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11/10/2020

Nico et Manu

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10/10/2020

La Démocratie...

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09/10/2020

Bertrand Vergely

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Bad News...

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08/10/2020

Toutes ces âmes d’esclaves

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« Le 6 janvier, un jeudi soir, la cloche du dîner le dérangea dans une lecture si intéressante qu’il la poursuivit à table d’hôte. Cela déjà parut peu convenable. En outre, chacun à l’envi commentait le grand événement : les funérailles de Gambetta… les magnificences du cortège, la perte irréparable que c’était pour la France… L’indifférence de Sturel, qui ne se détournait pas de son livre, choqua tout le monde, et madame de Coulonvaux crut devoir une réprimande maternelle à un si jeune homme :

— À votre âge, monsieur Sturel, on préfère aux questions sérieuses un roman bien amusant.

"Toutes ces âmes d’esclaves, se dit le jeune homme, se domestiquent à la mémoire de Gambetta !" Il répliqua :

— Eh ! madame, je lis un livre sublime.

Aussitôt il craignit un léger ridicule, parce que sentir avec vivacité semblait bouffon au lycée de Nancy, et, sans prendre haleine, il redoubla :

— C’est un livre dont pas une femme ne peut médire.

Il avait un tel feu dans le regard que toutes les sympathies des femmes lui furent acquises. Il baissa la voix pour expliquer à la jeune fille assise auprès de lui ce qu’était la Nouvelle Héloïse, et comme il vit que tous l’écoutaient, une délicieuse rougeur couvrit son front.

... Le menton de madame de Coulonvaux a, dès le premier jour, occupé François Sturel qui le juge puissant et voluptueux. À l’espace informe qu’il voit, chez cette dame, des cheveux aux sourcils et d’une tempe à l’autre, il comprend qu’elle pensera toujours nullement et sans ordre, mais un tel menton décèle qu’elle aimerait à jouir triomphalement de la vie… En vérité les circonstances se prêtent mal au grand pittoresque : madame de Coulonvaux, modelée, au jugement de ce bachelier, pour être Vitellius, tient une pension de famille et joue les majors de table d’hôte ! Ses instincts pervers se bornent à ceci qu’elle aime, tout de même, à voir se contracter la mince figure aux yeux fatigués de François Sturel.

Pour obtenir ce résultat qui divertit toute la table, elle n’a qu’à lui parler comme elle pense. Cette personne d’âme et de corps, est un peu massive, de celles qui nécessitent au moral l’épithète d’ "honorables" et au physique de "pectorales" ; — pectoral, cela se dit en zoologie des animaux qui ont la poitrine remarquable d’une manière quelconque, par exemple par la structure osseuse, par la coloration ; c’est par l’ampleur que vaut cette dame. Elle est honorable, parce qu’elle-même honore, sans vérification, les braves agents de police, les intègres magistrats, les éminents et les distingués académiciens, notre "incomparable" Comédie-Française, les Écoles du gouvernement, les membres de l’Université, la Légion d’honneur, toutes "les élites", et tient pour des réalités le décor social et les épithètes fixées par le protocole des honnêtes gens. Cette vision de l’univers en vaut une autre et facilite le rôle de l’administration ; elle irrite un jeune homme qui n’a pas encore perdu l’habitude des petits enfants d’exiger qu’en toutes choses on soit sincère, logique et véridique. Madame de Coulonvaux est en réalité une pauvre innocente, accablée de charges et qui ne tient pas à ce qu’elle dit, tandis que, dans cet âge où l’on croit aux idées simples, Sturel à toutes minutes prend les armes pour défendre ses opinions et se hérisse contre des mots.

— Vous reconnaissez bien, dit-elle, que Gambetta est un grand homme. On n’occupe pas d’aussi hautes situations sans une valeur exceptionnelle.

Sturel, qui penchait à accorder le premier point, soit la qualité de grand homme à Gambetta, fut indigné par l’ampleur de la seconde proposition, à savoir que tout individu appelé à des charges importantes en serait digne. Par mépris, il dédaigna de répondre.

L’administration organisée pour ce pays par Gambetta et que M. Ferry va fortifier, sans y rien modifier, dure et durera. Cette tablée de médiocres ne se trompe pas en constatant l’importance de celui qui vient de mourir : en lui la force a résidé. Seulement ils affirment au petit bonheur, et sans renseignements particuliers. Ils sont disposés à attribuer la même valeur à toute puissance de fait… Eh ! n’est-ce pas de leur part fort raisonnable ? Ils ignorent tout, hors leurs besoins individuels ; pourvu qu’ils soient à l’abri de la misère et de la souffrance, ils se désintéressent de la collectivité et du gouvernement, où d’ailleurs ils n’entendent rien ; ils sont nés pour subir. Dès lors, quand ils inclinent leurs cœurs ignorants et soumis devant un dictateur, honoré d’un enterrement national, ils sont dans la vérité et dans la logique de leur ordre. — En outre, de leur point de vue, ils distinguent en ce jeune garçon l’agaçante fatuité des adolescents inexpérimentés.

Mais pour celui qui d’un lieu supérieur serait à même de les départager, Sturel lui aussi a raison. Il n’est pas d’une espèce à accepter le fait acquis. Un tel esprit a le droit de contrôler chacun des personnages que les nécessités momentanées de la patrie ou des partis installent dans le rôle de grands hommes par le jeu naturel des forces… Son tort, c’est que par manque d’autorité, par une timidité qui a les apparences du dédain, peut-être aussi par incapacité de se formuler, il ne prononce pas les paroles qui eussent mis son âme à la portée de son auditoire.

Au reste, l’univers peut bien enterrer Gambetta ; pour ce jeune homme, ce 6 janvier, Jean-Jacques Rousseau vient de naître. »

Maurice Barrès, Les déracinés

 

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Pas crier...

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07/10/2020

Jusqu’à ce qu’il en sorte, dégradé ou ennobli, cadavre

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« Pauvre Lorraine ! Patrie féconde dont nous venons d’entrevoir la force et la variété ! Mérite-t-elle qu’ils la quittent ainsi en bloc ? Comme elle sera vidée par leur départ ! Comme elle aurait droit que cette jeunesse s’épanouît en actes sur sa terre ! Quel effort démesuré on lui demande, s’il faut que, dans ses villages et petites villes, elle produise à nouveau des êtres intéressants, après que ces enfants qu’elle avait réussis s’en vont fortifier, comme tous, toujours, l’heureux Paris !

(...)

Quand le train de province, en gare de Paris, dépose le novice, c’est un corps qui tombe dans la foule, où il ne cessera pas de gesticuler et de se transformer jusqu’à ce qu’il en sorte, dégradé ou ennobli, cadavre.

Autour des gares, examinez ces enfants qui viennent avec leurs valises. On voudrait savoir dans quels sentiments, avec quelles vues prophétiques sur eux-mêmes, tous les imperatores, les jeunes capitaines, adolescents marqués pour la domination, vainqueurs qui laisseront une empreinte où des âmes se mouleront, firent leurs premiers vingt pas sur les pavés assourdissants de la cité de Dieu... Dieu, — la plus haute idée commune, ce qui relie, exalte les hommes d’une même génération, — ne se fait plus entendre dans les départements, parce que leurs habitants n’osent plus écouter que l’administration. »

Maurice Barrès, Les déracinés

 

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Akuna Matata...

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Amis Vegans... Bonjour ! 

 


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06/10/2020

Le résultat était tombé, et il était négatif...

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Noir c'est Noir...

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05/10/2020

Choses indifférentes aux yeux du grand autocrate

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« Connaissant donc la diversité d’opinions qui existe chez la plupart des musulmans au sujet de la classification des péchés, je tenais beaucoup à apprendre de quel côté penchent les wahhabites. La question était, on le comprend, d’un intérêt capital ; car la moralité d’un peuple se mesure nécessairement à ses croyances sur cette matière. Feignant donc une vive anxiété, je confiai au docte Abdul-Karim combien ma conscience était troublée par la crainte de me rendre coupable d’une faute grave, lorsque j’aurais cru commettre seulement une légère offense. J’ajoutai que, me trouvant dans une ville pieuse et orthodoxe, dans la société d’un savant ami, j’espérais mettre enfin mon esprit en repos, et m’éclairer, une fois pour toutes, sur une affaire d’une si haute importance. Le maître ne doutait pas de ma sincérité et ne voulait pas refuser de tendre une main secourable à un homme qui se noie. Prenant donc un air de solennité profonde, il me dit, du ton grave et inspiré d’un oracle, que "le premier des grands péchés consistait à rendre les honneurs divins à une créature." Ces paroles avaient particulièrement pour but de condamner la doctrine des musulmans ordinaires, qui, d’après les wahhabites, se rendent coupables d’idolâtrie et méritent les peines éternelles en implorant l’intercession de Mahomet ou d’Ali. Un cheikh de Damas n’aurait pas donné une définition aussi précise ; il se serait contenté de répondre qu’aux yeux d’Allah, le plus grand des crimes est l’infidélité.

"Assurément, répliquai-je ; l’énormité d’un tel crime ne fait aucun doute ; mais quel est le second des grands péchés ?
- Boire la honte (c’est-à-dire fumer).
- Et le meurtre, et l’adultère, et le faux témoignage ?
- Dieu est miséricordieux !" repartit l’interprète de la doctrine wahhabite, donnant ainsi à entendre que c’étaient de simples bagatelles.

"Ainsi, il n’y a que deux péchés graves : le polythéisme et la passion de fumer ?" continuai-je, quoique j’eusse beaucoup de peine à me contenir plus longtemps. Abdul-Karim me répondit avec un grand sérieux que j’étais dans le vrai.

Avant de quitter ce sujet, j’ajouterai quelques mots d’explication. La doctrine nedjéenne wahhabite, qui s’est inspirée de l’esprit même du coran, suffit pour faire comprendre l’importance attribuée au premier des deux grands péchés, l’association ou abaissement du Créateur au niveau de la créature (chirk). Je suis entré dans de longs développements, pour dégager du livre saint de l’islam, la véritable idée de Dieu ; pour mettre à nu cette théologie monstrueuse, qui présente le Créateur comme le plus despotique des tyrans, et ses créatures comme les plus viles des esclaves. Conclusion révoltante et pourtant nécessaire, dès que l’on admet l’absorption panthéiste de tout acte, de toute responsabilité, en Dieu seul. Avec un tel système, les actes bons ou mauvais de l’homme, le meurtre, le vol et le parjure, ou l’exercice des plus hautes vertus, ce sont choses indifférentes aux yeux du grand autocrate, pourvu que le droit inviolable de sa monarchie suprême demeure intact et soit régulièrement proclamé. Le despote est satisfait quand l’esclave avoue sa dépendance, et il n’exige rien de plus.

Dieu et la créature passent entre eux une sorte de compromis : "Je vous reconnaîtrai, dit l’homme, pour mon Créateur, mon seul seigneur et mon seul maître, et j’aurai pour vous un respect, une soumission sans bornes. Afin de m’acquitter de cette obligation, je vous adresserai chaque jour cinq prières, qui comprendront vingt-quatre prosternations, la lecture de dix-sept chapitres du coran, sans oublier les ablutions préliminaires, partielles ou totales, le tout entremêlé de fréquents La Ilah illah Allah et autres formalités. De votre côté, vous me laisserez faire ce qu’il me plaira pendant le reste des vingt-quatre heures, et vous n’examinerez pas trop ma conduite personnelle ou privée ; en récompense des adorations de ma vie entière, vous me recevrez dans le paradis, où vous me procurerez la chair des oiseaux si agréable au goût, de frais ombrages et des ruisseaux de nectar. Quand bien même l’accomplissement de mes devoirs religieux laisserait à désirer, ma foi en vous et en vous seul, avec un dévot La Ilah illah Allah, sur mon lit de mort, suffira pour me sauver."
Voilà, sans périphrases, l’abrégé, la substance de l’islamisme orthodoxe wahhabite.

Les promesses consignées dans le coran ne laissent pas au musulman fidèle le moindre doute sur la ratification du pacte par la Divinité : Dieu ne pardonne pas l’assimilation de qui que ce soit à lui-même, mais il absout de toute autre infraction qui il lui plaît, c’est-à-dire ceux qu’il dirige sur le droit sentier de la vraie foi. La croyance que je viens d’exposer est commune à tous les musulmans ; mais les Turcs et les Égyptiens seraient sans doute bien surpris d’apprendre en quoi consiste le second péché mortel, frère et rival du premier.
Pourquoi l’anathème qui frappe le fumeur ? Il est difficile de comprendre cette anomalie dans un système où tout ce que fait l’homme, c’est Dieu qui le fait, et où par conséquent l’acte de fumer est le résultat d’un arrêt divin et d’une impulsion irrésistible, comme le meurtre par exemple. On pourrait essayer de répondre par la phrase commode : "Allah le veut ainsi." Qui oserait, en effet, contester à l’Autocrate le droit de placer l’offense où il lui plaît et de la punir comme il lui plaît ? Le motif réel de cette proscription, c’est la passion qu’ont les sectaires pour les signes de ralliement bien tranchés. Le fondateur du wahhabite n’avait pas moins en vue l’établissement d’un grand empire que le prosélytisme religieux, et il avait besoin d’une marque évidente qui servît à reconnaître les partisans de sa doctrine. Croire à l’unité de Dieu, s’acquitter régulièrement des prières prescrites, tenir les yeux baissés, porter des vêtements simples, tout cela ne suffisait pas à tracer une ligne de démarcation, si bien que, les populations asservies eussent été en droit de dire : "Nous sommes bons musulmans comme vous ; il n’y a entre nous aucune différence essentielle ; de quel droit venez-vous donc attaquer et tuer vos frères ?" Il était besoin d’imaginer quelque chose de plus : le tabac fournit un excellent prétexte.

Pendant un mois et demi de séjour dans la pieuse capitale, j’ai assidûment assisté aux sermons sans avoir entendu dire un seul mot de la moralité, de la justice, de la commisération, de la droiture, de la pureté de cœur ou de langage ; en un mot, de tout ce qui rend l’homme meilleur. Mais en revanche mes oreilles étaient rebattues par d’intarissables commentaires sur les oraisons et les croisades contre les incrédules ; sur les houris, les rivières et les bosquets du paradis ; sur l’enfer et les démons, ou sur les obligations multiples des époux polygames. Je ne dois pas passer sous silence un sujet qui revient très fréquemment dans les prédications : la corruption profonde du fumeur de tabac punie par des miracles effrayants, comme chez nous des esprits moins chrétiens que judaïques en font intervenir parfois dans les livres de piété. La moralité cependant gagne peu de chose à ces légendes édifiantes. À la vérité, dans ce pays du pharisaïsme, les lumières sont éteintes une heure après le coucher du soleil, et personne ne peut se montrer dans les rues ; pendant le jour, les enfants eux-mêmes n’osent jouer sur les places publiques, les hommes se gardent de rire et de parler à haute voix. Aucune apparence de gaieté mondaine n’offense les yeux des graves puritains, et le bruit profane des instruments de musique ne trouble jamais le murmure sacré de la prière. Mais le vice, sous toutes ses formes, même les plus honteuses, s’étale ici avec une audace inconnue aux villes les plus licencieuses de l’Orient, et l’honnêteté relative que l’on remarque dans les autres cités arabes forme, avec la corruption de Riyad, un contraste étrange et frappant.
"Un gouvernement qui, non content de réprimer les excès scandaleux, dit un célèbre historien moderne, veut astreindre ses sujets à une austère piété, reconnaîtra bientôt qu’en essayant de rendre à la cause de la vertu un service impossible, il a seulement encouragé le désordre."
Toutes les réflexions que la dépravation du Long Parlement [Charles Ier d'Angleterre], l’austérité des puritains et l’odieuse immoralité des derniers Stuarts ont suggérées à Macaulay, dans ses "Critical and historical Essays", peuvent s’appliquer presque littéralement au Nejd, "le royaume des saints" ; elles peignent d’une manière saisissante sa condition actuelle, en même temps qu’elles prédisent l’avenir qui lui est inévitablement réservé.

Partout j’ai vu la même influence déplorable du mahométisme. Dans le Jawf, la moralité est nulle ; et il n’y a pas d’endroit où une corruption plus profonde infecte toutes les classes de la société qu’à La Mecque et à Médine. En outre, le wahhabisme, étant l’essence même du mahométisme, a pour conséquence naturelle la ruine. Systématiquement hostile au commerce, défavorable aux arts et à l’agriculture, il tue tout ce qu’il touche. Tandis que, d’un côté, il s’engraisse de la substance des pays conquis ; de l’autre, son aveugle fanatisme le pousse à faire une guerre insensée, à tout ce qu’il lui plaît de flétrir sous le nom de luxe et de mollesse : il proscrit le tabac, la soie, la parure, et poursuit enfin de mille vexations le trafiquant peu orthodoxe qui préfère un vaisseau à une mosquée, des balles de marchandises au coran. Dans son zèle pieux, il voudrait ruiner une profession indigne des disciples du Prophète et, pour arriver à un but si désirable, il suit dans le Hassa le système que nous avons déjà vu pratiquer dans le Nejd. Toutes les fois qu’une guerre est résolue ou une levée de troupes ordonnée, les premiers appelés à porter les armes sont les commerçants, les industriels et les ouvriers. Quand nous arrivâmes à Al Hufuf, la moitié des habitants les plus considérables avaient dû quitter leurs affaires, sacrifier leur fortune, pour une guerre dont le seul effet sera de les river plus fortement au joug wahhabisme. La conséquence naturelle de cette tyrannie, c’est, comme je l’ai déjà dit, la révolte de la conscience et des esprits intelligents contre un gouvernement qui a de tels effets.

La religion officiellement imposée éveille partout la négation et l’incrédulité. Elle ne se maintient que par la force contre les conspirations des Ibadites, des infidèles et des libres penseurs dans les villes. Au désert, les nomades chérarats, le visage tourné vers l’orient, adorent le soleil levant ; les Méteyrs, qui ont jadis fait trembler le Nejdd oriental, déposent le masque que leur impose le wahhabisme et s’écrient : "À bas l’islamisme ! à bas les prières !" Ces Almorras, seuls maîtres du Dâna, pratiquent le sabéisme comme les Chérarats ; enfin les Banu Yass, au bord du Golfe Persique, portent au mahométisme une haine féroce, dont voici un exemple : Six Nejdéens, que leurs affaires avaient amenés sur les côtes du Qatar, voulurent se rendre de là dans la presqu’île qui se termine en face d’Ormouz. Un cheloup appartenant à des Arabes de la tribu des Banu Yass offrit de les y conduire. Les Nejdéens n’avaient emporté avec eux aucun objet de prix et, par surcroît de précautions, ils s’étaient pourvus d’armes. Mais les marins les avaient pris à bord uniquement pour satisfaire leur antipathie contre les musulmans ; ils attendirent patiemment l’heure de réaliser leur sinistre projet, et, vers midi, pendant que les passagers sans défiance se livraient au sommeil, ils tombèrent sur les victimes. Cinq wahhabites étaient des hommes dans toute la vigueur de l’âge. Les Banu Yass leur lièrent les pieds et les mains, puis il les précipitèrent dans les flots, où tous devaient trouver une mort certaine. Quant au sixième, qui sortait à peine de l’enfance, il fut jeté à la mer sans être attaché, les marins, par compassion pour sa jeunesse, voulant peut-être lui laisser une dernière chance de salut. Leur crime accompli, ils réunirent ce qui avait appartenu aux Nejdéens, armes, marchandises, vêtements, et lancèrent le tout pardessus le bord, afin que nulle preuve ne vînt témoigner contre eux ; cependant leur attentat fut connu par le rapport de l’enfant, qui fut presque miraculeusement arraché à la mort et que j’ai retrouvé au village de Dobey, lorsqu’il était âgé de vingt-trois années environ.

L’énervement produit par le mahométisme wahhabite, qui paralyse tout ce qu’il ne tue pas, a mis un terme aux progrès des Arabes ; ils se sont laissés dépasser ensuite par des peuples placés dans des circonstances moins défavorables. La civilisation et la prospérité ne renaîtront parmi eux que lorsque, poussés à bout par leurs souffrances et morales et physiques, ils auront rejeté complètement et loin d’eux le joug de Mohammed, fils d’Abdelwahhab, et par suite celui de Mohammed, fils d’Abdallah.

Cela n’est pas si impossible qu’on veut bien se l’imaginer en Europe. »

William Gifford Palgrave, Une année dans l'Arabie centrale (1862-1863)

 

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Aux bois, aux prairies, aux saisons

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« Le système des idées auxquelles, par les traditions et les mœurs de son monde, Saint-Phlin demeure disposé, est, lui aussi, émietté et délaissé de tous. Il n’a même plus de nom dans aucune langue. C’est un ensemble désorganisé que ne savent plus décrire ceux qui lui gardent de la complaisance. Plutôt qu’un système vivant, c’est une poussière attestant la politique féodale qui attachait l’homme au sol et le tournait à chercher sa loi et ses destinées dans les conditions de son lieu de naissance.

Henri de Saint-Phlin n’a pas une conscience nette de ces principes terriens qui le placeraient en contradiction avec la doctrine de Bouteiller. Il n’oserait renier le maître qui, pendant une année l’enthousiasma. Mais aujourd’hui ses sens impressionnables le livrent tout aux bois, aux prairies, aux saisons ; et les bois, les prairies, les saisons, créent les conditions suffisantes pour que quelque chose des doctrines féodales redevienne sa vérité propre. »

Maurice Barrès, Les déracinés

 

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Paris, Boulevard Saint-Michel, 2078 ?????

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04/10/2020

Expiation

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« Si certains français considèrent que, par ses entreprises coloniales, la France (et elle seule au milieu des nations saintes et pures) est en état de péché historique, ils doivent s'offrir eux-mêmes à l'expiation. En ce qui me concerne, il me paraît dégoûtant de battre sa coulpe, comme nos juges-pénitents, sur la poitrine d'autrui, vain de condamner plusieurs siècles d'expansion européenne, absurde de comprendre dans la même malédiction Christophe Colomb et Lyautey. Le temps des colonialismes est fini, il faut le savoir seulement et en tirer les conséquences. Il est bon qu'une nation soit assez forte de tradition et d'honneur pour trouver le courage de dénoncer ses propres erreurs. Mais elle ne doit pas oublier les raisons qu'elle peut avoir encore de s'estimer elle-même. Il est dangereux, en tout cas, de lui demander de s'avouer seule coupable et de la vouer à une pénitence perpétuelle. »

Albert Camus, Chroniques algériennes, 1939-1958

 

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Le père de la nation nous explique

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Elle va s'émietter...

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« Suret-Lefort habite Bar-le-Duc. Cette jolie capitale lui parle peu. Et pourtant, qu’elles sont particulières, ces maisons de la ville haute, surtout vers l’heure où le soir tombant ramène chacun lassé sous son toit ! Les hommes, les femmes vont préparer la vie de l’avenir, puis dormir, perdre la mémoire, mais les maisons demeurées seules, à travers la rue solitaire, reprennent leur dialogue significatif. Nul ne l’entend plus. Voilà ce qui explique le délaissement, dans l’église Saint-Étienne, d’un des plus beaux morceaux de la sculpture française. Elle va s’émietter, l’œuvre tragique de Ligier Richier, emprisonnée pauvrement sous un grillage qui la défigure sans la protéger...

René de Châlon, prince d’Orange, ayant été tué à la guerre en 1544, Louise de Lorraine, sa femme, pour attester la force de son amour, le fit représenter en squelette par notre grand Lorrain Ligier Richier. C’est, en marbre blanc, un corps debout, à moitié décomposé, mais qui, de sa main, soutient, élève encore son cœur, son cœur de pourriture, prisonnier d’un cœur de vermeil. Qu’il est jeune, élégant, ce cadavre défait, avec ses reins cambrés, et tout le souvenir de son aimable énergie ! En dépit de ses jambes dont les chairs dégouttent et de sa poitrine à jour, dans cette tête pareille au crâne qu’Hamlet reçoit du fossoyeur, sa femme amoureuse aime encore le souvenir des regards et des baisers. Titania qui caresse sur ses genoux l’imaginaire beauté de Bottom me touche moins que cette Louise qui, sous la terre et tel que le ver dans le tombeau le fît, voit son ami désespéré lui tendre son cœur pour qu’elle le sauve des lois de la mort... »

Maurice Barrès, Les déracinés

 

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Ah ! Le nouveau Siège du Parti Socialiste est enfin prêt...

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Bébert, ce héros

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03/10/2020

Tous ces grands faiseurs de protestations

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« Non, je ne puis souffrir cette lâche méthode
Qu’affectent la plupart de vos gens à la mode ;
Et je ne hais rien tant que les contorsions
De tous ces grands faiseurs de protestations,
Ces affables donneurs d’embrassades frivoles,
Ces obligeants diseurs d’inutiles paroles,
Qui de civilités avec tous font combat,
Et traitent du même air l’honnête homme et le fat.
Quel avantage a-t-on qu’un homme vous caresse,
Vous jure amitié, foi, zèle, estime, tendresse,
Et vous fasse de vous un éloge éclatant,
Lorsque au premier faquin il court en faire autant ?
Non, non, il n’est point d’âme un peu bien située
Qui veuille d’une estime ainsi prostituée ;
Et la plus glorieuse a des régals peu chers
Dès qu’on voit qu’on nous mêle avec tout l’univers :
Sur quelque préférence une estime se fonde,
Et c’est n’estimer rien qu’estimer tout le monde.
Puisque vous y donnez dans ces vices du temps,
Morbleu ! vous n’êtes pas pour être de mes gens ;
Je refuse d’un cœur la vaste complaisance
Qui ne fait de mérite aucune différence ;
Je veux qu’on me distingue ; et, pour le trancher net,
L’ami du genre humain n’est point du tout mon fait. »

Molière, Le Misanthrope

 

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Le Kosovo est serbe, l'Artsakh est arménien

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Grand Diseux

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Emmanuel Macron a présenté les grandes lignes de sa stratégie visant à défendre la République et ses valeurs et à lui faire respecter ses promesses d'égalité et d'émancipation. La réaction de Michel Onfray.

On allait voir ce qu’on allait voir : le président Macron allait prendre la parole, on sait qu’il y excelle, mais guère au-delà, sur la question du séparatisme. 

   Les orwelliens qui l’entourent ont dû cogiter sur l’effet sémantique : séparatisme permet d’éviter communautarisme. C’est une entourloupe à destination de la « gauche » qui, avant même de l’avoir entendue, n’allait pas manquer de stigmatiser une prise de parole islamophobe. Les éléments de langage au parfum islamo-gauchiste attendaient le média comme la tique guette les poils du chien. 

   Ce qui n’a pas manqué.  Sur un plateau, dans le quart d’heure qui a suivi la fin de l’intervention présidentielle, un certain Michel Soudais de Politis estimait que le séparatisme était surtout le fait des riches qui ne se comportaient pas de façon républicaine avec leurs évasions fiscales dans des paradis que l’on sait. A la France Insoumise on embouchait le même clairon. Manon Aubry, députée européenne de LFI, a chanté la ritournelle des communicants : « Macron n’a pas parlé de séparatisme et de cohésion républicaine : il n’a parlé que d’Islam, de manière obsessionnelle. Stigmatiser (sic) les musulmans, voici son unique solution pour tenter de masquer sa gestion calamiteuse de la crise sanitaire et sociale ». Etc. 

    Chacun constatera que les patrons véreux, qu’on quoi puisse penser d’eux, n’ont commis aucun attentat sanglant, qu’ils n’égorgent pas des citoyens innocents dans la rue, qu’ils ne commettent pas de massacres de masse à la kalachnikov, qu’ils ne scandent pas dans la rue des propos antisémites, qu’ils n’égorgent aucun prêtre octogénaire pendant qu’il célèbre la messe. Il faut raison garder. 

   De même avec la scie musicale anticléricale qui estime que le danger séparatiste viendrait de catholiques assimilés à des sectaires qui mettraient en danger l’existence même de la République. De quand date le dernier mort occasionné par un chrétien au nom de sa religion en France où les églises et les cimetières sont vandalisés ? Soyons sérieux. 

   Les mêmes orwelliens ont activé le logiciel macronien du « en même temps ». Pour aborder la question du séparatisme islamiste, avec cette expression je veux bien consentir au grand remplacement sémantique destiné à effacer le mot communautarisme bien que la chose reste, pour aborder cette question, donc, EM a flatté la droite, puis la gauche ; ce faisant, avec sa flatterie dextre il a fâché sénestre, avec ses œillades sénestres, il a fâché la dextre ! A vouloir plaire à tous, on déplaît à tout le monde. 

   Un coup à droite : il nomme « l’islamisme séparatiste » ; il en appelle à la reconquête des territoires perdus de la républiques ; il avance les acquis d’une politique sécuritaire ; il établit le bilan de ce qui aurait été fait :  fermeture de mosquées salafistes, de salles de sport radicalisées, d’ écoles coraniques clandestines, renvois des imams et des psalmodistes  intégristes, interdiction d’une scolarité hors de l’éducation nationale, sauf en cas motivé par la santé des enfants, scolarisation dès l’âge de trois ans. A droite, on applaudit.   

   Un coup à gauche : il en appelle à la chimère sympathique d’un islam des Lumières ; il propose que soit enseigné l’Arabe de façon plus importante ; il veut que l’islam devienne une discipline universitaire ; il souhaite apurer les comptes idéologiques de la Guerre d’Algérie en faisant porter le projet par… Benjamin Stora ! A gauche on frappe dans ses mains.

   Mais à droite on n’aime pas ce qu’il dit pour flatter la gauche qui, elle, n’aime pas ce qui a été proclamé pour séduire la droite. L’ensemble sera comme d’habitude un jeu à somme nulle : car ce que donne sa main droite, la main gauche le reprend et vice versa… Abracadabra, il a parlé, il a remis les compteurs à zéro, match nul, la gauche et la droite se retrouvent dos à dos !

   Macron c’est, en même temps, Mitterrand & Chirac, Sarkozy & Hollande, autrement dit une même vision du monde, maastrichienne, avec juste des effets de style. Style raide et pharaonique avec Mitterrand, style élastique et faussement corrézien avec Chirac, style énervé et décapsulé avec Sarkozy, style mou et ahuri avec Hollande : Macron est en même temps raide et élastique, pharaonique et faussement corrézien, énervé et mou, décapsulé et ahuri : difficile dans ces cas-là de gouverner ce qui reste de France ! 

   Ses propos de droite sont cautère sur une jambe de bois, traitement homéopathique d’un cancer métastasé, reconstruction de la charpente de Notre-Dame avec des allumettes ; quant à ses clins d’œil appuyés à la gauche, ils proposent ni plus ni moins d’éteindre l’incendie avec le lance-flammes qui a contribué à l’allumer. 

   Car, fermer ici ou là deux ou trois endroits salafistes ne fait rien contre la progression du salafisme en France : ces lieux clandestins renaissent ailleurs dans la journée qui suit ! Ceux qui animent idéologiquement ces endroits sont tout juste contraints à déplacer leur toile de tente dans le même camping. Il leur suffit ensuite de recommencer ailleurs. Le président de la République annonce comme un remède de cheval le fait que la France va continuer à jouer à ce jeu de cache-cache ! Comment peut-on sottement penser qu’obliger une salle de sport où s’effectue un travail de radicalisation à cesser ses activités d’endoctrinement suffirait à obtenir des salafistes qu’ils cessent de faire leur travail, autrement dit : de contribuer au djihad, de le préparer, de l’activer sur notre territoire ?   

   Les communicants d’Emmanuel Macron et lui-même pensent avec le vieux schéma marxiste-léniniste qui, en URSS, supposait qu’en abattant les églises, en interdisant les cultes, en transformant une basilique en piscine, en brûlant des icônes et des iconostases, en déportant les popes dans des goulags, on en finirait avec la foi orthodoxe des fidèles, la croyance des hommes. C’est bien plutôt le contraire qui a eu lieu : à la chute de l’Empire soviétique, au moment du dégel idéologique, on a découvert que la foi était restée intacte, peut-être même plus forte qu’avant qu’elle ne fut persécutée. 

   Fermer des lieux salafistes, mosquées ou salle de sport, c’est les déplacer, pas les abolir. Ça n’est en aucun cas travailler à la liquidation du salafisme. C’est aussi radicaliser plus encore les radicaux par cette persécution sans effet.

   Ajoutons à cela que l’islamo-gauchisme adore ce genre de décision (inutile) pour crier à l’islamophobie, à la stigmatisation, à la persécution, et, tel Edwy Plenel, ou Esther Benbassa, ou Jean-Luc Mélenchon, estimer que les (sic) musulmans d’aujourd’hui ce sont les juifs dans les années qui précèdent la Solution Finale.   

   Pour séduire l’électorat de gauche, EM réactive le projet d’un « Islam des Lumières ». L’expression est un oxymore, autrement dit, une contradiction dans les termes : car l’étymologie d’islam témoigne, islam veut dire soumission. Et les Lumières travaillent très exactement à l’inverse. Il est de tradition de renvoyer à Qu’est-ce que les Lumières ? d’Emmanuel Kant pour résoudre cette question. Le philosophe allemand répond avec une formule latine d’Horace : « sapere aude », autrement dit : « Ose savoir », mais plus couramment traduite depuis par : « Aie le courage de te servir de ton propre entendement », « Ose penser par toi-même ».   Comment peut-on, en même temps, se soumettre à une religion et penser par soi-même sur ladite religion ? C’est soi l’un : « soumets-toi », soit l’autre : « pense par toi-même ». Mais pas les deux. Seul Macron, peut-être, pourrait nous expliquer ce que voudrait dire : « se soumettre c’est penser par soi-même » ! Le macronisme, dont le en même temps est le noyau dur, ne saurait constituer une philosophie politique : c’est même le contraire d’une philosophie et c’est en même temps le contraire d’une politique.  

   Le regretté Malek Chebel s’était essayé à fabriquer cette chimère, carpe et lapin, d’un islam des Lumières. Mais il lui fallait pour cela passer par-dessus bord tout ce qui fait la philosophie occidentale :  le principe de non-contradiction par exemple qui fait qu’une chose ne peut être vraie en même temps que son contraire – s’il pleut, il ne peut pas ne pas pleuvoir en même temps. 

  Par exemple : pour l’islam, le Coran est dicté par Dieu, au contraire de la Bible dont même les théologiens chrétiens conviennent qu’elle a été écrite par des hommes inspirés par Dieu. Dès lors, pour un musulman, les hommes ne sauraient corriger le texte de Dieu sans l’offenser puissamment. Sans blasphémer même.  On trouve dans ce livre saint et sacré pour les musulmans des versets misogynes, phallocrates, machistes, antisémites, bellicistes, homophobes. Qui, au nom de quoi, avec quelle légitimité, pourrait affirmer qu’il faut tenir pour nuls et non avenus ces versets-là, qui gênent le politiquement correct occidental, sans ouvrir la porte à une religion à la carte où l’on prend de Dieu ce qui nous va et où l’on rejette de Lui ce qui nous déplait ?  On ne peut se soumettre à ce que dit le Coran et, en même temps, apprécier librement ce que dit ce même Coran. Car, tout bêtement, se soumettre ça n’est pas apprécier librement ; apprécier librement, ça n’est pas se soumettre. La soumission relève du domaine de la religion pendant que la libre appréciation, ce que nos amis belges appellent le « libre examen », définit la philosophie. Et c’est soit l’une, la religion et la théologie, soit l’autre, la pensée et la philosophie. Ici la Foi, là, la Raison. J’ai pour ma part choisi mon camp depuis bien longtemps. 

 

   Autre trouvaille : enseigner l’Arabe à l’école ! Mais quel rapport avec l’Islam ? Parce que c’est la langue du Coran ? Mais que faire des millions d’Asiatiques musulmans qui, en Indonésie, au Pakistan, en Inde, ne parlent pas l’Arabe, des millions de Turcs musulmans qui ne parlent par l’Arabe, des millions d’Iraniens musulmans qui ne parlent pas l’Arabe ?  Et les Afghans ? Les Bengalis ? 

   Le problème, et EM en est victime lui aussi, la preuve, c’est que l’islam est moins pensé par lui dans sa globalité, sa généralité, son identité, que dans l’écho franco-algérien qui perdure de la guerre d’Algérie. Il faut en finir avec la posture victimaire pour faire enfin de l’Histoire qui ne soit pas idéologique. Voilà pourquoi faire référence à Benjamin Stora, nommément  cité,  pour traiter le problème c’est reprendre en main le lance-flammes pour éteindre l’incendie ! Cette personne qui dispose du monopole de la Guerre d’Algérie en France, ou presque, défend une histoire idéologique avec laquelle il faut rompre.  

   Lors d’un séjour en Algérie, il m’a été donné de voir la propagande diffusée au journal du soir par le FLN qui est au pouvoir ! C’était un journal de type soviétique où la France servait de bouc-émissaire aux malheurs du pays, comme si un demi-siècle d’indépendance n’obligeait pas le pays à s’interroger sur ce qu’il avait fait de cette liberté ! Le président Bouteflika tapait sur la France comme avant 1962, la date de la fin de la Guerre et des accords d’Évian, tout en venant se faire soigner… en France ! 

   Si la France consent à cette propagande quotidienne contre elle sur les médias algériens et ne la dénonce pas, si cette propagande est enseignée presque partout dans le pays, si elle triomphe dans les médias français et dans l’édition, mais aussi à l’université, si elle l’entretient en donnant les pleins pouvoirs à ceux qui, dans le pays, défendent cette idéologie, alors il est normal que, dans les banlieues où les informations sont données par les médias algériens dont les médias français se font les ventriloques, on puisse tant haïr la France !  

 

   EM souhaite faire de l’islam une discipline universitaire : croit-il vraiment que cela empêchera des successeurs aux frères Kouachi, à Coulibaly ? Qu’une chaire doctorale où l’on enseignerait les subtilités du soufisme interdirait de nouveaux Abdel Kermiche et Abdel Malik Nabil-Petitjean, les égorgeurs du père Hamel en Normandie ? 

   Il faut vraiment ne plus avoir les pieds sur terre pour imaginer que l’islamologie, subventionnée par les contribuables français, enseignée dans un cadre universitaire, puisse détourner la clientèle terroriste potentielle de commettre ses forfaits !

    C’est toujours le logiciel marxiste-léniniste qui sous-tend cette façon de penser – de ne pas penser plutôt… Un haut niveau intellectuel dans une communauté n’empêche pas les passions tristes, la violence et la sauvagerie. Qu’on se souvienne de Martin Heidegger qui était cultivé, intelligent et nazi en même temps. 

   L’Allemagne devenue nazie disposait au début du XX° siècle de philosophes, de chercheurs, de scientifiques, de poètes, d’artistes, de musiciens haut-de-gamme, elle avait des psychologues et des psychanalystes, des cinéastes et des architectes, des designers et des ingénieurs de qualité : l’augmentation de la culture ne fait pas naturellement baisser la haine avec laquelle on fabrique des barbares en quantité.  On ne fait pas des terroristes avec leurs cortex mais avec leurs cerveaux reptiliens.

   

   EM a parlé de l’islamisme sans poser la question de sa généalogie. Il a dit que ça n’était pas bien, entendu, il fait triompher la moraline en la matière, c’est à la portée du premier venu, la moraline est ce qui a remplacé la morale, elle est la morale des temps sortis de la morale, une contre-morale, une antimorale, un nihilisme.     

   Chacun connait l’histoire orientale du sage qui montre la lune et de l’imbécile qui regarde le doigt : EM adore regarder les doigts… 

   Réfléchir sur ce qui nous a conduits là pour attaquer le problème à la racine n’a pas été fait par le président de la république française : nous n’avons plus les moyens d’opposer des bougies et des peluches à ceux qui veulent abolir une civilisation qu’ils méprisent, attaquent et conchient ; nous ne pouvons-nous permettre le luxe de croire que fermer une mosquée ou une salle de sport salafistes ce soit en finir avec le salafisme alors qu’il va s’installer dans la rue d’à côté ; nous ne pouvons continuer à croire qu’enseigner l’Arabe avec l’argent du contribuable suffira à faire renoncer le djihadiste à son projet – alors que le français devient une langue morte ; nous ne pouvons décemment pas croire que créer des chaires universitaires d’islamologie, alors que l’université française est exsangue,  contribuera à détourner l’apprenti terroriste  de son projet mortifère ;  nous ne pouvons espérer créer un islam des Lumières quand l’islam veut explicitement le contraire des Lumières et vice-versa ; nous ne pouvons continuer à laisser le monopole de l’Histoire à des idéologues qui trustent tous les postes et mettent de l’huile sur le feu en propageant leurs catéchismes doctrinaires ; nous ne pouvons laisser l’Algérie continuer à diffuser à jet continu une version partisane de la Guerre qui l’a opposée à la France , une version à charge pour le pays qui se moque de la vérité  tout en prétendant l’honorer. 

    Cette prise de parole sur le « séparatisme » était annoncée depuis des mois comme majeure. Voilà, elle a eu lieu. 

   J’imagine le grand rire des salafistes et des terroristes en devenir s’ils ont écouté ce long pensum inutile.  Je songe également au grand rire d’Erdogan, au sourire des mollahs iraniens, à l’hilarité des responsables du Hezbollah, à la poilade des émirs de l’Arabie Saoudite et du Qatar, on doit se marrer au Pakistan, au Mali, en Afghanistan ! J’arrête là. Avec un pareil chef d’État, la France fait honte…

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SOURCE : Front Populaire

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Les options peu engageantes de l'Europe, par Daniel Pipes

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Un article datant de 2007... mais toujours pertinent...

 



 

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À long terme, l'évolution la plus décisive du continent européen, celle de ses relations avec sa minorité musulmane croissante, suivra l'une de ces trois voies: intégration harmonieuse, expulsion des Musulmans ou prise de pouvoir islamique. Lequel de ces scénarios est le plus vraisemblable?

L'avenir de l'Europe revêt une grande importance non seulement pour ses résidents. Pendant un demi-millénaire, de 1450 à 1950, les 7% de la surface des terres émergées qu'elle représente ont décidé de l'histoire du monde; sa créativité et sa vigueur ont inventé la modernité. La région a perdu cette position cruciale il y a 60 ans, mais elle reste d'une importance vitale en termes économiques, politiques et intellectuels. Ainsi, la direction qu'elle prendra aura des incidences majeures pour le reste de l'humanité, et tout particulièrement pour ses nations sœurs telles que les États-Unis qui, historiquement, ont toujours considéré l'Europe comme une source d'inspiration, de peuplement et de biens.

Voici une appréciation de la vraisemblance des trois scénarios.

I. Règne musulman

Feu Oriana Fallaci observa qu'avec le passage du temps, «L'Europe se transforme toujours davantage en une province de l'Islam, une colonie de l'Islam». L'historienne Bat Ye'or a donné un nom à cette colonie – «Eurabia». Walter Laqueur prédit dans son prochain ouvrage Last Days of Europe (Les derniers jours de l'Europe) que l'Europe telle que nous la connaissons sera contrainte de changer. Mark Steyn, dans America Alone: The End of the World as We Know It (L'Amérique seule: la fin du monde tel que nous le connaissons) va plus loin encore et affirme qu'une grande partie du monde occidental «ne survivra pas au XXIe siècle et une grande partie, dont la plupart sinon la totalité des pays européens, disparaîtra pendant notre génération». Trois facteurs – la foi, la démographie et le patrimoine culturel – indiquent que l'Europe s'islamise.

Foi. Une laïcité extrême prédomine en Europe, surtout parmi ses élites, au point que les Chrétiens croyants (tels que George W. Bush) y sont considérés comme mentalement déséquilibrés et incapables d'assumer des tâches publiques. En 2005, Rocco Buttiglione, un politicien italien distingué et un Catholique croyant, a été empêché d'accéder au poste de membre de la Commission européenne pour l'Italie en raison de ses opinions sur l'homosexualité. Une laïcité inflexible va de pair avec des églises vides: à Londres, des chercheurs estiment que les mosquées reçoivent plus de Musulmans le vendredi que les églises chrétiennes le dimanche, bien que la ville compte près de sept fois plus de Chrétiens de naissance que de Musulmans de naissance. Plus le Christianisme pâlit, plus l'Islam attire – le Prince Charles fournit un bon exemple de la fascination exercée par l'Islam sur de nombreux Européens. L'Europe pourrait connaître un grand nombre de conversions à l'avenir, car comme le dit ce mot attribué à G.K. Chesterton, «lorsque les gens cessent de croire en Dieu, ils ne croient pas en rien – ils croient en n'importe quoi».

La laïcité de l'Europe donne à son discours des formes tout à fait inhabituelles pour les Américains. Hugh Fitzgerald, ex-vice-président de JihadWatch.org, illustre ici une dimension de cette différence:

Les déclarations les plus mémorables des présidents américains comprennent presque toujours des passages bibliques aisément reconnaissables. […] Cette source de vigueur rhétorique a été mise à contribution en février dernier (2003), lors de l'explosion de la navette Columbia. Si la navette détruite avait été non pas américaine, mais française, et si Jacques Chirac avait dû prononcer un discours à ce sujet, il aurait peut-être usé du fait que l'engin transportait sept astronautes et aurait tiré un parallèle avec les sept poètes de la Pléiade, soit avec l'Antiquité païenne. Le président américain, intervenant dans le cadre d'une cérémonie solennelle qui débutait et s'achevait par des passages en hébreu biblique, fit les choses différemment. Il prit son texte dans Isaïe 40:26, ce qui permettait de créer une transition harmonieuse entre d'une part le mélange d'émerveillement et d'effroi devant les hôtes des cieux générés par le Créateur et d'autre part la consolation pour la perte de l'équipage.

La foi des Musulmans, avec son tempérament djihadiste et son suprématisme islamique, tranche autant qu'il est possible avec celle des Chrétiens européens non pratiquants. Ce contraste amène de nombreux Musulmans à considérer l'Europe comme un continent mûr pour la conversion et la domination. Il en résulte des revendications suprématistes extravagantes telles que cette déclaration d'Omar Bakri Mohammed, «Je veux que la Grande-Bretagne devienne un État islamique, Je veux voir les couleurs de l'Islam flotter au 10, Downing Street.» Ou encore cette prédiction d'un imam installé en Belgique: «Nous prendrons bientôt le pouvoir dans ce pays. Ceux qui nous critiquent aujourd'hui le regretteront. Ils devront nous servir. Préparez-vous, car l'heure est proche[1]

Population. L'effondrement démographique indique également que l'Europe s'islamise. Actuellement, le taux global de fertilité européen oscille autour de 1,4 par femme, alors que le maintien d'une population exige un taux légèrement supérieur à deux enfants par couple, ou 2,1 enfants par femme. Le taux réel n'en représente que les deux tiers – un tiers de la population nécessaire ne vient tout simplement pas au monde.

Pour éviter une chute démographique critique, avec tous les malheurs que cela implique – notamment l'absence de travailleurs pour financer de généreux plans de retraite –, l'Europe a besoin d'immigrants, de beaucoup d'immigrants. Ce tiers importé tend à être musulman, en partie parce que les Musulmans sont proches (13 kilomètres seulement séparent le Marc et l'Espagne, quelques centaines relient l'Italie à l'Albanie ou à la Libye); en partie parce que des liens coloniaux continuent d'unir l'Asie du Sud à la Grande-Bretagne ou le Maghreb à la France; et en partie à cause de la violence, de la tyrannie et de la pauvreté si répandues dans le monde musulman actuel et qui génèrent d'incessantes vagues migratoires.

De même, le taux de fertilité élevé des Musulmans compense le manque d'enfants parmi les Chrétiens indigènes. Bien que les taux de fertilité musulmans soient en baisse, ils restent sensiblement supérieurs à ceux de la population chrétienne indigène. Il est certain que les taux de natalité élevés sont liés aux conditions de vie pré-modernes dans lesquelles vivent de nombreuses femmes musulmanes en Europe. À Bruxelles, «Mahomet» est le nom de garçon nouveau-né le plus populaire depuis quelques années. Amsterdam et Rotterdam pourraient devenir, d'ici 2015, les premières grandes villes européennes à majorité musulmane. L'analyste français Michel Gurfinkiel estime qu'une guerre des rues en France verrait s'affronter les enfants des indigènes (en français dans le texte) et ceux des immigrants quasiment à égalité. Les pronostics actuels prévoient une majorité musulmane dans l'armée russe dès 2015 et dans l'ensemble du pays vers 2050.

Patrimoine culturel. Ce qui est souvent décrit comme la rectitude politique de l'Europe reflète à mon avis un phénomène plus profond, à savoir l'aliénation de leur civilisation que ressentent de nombreux Européens, l'impression que leur culture historique ne vaut pas qu'on la défende, voire qu'on la préserve. Les différences entre Européens sont frappantes à cet égard. Le pays peut-être le moins touché par cette aliénation est la France, où le nationalisme traditionnel reste vivace et où les gens sont fiers de leur identité nationale. La Grande-Bretagne est le pays le plus affecté, comme l'illustre bien le programme gouvernement larmoyant «ICONS - A Portrait of England», qui tente maladroitement de raviver le patriotisme des Britanniques en les réconciliant avec des «trésors nationaux» tels que Winnie the Pooh et la minijupe.

Ce manque d'assurance a eu des conséquences directes négatives pour les immigrants musulmans, comme l'explique Aatish Taseer dans le magazine Prospect.

L'appartenance à la culture britannique est l'aspect le plus purement nominal de l'identité de nombreux jeunes Pakistanais britanniques. […] En dénigrant sa culture, on court le risque de voir les nouveaux-venus en chercher une ailleurs. Cela va si loin dans le cas précis que pour beaucoup de Pakistanais britanniques de deuxième génération, la culture du désert des Arabes revêt plus d'attrait que la culture britannique ou continentale. Arrachés par trois fois au sentiment de posséder une identité durable, les Pakistanais de deuxième génération trouvent une identité disponible dans la vision du monde extranationale de l'Islam radical.

Les Musulmans immigrants méprisent profondément la civilisation occidentale, tout particulièrement sa sexualité (pornographie, divorce, homosexualité). Les Musulmans ne s'assimilent nulle part en Europe, les mariages intercommunautaires sont rares. Voici un exemple pittoresque du Canada: la mère du tristement célèbre clan Khadr, connu pour être la première famille canadienne du terrorisme, retourna au Canada depuis l'Afghanistan et le Pakistan en avril 2004 avec l'un de ses fils. Bien qu'elle ait demandé l'asile au Canada, elle affirmait à peine un moins auparavant que les camps d'entraînement sponsorisés par Al-Qaïda étaient l'endroit rêvé pour ses enfants. «Vous voudriez que j'élève mes enfants au Canada pour qu'ils se retrouvent drogués ou homosexuels à l'âge de 12 ou 13 ans? Vous trouvez que ce serait mieux?»

(Ironie du sort, aux siècles passés, comme l'a documenté l'historien Norman Daniel, les Chrétiens européens méprisaient les Musulmans, dont la polygamie et les harems leur semblaient révéler une obsession du sexe, et se sentaient moralement supérieurs à eux précisément sur ce point.)

En résumé, cette première argumentation avance que l'Europe sera islamisée, qu'elle se soumettra ou se convertira sans résistance à l'Islam parce que le yin de l'Europe s'accorde si bien au yang de l'Islam: faiblesse et puissance de la religiosité, de la fertilité et de l'identité culturelle.[2] L'Europe est une porte ouverte que les Musulmans franchissent librement.

II. Expulsion des Musulmans

Ou la porte leur sera-t-elle fermée au nez? Le commentateur américain Ralph Peters écarte le premier scénario: «Loin de jouir de la perspective de s'approprier l'Europe en y faisant des enfants, les Musulmans d'Europe y vivent leurs dernières heures. […] les prédictions de prise de pouvoir musulman en Europe […] font abstraction de l'histoire et de la brutalité indéracinable de l'Europe.» Sur ce, décrivant l'Europe comme l'endroit «où ont été perfectionnés le génocide et le nettoyage ethnique», il prédit que ses Musulmans «auront de la chance de n'être que déportés», et non tués. Claire Berlinski, dans Menace in Europe: Why the Continent's Crisis Is America's, Too (Menace en Europe: pourquoi la crise du continent est aussi celle de l'Amérique), approuve cela implicitement en désignant les «anciens conflits et schémas de pensée […] qui s'extirpent lentement des brumes de l'histoire européenne» et qui pourraient bien susciter la violence.

Ce scénario veut que les Européens indigènes – qui constituent toujours 95% de la population du continent – se réveillent un jour et imposent leur volonté. «Basta!» – diront-ils, en restaurant leur ordre historique. Cela n'est pas si improbable; un mouvement d'irritation se fait jour en Europe, moins parmi les élites qu'au sein des masses, qui proteste bruyamment devant l'évolution en cours. Ce ressentiment est illustré notamment par la loi antivoile française, par la mauvaise humeur suscitée par les restrictions imposées aux drapeaux nationaux et aux symboles chrétiens et par l'insistance à servir du vin lors des diners officiels. On peut mentionner aussi un mouvement spontané apparu dans plusieurs villes françaises au début de 2006 et qui consiste à distribuer de la soupe au lard parmi les pauvres, excluant ainsi intentionnellement les Musulmans.

Certes, ce sont des affaires mineures, mais des partis ouvertement opposés aux immigrants ont déjà émergé dans de nombreux pays et commencent à exiger non seulement des contrôles efficaces aux frontières, mais l'expulsion des immigrants illégaux. Un mouvement anti-immigration est en train de se former sous nos yeux, de manière largement inaperçue. Si son parcours est encore très discret, son potentiel n'en est pas moins énorme. Les éléments opposés à l'immigration et à l'Islam ont généralement des racines néofascistes mais ont gagné en respectabilité avec le temps, se sont dépouillés de l'antisémitisme de leurs origines et de leurs théories économiques douteuses pour se concentrer plutôt sur les questions de foi, de démographie et d'identité, et pour étudier l'Islam et les Musulmans. Le British National Party et le Vlaamse Belang belge sont deux exemples d'une telle évolution vers la respectabilité, laquelle peut déboucher un jour sur l'éligibilité. Ainsi, la course à la présidence française en 2002 s'est résumée à une compétition entre Jacques Chirac et le néofasciste Jean-Marie Le Pen.

D'autres partis de ce type ont déjà goûté au pouvoir. Jörg Haider et le Freiheitliche Partei autrichien y ont accédé brièvement. La Lega Nord italienne a fait partie des années durant de la coalition au pouvoir. Ces partis vont vraisemblablement progresser car leurs messages anti-islamistes et souvent anti-islamiques trouvent un répondant et les partis du courant dominant vont probablement les adopter en partie (le Parti conservateur danois en est un exemple – il est revenu au pouvoir en 2001, après 72 ans passés dans la marge, essentiellement en raison du mécontentement provoqué par l'immigration). Ces partis bénéficieront sans doute de la situation lorsque l'immigration gonflera encore pour atteindre des proportions incontrôlables en Europe, avec peut-être un exode de masse en provenance d'Afrique, comme l'indiquent de nombreux indices.

Une fois au pouvoir, les partis nationalistes rejetteront le multiculturalisme et tenteront de rétablir les valeurs et les mœurs traditionnelles. On ne peut que spéculer sur les moyens qu'ils utiliseront et sur les répliques des Musulmans. Peters s'attarde sur les aspects fascistes et violents de certains groupes et s'attend à ce que la réaction antimusulmane revête des formes menaçantes. Il esquisse même un scénario dans lequel «des navires américains sont à l'ancre et des Marines sont descendus à terre à Brest, Bremerhaven ou Bari pour garantir l'évacuation des Musulmans d'Europe dans de bonnes conditions».

Depuis des années, les Musulmans s'inquiètent justement de telles incarcérations brutales, suivies d'expulsions, voire de massacres. Déjà dans les années 1980, feu Kalim Siddiqui, alors directeur du London's Muslim Institute, agitait le spectre des «chambres à gaz hitlériennes pour Musulmans». Dans son livre de 1989, Be Careful With Muhammad (Soyez prudents avec Mahomet), Shabbir Akhtar avertissait que «la prochaine fois qu'il y aura des chambres à gaz en Europe, il n'y a aucun doute sur l'identité de ceux qu'on y mettra», à savoir les Musulmans. Un personnage du roman de Hanif Kureishi paru en 1991 et intitulé The Buddha of Suburbia (Le Bouddha des banlieues), prépare une guérilla dont il prévoit l'instauration quand «les blancs se seront tournés contre les noirs et les Asiatiques et tenteront de nous faire passer dans des chambres à gaz».

Mais il est plus vraisemblable que les revendications européennes seront mises en œuvre pacifiquement et légalement, et que les violences proviendront de Musulmans, conformément aux récentes tendances à l'intimidation et au terrorisme. De nombreux sondages confirment que 5% environ des Musulmans britanniques approuvent les attentats à la bombe du 7 juillet, ce qui indique une disposition générale à recourir à la violence.

Quoi qu'il en soit, on ne peut pas s'attendre à ce qu'un redressement des Européens se déroule de manière coopérative.

III. Intégration des Musulmans

Dans le scénario le plus réjouissant, les Européens autochtones et les immigrants musulmans trouvent un modus vivendi et vivent ensemble harmonieusement. Le témoignage peut-être le plus classique de cette perspective optimiste provient d'une étude de 1991, La France, une chance pour l'Islam, par Jeanne-Hélène et Pierre Patrick Kaltenbach. «Pour la première fois dans l'histoire, il est offert à l'islam de ‹se réveiller› dans un pays démocratique, riche, laïc et pacifique», écrivaient-ils alors. Cette espérance persiste. Un article de premier plan paru dans l'Economist à la mi-2006 affirme que «pour le moment du moins, la perspective d'Eurabia semble alarmiste». À la même époque, Jocelyne Cesari, professeur associée à la Harvard Divinity School, discernait un équilibre en la matière: de même que «l'Islam change l'Europe», disait-elle, «l'Europe change l'Islam». Elle estime ainsi que «les Musulmans ne veulent pas changer la nature des États européens» et s'attend à les voir s'adapter au contexte européen.

Mais un tel optimisme est hélas peu justifié. Les Européens pourraient certes encore redécouvrir leur foi chrétienne, faire davantage d'enfants et mieux chérir leur patrimoine. Ils pourraient encourager une immigration non-musulmane ou acculturer les Musulmans vivant parmi eux. Mais ces changements ne sont pas en cours actuellement, et les chances de les voir apparaître sont faibles. Au lieu de cela, les Musulmans cultivent des revendications et des ambitions conflictuelles à l'égard de leurs voisins indigènes. Fait inquiétant, chaque génération semble plus aliénée que la précédente. Le romancier canadien Hugh MacLennan qualifia le fossé anglais-français séparant son pays de «Two Solitudes»; un phénomène similaire apparaît et se développe en Europe, mais de manière beaucoup plus prononcée. Ces sondages de Musulmans britanniques, par exemple, révèlent qu'une majorité d'entre eux perçoivent un conflit entre leur identité britannique et leur identité musulmane – et ils souhaitent l'instauration de la loi islamique.

L'éventualité de voir les Musulmans accepter les restrictions de l'Europe historique et s'intégrer sans heurt dans ce cadre peut être pratiquement exclue. Même Bassam Tibi, professeur à l'université de Göttingen, qui a maintes fois averti que «soit l'Islam s'européanise, soit l'Europe s'islamise» a personnellement abandonné tout espoir pour le continent. Récemment, il annonça qu'il allait quitter l'Allemagne, après avoir y vécu 44 ans, pour déménager à l'université de Cornell, aux États-Unis.

Conclusion

Comme le résume le commentateur américain Dennis Prager, «Il est difficile d'imaginer un autre scénario pour l'Europe occidentale que l'islamisation ou la guerre civile». En effet, ces deux alternatives extrêmement déplaisantes semblent bien définir les choix offerts à l'Europe – prise entre deux forces antagonistes, l'une menant au pouvoir des Musulmans et l'autre à leur expulsion, elle peut devenir une extension de l'Afrique du Nord ou entrer dans un état de quasi guerre civile.

Quelle voie prendra-t-elle? Les événements décisifs qui apporteront une réponse à cette question sont encore en devenir, de sorte que personne ne peut porter un jugement définitif. Mais l'heure de la décision est proche. D'ici la prochaine décennie à peu près, les louvoiements actuels toucheront à leur terme, l'équation Europe-Islam se resserrera et la pente qui déterminera l'avenir du continent devrait apparaître.

Il est d'autant plus difficile d'anticiper cette transformation qu'elle est sans précédent historique. Aucun territoire de grande envergure n'a jamais ainsi glissé d'une civilisation à une autre à la suite de l'effondrement démographique, religieux et identitaire d'une population; et aucun peuple ne s'est jamais redressé à une telle échelle pour prôner son patrimoine historique. Le problème européen est si inédit et si étendu qu'il est difficile de le comprendre, tentant de l'ignorer et presque impossible d'en pronostiquer l'évolution. L'Europe nous entraîne tous en terre inconnue.

Daniel Pipes est directeur du Forum du Moyen-Orient et professeur invité à l'université de Pepperdine. Cet article a été adapté d'un exposé donné au Centre de conférence Woodrow Wilson et intitulé «Euro-Islam: la dynamique d'une intégration efficace».

[1] De Morgen, 5 oct. 1994. Cité dans Koenraad Elst, «The Rushdie Rules», Middle East Quarterly, Juin 1998.
[2] Il est frappant de relever qu'à ces trois égards, l'Europe et les États-Unis étaient beaucoup plus semblables il y a 25 ans qu'ils ne le sont aujourd'hui. Cela indique que leur écart actuel résulte moins d'évolutions historiques remontant à plusieurs siècles qu'à des développements intervenus dans les années 1960. Cette décennie a eu un impact très marqué sur les États-Unis, mais elle a affecté l'Europe beaucoup plus profondément encore.

 

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SOURCE : Daniel Pipes.org 

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Jimi Hendrix : l'indétrônable (ARTE)

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Pourtant à ce maintien des traditions particularistes, François doit sa partie forte et saine

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« François Sturel passe les vacances auprès de sa mère, dans leur maison de famille, à Neufchâteau (Vosges). Il a peu connu son père, qui est mort de rhumatismes pris aux affûts de nuit. Celui-ci n’avait souci que de ses chiens, de son fusil et du gibier. Il y a dans nos pays de Lorraine une race de vieux chasseurs, d’hommes terribles. Bien malade déjà et ne pouvant plus sortir, il disait à son domestique : "Victor, va faire gueuler les chiens ! " Victor, plusieurs fois de jour et de nuit, les fouaillait, pour que le maître dans ses douleurs s’enivrât l’imagination d’une belle chasse.

De tels traits choquaient sa très jeune femme, dont les délicatesses se retrouvent dans François. Le jeune garçon s’est plié péniblement à l’internat. Longtemps les cris de ses camarades remplirent pour lui l’univers d’épouvante. Il les craignit et les méprisa pendant des années ; et, sitôt seul, il pleurait. C’est une grande peine pour un petit enfant qui a l’âme simple de n’embrasser personne avant de se coucher. Quand cette habitude est perdue par une dure nécessité, quelque chose se dessèche dans le cœur et il demeure pour toute la vie méfiant et peu communicatif.

François Sturel aurait, d’après des vieilles gens, hérité sa vivacité et son originalité de sa grand’mère paternelle. Celle-ci ayant placé au collège de Nancy son fils unique, lui dit, aux vacances, en regardant ses livres de classe : "Non, mon garçon, tout cela est trop bête, tu ne retourneras pas au collège." Et c’est ainsi qu’il ne fut qu’un chasseur. En dépit de cette appréciation un peu brusque de l’enseignement universitaire, c’était une femme de tête.

On peut en juger par deux de ses sœurs, qui, veuves l’une et l’autre, vivent encore en 1880 à Neufchâteau. Ce sont des vieilles dames de quatre-vingts à quatre-vingt-dix ans. On ne peut pas dire que Sturel apprenne d’elles des histoires intéressantes : elles n’ont pas assez vu les choses modernes pour distinguer parmi les anciennes ce qui nous semblerait particulier. Mais elles sont elles-mêmes les mœurs anciennes. Par ces bonnes parentes, il prend contact avec sa province, avec sa race, avec un genre de vie qui, si Bouteiller n’avait pas passé sur son âme, devrait, entre tous les usages qu’il y a de par le monde, lui paraître le plus naturel. Leur façon de se garder contre le froid, de soigner les maladies, de fêter certaines dates, leur cuisine aussi et leur vocabulaire contentent le tempérament de Sturel. Elles ne sont pas dévotes, à peine pratiquantes : nées sous la Révolution, elles ont été baptisées longtemps après le Concordat ; elles censurent volontiers le curé, mais elles n’imaginent pas qu’à moins d’être juif ou d’Allemagne on puisse n’être pas catholique.
L’église et la cure étant la seule chose publique où la femme puisse intervenir, leur besoin de domination s’y satisfait.

Elles avaient toujours pour leur petit-neveu, quand il était tout jeune, quelque cadeau, une pomme ridée, deux grosses prunes. Elles lui disaient : "Tu retournes encore à ton collège, mon garçon ! Ah ! tout ce qu’on apprend maintenant !… Ne te fatigue pas trop !…"
Aujourd’hui elles blâment Sturel, qui, de Neufchâteau même, pouvait faire son droit, puis acheter la meilleure étude de la ville, vivre heureux parmi les amis de son père, — et qui veut aller à Paris !

Il est soutenu par sa mère. Légèrement opprimée jadis par sa belle-mère, encore maintenant par les vieilles dames, elle vit dans l’intimité des pensées de son fils. Elle étouffe un peu dans cette maison qu’habite depuis cent ans la famille Sturel. Les vieilles mœurs se maintiennent mieux dans les vieux murs. Mais pour une jeune femme si jolie, de délicatesse élégante, comme il était pénible de n’avoir pas de salon ! Qui ne la plaindra, sachant que jusqu’à la guerre, on avait gardé l’habitude de veiller à la cuisine, autour de l’âtre ! Enfin elle obtint de transformer la maison. Le souvenir des batailles qu’elle dut, à cette occasion, livrer contre ses tantes, l’incline à juger raisonnable son cher fils qui se plaint de la médiocrité de Neufchâteau. — Pourtant à ce maintien des traditions particularistes, François doit sa partie forte et saine. Et dans la vieille demeure des Sturel, il n’y avait rien de beau, soit ! mais non plus rien de laid ; la parfaite appropriation des pièces et du mobilier à l’usage quotidien donnait à l’ensemble un certain style. On n’y distinguait nulle trace de ces élégances mesquines et maladroites, de ces prétentions qui risquent de donner à de très honnêtes provinciaux des allures de déclassés, et qui ne sont touchantes qu’interprétées comme un effort pour se hausser, pour échapper à un passé dont la jeune madame Sturel n’a plus le sens, — et ainsi échapper à la mort. »

Maurice Barrès, Les déracinés

 

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Cobalt

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