmontée de deux astres éblouissants du Centaure; voici les grandes houles détendues de l’Océan Indien, un espace de gloire, bleu et doré, où des dauphins viennent au couchant danser devant le navire, certains sautant si haut qu’on aperçoit tout leur corps en l’air, brillant comme celui d’un acrobate dans son maillot de soie. Les longs rivages se déroulent tout autrement que dans la mer bruyante d’histoire où chaque arbre est connu, chaque rocher nommé, où une foule de fantômes, Dieux, Saints, Héros, se disputent la possession des moindres promontoires : à mesure qu’on avance vers les Pôles, les drapeaux des noms deviennent plus rares, la nature reprend partout un monde qui échappe à l’homme, les caps éloignés sont comme des sentinelles si espacées que l’appel de l’une arrive à peine jusqu’à l’autre et l’on aboutit ainsi aux deux extrémités de la terre habitée, le Cap Nord debout dans une tranquille pâleur ou le Cap Horn dressé dans une tempête éternelle. Telle est la mélancolie des mers australes qu’il n’était pas rare jadis, sur les voiliers doublaient le Cap de Bonne-Espérance pour s’en aller jusqu’en Nouvelle-Calédonie ou en Nouvelle-Zélande, qu’il y eût parmi les matelots une succession de suicides, parce que des âmes simples se désespéraient sans raison, parmi ces houles fastidieuses d’où se détache parfois un grand albatros. Il faut avoir navigué, seul passager, sur un de ces petits vapeurs qui relient des lieux délaissés, pour savoir ce que peut être en mer la détresse du soir, quand la fête manquée du couchant finit dans les nuages par des barbouillages lugubres, que le bateau fatigué gémit en gravissant et en descendant les pentes des vagues, tandis que les matelots vaquent à leur besogne, allument quelques lampes, préparent leur repas, et par une pauvre imitation de la vie domestique, sur leur navire peinant et roulant, essayent de se préserver de la tristesse insupportable qui vient jusqu’à eux d’une immensité inhumaine »

Abel Bonnard, Petits miroirs de la mer

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02/07/2012

Jean-Patrick Manchette et A.D.G.

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« Les anarchistes de droite me semblent la contribution française la plus authentique et la plus talentueuse à une certaine rébellion insolente de l’esprit européen face à la "modernité", autrement dit l’hypocrisie bourgeoise de gauche et de droite. Leur saint patron pourrait être Barbey d’Aurévilly (Les Diaboliques), à moins que ce ne soit Molière (Tartuffe). Caractéristique dominante : en politique, ils n’appartiennent jamais à la droite modérée et honnissent les politiciens défenseurs du portefeuille et de la morale. C’est pourquoi l’on rencontre dans leur cohorte indocile des écrivains que l’on pourrait dire de gauche, comme Marcel Aymé, ou qu’il serait impossible d’étiqueter, comme Jean Anouilh. Ils ont en commun un talent railleur et un goût du panache dont témoignent Antoine Blondin (Monsieur Jadis), Roger Nimier (Le Hussard bleu), Jean Dutourd (Les Taxis de la Marne) ou Jean Cau (Croquis de mémoire). A la façon de Georges Bernanos, ils se sont souvent querellés avec leurs maîtres à penser. On les retrouve encore, hautins, farceurs et féroces, derrière la caméra de Georges Lautner (Les Tontons flingueurs ou Le Professionnel), avec les dialogues de Michel Audiard, qui est à lui seul un archétype.

Deux parmi ces anarchistes de la plume ont dominé en leur temps le roman noir. Sous un régime d’épais conformisme, ils firent de leurs romans sombres ou rigolards les ultimes refuges de la liberté de penser. Ces deux-là ont été dans les années 1980 les pères du nouveau polar français. On les a dit enfants de Mai 68. L’un par la main gauche, l’autre par la main droite. Passant au crible le monde hautement immoral dans lequel il leur fallait vivre, ils ont tiré à vue sur les pantins et parfois même sur leur copains.

À quelques années de distances, tous les deux sont nés un 19 décembre. L’un s’appelait Jean-Patrick Manchette. Il avait commencé comme traducteur de polars américains. Pour l’état civil, l’autre était Alain Fournier, un nom un peu difficile à porter quand on veut faire carrière en littérature. Il choisit donc un pseudonyme qui avait le mérite de la nouveauté : ADG. Ces initiales ne voulaient strictement rien dire, mais elles étaient faciles à mémoriser.

En 1971, sans se connaître, Manchette et son cadet ADG ont publié leur premier roman dans la Série Noire. Ce fut comme une petite révolution. D’emblée, ils venaient de donner un terrible coup de vieux à tout un pan du polar à la française. Fini les truands corses et les durs de Pigalle. Fini le code de l’honneur à la Gabin. Avec eux, le roman noir se projetait dans les tortueux méandres de la nouvelle République. L’un traitait son affaire sur le mode ténébreux, et l’autre dans un registre ironique. Impossible après eux d’écrire comme avant. On dit qu’ils avaient pris des leçons chez Chandler ou Hammett. Mais ils n’avaient surtout pas oublié de lire Céline, Michel Audiard et peut-être aussi Paul Morand. Ecriture sèche, efficace comme une rafale bien expédiée. Plus riche en trouvailles et en calembours chez ADG, plus aride chez Manchette. Né en 1942, mort en 1996, Jean-Patrick Manchette publia en 1971 "L’affaire N’Gustro" directement inspirée de l’affaire Ben Barka (opposant marocain enlevé et liquidé en 1965 avec la complicité active du pouvoir et des basses polices). Sa connaissance des milieux gauchistes de sa folle jeunesse accoucha d’un tableau véridique et impitoyable. Féministes freudiennes et nymphos, intellos débiles et militants paumés. Une galerie complète des laissés pour compte de Mai 68, auxquels Manchette ajoutait quelques portraits hilarants de révolutionnaires tropicaux. Le personnage le moins antipathique était le tueur, ancien de l’OAS, qui se foutait complètement des fantasmes de ses complices occasionnels. C’était un cynique plutôt fréquentable, mais il n’était pas de taille face aux grands requins qui tiraient les ficelles. Il fut donc dévoré.

Ce premier roman, comme tous ceux qu’écrivit Manchette, était d’un pessimisme intégral. Il y démontait la mécanique du monde réel. Derrière le décor, régnaient les trois divinités de l’époque : le fric, le sexe et le pouvoir.

Au fil de ses propres polars, ADG montra qu’il était lui aussi un auteur au parfum, appréciant les allusions historiques musclées. Tour cela dans un style bien identifiable, charpenté de calembours, écrivant "ouisquie" comme Jacques Perret, l’auteur inoubliable et provisoirement oublié de Bande à part.

Si l’on ne devait lire d’ADG qu’un seul roman, ce serait "Pour venger Pépère" (Gallimard), un petit chef d’œuvre. Sous une forme ramassée, la palette adégienne y est la plus gouailleuse. Perfection en tout, scénario rond comme un œuf, ironie décapante, brin de poésie légère, irrespect pour les "valeurs" avariées d’une époque corrompue.

L’histoire est celle d’une magnifique vengeance qui a pour cadre la Touraine, patrie de l’auteur. On y voit Maître Pascal Delcroix, jeune avocat costaud et désargenté, se lancer dans une petite guerre téméraire contre les puissants barons de la politique locale. Hormis sa belle inconscience, il a pour soutien un copain nommé "Machin", journaliste droitier d’origine russe, passablement porté sur la bouteille, et "droit comme un tirebouchon". On s’initie au passage à la dégustation de quelques crus de Touraine, le petit blanc clair et odorant de Montlouis, ou le Turquant coulant comme velours.

Point de départ, l’assassinat fortuit du grand-père de l’avocat. Un grand-père comme on voudrait tous en avoir, ouvrier retraité et communiste à la mode de 1870, aimant le son du clairon et plus encore la pêche au gardon. Fier et pas dégonflé avec ça, ce qui lui vaut d’être tué par des malfrats dûment protégés. A partir de là on entre dans le vif du sujet, c’est à dire dans le ventre puant d’un système faisandé, face nocturne d’un pays jadis noble et galant, dont une certaine Sophie, blonde et gracieuse jeunes fille, semble comme le dernier jardin ensoleillé. Rien de lugubre pourtant, contrairement aux romans de Manchette. Au contraire, grâce à une insolence joyeuse et un mépris libérateur.

Au lendemain de sa mort (1er novembre 2004), ADG fit un retour inattendu avec "J’ai déjà donné", roman salué par toute la critique. Héritier de quelques siècles de gouaille gauloise, insolente et frondeuse, ADG avait planté entre-temps dans la panse d’une république peu recommandable les banderilles les plus jubilatoires de l’anarchisme de droite. »

Dominique Venner, Article dans Le Spectacle du Monde de décembre 2011

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