11/02/2018
Alexandre Ivanov : : L'Annonciation
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Friedrich Nietzsche : Hymnus an das Leben
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10/02/2018
Démon assis
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Friedrich Nietzsche : Miserere
=--=Publié dans la Catégorie "Friedrich Nietzsche"=--=
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On l'ignore ou on l'oublie, mais Nietzsche était également musicien et avant de s'engager pleinement dans sa Pensée Ravageuse qui secoua la Philosophie, il laissa quelques compositions qui ne manquaient pas d'intérêt... Ce "Miserere", si ma mémoire est bonne, fut composé par un jeune Nietzsche de 16-17 ans, avant sa découverte de Schopenhauer qui lui fit perdre sa Foi et l'orienta dans un premier temps vers la Philologie au grand désespoir de sa mère qui le voulait pasteur protestant comme l'était le père du philosophe, et comme l'étaient ses grands-pères, paternels et maternels.
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09/02/2018
Alexandre Ivanov : Transfiguration
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06/02/2018
La laideur, c'est rassurant...
=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=
« La laideur, c’est rassurant : il n’y a aucun défi à relever, il suffit de s’abandonner à sa malchance, de s’en gargariser, c’est si confortable. La beauté est une promesse : il faut pouvoir la tenir, il faut être à la hauteur. »
Amélie Nothomb, Mercure
Le Bouquet de Tulipes, de Jeff Koons
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05/02/2018
Rémi Brague : « Les "correcteux" qui affirment que toutes les religions sont porteuses des mêmes germes de violence savent-ils de quoi ils parlent ? »
=--=Publié dans la Catégorie "PARENTHÈSE"=--=
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Le philosophe et historien des religions Rémi Brague vient de publier un nouvel ouvrage, "Sur la religion" (Flammarion), dans lequel il diagnostique un retour à la religion, car le besoin religieux perdure chez l'homme moderne.
Membre de l'Institut, professeur de philosophie à l'université Paris-I Panthéon-Sorbonne et à la Ludwig-Maximilians-Universitat de Munich, Rémi Brague est l'auteur de nombreux essais dont "Europe, la voie romaine" (1992), "La Sagesse du monde" (1999), "La Loi de Dieu" (2005), "Au moyen du Moyen Age" (2008), "Le Propre de l'homme" (2015) et "Sur la religion" (2018).
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Atlantico : Vous débutez votre livre en écrivant qu'il y a trente ans, la politique était chose sérieuse et la religion dépréciée, devenu objet de moqueries ou de rire. Aujourd'hui, non seulement le fait religieux a accompli un retour en boomerang mais il s'accompagne d'un sentiment d'inquiétude "à l'égard de certaines de ses formes et de la violence que, suppose-t-on, elles fomentent". On peut distinguer deux sources de critiques ou d'inquiétude vis-à-vis des religions, l'une "traditionnelle" consistant à opposer la raison à l'obscurantisme supposé de la foi, l'autre consistant à s'alarmer du retour sanglant de guerre de religions, fût-il principalement le fait d'une seule religion (en tous cas en Occident).
Qu'est ce qui l'emporte aujourd'hui selon vous et comment ces deux approches sur le fait religieux se conjuguent-elles ?
Rémi Brague : Irrationalité et violence font bon ménage. Quand on est à court d’arguments, le ton monte et les poings se serrent. Les canons sont ultima ratio regum — la dernière des raisons, en effet… Mais la raison elle même n’est pas quelque chose de si simple que cela. Le pire advient peut-être quand la raison est pervertie par l’idéologie. Cela concerne aussi la forme scientifique de la rationalité. Cela la concerne même plus, parce que sa puissance est plus grande, autant de par sa capacité à convaincre que par ses applications techniques. Le nazisme aurait été impossible sans la théorie de Darwin sur la sélection naturelle, le léninisme sans l’économie politique et la sociologie naissante. Ces deux idéologies constituent la perversion d’un savoir aussi susceptible de progression et de rectification, donc aussi provisoire que ne l’est celui de la science. Elles transposent un savoir rigoureux, mais révisable en une vision du monde simpliste, en une clef qui ouvre toutes les portes.
Les guerres de religion, les historiens d’aujourd’hui y insistent de plus en plus, ne sont jamais motivées par du religieux tout pur. Ce que l’historiographie française appelle ainsi ne se comprend que comme une étape dans la naissance de l’État moderne sous sa première forme de monarchie absolue.
Atlantico : Derrière le retour des religions que vous diagnostiquez, y a-t-il autre chose que le développement de l'islam dans les pays occidentaux ? La seule autre religion qui paraît en fort dynamisme démographique semble être le protestantisme dans sa version "évangéliste". Les Français et les Occidentaux au sens large -qui par ailleurs s'éprennent de sagesses, de développement personnel ou de spiritualités diverses, ont-ils retrouvé le goût de la religiosité ? Ou un simple besoin d'identité face à un certain expansionnisme musulman, qui n'est pas seulement démographique mais aussi porté par un projet politique ?
Rémi Brague : Il existe dans le monde entier une résurgence des traditions religieuses. Cela ne concerne pas que les « religions monothéistes », l’hindouisme aux Indes, le bouddhisme en Birmanie, prennent une couleur nationaliste, et c’est probablement cette contamination qui fomente la violence à laquelle cèdent certains de leurs adeptes. A l’intérieur du christianisme, l’orthodoxie russe a repris lafonction de principe d’identité de la nation et de garante spirituelle de l’État qu’elle avait prise depuis que Pierre le Grand l’avait mise à son service, et qu’elle avait assumée jusque avant la révolution bolchevique.
On peut d’ailleurs se demander si la religion avait vraiment reculé. Je croirais plus volontiers que ce sont les intellectuels occidentaux sécularisés qui ont longtemps circulé dans des tuyaux étanches de campus en campus et qui n’ont pas vu la persistance, voire les progrès des religions. De plus, comme cela ne leur plaisait pas trop, même s’ils avaient vu, ils auraient détourné le regard : « cachez ce saint que je ne saurais voir »…
Les Occidentaux d’aujourd’hui s’intéressent à toutes sortes de spiritualités, pourvu qu’elles ne demandent pas un engagement, qu’elles restent facultatives, en un mot, que cela ne mange pas de pain. Si la religiosité se réduità ce qui nous permet de nous sentir bien, elle ne se distingue pas du wellness, voire de la magie, puisque celle-ci vise à capter l’énergie du sacré pour la mettre au service de nos désirs.
La religion, elle, exige une conversion. Non pas au sens d’adhésion à un système ou d’affiliation à un groupe, mais une révolution dans la pensée et la vie.
Atlantico : Dans votre chapitre sur religion et raison, vous citez abondamment Pascal. La France a-t-elle en quelque sorte abîmé son rapport à la religion en privilégiant Descartes à Pascal ?
Rémi Brague : Ah tiens ? Je le cite trois fois dans tout le livre, et une seule fois dans le chapitre en question… Mais peu importe. La France a cette particularité de produire, ou en tout cas de présenter ses personnalités de référence deux par deux. L’officier allemand, francophile, que Vercors met en scène dans Le Silence de la mer (1942), le remarque très justement : alors que l’on peut centrer la littérature d’autre pays sur une figure emblématique comme Dante, Cervantès, Shakespeare, Camoens, Goethe, jamais la France n’est représentée adéquatement par un seul écrivain. Et ils vont par paires : on a toujours Rabelais et Montaigne, Descartes et Pascal, Voltaire et Rousseau, Balzac et Stendhal, Proust et Céline, etc.
Quant à Descartes, l’opposer tout de go à Pascal est très réducteur. Cela vaut à la rigueur pour la caricature que la IIIe République, dans le sillage du XVIIIe siècle (là où il ne lui préférait pas Bacon), en a faite pour pouvoir le récupérer dans le panthéon de ses grands précurseurs. Selon cette image d’Épinal, Descartes se trouve ramené à l’idée d’un sceptique procédant à un réexamen radical des croyances, Pascal devenant un mystique frémissant, effrayé par « le silence éternel de ces espaces infinis », etc. (inquiétude qui est en fait celle du libertin qu’il cherche à convertir, nullement celle de l’auteur des Pensées). On oublie les travaux de Pascal en mathématiques et en physique. Ce n’est pas pour rien qu’on annonce la pression atmosphérique en hectopascals… Et, symétriquement, on oublie chez Descartes l’idée de l’Infini, comme si Emmanuel Lévinas, en philosophe, et Jean-Luc Marion, en philosophe et en historien de la philosophie, ne nous avaient pas rafraîchi la mémoire.
Atlantico : Sur le terrain de la raison encore, vous revenez sur la polémique qu'avait suscité le discours de Ratisbonne tenu par Benoît XVI. Vous expliquez ainsi à ceux qui ne voient qu'une forme de superstition archaïque dans les religions pourquoi le christianisme produit un discours qui articule véritablement foi et raison et ne les oppose pas. Comment comparer la théologie et la tradition catholique de ce point de vue là aux autres grandes religions ?
Rémi Brague : En un certain sens, la théologie est une spécialité chrétienne. Les autres religions, bien entendu, ont des sciences religieuses qui atteignent un très haut degré de raffinement. Ainsi dans l’exégèse des textes normatifs, dans la discussion des problèmes de droit, etc.
Mais ces sciences se développent à côté de la philosophie. Le christianisme a cherché le dialogue — un dialogue parfois polémique — avec celle-ci dès très tôt. Le Pape Benoît XVI a insisté sur le fait, effectivement très significatif, que les penseurs du christianisme des premiers siècles n’ont pas cherché le contact avec les cultes à mystère qui fleurissaient alors dans tout l’Empire romain, mais uniquement avec la philosophie. On trouvera leurs œuvres dans le magnifique et très récent volume de la Pléïade, Premiers Écrits chrétiens, dont l’un des éditeurs est mon ami Jean-Marie Salamito.L’un des premiers Pères apologistes, saint Justin, mort martyr, se présente comme un philosophe à la recherche de l’école qui enseigne la vérité, et dit l’avoir trouvée dans le christianisme. Saint Augustin est aussi un philosophe de fort calibre encore capable d’inspirer Heidegger comme Wittgenstein. Et que dire de saint Anselme, de saint Thomas, de tant d’autres...
Atlantico : Vous remettez en question et en perspective dans votre livre l'idée selon laquelle la religion est source de violence ou que tous les livres sacrés seraient intrinsèquement violents. Même si les tenants du politiquement correct aiment à répéter en boucle que toutes les religions sont à des degrés parfaitement similaires porteuses de germes de violence (ou de paix d'ailleurs), les théologies des grands monothéismes sur lesquels vous vous penchez dans le livre sont-elles aussi proches qu'on l'entend dire si souvent ?
Rémi Brague : Les « correcteux » auxquels vous faites allusion savent-ils de quoi ils parlent ? Peut-on mettre sur le même plan, par exemple, des religions qui admettent les sacrifices humains, comme celles des Aztèques, des Carthaginois ou de « nos ancêtres les Gaulois », et le bouddhisme avec son respect absolu de la vie ? Les théologies — je viens de dire que le mot n’était pas très rigoureux en dehors du christianisme, mais enfin, admettons — des prétendus « grands monothéismes » sont en effet assez différentes. La conception de l’unicité de Dieu y est différente, le rapport au livre sacré y est différent, le rapport aux grandes figures bibliques y est différent. J’ai consacré tout un chapitre de mon Du Dieu des Chrétiens à ces trois trios infernaux, « les trois monothéismes », « les trois religions du livre », « les trois religions d’Abraham », et je les y hache menu comme chair à pâté.
Atlantico : Vous affirmez que la définition même de l'objet philosophique et politique qu'est la religion a été "forgée dans un contexte intellectuel chrétien" et s'applique donc mal aux autres "religions". Notre société aurait-elle donc tendance à avoir une conception trop "chrétienne" des autres religions, à commencer par l'Islam ?
Rémi Brague : Mais oui, bien sûr ! Le mot de « religion » est ancien, mais son usage quand on dit « les religions » pour désigner aussi bien le paganisme grec que le shinto japonais est assez récent. Les historiens qui ont voulu fonder la science des religions, au XIXe siècle européen, vivaient en milieu chrétien et, quelle qu’ait été leur attitude personnelle devant la foi, adhésion fervente, distance, rejet dégoûté, ils pensaient sans trop le savoir à l’intérieur de cadres de pensée chrétiens. Pour eux, par exemple, une religion devait se monnayer en actes de culte, comme la prière ou la participation aux sacrements, ceux-ci permettant un accès à Dieu.
Ils avaient du mal à comprendre comment le bouddhisme primitif se passe fort bien de l’idée de Dieu, ou réduit les divinités au rôle auxiliaire de sauveteurs. Ou encore, comment l’islam consiste avant tout en une loi, puisque aussi bien les actes de culte comme la prière, le jeûne, le pèlerinage, tirent leur caractère d’obligation , et jusqu’aux détails de leur accomplissement, du fait qu’ils sont commandés par la Loi divine.
Atlantico : Depuis quelques mois, la question des atteintes à la laïcité génère des débats politiques de plus en plus vifs voire violents, que l’Islam soit en cause ou le christianisme (cf. la polémique des crèches). Vous revenez longuement sur la séparation du religieux et du politique dans notre culture politique et affirmez que la laïcité est une conception chrétienne qui nous empêche de comprendre le rapport entre politique et religieux dans les autres religions, notamment l'Islam. Peut-on dès lors intégrer notre vision de la laïcité à l'Islam ?
Rémi Brague : Le mot de « laïcité » est lourd d’ambiguïtés, et susceptible de nombreuses interprétations. Un chrétien y voit l’héritière de la distinction, essentielle à sa religion, entre la foi et—finalement, tout ce qui n’est pas elle, que ce soit le domaine politique ou, plus généralement, les normes de l’agir humain. Pour lui, je reprends une image que j’ai déjà employée ailleurs, ce qu’on appelle la séparation de l’Église et de l’État ne fait au fond que découper suivant un pointillé qui avait été tracé depuis des millénaires. Cette situation est au fond bien plus une exception qu’une règle. Les religions de l’Antiquité sont inséparables de la cité grecque ou de l’Empire romain, le croyant et le citoyen ne se distinguent pas. C’est avec le christianisme que l’Église apparaît comme introduisant un nouveau modèle d’appartenance distinct de la citoyenneté comme appartenance à la polis, civitas, etc.
En islam, la séparation existe de fait, après une période, réelle ou imaginaire, pendant laquelle la communauté était gouvernée par Mahomet en personne, tout en un prophète, chef de guerre, juge suprême, etc. Chez les souverains concrets, ceux dont l’histoire a gardé une trace, autorité religieuse et pouvoir politique ne coïncidaient que de façon partielle, et la plupart du temps fictive. Avec les temps, le fossé s’élargit encore. Mais ce qui n’a jamais été distingué, ce qui au contraire constitue un bloc sans fissure, c’est la religion et les normes de la vie quotidienne, personnelle, familiale, économique, etc., tous domaines que le christianisme laisse à la raison commune.
Atlantico : Après Vatican II qui a généré un catéchisme empreint de bons sentiments mais nettement moins porteur d’enseignements sur le dogme et avec un pape qui semble prêt à faire évoluer certains points de théologie pour adapter l’Église catholique, peut-on dire que cette dernière est pour partie responsable de la déchristianisation de l'Europe ?
Rémi Brague : C’est du Catéchisme de l’Église Catholique de 1992, que vous parlez ? Il me semble fort peu enclin aux bons sentiments et carrément dogmatique. Newman me semble viser tout à fait juste, comme à peu près toujours, du reste, quand il explique que, pour lui, le dogme est le principe fondamental de la religion, et qu’une religion de pur sentiment serait un rêve et une plaisanterie (Apologia pro vita sua, IV). Ce que vous déplorez ne serait-il pas plutôt ce qui se prétendait « l’esprit du Concile » ? Il a à son débit pas mal de dérives. Dont en particulier un certain sentimentalisme anti-intellectualiste.
Je ne suis pas sûr que le Pape actuel cherche à modifier le dogme dont il est le gardien. En aurait-il le droit ? En aurait-il même la possibilité ? La théologie, en revanche, n’est pas immuable, car elle n’est qu’une tentative humaine pour exprimer le dogme dans un style particulier, qui varie avec les époques et avec les contextes intellectuels dans lesquels et en réaction auxquels elle se construit.
L’Église, responsable de la déchristianisation de l’Europe ? Il serait trop facile de se draper dans sa dignité offensée et de nier toute complicité. Mais beaucoup de choses dépendent de ce que l’on appelle « l’Église ». Toute une tradition patristique et médiévale y voit une chaste putain, casta meretrix. Elle est immaculée en son dogme, souillée en ses membres, hiérarchie comprise. Une série de réformes trop rapides, de stratégies maladroites, de nominations incompétentes, etc. — sans parler de crimes affreux, pédophilie et autres — y coexiste toujours avec beaucoup de sainteté discrète, voire cachée.
Atlantico : Votre livre met aussi en perspective les religions sans Dieu et Dieux sans religion de notre époque. Diriez vous que notre époque prétend se débarrasser de Dieu ou qu'elle prétend se débarrasser de la religion ?
Rémi Brague : Elle prétend faire les deux, et certains le font à son de trompe. Mais le fait-elle vraiment ? Ne voit-on pas au contraire les dieux sortir du sol comme des champignons, avec les religions qui leur correspondent ? Bien sûr, le mot de « religion » fait horreur à beaucoup de nos contemporains, qui se sentiraient blessés si on le leur appliquait. Mais pensez au critère un peuironique que je propose, avec un sourire, dans mon dernier bouquin, pour identifier ce qui relève du religieux : de quoi est-il interdit de rire ? Ce qu’un torchon comme Charlie Hebdo s’interdisait d’attaquer. Rit-on des droits de l’homme ? Rit-on du végétarisme ? Rit-on de la Shoah ? — Je mets à dessein sur le même plan ce que tout distingue, le folklore innocent et l’horreur inouïe.Ce dont on ne rit pas prend vite des allures religieuses.
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Luc Ferry : « Non, le transhumanisme n'est pas le nazisme ! »
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Dès qu’on en parle, la loi de Godwin fonctionne à plein régime : des gens qui en général n’ont jamais ouvert le moindre livre sérieux sur le transhumanisme hurlent à l’hitlérisme, fantasmant sur ce qu’aurait selon eux de diabolique le projet d’augmenter la longévité humaine.
De quoi s’agit-il en réalité, si l’on veut bien écarter un instant les discours moralisateurs à bon marché et les caricatures simplistes ?
De trois idées qu’on peut bien évidemment discuter, mais qui n’ont strictement aucun rapport avec le nazisme.
La première, c’est que la médecine est désormais en mesure d’ajouter au modèle thérapeutique, dont la finalité depuis des millénaires est de soigner, une nouvelle dimension, celle de « l’augmentation » ou de l’amélioration du potentiel de l’espèce humaine.
Que s’agit-il d’augmenter ? Pour l’essentiel, et c’est là la deuxième idée, il n’est nullement question de fabriquer un « surhomme » mais de parvenir à augmenter la longévité humaine, de lutter contre le vieillissement, non seulement en éradiquant les morts précoces, comme on l’a fait de manière spectaculaire tout au long du XXe siècle, mais en recourant aux biotechnologies, à l’hybridation homme/machine et à la médecine réparatrice pour faire vivre les humains vraiment plus longtemps. Le but ultime serait de parvenir à réconcilier jeunesse et vieillesse, à donner enfin tort au fameux adage « si jeunesse savait, si vieillesse pouvait ». En admettant que nous parvenions un jour à vivre vraiment plus longtemps en bonne santé physique et mentale, alors nous pourrions voir naître une humanité qui, à la fois jeune et vieille, riche d’expériences et cependant pleine de vitalité, serait potentiellement plus sage. Pour le moment, rien ne prouve que ce soit possible pour l’homme, mais on a déjà réussi à augmenter de 30% la vie de souris transgéniques en éradiquant leurs cellules sénescentes. Qui peut dire sérieusement à quoi ressembleront les biotechnologies au siècle prochain, voire dans deux cents ans ? Et qui n’a jamais eu le sentiment, l’âge venant, que nous mourrons trop tôt, à vrai dire juste au moment où nous commencions à être un peu moins bêtes ?
Il est clair que, pour le moment, les progrès dans ces domaines sont à proprement parler inimaginables, mais la voie est ouverte et elle n’est pas près d’être refermée de sorte qu’il serait sage d’anticiper dès maintenant les problèmes éthiques, démographiques et spirituels que cette nouvelle approche de la médecine va inévitablement poser.
Le troisième trait touche à la politique : après la lutte contre les inégalités sociales menées par nos États-providence qui mettent en place des dispositifs d’égalisation des conditions, le temps serait venu de lutter aussi contre les inégalités naturelles. La loterie génétique est aveugle, amorale et injuste. Votre enfant se retrouve porteur d’une malformation, frappé par un handicap, une maladie génétique ? Vous n’y êtes pour rien, et si la volonté libre pouvait corriger les calamités que la nature dispense de manière aveugle aux humains, ne serait-ce pas un progrès ? On dira qu’il s’agit d’eugénisme. Oui, bien sûr, et les bonnes âmes de pousser à nouveau des cris d’épouvante devant le mot tabou. C’est comme un réflexe de Pavlov, on se met derechef à bêler à l’hitlérisme.
C’est toutefois d’une rare bêtise, car en l’occurrence, il s’agit de passer « de la chance au choix » (from chance to choice), en clair, de la très injuste et très hasardeuse loterie naturelle au libre choix de la modifier par la volonté humaine. Si eugénisme il y a, il est donc l’exact inverse de l’eugénisme nazi : il ne s’agit pas d’éliminer les plus faibles, mais tout à l’inverse, de réparer les injustices qui nous sont infligées par une nature dont la principale caractéristique est l’indifférence.
En réalité, s’il y a danger, il se situe moins dans le projet de corriger notre ADN que dans la compétition qui pourrait, faute de régulation, s’instaurer entre les nations, les armées et finalement les familles, compétition qui risquerait de nous entraîner sans le vouloir et hors de tout contrôle vers une modification de l’espèce humaine. Le maître mot doit donc être ici « régulation ». Que devrions-nous autoriser ou interdire, et surtout, qui pourra en décider ?
D’évidence la question est aussi sérieuse qu’infiniment difficile à résoudre, mais l’accusation d’hitlérisme n’est certainement pas le meilleur moyen d’y parvenir, d’autant qu’Hitler, à ce qu’il me semble, s’employait davantage à raccourcir nos vies qu’à les allonger.
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Source : Luc Ferry pour Le Figaro
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04/02/2018
« Le monde chavire dans le sang non pas par excès, mais par manque de théologie »
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Jean-François Colosimo livre avec Aveuglements une méditation particulièrement riche sur la crise de la modernité, l'épuisement des Lumières, le nihilisme contemporain. Le Figaro en publie les bonnes feuilles.
NIHILISME
Victoire par KO technique de l’athéisme ? Rien n’est moins sûr, hormis pour les forçats de la « libre pensée ». D’abord, notre contemporain le sait ou devrait le savoir, au titre des comptabilités macabres, l’industrie de la fin de la religion, telle qu’administrée par les totalitarismes politiques, l’emporte pour l’instant en masses, méthodes et mânes sur l’artisanat fondamentaliste. Ensuite, il s’en souvient au titre des ruses de l’histoire, les régimes révolutionnaires nommément athées, seul référent pratique en l’espèce, ont bricolé indistinctement messes, icônes et anathèmes de deuxième main pour se conserver. Enfin, il ne peut malheureusement l’ignorer au titre de sa propre vulnérabilité, il n’est plus désormais, outre l’enfance, que la terreur à laquelle on puisse accoler l’épithète de « sacrée ». Sous la double révélation, coup sur coup, de l’illusion de la croyance et du mensonge de l’incroyance, le voilà, tels les anti-héros de Dostoïevski, à croire quand il ne croit pas et à ne pas croire quand il croit. Soit la définition même, selon l’auteur des Démons, du nihilisme.
ÈRE DU VIDE
Nous y sommes. Les totalitarismes ont été défaits. Les utopies ont avorté. Les empires se sont réveillés. Les conflits ont repris. Le Commandeur philosophe et rebelle, ultime figure de la souveraineté à la française, a passé. Aujourd’hui, aucun de nos princes élus à grand renfort de quiproquos n’a lu Aristote, n’a fréquenté les écrits de Bergson ou de Bainville. Aucun ne s’est plongé dans la querelle du rivage et de la muraille qui agita Colbert et Vauban. Aucun ne s’est soucié du divorce sur les colonies qui opposa Clemenceau à Ferry. Les cartes de tarot que leur sont les dépêches, rapports et sondages leur servent de planisphère. Les abrégés de Bruxelles et les consignes de Washington, de boussole. L’ignorance consentie leur tient lieu de règle prudentielle. L’image a pour eux supplanté l’écrit et, dans le nécrologe anticipé qui leur sert de bilan illustre, les vignettes de poignées de main avec une ou deux icônes mondialisées de la dépolitisation, les penseurs ringards et renfrognés du cru devant se contenter d’un bras d’honneur, viennent modestement ponctuer les pleines pages d’embrassades fusionnelles avec les stars des charts. Et vogue la galère, si le naufrage reste soutenable !
PRÉSENCE DE SOLJENITSYNE
En 1989, ce sont les peuples qui ont mis à bas la dictature du prolétariat. Ils l’ont fait un peu pour favoriser les droits de l’homme, beaucoup pour reprendre leur identité. Cette complexion des dissidences incomprise à Paris explique qu’on y ait brûlé le Soljenitsyne critique de l’Occident après y avoir adoré le Soljenitsyne dénonciateur du Goulag pour ne pas voir qu’il s’agissait du même – et à la mesure toujours informée et mesurée de notre intelligentsia pluraliste en le conspuant soudainement comme antisémite, antidémocrate, tsariste, impérialiste, grandrusse, obscurantiste et bigot, les cancres en question méritant comme à la petite école de recopier pour demain matin les six volumes de ses oeuvres complètes déjà parus chez Fayard. Le même aveuglement a persisté sur les convulsions qui ont suivi. À peine ont-ils passé la tête hors de la caverne soviétique, ces mêmes peuples ont essuyé l’avalanche de la merx mondialisée. À la manière des noyés, ils se débattent dorénavant pour ne pas couler en poursuivant une restauration identitaire souvent délirante dans ses moyens et absurde dans ses effets. Par leur seule faute? La «régence des commissaires » dont rêvait Jean Bodin et qui siège à Bruxelles peut d’autant moins refréner ce désir tous azimuts de barrières et bornages que les frontières ellesmêmes ne cessent de bouger sous le Kriegspiel qui oppose Washington et Moscou et qui s’est amplifié depuis la chute du Mur. Et ce, au net avantage de l’Alliance atlantique à laquelle l’Union est inféodée. La culpabilité impardonnable de l’Est est de présenter à l’Ouest le miroir de son passé sur l’éradication duquel est censée se bâtir l’Europe.
THÉOLOGIE POLITIQUE ?
La religion de Carl Schmitt est bien manichéenne et apocalyptique. Elle célèbre le déchaînement des forces telluriques. Il puise en elle ses divinations. Ainsi va sous nos yeux le monde qu’il a décrit, dans la multiplication, à l’infini, du bourreau dont Maistre avait pressenti qu’il incarnerait le sacerdoce moderne, liant et reliant dans l’anonymat et par la décapitation, ou toute autre forme de punition capitale, la Terre et le Ciel. Pour que le sang continue d’irriguer le monde, que se poursuive l’oeuvre d’expiation universelle, que règne la terreur sans laquelle il n’est pas de Loi. Au bout de sa fascination pour Carl Schmitt, Jacob Taubes note : « Il est le Prince de ce monde. » Satan, Lucifer, Belzébuth ? Plus simplement son porte-voix. Les djihadistes qui se tuent en tuant ne savent rien de la « théologie politique ». Ce n’est pas moins leur programme. Mitrailles, balles, sabres, couteaux, marteaux, clous, ils portent la sécularisation à son terme en l’achevant. La mort est leur Dieu.
LE MOYEN ÂGE ÉTERNEL COUPABLE ?
Dieu vengeur et violence sacrée. Sacrifices publics et bains de sang. Égorgements et carnages. Moyenâgeux Daech! Médiévaux, ses chefs féodaux, ses moines soldats, ses inquisiteurs délirants. Ses femmes recluses et ses captifs suppliciés. Médiévales, son entreprise de punition universelle, sa loi absolue, son oppression morale. Et son attente apocalyptique. Affolée par aujourd’hui, l’intelligence cherche dans hier une assurance tous risques pour demain. Avide de certitudes, elle chavire dans le fétichisme. Accro au calcul, elle additionne les conjonctures et les conclusions. C’est scrupuleusement qu’elle falsifie ce qu’elle croit authentifier. L’idée de progrès lui commande de penser que le mal est barbarie et que le barbare est archaïque. La paresse mentale, depuis l’école, l’incline à en chercher la source dans des temps qui ne soient point trop reculés, vagues dans la mémoire et cependant repérables dans le paysage, assez méconnus et pourtant assez reconnaissables pour combler son besoin d’identification. La légende noire instruite par l’Éducation nationale les lui offre sous les auspices de l’obscur Moyen Âge, prototype de l’obscurantisme. C’est le plus proche antécédent qui puisse valoir antithèse idéale. Tout le monde n’a pas visité Lascaux, la «Sixtine du pariétal», mais tout un chacun a vu, même de loin, un château fort gardant à l’ombre lugubre de ses murailles, derrière ses barbacanes et meurtrières, le terrible souvenir de l’époque des piloris, des bûchers, du jugement de Dieu – et, pour les plus savants, celui de nos absurdes croisades, à l’instar du Krak des Chevaliers, planté pour rien dans les collines pelées du djebel qui s’étend de la Syrie au Liban sinon pour montrer à quelles aberrations conduit la croyance lorsqu’elle s’arme. Il ne reste dès lors, à cette intelligence fiévreuse, qu’à savoir compter, le cas échéant sur les doigts, pour trouver la martingale. À jouer du cadran et à pousser le curseur. La prophétie de Mahomet ayant suivi d’environ six cent cinquante années la prédication de Jésus, une simple soustraction, vingt et un siècles moins sept, suffit à chiffrer le retard que l’islam accuse sur l’échelle de la sécularisation. La classe! Ce sont bien les décennies 1400 de l’Hégire qu’affiche le calendrier musulman, millésime d’un âge de ténèbres révolu depuis un demimillénaire en Europe. La crise n’a rien de mystérieux. Elle n’est pas chronique, mais chronologique. Une simple affaire de jetlag historique. Soit un gros cran horaire à sauter, la Réforme, avant d’accéder aux Lumières. Pas de chance. La langue, têtue, dément le songe creux de cette arithmétique. Les thésaurus indiquent une généalogie plus proche. Plus dérangeante, aussi. Le vocabulaire de la terreur politique naît avec la Terreur révolutionnaire, en France, entre 1792 et 1795. Il n’existe pas avant. Il devient universel ensuite. C’est l’un des visages de la sécularisation. C’est l’autre don du pays des droits de l’homme au reste du monde (les deux faisant «bloc», dira Clemenceau, le « Vendéen rouge » se montrant indifférent comme les «Vendéens blancs» à la moraline bêlante). À se vouloir à l’avant-garde de l’histoire, à prétendre en être le laboratoire, on ne choisit pas entre les bonnes et les mauvaises expérimentations, on passe à l’acte – la révolution n’étant ni un « pique-nique » (Lénine), ni une « soirée de gala» (Mao), comme s’échine à le rappeler Frédéric Lordon à une extrême gauche à dormir debout.
DÉISME
Or, la plus « autodécidée » des créatures modernes est le Dieu horloger de Voltaire qui n’a d’autre choix que la cadence de son tictac et qui, avec la régularité d’un métronome, invite l’humanité à l’imiter en s’auto-contraignant à la civilisation, à l’éducation et à la démocratie – à s’autodiviniser par le mécanisme. Le socialisme veut régler l’heure, le libéralisme laisser trotter les aiguilles. La singularité des sans-culottes aura été de vouloir arrêter le temps dans la seconde, top chrono. Tout à la fois de l’interrompre, de le fixer, de le décréter. Et, pour ce faire, de devoir briser le cadran – l’an II marquant déjà un intolérable retard sur l’année zéro. Le déisme, en tant que religion naturelle, est constitutif de la révolution comme retour à l’état de nature. Mais même pour Rousseau, cet état primitif est une fiction. (…) La logique suprême de la Terreur, « la liberté ou la mort », découle d’une « violence fondatrice proprement juridique et politique ».
ISLAM
Le risque cependant est que le monde occidental persiste dans ces deux aveuglements majeurs. Le premier de considérer avec amitié le monde sunnite et hostilité le monde chiite – ce qu’on aura vu encore lors des « printemps arabes », instrumentalisés par les États-Unis au service de leurs alliés. C’est pourtant seulement du chiisme que peut advenir une réconciliation de l’islam avec luimême et, de là, avec les autres religions ou civilisations, c’est-à-dire avec l’humanité historique que l’islamisme veut déshumaniser parce que lui-même est déshistoricisé. Exégèse allégorique, histoire ouverte, prophétologie récurrente, clergé canonique, culture de l’image, culte du féminin, primauté de la justice et sens de l’altérité : aucune des médiations ne fait défaut dans cet univers dominé par l’idée d’imitation libératrice. La seconde erreur est de continuer à réclamer du monde musulman, principalement sunnite, qu’il se réforme – il l’a déjà fait. De se réinventer en islam des Lumières : mais cet islam-là, moderne, existe, et c’est très précisément l’islamisme. De sortir de la religion : il s’y essaie par l’excès de religion. La sécularisation est une dans son principe, diverse dans ses effets. L’islam changera non pas en se politisant autrement, mais en se théologisant par lui-même – le problème est qu’en Occident, sur ce point, l’interlocuteur est aux abonnés absents.
LA CRAINTE ET L’AMOUR
Le monde aujourd’hui chavire dans le sang non pas par l’excès, mais par le manque de théologie. C’est Dieu qui se sacrifie, pas l’homme qui sacrifie. Le sens ultime du geste vain d’Abraham levant le couteau sur Isaac, c’est que jamais le mortel ne contentera l’immortel en lui immolant ses fils. Il lui faudra dépasser la crainte par l’amour. S’offrir lui-même. Les chrétiens meurent en abondance pour la vie du monde, non pas afin de le gagner mais pour qu’il ne se perde pas. Comme au jardin de Gethsémani, comme pour la Parole faite chair, l’épreuve de la donation engage le «s’il était possible qu’il n’en soit pas ainsi» (Marc 14, 36; Matthieu 26, 42; Luc 22, 42; Jean 12, 27). Mais quand l’heure vient et qu’il ne peut pas en être autrement ? Le 26 juillet 2016, lorsque le père Jacques, après avoir célébré l’eucharistie, vit s’avancer vers lui ses bourreaux, ses derniers mots furent ceux de l’Évangile du jour, qu’il venait de lire : « Vade retro, Satanas », « pars, Satan ». Ils n’étaient pas adressés aux deux possédés venus l’égorger au nom du Très-Haut. Mais à son pseudo, le Diviseur, l’Homicide, l’Adversaire depuis l’origine. L’Ennemi.
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Denis Moreau : « Ce n'est pas parce que je suis croyant que je suis un imbécile ! »
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FIGAROVOX/GRAND ENTRETIEN - Peut-on être philosophe et catholique ? Pour Denis Moreau, la réponse est oui. Parce que croire en la vie éternelle n'interdit pas d'aimer la vie de ce monde, il encourage les chrétiens à être joyeusement de leur époque, et rappelle qu'il n'est pas interdit de réfléchir lorsque l'on croit en Dieu.
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Denis Moreau est professeur de philosophie à l'université de Nantes, et spécialiste notamment de Descartes. Il vient de publier Comment peut-on être catholique? (Editions du Seuil).
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FIGAROVOX- Votre livre s'intitule Comment peut-on être catholique? en référence à l'étonnement des parisiens du XVIIIe siècle devant le Persan de Montesquieu. N'est-ce pas aussi un témoignage que vous offrez comme pour montrer comment on peut, à votre façon, être à la fois philosophe et catholique ?
Denis MOREAU - Je vais commencer par une confidence: ce n'est pas le titre que j'avais initialement envisagé ! J'avais d'abord pensé à « Pourquoi je suis catholique ». Mais c'était déjà pris, par Chesterton... Je n'avais pas pensé au second sens que vous proposez, mais il me convient bien! Je pars surtout du constat qu'être catholique suscite souvent un étonnement, que j'accueille bien volontiers, et je tente d'y répondre dans ce livre. Mais c'est vrai que c'est aussi un livre qui explique comment être catholique. Quand on écrit sur la foi, il y a une façon raisonnante d'écrire, avec des arguments, et une façon existentielle qui apporte un témoignage. La première seule serait un peu sèche, mais le seul témoignage serait trop sentimental: j'ai donc essayé d'associer les deux. Et puisque j'aborde des questions comme la prière, la confession… je propose aussi, c'est vrai, une réflexion sur la manière d'être catholique, même si ce n'était pas mon projet premier.
FIGAROVOX- Votre livre est aussi celui d'un philosophe, avec son lot de discussions théologiques, de sémantique grecque ou latine… Faut-il donc être intello pour croire encore en Dieu ?
Denis MOREAU - Ah non, surtout pas ! Vous êtes un peu dur avec moi: il me semble que lorsque j'utilise un gros mot de philosophe ou un concept technique, je les traduis systématiquement ou bien je donne des exemples. J'ai fait un réel effort de pédagogie. Je suis le descendant, du côté maternel, de paysans berrichons qui ne sont pas spécialement des intellectuels, et pourtant je suis convaincu qu'il s'agit de grands chrétiens! J'ai un profond respect pour la «foi du charbonnier» et je ne veux pas donner l'impression de la mépriser. Après, on est dans un pays où 75 % d'une classe d'âge arrive au Bac, la plupart des catholiques aujourd'hui sont des gens qui ont fait au moins un peu de philo et qui réfléchissent. Je regrette que trop souvent, la foi reste cantonnée au stade des représentations naïves de l'enfance… Je défends, non pas la nécessité, mais la possibilité d'une foi intellectuelle, et je m'inscris ce faisant dans la grande et belle histoire de l'Église, qui commence dès le prologue de l'évangile de Jean lorsque Jésus est appelé le « Logos », ce qu'on peut, en un sens, traduire par « la Raison » ou, en forçant un peu, « l'Intellectuel » ; puis la patristique, la scolastique, etc.: un séculaire et fécond compagnonnage entre christianisme et philosophie. Je veux continuer dans cette voie, à réfléchir sur la foi, et proposer comme une « spiritualité de l'intelligence ». C'est d'autant plus nécessaire que l'université, où j'évolue, est un monde sans Dieu: selon une étude sociologique menée dans 99 universités anglo-saxonnes, seuls 14 % des philosophes interrogés ont la foi. Les universitaires forment une des catégories socio-professionnelles où il y a le plus d'athées.
FIGAROVOX- Vous écrivez qu'on «n'a jamais converti personne avec des arguments»: pourtant, votre livre participe de la tradition apologétique, qui consiste à étayer par des arguments rationnels la foi chrétienne. Quel est exactement votre projet ?
Denis MOREAU - En effet, ce n'est pas un livre prosélyte. Mon but n'est pas d'arracher des conversions mais, plus modestement, d'expliquer à mes lecteurs que ce n'est pas parce que je suis croyant que je suis un imbécile! Je destine ce livre à trois catégories de personnes: ceux qui se demandent honnêtement comment on peut encore être catholique, ceux de mes coreligionnaires qui sont parfois travaillés par le doute et désirent être affermis dans leur foi, et enfin les catholiques qui s'intéressent à l'articulation entre foi et raison. Mais je ne pense pas que la lecture de mon livre suffise à convertir un athée.
FIGAROVOX- Peut-être pas le convertir… mais déringardiser l'idée qu'il se fait de votre religion ?
Denis MOREAU - Oui, et la clarifier ! J'ai beaucoup aimé le roman d'Emmanuel Carrère, Le Royaume, qui contient de beaux passages sur le combat spirituel. Il avait eu le mérite de donner une image assez juste de ce qu'est la foi, un combat spirituel permanent entre la certitude et le doute… J'aime en particulier cette phrase, parce qu'elle m'interpelle: « C'est une chose étrange, quand on y pense, que des gens normaux, intelligents, puissent croire à un truc aussi insensé que la religion chrétienne. […] Quand ils vont à l'église, ils récitent le Credo dont chaque phrase est une insulte au bon sens ». Je ne suis évidemment pas du tout d'accord, mais j'en retiens qu'il faut donc s'expliquer, montrer comment il peut être fécond, pour des croyants, d'être confrontés, par l'intelligence, à leur propre foi.
FIGAROVOX- Vous désignez aussi des ennemis, qui ne sont pas forcément ceux que l'on croit! Vous êtes plutôt « miséricordieux » avec les intellectuels athées, Onfray compris ; en revanche, vous combattez férocement vos deux bêtes noires, « catho-grognon » et « catho-puceau »…
Denis MOREAU - Pour « catho-puceau », ce ne sont que quelques lignes et si j'ai paru dur, je le regrette: c'était surtout pour rire. Les catholiques un peu « coincés » ne sont pas mes ennemis, j'ai beaucoup de respect et de tendresse à leur endroit! Seulement, pour aller convaincre nos contemporains d'une forme de vacuité des jouissances terrestres, on est plus persuasif en mobilisant des personnes qui sont d'abord passées par la débauche… comme saint Augustin ou Charles de Foucauld , qui savent de quoi ils parlent !
Pour les intellectuels athées, je suis quand même agacé par l'aplomb avec lequel certains, qui ne connaissent rien au christianisme, se permettent de le condamner. C'est un phénomène qui me paraît relativement neuf et qui n'existait pas il y a encore 20 ou 30 ans ; mais aujourd'hui, il n'est pas rare d'entendre des gens cultivés, ou prétendus tels, raconter absolument n'importe quoi à propos de la foi chrétienne. Cela ne m'empêche pas d'avoir par ailleurs une réelle admiration pour Michel Onfray, malgré ses outrances christianophobes. J'ai bien aimé ses premiers livres: il a une vraie générosité, et un désir de chercher la vérité. C'est assez rare pour être souligné.
En revanche, « catho-grognon », ça oui, je lui tape allègrement dessus ! Je sais bien que ce n'est probablement que la déclinaison catholique d'une humeur assez française, mais je ne le supporte plus. Les évangiles, saint Paul… C'est la joie ! Moralement parlant, d'un point de vue chrétien, c'est impossible d'être grognon, dans les relations avec les autres comme sur le fond. Ce serait tomber en plein sous le feu de la critique de Nietzsche: à cause de « catho-grognon », le christianisme paraît n'être qu'une doctrine réactive, et c'est une dérive. Être contre au lieu d'être pour, nier au lieu d'affirmer, râler au lieu d'être heureux: voilà bien une menace terrible pour la religion chrétienne. Nietzsche d'ailleurs frappait juste en disant : « Pour que j'apprenne à croire en leur sauveur, il faudrait que ses disciples aient un air plus sauvé ! »
FIGAROVOX- Et que vous inspire la formule « catho-décomplexé » ?
Denis MOREAU - On me place parfois dans cette catégorie. Je n'ai jamais été complexé d'être catho. Si cela veut dire accepter le dialogue et s'assumer joyeusement, le mot m'est plutôt sympathique. Le modèle de la « pastorale de l'enfouissement », qui a ses vertus dans le monde associatif où les catholiques sont très nombreux (Restos du Cœur, Secours catholique…), ne pouvait être promu que dans une société marquée encore sociologiquement par la présence du christianisme. Jacques Maritain distinguait ainsi « agir en chrétien », et « agir en tant que chrétien ». Mais aujourd'hui, devant la quasi-disparition des chrétiens, le modèle trouve ses limites: il est important de réaffirmer notre foi, y compris dans l'espace public. Il ne s'agit pas de remettre des croix partout, bien entendu, mais d'avoir le courage de ne pas dissimuler sa foi. Je ne l'ai jamais fait pour ma part, pas même à l'université, et cela n'a pas freiné ma carrière pour autant! Mes collègues sont des gens suffisamment ouverts d'esprit pour accepter que l'on puisse croire en Dieu. Et je suis d'ailleurs frappé par le nombre de chrétiens qui figurent au rang d'illustres philosophes de notre temps: Jean-Luc Marion ou Rémi Brague, déjà, pour ne citer qu'eux… Je suis pour ma part reconnaissant envers la République de m'avoir permis à moi, catholique revendiqué, de faire une carrière honorable et dans de bonnes conditions. Pour le reste, quant aux modalités sous lesquelles on se présente « en tant que chrétien », il appartient à chacun de faire preuve de discernement, car rechercher à tout prix le choc, le «scandale», n'est pas non plus une posture catholique. Réclamer qu'on installe une crèche dans chaque mairie, par exemple, n'est d'abord exigé par aucun texte émanant d'une quelconque autorité dans l'Église, mais en outre cela me semble contraire au bien commun, qui inclut la recherche et la préservation de la concorde civile. FIGAROVOX- Vous êtes plus virulent en revanche sur la question de l'argent. Sans être une contre-culture, vous affirmez néanmoins que le catholicisme porte en lui une contestation profonde d'un monde fondé seulement sur les relations matérielles entre individus ?
Denis MOREAU - Je n'aime pas en effet le terme de « contre-culture », devenu une sorte de slogan chez les catholiques depuis le début des années 2010. Je refuse catégoriquement que le catholicisme ne se pense que par opposition, et ne fasse qu'exister « contre » quelque chose ou quelqu'un. Je suis plutôt pour une inculturation: les chrétiens doivent s'affirmer au travers des formes culturelles de leur époque, plutôt que de chercher à en bâtir une culture « autre ».
Pour en revenir à l'argent, je cite à ce propos saint Paul, les Évangiles, Bossuet et presque tous les papes depuis Léon XIII. Depuis la première « encyclique sociale », Rerum Novarum en 1891, il y a une critique continue et massive du capitalisme dérégulé et du caractère toxique de l'argent lorsqu'il est mis au centre de nos vies. Le pape François ne dit rien de plus à ce propos que Paul VI, Benoît XVI ou Jean-Paul II… On en parle peut-être plus parce que les mots qu'il choisit sont neufs, mais sur le fond, il est en continuité avec toute la tradition de l'Église. C'est là qu'on trouve des points de rapprochement possible entre les catholiques et les altermondialistes. Depuis la chute du mur de Berlin, le modèle économique qui a triomphé ne me semble pas bon (quoique meilleur que celui dont il a triomphé…), et tout le monde en connaît la réalité. Un chrétien ne peut pas se satisfaire d'une telle concentration de richesses entre les mains des 1 % les plus riches du monde. Pour arrêter cette folle machine, nous devrons être nombreux: les ZAD ou autres Nuit Debout ne suffiront pas… Il existe une structure, pardon de la nommer comme cela, de 1,3 milliard de personnes, qui dispose d'un corpus anticapitaliste solide et séculaire: c'est l'Église catholique. Comme le disait déjà Pasolini, elle est la seule Internationale anticapitaliste qui fasse le poids - si la base suivait, car les fidèles sont souvent en retrait par rapport à la radicalité du discours du pape sur ces sujets.
FIGAROVOX- Lorsque vous reprochez à nos contemporains de vouloir se sauver par leurs propres forces, est-ce en creux une critique à l'encontre du transhumanisme ?
Denis MOREAU - Dans mon livre, le premier chapitre s'intitule « Salut à vous ! », et ce n'est pas pour rien : le thème du salut est ma porte d'entrée dans la religion chrétienne. Je constate que depuis 2500 ans, il y a des théories pour prôner un salut par soi-même: chez les stoïciens d'abord, puis chez Pélage et aujourd'hui chez des sortes de néo-païens… Le christianisme vient leur répondre : « tu n'y arriveras pas tout seul ». Quant à chercher à combattre la mort, cela ne date pas non plus d'aujourd'hui : chez Descartes, on lisait déjà l'annonce d'une victoire définitive contre la maladie et la vieillesse. Philosophiquement, les scientifiques qui nous promettent une forme d'immortalité me paraissent surtout grotesques. Ce fantasme travaille l'humanité depuis ses débuts. Le premier geste chrétien, c'est de se reconnaître faible, manquant, mortel aussi.
FIGAROVOX- Vous abordez beaucoup de sujets avec humour, et même en exergue du livre, une phrase de Pascal est superposée avec une citation de Motörhead. Est-ce que l'auteur des Pensées se retournerait dans sa tombe en vous lisant ?
Denis MOREAU - Non, je ne crois pas. Pascal est un auteur dont je me sens proche, je le cite beaucoup. Il projetait d'écrire une « apologie de la religion chrétienne » (dont nous sont parvenus les fragments qui composent les Pensées), et c'est exactement ce que j'ai voulu faire. Et il ne se privait pas de faire rire: relisez les Provinciales! Mais enfin, je n'ai jamais compris pourquoi la philosophie ne devrait pas être drôle: quel dommage! « Dieu aime celui qui donne en riant », dit saint Paul. Je me reconnais volontiers en compagnon de Voltaire, qui pourtant n'est pas mon ami intellectuellement, mais au moins son Dictionnaire philosophique a le mérite de faire rire. Sur le caractère hétéroclite des références, c'est surtout le reflet de ce que je suis, un peu bigarré: je vais par exemple à la messe le dimanche, et au Hellfest chaque année. Ce sont deux lieux qui comptent dans ma vie, j'en parle donc.
FIGAROVOX- Êtes-vous un chrétien hédoniste, sans morale ? Un « édeniste », en quelque sorte ?
Denis MOREAU - Hédoniste, oui, mais pas sans morale. Il y a un usage régulé des bonnes choses. En soi, tout chrétien en quête de la vie éternelle est un hédoniste, au sens où il veut pour lui-même le plus grand bien, le maximum de plaisir. Il y a eu une dérive dans la pensée chrétienne, lorsqu'on s'est mis à tenir pour suspecte, ou condamnable, tout forme d'usage des plaisirs de ce monde. Comme si le christianisme avait été contaminé par un dualisme caricatural qui n'est ni nécessaire, ni incontestable. Le côté « chrétien jouisseur », donc, je l'assume à condition de rester philosophe, c'est-à-dire modéré.
Par ailleurs, si par « morale » vous entendez une organisation détaillée, vétilleuse de l'existence qui irait jusqu'à prescrire le détail des façons de s'habiller ou de se nourrir, alors on a ça dans la Torah ou dans les Hadîths, mais pas dans le Nouveau Testament. Les leçons de morale que donnent parfois saint Paul ou encore saint Thomas d'Aquin ne relèvent pas tant du christianisme que d'une forme de morale naturelle, raisonnable, accessible à tous. Dire que « si Dieu n'existe pas, tout est permis » est insultant pour tous les athées. Ne méprisons pas la morale ordinaire des braves gens !
FIGAROVOX- Vous qualifiez Jean-Paul II et Benoît XVI de « papes philosophes ». Quel type de pape est François ?
Denis MOREAU - Par principe, comme catholique, j'écoute avec bienveillance et obéissance (au sens étymologique: ob-audire, prêter l'oreille, écouter) tout ce que le pape a à dire, et je suis inquiet de la façon dont certains catholiques conservateurs reçoivent depuis quelque temps, de manière agressive et irrespectueuse, les enseignements du pape François. Je l'appellerais le « pape des périphéries » : il touche peut-être plus que ses prédécesseurs des gens éloignés de l'Église ou même extérieurs à la religion chrétienne. Mais tous les trois sont à mes yeux de grands papes, et j'ai conscience d'avoir vécu une période faste de l'histoire de l'Église. Jean-Paul II a su la rétablir au cœur de la crise: c'est toujours facile de détruire une institution, beaucoup moins en revanche de la reconstruire. Benoît XVI est un peu mon préféré… peut-être parce que c'était le plus philosophe des trois, son pontificat a été pour moi une sorte de fête intellectuelle continue! Mais il ne faudrait pas que des papes pour intellectuels. François a su réaliser l'ouverture, reprendre le dialogue avec le monde.
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03/02/2018
Complot juif, “taqîya”, Alain Soral : les révélations de Christelle, accusatrice de Tariq Ramadan
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Scandale. Une des deux femmes qui ont porté plainte contre le célèbre prédicateur islamiste a raconté son calvaire à Vanity Fair.
Christelle, une des deux femmes qui ont porté plainte contre Tariq Ramadan, dresse un portrait glaçant du prédicateur islamiste dans les pages du prochain numéro du magazine Vanity Fair. Après deux jours de garde à vue, l’islamologue suisse de 55 ans a été déféré vendredi au parquet de Paris, qui a requis sa mise en examen pour viols et son placement en détention provisoire.
Dans ce long récit, elle revient sur son agression supposée, en marge d’une conférence à Lyon sur « Le vivre ensemble, l’islamophobie, la Palestine », en octobre 2009. A l’époque, Tariq Ramadan l’invite à le rejoindre dans sa chambre, à l’hôtel Hilton. « J’étais glacée d’effroi. Il était droit comme un “i”. Il avait des yeux de fou, la mâchoire serrée qu’il faisait grincer de gauche à droite. Il avait l’air habité comme dans un film d’horreur. Terrifiant, terrifiant, terrifiant », se souvient Christelle, alors âgée de 36 ans.
Coups, sodomie forcée, viol avec un objet...
« Coups sur le visage et sur le corps, sodomie forcée, viol avec un objet et humiliations diverses, jusqu’à ce qu’elle se fasse entraîner par les cheveux vers la baignoire et uriner dessus », écrit Vanity Fair pour décrire les faits rapportés par la jeune femme dans sa plainte, déposée le 27 octobre 2017. « Plus tu vas crier, plus ça va m’exciter et plus je vais cogner donc un conseil : ferme-la », se souvient-elle même l’avoir entendu dire. « Il m’a salie. Pour toute ma vie, je serai celle qui s’est fait pisser dessus. C’est cette honte qui m’a réduite au silence pendant des années », ajoute-t-elle.
Christelle, convertie à l’islam à l’issue d’une dépression, a d’abord rencontré Tariq Ramadan sur les réseaux sociaux, où elle a fini par succomber à son emprise. « J’ingurgitais tous les jours des paquets de hadiths et les différentes éditions du Coran en boucle, écrites et audio – et même en dormant, car il m’avait dit que ça attirait les anges protecteurs pendant mon sommeil. Il y a quelque chose là-dedans qui hypnotise », témoigne-t-elle dans le mensuel.
L’islamologue lui a enseigné la « taqîya »
Au cours de leurs discussions, elle découvre aussi un militant de la cause radicale. « Les frères et les sœurs doivent investir les postes-clés en médecine, en politique, à tous les niveaux », lui explique-t-il. « On cherche des femmes un peu cultivées capables d’écrire. Si tu es ma femme, il faudra que tu t’investisses, que tu portes le hijab ». Tariq Ramadan lui fait d’ailleurs apprendre « les cinquante fois », le manifeste en cinquante points de Hassan Al-Banna, son grand-père et fondateur de l’organisation islamiste des Frères musulmans.
Christelle affirme même que l’islamologue lui a enseigné la « taqîya », l’art de la dissimulation en islam, qui autorise à « mentir aux kouffars », c’est-à-dire aux non-croyants, pour ne pas éveiller leurs soupçons. « Chaque fois qu’il a été interrogé sur cette éventuelle « stratégie du mensonge », Tariq Ramadan s’en est vivement indigné », écrit ainsi Vanity Fair. « Il évoque souvent son grand-père, Hassan Al-Banna, dont il parle comme d’un saint homme et dont il lui envoie des textes. Il lui propose de faire du recrutement actif auprès des kouffars. »
« Serais-tu prête à te battre pour Allah, pour tes frères et tes sœurs de Palestine ? », lui demande-t-il un jour. « Oui, je suis prête à mourir pour lui », répond Christelle sans hésiter, traitant même sa propre sœur de « sale kouffar ». Selon elle, le prédicateur déjà marié lui propose même de l’épouser, d’abord lors d’un « mariage temporaire » sur Skype, puis devant un imam. « Il m’a dit que ses études islamiques lui donnaient le droit de le faire », dit-elle.
Christelle se tourne vers… Alain Soral
Finalement, au lendemain de son agression, elle décide de rompre les ponts. « J’ai senti ta gêne... Désolé pour ma violence. J’ai aimé. Tu veux encore ? Pas déçue ? », lui écrit alors Tariq Ramadan, dans un message. Sur Internet, Christelle, bien décidée à se venger, finit par se tourner vers… l’essayiste d’extrême droite, Alain Soral, condamné plusieurs fois pour antisémitisme. En avril 2009, elle avait suivi Ramadan au congrès annuel de l’UOIF, où il avait rencontré tout sourire Soral et Dieudonné, rappelle le magazine.
« Pourquoi tu n’assumes pas cette rencontre ? », lui avait demandé à l’époque Christelle. « Les gens ne sont pas prêts encore, pas assez éclairés. Cela pourrait porter préjudice à mon travail pour la cause. Plus tard. Je garde mes distances avec eux », lui avait répondu Tariq Ramadan. « Mais va voir le site de Soral, c’est le seul qui ose dire les choses sur le lobby sioniste. Il ouvre les yeux sur l’emprise que les sionistes ont sur la France. »
Ramadan et le complot juif
« Ramadan me parlait toujours des sionistes, des Juifs, du dîner du Crif [Conseil représentatif des institutions juives de France], insiste Christelle, citée par Vanity Fair. Que tout était complot, que j’étais espionnée par les RG, que je devais reformater mon ordinateur toutes les semaines... J’ai fini parano. Les Juifs, “ils”, dirigeaient tout. Pour travailler dans les médias, la politique, le cinéma, il fallait être juif. Il disait que mes malheurs de basanée venaient de là. »
Aussi, quand elle contacte Soral, devenu entre-temps critique de Ramadan, le patron d’Égalité & Réconciliation n’est pas surpris par son témoignage. « J’ai déjà été contacté par deux autres femmes, je te crois », lui aurait-il dit. Mais son refus de lui fournir des documents met fin à leurs échanges. « Va te faire foutre pauvre paumée, sale tarée ! », lui aurait-il répondu. « Il s’est mis à rire, poursuit Christelle. Il m’a dit : "Rien ne sortira. J’ai contacté Ramadan.” Je ne sais pas quel accord ils ont passé. » L'ancienne salafiste Henda Ayari, l’autre plaignante, avait aussi approché Alain Soral, précise le mensuel.
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La douleur
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&
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« La douleur
1. Douleur, peine, souffrance : "kéhév" ()
2. Comme un père : "ka-hav" ()
3. En toi l'enseignement : "bekha-h" (aleph) ()
A quoi sert la douleur ?
Les anagrammes du mot douleur, kéhév () en hébreu, dévoilent un aspect inhabituel de celle que nous considérons en général comme une ennemie. Nous pouvons découvrir l'aspect rassurant de la douleur, et ainsi en faire notre alliée.
"Kéhév peut, en effet, se lire "ka-hav" (), comme un père. Le rôle du père, comme celui de la douleur, est de nous protéger d'éventuels dangers, de nous alerter, d'attirer notre attention sur ce qui souffre et demande à être soigné. Tout comme le ferait un bon père, la douleur "tire la sonette d'alarme" afin de nous préserver du danger et de nous indiquer l'endroit qui souffre, dont il faut s'occuper.
L'autre anagramme : en toi l'enseignement, suggère quant à elle une autre fonction à la douleur, surtout lorsque celle-ci est d'ordre moral. La peine et la souffrance morale nous révoltent, et nous en accusons très souvent "les autres". C'est à cause d' "eux" que nous souffrons, pensons-nous. Finalement, cette anagramme nous renvoie à nous mêmes. Les autres ne peuvent nous "toucher" qu'à l'endroit où nous avons déjà une blessure, une ancienne souffrance non reconnue.
Un proverbe latin l'exprime avec sagesse : "le sel que l'on jette sur toi ne peut te faire mal que là où tu as des plaies ouvertes." Ainsi, la douleur nous invite-t-elle à regarder "bekha", en nous. Elle nous invite à tirer un enseignement ("aleph signifie aussi apprendre) qui est à rechercher en nous afin de guérir la blessure ressentie.
Le rôle de la douleur est de nous recentrer sur nous-mêmes. Trouver ce que nous avons de plus unique et de plus spécifique en nous, comme le dit encore la lettre "aleph" qui signifie aussi unité et unicité.
En toi "aleph", "bekha-h" (aleph) (), peut donc aussi signifier : en toi l'unité. Toute prise de conscience sur notre façon d'être "unique" est probablement accompagnée de souffrances et de peines liées au changement. La douleur veut nous aider à nous recentrer sur l'essentiel : notre véritable identité.
N'est-ce pas ce que cherche à nous faire découvrir l'Unique et le véritable Père ? »
Irit Slomka-Saguy, Lettres hébraïques, miroir de l'être
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La confiance en Dieu
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« La confiance en Dieu
En hébreu, confiance, croyance et foi, se disent toutes trois "hémounah " de la racine haMeN. Amen, est le mot que l'on répète à haute voix dans les synagogues et les églises au cours de la prière. C'est une sorte de confirmation, car le mot signifie "je crois", ou "j'ai confiance".
Mais la foi est un choix. Notre libre arbitre concerne la confiance que nous voulons bien accorder aux autres, mais aussi et, surtout, la confiance que nous sommes prêts à accorder à l'infini.
La foi est un choix, car elle n'a de valeur que si elle provient de la volonté de l'homme et de lui seul.
D'après un adage talmudique, elle est "la seule chose qui échappe au pouvoir du Tout-Puissant".
L'homme est doté du libre arbitre. Le choix est donc bien le sien. Il peut accepter de faire confiance ou refuser. Il peut s'entraîner et puiser la confiance dans la vie, ou demeurer dans le doute.
Quel que soit le choix de l'homme, Dieu dit "Amen". »
Irit Slomka-Saguy, Lettres hébraïques, miroir de l'être
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02/02/2018
Au degré près, les barrières culturelles sont de même nature que les barrières biologiques...
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« Une culture consiste en une multiplicité de traits dont certains lui sont communs, d’ailleurs à des degrés divers, avec des cultures voisines ou éloignées, tandis que d’autres les en sépare de manière plus ou moins marquée. Ces traits s’équilibrent au sein d’un système qui, dans l’un et l’autre cas, doit être viable, sous peine de se voir progressivement éliminé par d’autres systèmes plus aptes à se propager ou à se reproduire. Pour développer des différences, pour que les seuils permettent de distinguer une culture des voisines deviennent suffisamment tranchés, les conditions sont grosso modo les mêmes que celles qui favorisent la différenciation biologique entre les populations : isolement relatif pendant un temps prolongé, échanges limités, qu’ils soient d’ordre culturels ou génétiques. Au degré près, les barrières culturelles sont de même nature que les barrières biologiques ; elles les préfigurent d’une manière d’autant plus véridique que toues les cultures impriment leur marque au corps : par des styles de costume, de coiffure et de parure, par des mutilations corporelles et par des comportements gestuels, elles miment des différences comparables à celles qui peuvent exister entre les races ; en préférant certains types physiques à d’autres, elles les stabilisent et, éventuellement, les répandent. »
Claude Lévi-Strauss, Race et Culture
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Chevalier du vide
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« Cher B, cher H, cher L,
Trois personnes en un seul dieu : ce mystère de "De Trinitate", tu en es, fier monothéiste à trois dimensions (hauteur de vue, largeur d'esprit, profondeur du coeur), la très cathodique illustration. Pourquoi relever, te reprocher tes reniements, toi qui es, mieux qu'une girouette, une rose des vents à toi tout seul ? Hauteur de l'infatuation, largeur de la surface médiatique, profondeur de la pose pour photographes ; constance dans l'inconsistance, dogmatismes alternés, tes prises de position se succèdent et se contredisent. [...]
Ton agitation interlope ne cesse de transiter entre les deux formes de reniement, de gauche et de droite. Le chantage à l'antisémitisme, au fascisme, ne t'a servi qu'à restaurer, comme seul rempart contre les mauvais instincts des foules, la théologie la plus répressive. [...] Le réarmement théologique par le chantage au génocide, qui rend sacrées toutes tes vaticinations, est un retour du Dieu vengeur et jaloux, du Yahvé-Sabaoth des armées célestes, un dieu de police pour incroyants et de massacre pour ses ennemis. [...] Cette figure vide de Père Fouettard que tu t'es choisie pour Dieu, et que tu veux rendre obligatoire, au nom de la liberté et de la démocratie, est aussi le chef vengeur des cohortes d'archanges à réaction, l'écraseur d'infidèles et d'Arabes. Le Dieu de Tsahal et des commissariats de police. [...]
Tu es ex-gauchiste sans avoir été gauchiste. [...] Tu es un de ces immenses écrivains presque sans oeuvre. Cette triple fiction, biographique, politique, esthétique, qui constitue ton personnage, est ta seule création d'imagination. L'auto-proclamation est l'arme des faibles. Te pinces-tu pour être sûr d'être ? On dirait que tu éprouves une difficulté à exister. Tu es l'allégorie de l'impuissance à rien éprouver, à rien créer, à rien croire ni affirmer, propre à notre génération. Ton nombrilisme, c'est notre nihilisme, et non un retour de croyance. [...] Tu considères l'admiration publique à ton égard comme un devoir du public, et tu ressentirais son manque comme une trahison. Trahison suprême qui ferait chanceler ton être, l'effacerait de l'écran ; à n'exister que pour les autres, tu dépends initialement d'eux, et tu voudrais les contraindre à te rester fidèles. [...] Drogué aux médias, à la popularité, tu ne tiens qu'à l'applaudimètre. Ton inexistence morale, chevalier du vide, révèle l'inexistence, sous l'armure, des croisés de notre génération blanche. »
Guy Hocquenghem, "Transe à sa Transcendance Béachelle", in Lettre ouverte à ceux qui sont passés du col Mao au Rotary
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Être soi...
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« Je m’insurge contre l’abus de langage par lequel, de plus en plus, on en vient à confondre le racisme et des attitudes normales, légitimes même, en tout cas inévitables. Le racisme est une doctrine qui prétend voir dans les caractères intellectuels et moraux attribués à un ensemble d’individus l’effet nécessaire d’un commun patrimoine génétique. On ne saurait ranger sous la même rubrique, ou imputer automatiquement au même préjugé l’attitude d’individus ou de groupes que leur fidélité à certaines valeurs rend partiellement ou totalement insensibles à d’autres valeurs. Il n’est nullement coupable de placer une manière de vivre et de la penser au-dessus de toutes les autres et d’éprouver peu d’attirance envers tels ou tels dont le genre de vie, respectable en lui-même, s’éloigne par trop de celui auquel on est traditionnellement attaché. Cette incommunicabilité relative peut même représenter le prix à payer pour que les systèmes de valeurs de chaque famille spirituelle ou de chaque communauté se conservent, et trouvent dans leur propre fonds les ressources nécessaires à leur renouvellement. Si comme je l’ai écrit ailleurs, il existe entre les sociétés humaines un certain optimum de diversité au-delà duquel elles ne sauraient aller, mais en dessous duquel elles ne peuvent non plus descendre sans danger, on doit reconnaître que cette diversité résulte pour une grande part du désir de chaque culture de s’opposer à celles qui l’environnent, de se distinguer d’elles, en un mot d’être soi : elles ne s’ignorent pas, s’empruntent à l’occasion, mais pour ne pas périr, il faut que, sous d’autres rapports persiste entre elles une certaine imperméabilité. »
Claude Lévi-Strauss, Le regard éloigné
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31/01/2018
« En tant qu'homosexuels, il est de notre devoir de prendre position contre la PMA et la GPA »...
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Jean-Mathias Sargologos est diplômé en science politique et de HEC-Montréal, étudiant aux cycles supérieurs en histoire de l'art, et journaliste.
Sébastien de Crèvecoeur est normalien (Ulm), ancien professeur de philosophie, chercheur en management, et consultant en art.
Jacques Duffourg-Müller est critique musical.
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Le jeudi 18 janvier se sont ouvert les États généraux sur la bioéthique où il sera officiellement discuté de l'ouverture de la PMA aux couples de femmes, c'est-à-dire une PMA sans père, et officieusement de la question de la légalisation de la GPA (qui, bien que concernant tous les couples, devrait aussi permettre aux couples homosexuels hommes de « concevoir » un enfant). C'est en tant qu'homosexuels que nous souhaitons aujourd'hui prendre position contre ce que nous estimons être de graves dérives, réalisées au nom d'un individualisme exacerbé et contre ce qui n'est rien d'autre qu'une tentative de briser l'interdit entourant la réification du corps humain. Notre démarche s'inscrit par ailleurs dans une volonté de briser le monopole des associations dites LGBT, représentantes autoproclamées des personnes homosexuelles, dans leur prétention à incarner l'ensemble des voix de celles-ci. Face à la gravité de la situation et des enjeux éthiques soulevés, nous estimons qu'il est de notre devoir de citoyens et de notre responsabilité morale de prendre publiquement position afin de faire entendre une voix alternative et raisonnable.
Homosexualité et procréation
Le désir d'enfant chez les personnes homosexuelles est éminemment légitime, mais ne peut cependant se réduire à une question d'accès à l'égalité, à des droits, et à la lutte contre les discriminations. Une telle vision simpliste implique en effet qu'il existerait une inégalité dans l'accès à la procréation pour les homosexuels, que cette inégalité serait le fruit d'une discrimination, et qu'il appartiendrait donc à l'État de corriger cette situation en ouvrant la PMA aux couples de femmes et en légalisant la GPA. Or, cet argument est fallacieux. En effet, deux hommes ou deux femmes ensemble ne peuvent intrinsèquement concevoir un enfant et cette impossibilité de procréer est une donnée objective qui n'est pas le fruit d'une quelconque action discriminante de la société ou de l'État ; elle est de nature, et propre à la condition homosexuelle. En ce sens, les personnes homosexuelles ne peuvent prétendre à une réparation de l'État afin de pallier une discrimination puisque cette dernière n'existe pas. Dire cela n'est pas de l'homophobie, mais simplement un rappel objectif des faits. Ce constat est peut-être difficile à entendre pour certains, mais nous pensons pour notre part qu'assumer pleinement son homosexualité revient aussi à accepter les limites qui en découlent.
Dans ce débat, nous remarquons que la plupart des arguments avancés par les défenseurs de ces pratiques sont du registre du subjectif et de l'émotion (désir d'enfant, souffrance de ne pas pouvoir en avoir, sentiment de discrimination, etc.). Or, nous pensons que face à l'ampleur des enjeux, l'État ne devrait pas fonder son action sur les émotions et les inclinaisons subjectives de chacun, mais devrait au contraire la fonder en raison. Or, celle-ci appelle clairement au maintien de l'interdiction de la PMA pour les couples de femmes et de la GPA, que cette dernière s'adresse aux couples hétérosexuels ou homosexuels.
PMA pour couples de femmes et GPA pour tous
Certains avancent comme argument qu'il est discriminatoire d'autoriser la PMA aux couples hétérosexuels et de la refuser aux couples de femmes. Nous réfutons cet argument. En effet, la PMA pour les couples hétérosexuels entre dans le cadre de l'Assistance médicale à la procréation (AMP). Elle est donc un traitement médical qui permet de pallier une condition médicale d'infertilité d'un couple hétérosexuel. Effectivement, l'ordre naturel des choses implique qu'un couple hétérosexuel soit normalement fertile. L'infertilité peut donc s'assimiler dans ce cas-ci à une maladie, il est alors normal qu'un traitement médical soit offert. Or, un couple de femmes est objectivement et par définition infertile. Celles-ci ne souffrent donc d'aucune condition médicale ou maladie qui justifierait qu'elles aient accès à la PMA. Nous irons même plus loin en affirmant que, la PMA étant un traitement médical, permettre son accès aux couples de femmes reviendrait à sous-entendre que les femmes homosexuelles seraient malades, ce qui constituerait bien entendu un retour en arrière considérable.
Nous nous opposons aussi à la légalisation de la PMA pour les couples de femmes, car elle ouvre une boîte de Pandore qui mènera tout naturellement à la légalisation à terme de la GPA (bien que la GPA concerne tous les couples, homosexuels comme hétérosexuels, elle est notamment promue par des associations dites LGBT comme un moyen de permettre aux couples d'hommes de « concevoir » un enfant). En effet, bien que de natures différentes, la PMA pour les couples de femmes et la GPA sont revendiquées au nom d'un prétendu nouveau droit pour les couples homosexuels, le droit à l'enfant. Or, au nom du principe d'égalité, il sera impossible d'interdire la GPA une fois la PMA pour les couples de femmes légalisée. En effet, au nom de quoi les homosexuels hommes n'auraient-ils pas, eux aussi, le droit d'avoir accès à une nouvelle technique leur permettant de « concevoir » un enfant ?
L'enjeu principal ici est la réification de la femme vue comme «moyen» au service d'un couple qui louerait son utérus pour porter son enfant. Or, après des décennies de féminisme, il est difficilement concevable qu'aujourd'hui la réification du corps de la femme apparaisse par le biais du discours libéral. En ce sens, l'argument selon lequel la mise à disponibilité par certaines femmes de leur utérus serait éthique parce qu'elles le feraient de manière libre et consentie nous semble irrecevable. Ce serait en effet nier toute la dimension d'un principe moral fondamental et caractéristique de notre civilisation occidentale, résumé notamment par l'impératif pratique kantien: « Agis de telle sorte que tu traites l'humanité comme une fin, et jamais simplement comme un moyen. »
Cet impératif est au cœur du principe de dignité humaine que l'on est en droit d'exiger de l'autre, mais aussi de tout être humain envers lui-même. En ce sens, il existe une multitude d'exemples où la loi interdit certains comportements et pratiques, quand bien même cela ne concernerait personne d'autre que soi: ne pas porter sa ceinture de sécurité en voiture est dangereux seulement pour soi et pourtant illégal (on ne peut invoquer sa liberté individuelle pour ne pas la porter), le lancer de nains est interdit (indépendamment du consentement des intéressés), je n'ai pas le droit de consommer de la drogue (même si en le faisant je ne porterais atteinte qu'à moi-même), et si je porte atteinte à mon intégrité physique en m'automutilant, il est possible que je sois interné de force en hôpital psychiatrique. Ainsi, pourquoi la société devrait-elle accepter que certaines femmes réifient leur propre corps en louant leur utérus au prétexte qu'elles seraient consentantes ?
Ensuite, le caractère éthique de la GPA serait supposément garanti par l'interdiction de rémunérer la gestatrice et par le caractère altruiste qui motiverait sa décision de louer son utérus. Argument irrecevable, encore une fois, puisque l'absence de rémunération ou l'altruisme de la démarche n'enlèvent rien au fait que le corps serait tout de même réifié, la grossesse n'étant pas une activité, mais un état.
Enfin, à la réification de la femme s'ajoute celle de l'enfant: objet d'une transaction contractuelle, ce dernier devient donc lui aussi un objet, et non plus une personne. Nous estimons, en outre, inadmissible que des individus contournent l'interdiction de la GPA en France en faisant appel à des gestatrices à l'étranger et demandent, une fois de retour en France, la reconnaissance par l'état civil de leurs droits parentaux sur l'enfant qu'ils ont obtenu. Nous voyons là une façon malhonnête et mesquine de mettre l'État français au pied du mur. Ces personnes se sont volontairement mises hors la loi, elles ne peuvent donc pas ensuite demander un accommodement à l'État français puisque la pratique de la GPA est illégale en France. En ce sens, l'existence en France d'enfants nés par GPA à l'étranger ne peut en aucun cas motiver une adaptation ou une modification de la législation française puisqu'on ne fonde pas la règle sur l'exception ni sur la légalité de tel ou tel acte à l'étranger. Nous reconnaissons cependant ici la précarité de la situation de ces enfants qui subissent les conséquences de l'irresponsabilité de leurs « parents » d'intention. Nous reconnaissons aussi l'importance de trouver des solutions dans l'intérêt supérieur de ces enfants. Nous refusons cependant que l'unique réponse à apporter soit celle d'une trahison par l'État français de l'esprit de ses propres lois en reconnaissant les droits parentaux d'individus ayant eu recours à une GPA à l'étranger.
Ainsi, le maintien de l'interdiction de la GPA en France (à l'instar de l'Allemagne, de l'Italie, de la Suisse, de l'Espagne, du Danemark, de la Suède, de la Finlande, des Pays baltes, du Québec, etc.) va dans l'intérêt de la protection d'une conception humaniste de la procréation, soucieuse de la défense des plus vulnérables, et qui respecte l'interdit de toute exploitation et réification de l'être humain. Dans cette perspective, le rôle de l'État n'est pas d'assurer l'accès à toujours plus de droits individuels, mais bien de protéger les plus faibles contre les excès de l'individualisme et de préserver une certaine conception de l'Homme.
Progrès technique et usage moral
La PMA pour les couples de femmes et la GPA, présentées faussement comme des avancées permettant aux femmes et aux hommes homosexuels de «concevoir» un enfant, ne sont que des avancées techniques. Or, des avancées techniques ne sont pas nécessairement des progrès sur le plan moral. En ce sens, elles sont axiologiquement neutres et ne nous disent rien de l'usage moral qui en sera fait. Les partisans de la PMA pour les couples de femmes et de la GPA se parent de la vertu de la lutte contre l'homophobie pour les faire accepter. Nous refusons de servir de caution morale à une vision archaïque et régressive de l'humain, fût-ce au nom de la liberté.
Pour finir, face à ceux qui affirmeraient que nos positions empêchent toute possibilité pour les homosexuels de devenir parents, là encore nous répondons que cela est faux. En effet, il n'existe, aujourd'hui en France, aucune loi qui interdise aux personnes homosexuelles de devenir parents (ce ne sont que les moyens par lesquels elles souhaitent le devenir, c'est-à-dire la PMA pour les couples de femmes et la GPA, qui sont interdits). En ce sens, le maintien de l'interdiction de la PMA pour les couples de femmes et de la GPA n'épuise pas, par ailleurs, la possibilité d'une réflexion de fond sur les alternatives éthiques dont disposent les homosexuels pour avoir des enfants.
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Source : Jean-Mathias Sargologos, Sébastien de Crèvecoeur et Jacques Duffourg-Müller pour Le Figaro
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Les hommes moyens ont les nerfs malades, il serait extrêmement dangereux de les exciter
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« C’est une grande duperie de croire que l’homme moyen n’est susceptible que de passions moyennes. Le plus souvent il ne paraît moyen que parce qu’il s’accorde docilement à l’opinion moyenne, ainsi que l’animal à sang froid au milieu ambiant. La simple lecture des journaux prouve que l’opinion moyenne est le luxe des périodes prospères de l’histoire, qu’elle cède aujourd’hui de toute part au tragique quotidien. Pour former un jugement moyen sur les évènements actuels, il faudrait l’illumination du génie. C’est avec des événements moyens que l’homme moyen fait son miel, cet élixir doucereux auquel M. André Tardieu a voulu attribuer un jour des propriétés enivrantes. Il est clair que si vous asseyez l’homme moyen sur un fagot embrasé, vous tarirez du même coup sa sécrétion. Le feu au derrière, il courra se réfugier dans n’importe laquelle des idéologies qu’il eût fuies jadis avec épouvante. La disparition des classes moyennes s’explique très bien par la lente et progressive destruction des hommes moyens. La classe moyenne ne se recrute plus. Les dictatures exploitent ce phénomène, elles n’en sont pas les auteurs.
Il me paraît vain de compter sur les hommes moyens pour une politique moyenne. Les hommes moyens ont les nerfs malades, il serait extrêmement dangereux de les exciter. Sans prétendre me faire le censeur d’une certaine éloquence cléricale, j’ai le droit de dire qu’inoffensive au temps de M. Jacques Piou, ou sur les lèvres du regretté comte Albert de Mun, elle s’adresse aujourd’hui à des imaginations déréglées par l’angoisse. Les contemporains de M. Jacques Piou étaient évidemment indignés par la politique de M. Combes, mais ils ne se sont pas crus un seul instant capables de rébellion ouverte contre ce minuscule politicien à tête de rat. Pour une raison que je dois formuler exactement comme je le pense : les affaires alors marchaient bien. Il n’y a dans cette remarque nulle intention blessante. Le plus optimiste des évêques espagnols n’oserait soutenir qu’on rencontre beaucoup de chrétiens capables de se sentir aussi bouleversés par le vote d’une loi défavorable à la liberté de l’enseignement que par la nouvelle de sa propre ruine, surtout lorsque cette ruine est sans remède puisqu’elle est fonction, comme disent les mathématiciens, de la ruine universelle. Autre chose était donc de parler des héros de la Vendée aux paisibles sujets de M. Armand Fallières, autre chose est de donner en exemple la guerre civile espagnole à de pauvres types qui doutent de tout, de la société elle-même, et sont disposés à dire : "La Croisade ? Va pour la Croisade !…" comme ils pensaient cinq minutes plus tôt : "Le communisme ? Pourquoi pas ?" »
Georges Bernanos, Les grands cimetières sous la lune
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29/01/2018
Jordan Peterson sur la crise de la masculinité, l’écart salarial, l’imposition des pronoms trans, la gauche radicale...
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Ce monsieur remet les pendules à l'heure et distribue du poil à gratter...
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26/01/2018
Il n’y a pas de raisons de vivre, mais il n’y a pas de raisons de mourir non plus
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« Il n’y a pas de raisons de vivre, mais il n’y a pas de raisons de mourir non plus. La seule façon qui nous soit laissée de témoigner notre dédain de la vie, c’est de l’accepter. La vie ne vaut pas qu’on se donne la peine de la quitter. »
Jacques Rigaut, Le jour se lève, ça vous apprendra
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Réconcilier le Chrysanthème et le Sabre, l'art et l'action, l'esthétique et l'éthique
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« Pour Mishima la culture ne se limite pas aux œuvres d'art, à la superstition vague et abstraite du "beau", typique de la mentalité bourgeoise moderne, et n'est en rien l'apanage des intellectuels, qui incarnent à ses yeux un type humain profondément aliéné. La culture japonaise investit tous les modèles de comportement, et il faut l'accepter et la défendre en bloc, quand bien même certaines de ses expressions seraient dangereuses dans une optique humaniste et utilitaire, parce qu'ombres et lumières appartiennent au même cadre.
Pour échapper au climat étouffant d'une "paix souriante aux panses pleines" et au "bien-être", "la plus désespérée des conditions", il faut réconcilier le Chrysanthème et le Sabre, l'art et l'action, l'esthétique et l'éthique. C'est le bunburyôdô, la "double voie" des lettres et des arts martiaux, l'union de la Plume et du Sabre, de l'élégance raffinée et du courage indomptable : l'idéal des anciens samouraïs, revécu par Mishima jusqu'au bout et lancé comme un défi à une époque d'une médiocrité sans bornes. »
Giuseppe Fino, Mishima, écrivain et guerrier
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25/01/2018
Partout constate-t-on une volonté de tuer les pères
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« Et ainsi, partout constate-t-on une volonté de tuer les pères. Parce que la logique de la décadence implique la décapitation du père. Qu'il s'appelle Dieu, le chef, le patron, l'officier, le prêtre, le professeur ou le pater familias, le simple père de famille. Ou plus simplement encore, pour ces dames du MLF, l'homme. Il suffit maintenant d'être homme pour paraître aux yeux de certaines femmes une créature maudite. Pourquoi ? Parce que le père est symbole de tradition, d'autorité, de virilité honnie aujourd'hui puisque toute décadence est féministe, féminoïde et infantile, bien entendu. Je ne fais là aucune misogynie quelconque mais une constatation étale et tranquille : toutes les décadences se jettent vers la mère. La mère est toute indulgence, tout pardon. Elle est toujours prête à accueillir la contestation des fils, c'est bien connu. Elle est la nourricière, elle est presque la société de consommation aux seins énormes. Et le père que dit-il ? Qu'il faut que les enfants obéissent, qu'ils deviennent costauds, qu'ils aient un avenir, qu'ils assurent la garde de la maison — ça s'appelle l'armée —, qu'ils assurent la lignée, etc. C'est moins drôle, évidemment, alors on lacère l'image symbolique et l'image sociale du père.
Toutes les décadences sont maternoïdes, maternelles, féminines, féminoïstes et les mères sont impuissantes à empêcher les enfants de dévaster la maison. Les révolutions sont de gigantesques explosions infantiles et féministes : on saccage la maison, on s'empiffre de confitures, on joue au chef. C'est pareil à chaque révolution : ça commence par une fête lyrique, une fête enfantine, féminine, et puis revient toujours le père. Il s'appelle Bonaparte, Hitler, Staline, de Gaulle, Franco ou Pinochet. Demain, on assistera une fois de plus à un retour offensif des pères et de deux choses l'une : ou bien ils viendront de l'intérieur et ce seront des despotes ou des ordres que nous nous imposerons nous-mêmes ou ils parleront chinois. Ce serait tout de même assez emmerdant d'avoir joué la comédie de la liberté infantile pour se retrouver avec des papas. »
Jean Cau, Entrevue dans le magazine Vouloir - n°: 105/106/107/108 ; Juillet-Septembre 1993 - Propos recueillis par Jacques Vanden Bemden
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Un homme, c'est bien autre chose que le petit tas de secrets qu'on a cent fois dit
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« Parce que, tout de même, un homme, c'est bien autre chose que le petit tas de secrets qu'on a cent fois dit. Bien autre chose, en deçà et au-delà de l'histoire qui le concerne, comme un pays sans frontière, et l'horizon ne tient la longe qu'aux yeux.
C'est un pays rêvé quand on ne rêvait pas encore, et c'est le rêve d'un pays qui vous mène quand tout dort, quand on est soi-même endormi. Au réveil, ça vous colle à la peau. Ca vous remplit et ça vous vide tour à tour. La plénitude et le manque, systole, diastole, flux, reflux, qui font aller l'homme comme la mer, d'un bord à l'autre de lui-même.
Parce qu'un poète, c'est toujours un pays en marche, dressé comme une forêt, et traînant dans sa langue une terre d'exil, un paradis d'échos. »
Guy Goffette, Verlaine d'ardoise et de pluie
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24/01/2018
La loi de la noblesse, c'est la justice
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« Sur la base de l'autosuffisance et d'un mépris héroïque de l'existence, l'aristocrate ignore tout de ces droits et de ce respect de l' "homme" qu'inversement, le christianisme a introduit superstitieusement en Occident. La loi de la noblesse, c'est la justice, l'honneur, le sain orgueil qui maintient fièrement sa propre tradition et qui se fortifie dans la conscience de sa propre vertu : alors qu'il n'est que trop clair que pour le christianisme, tout cela a une odeur "luciférienne" et que le postulat que celui-ci pose, c'est la conscience d'être un pécheur, l'humilité, la pénitence, le pardon, la prière. Le principe évangélique de rendre le bien pour le mal n'est pas celui de la noblesse : elle aussi sait pardonner et faire preuve de générosité, mais pour l'ennemi vaincu, pas pour celui qui redresse la tête dans la force de l'injustice. »
Julius Evola, Ur et Krur
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Pleurant la tête basse
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« Dans la cour d’un collège de Chelles, en Seine-et-Marne, j’ai vu un groupe de jeunes correspondants allemands, des adolescents pour la plupart blonds, beaux, frêles, vêtus de couleurs claires, arrivés la veille au soir de Lindau, et pour certains pleurant la tête basse, sans comprendre pourquoi des élèves maghrébins venaient de leur cracher dessus. Cette scène christique ne cesse de me hanter. »
Richard Millet, Fatigue du sens
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