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04/01/2023

Servitudes

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=

 

 

« — Je veux bien combattre, mais pourquoi ces entraves ? Je veux bien gravir le sentier ardu, mais que ce fardeau me soit ôté !

L'AMI. — Tu ne serais pas un homme, si tu n'éprouvais ce désir. Mais resterais-tu semblable aux autres, si ce désir s'accomplissait ? Les servitudes, grandes ou petites, ont dans l'existence un caractère accidentel. Mais l'accident, par sa régularité, se rapproche de l'essentiel. Qui donc est exempt de servitudes ? Lorsque les grandes difficultés s'éloignent, les petites misères apparaissent. Nous passons le temps à changer de servitudes. Demande son secret à chacune d'elles ! Ne les retiens pas inutilement, mais profite de leur passage ! Si elles deviennent chroniques, apprivoise-les ; qu'elles se rendent utiles dans la maison ! Selon leurs aptitudes, fais-leur cultiver ton âme ou cirer tes souliers !

Il faut des servitudes, afin de s'initier à la vie, et surtout pour comprendre les embarras des autres. Tout joug est une révélation à celui qui le porte en conscience. Chaque misère, de quelque nom distingué ou vulgaire qu'elle se nomme, est une messagère capable de nous expliquer ceux de nos frères qui en sont atteints. Elle nous offre la clef d'un mystère. Profite de la clef ; ouvre la porte fermée ! Ce que tu apprendras sera le prix de ce que tu auras souffert. Ne te plains pas d'être astreint à des soins vulgaires, indignes d'un homme d'esprit ; ne te plains pas des irritants détails, des heures perdues à entendre bavarder des fâcheux ! A supposer qu'on te force tous les matins à balayer une rue, balaye de bon coeur et fraternise avec ceux qui balayent comme toi ! Ce sera là ta prière du matin, ton élévation en fraternité. — Arrive l'occasion ensuite de parler à tes semblables ou de prendre la plume, ta pensée aura ce goût authentique conféré par l'expérience directe, et que rien ne remplace. C'est au "balai" que tu le devras. »

Charles Wagner, L'ami - Dialogues intérieurs

 

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