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26/06/2014

Les "politiques identitaires" multiculturelles postmodernes

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« D'un côté, ce que l'on appelle les "fondamentalismes", dont la formule de base est celle de l'identité de groupe (...). De l'autre, les "politiques identitaires" multiculturelles postmodernes, visant à la coexistence tolérante de groupes aux manières de vivre "hybrides", et même changeantes, divisés à l'infini en sous-groupes (femmes hispaniques, gays noirs, malades du SIDA mâles blancs, mère lesbiennes...). Cette floraison perpétuellement jaillissante de groupes et sous-groupes dans leurs identités hybrides, fluides et mouvantes, chacun insistant sur le droit d'affirmer son mode spécifique de vie et/ou de culture, cette incessante diversification, n'est possible et pensable qu'adossée au socle de la globalisation capitaliste ; elle est la manière même par laquelle la globalisation capitaliste affecte notre sentiment d'appartenance ethnique et les autres formes d'appartenance communautaires : le seul lien reliant ces multiples groupes est le lien du Capital lui-même, toujours prêt à satisfaire les demandes spécifiques de chaque groupe et sous-groupe (tourisme gay, musique hispano…).
L'opposition entre le fondamentalisme et les politiques identitaires pluralistes postmodernes est en définitive un simulacre, dissimulant une profonde complicité (ou, pour le dire à la Hegel, une identité spéculative) : un défenseur du multiculturalisme peut aisément trouver attractive même l'idée ethnique la plus fondamentaliste, à la seule condition qu'elle soit l'identité du prétendu authentique Autre ; un groupe fondamentaliste peut facilement adopter, dans son fonctionnement social, les stratégies postmodernes de la politique identitaire, en se présentant comme l'une des minorités menacées luttant simplement pour conserver son mode de vie spécifique et son identité culturelle. La ligne de démarcation entre la politique identitaire du multiculturalisme et le fondamentalisme est de cette façon purement formelle ; elle ne dépend souvent que de la perspective différente à partir de laquelle l'observateur scrute un mouvement destiné à maintenir une identité de groupe. »

Slavoj Žižek, Plaidoyer en faveur de l'intolérance

 

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25/06/2014

La garantie sacrée du pouvoir que possédait ses vers

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« Jaromil voit si rarement son père qu’il ne s’aperçoit même plus de son absence et il songe à ses poèmes dans sa chambre : pour qu’un poème soit un poème, il faut qu’il soit lu par quelqu’un d’autre ; alors seulement on a la preuve que le poème est autre chose qu’un simple journal intime chiffré et qu’il est capable de vivre d’une vie propre, indépendante de celui qui l’a écrit. Sa première idée fut de montrer ses vers au peintre, mais il y attachait trop d’importance pour prendre le risque de les soumettre à un juge aussi sévère. Il lui fallait quelqu’un que ses vers enthousiasmerait tout autant que lui-même et il comprit bien vite qui était ce premier lecteur, ce lecteur prédestiné de sa poésie ; il le vit se promener dans la maison, les yeux tristes et la voix douloureuse, comme s’il marchait à la rencontre de ses vers ; en proie à une grande émotion, il donna donc à maman plusieurs poèmes soigneusement tapés à la machine et courut se réfugier dans sa chambre pour attendre qu’elle les lise et qu’elle l’appelle.
      Elle lut et elle pleura. Elle ne savait peut-être pas pourquoi elle pleurait, mais il n’est pas difficile de le deviner ; il coulait d’elle quatre sortes de larmes :
      tout d’abord, elle fut frappée par la ressemblance qu’il y avait entre les vers de Jaromil et les poèmes que lui prêtait le peintre, et des larmes jaillirent de ses yeux, les larmes de l’amour perdu ;
      ensuite elle ressentit une tristesse indéterminée qui émanait des vers de son fils, elle se souvint que son mari était absent de la maison depuis deux jours sans lui avoir rien dit, et elle versa des larmes d’humiliation ;
      mais bientôt ce furent des larmes de consolation qui coulaient de ses yeux, car son fils qui était accouru avec tant de confiance et d’émotions pour lui montrer ses poèmes répandait un baume sur toutes ses blessures ;
      et enfin, après avoir relu plusieurs fois les poèmes, elle versa des larmes d’admiration, parce que les vers de Jaromil lui paraissaient inintelligibles et elle se dit qu’il y avait donc dans ses vers plus de choses qu’elle n’en pouvait comprendre et qu’elle était par conséquent la mère d’un enfant prodige.
      Ensuite elle l’appela, mais quand il fut devant elle, ce fut pour elle comme de se trouver devant le peintre quand il l’interrogeait sur les livres qu’il lui prêtait ; elle ne savait pas quoi lui dire au sujet de ses poèmes ; elle voyait sa tête baissée qui attendait avidement et elle ne sut que se presser contre lui et lui donner un baiser. Jaromil avait le trac et il se réjouit de pouvoir cacher sa tête sur l’épaule maternelle, et maman, quand elle sentit dans ses bras la fragilité de son corps enfantin, repoussa loin d’elle le fantôme oppressant du peintre, reprit courage et commença à parler. Mais elle ne pouvait libérer sa voix de son chevrotement et ses yeux de leur humidité et, pour Jaromil, c’était plus important que les paroles qu’elle prononçait ; ce tremblement et ce larmoiement lui apportaient la garantie sacrée du pouvoir que possédait ses vers ; de leur pouvoir réel et physique. »

Milan Kundera, La vie est ailleurs

 

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Le sceptique

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« Le sceptique voudrait bien souffrir, comme le reste des hommes, pour les chimères qui font vivre. Il n'y parvient pas : c'est un martyr du bon sens. »

Emil Cioran, Syllogismes de l'amertume

 

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La parole et l'image

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« La parole et l'image sont un des instruments les plus puissants du contrôle exercé par les journaux, qui contiennent les deux. Si vous commencez à les découper et à les réarranger, vous détruisez le système de contrôle. »

William S. Burroughs, The Job

 

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J'aimais, j'étais aimé, je me portais bien

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« J'aimais, j'étais aimé, je me portais bien, j'avais beaucoup d'argent, je le prodiguais pour mon plaisir et j'étais heureux. J'aimais à me le dire, tout en riant des sots moralistes qui prétendent qu'il n'y a point de bonheur sur la terre. Et précisément c'est ce mot sur la terre qui excite mon hilarité, comme s'il était possible d'aller le chercher ailleurs ! »

Giacomo Casanova, Mémoires

 

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24/06/2014

Le progrès de l'humanité

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« Fataliste comme un Turc, je crois que tout ce que nous pouvons faire pour le progrès de l'humanité, ou rien, c'est exactement la même chose. »

Gustave Flaubert, Correspondance

 

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Les cosmopolites

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« Défiez vous de ces cosmopolites qui vont chercher au loin dans leurs livres des devoirs qu'ils dédaignent de remplir autour d'eux. Tel philosophe aime les Tartares pour être dispensé d'aimer ses voisins. »

Jean-Jacques Rousseau, Emile, ou de l'éducation

 

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Un simulacre de virilité

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« Nous avons dénoncé la décadence de la femme moderne ; mais il ne faut pas oublier que le premier responsable de cette décadence, c'est l'homme. De même que la plèbe n'aurait jamais pu se répandre dans tous les domaines de la vie sociale et de la civilisation s'il y avait eu de vrais rois et de vrais aristocrates, ainsi dans une société gouvernée par des hommes vraiment virils, jamais la femme n'aurait voulu ni pu emprunter la voie sur laquelle elle chemine de nos jours. Les périodes où la femme a accédé à l'autonomie, où elle a exercé un rôle prédominant, ont toujours coïncidé, dans les cultures antiques, avec des époques d'incontestable décadence. Aussi la vraie réaction contre le féminisme et contre toute autre déviation féminine ne devrait-elle pas s'en prendre à la femme, mais à l'homme. On ne peut pas demander à la femme de revenir à ce qu'elle fut, au point de rétablir les conditions intérieures et extérieures nécessaires à la renaissance d'une race supérieure, si l'homme ne connaît plus qu'un simulacre de virilité. »

Julius Evola, Révolte contre le monde moderne

 

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L'ordre que nous servons a besoin de producteurs et de consommateurs, les hommes entiers l'incommodent

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« Nous appelons le chaos et la mort sur l'univers présent et nous applaudissons à leur venue, la perpétuité de l'ordre serait pire et s'il ne se désassemblait, il changerait les hommes en insectes. [...] L'ordre, que nous servons et qui nous envoie au supplice, l'ordre a besoin de producteurs et de consommateurs, non pas d'hommes entiers, les hommes entiers l'incommodent, il leur préfèrera toujours les avortons, les somnambules et les automates, son crime est là, l'ordre est pêcheur et criminel ensemble, nous ne lui devons que la flamme, c'est par le feu que l'ordre périra. »

Albert Caraco, Bréviaire du Chaos

 

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Le Jour du Jugement, ni l'espérance ni la foi ne seront pardonnées, au vue des morts qu'elles auront fait naître

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« Que si les hommes n'espéraient en rien, leur lot ne serait plus le même, que si les hommes ne croyaient en rien, leur condition changerait peut-être : ainsi l'espérance et la foi n'ajoutent qu'à leurs maux, mais font le bonheur de leurs maîtres et les spirituels, malgré leur sainteté, ne peuvent qu'ils n'en soient les chiens de garde. Le Jour du Jugement, ni l'espérance ni la foi ne seront pardonnées, au vue des morts qu'elles auront fait naître et des agonisants, qu'elles induisent à multiplier, jusqu'à leur dernier souffle, leur semence. »

Albert Caraco, Bréviaire du Chaos

 

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Quelques arpents de passé

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« Nous vivons avec quelques arpents de passé, les gais mensonges du présent et la cascade furieuse de l'avenir. Autant continuer à sauter à la corde, l'enfant-chimère à notre côté. »

René Char, Fenêtres dormantes et porte sur le toit

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Je vous écris en cours de chute

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« Le repos, la planche de vivre ? Nous tombons. Je vous écris en cours de chute. C'est ainsi que j'éprouve l'état d'être au monde. L'homme se défait aussi sûrement qu'il fut jadis composé. La roue du destin tourne à l'envers et ses dents nous déchiquettent. Nous prendrons feu bientôt du fait de l'accélération de la chute. L'amour, ce frein sublime, est rompu, hors d'usage.
Rien de cela n'est écrit sur le ciel assigné, ni dans le livre convoité qui se hâte au rythme des battements de notre cœur, puis se brise alors que notre cœur continue à battre. »

René Char, Fenêtres dormantes et porte sur le toit

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23/06/2014

De féroces rétiaires...

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« Dieu l'arrangeur, ne pouvait que faillir. Les dieux, ces beaux agités, uniquement occupés d'eux-mêmes et de leur partenaire danseuse, sont toniques. De féroces rétiaires refluant du premier, mais en relation avec lui, nous gâtent la vue des seconds, les oblitèrent. »

René Char, Fenêtres dormantes et porte sur le toit

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Révolte...

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« Il semble que l'on naît toujours à mi-chemin du commencement et de la fin du monde. Nous grandissons en révolte ouverte presque aussi furieusement contre ce qui nous entraine que contre ce qui nous retient. »

René Char, Les Matinaux

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Noeuds...

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« Imite le moins possible les hommes dans leur énigmatique maladie de faire des noeuds. »

René Char, "Les Matinaux" in "La parole en archipel"

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Nous restons gens d'inclémence

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« Obéissez à vos porcs qui existent. Je me soumets à mes dieux qui n’existent pas. Nous restons gens d'inclémence. »

« Nous ne jalousons pas les dieux, nous ne les servons pas, mais au péril de notre vie, nous attestons leur existence multiple et nous nous émouvons d'être de leur élevage aventureux lorsque cesse leur souvenir. »

René Char, Les Feuillets d’Hypnos

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Cime...

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« Sur les pas du héros que tu choisis toi-même, Monte sans te lasser vers la cime suprême. »

Johann Wolfgang von Goethe, Iphigénie en Tauride

 

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Quand nous avançâmes, une fureur guerrière s'empara de nous...

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« Le grand moment était venu. Le barrage roulant s'approchait des premières tranchées. Nous nous mîmes en marche... Ma main droite étreignait la crosse de mon pistolet et la main gauche une badine de bambou. Je portais encore, bien que j'eusse très chaud, ma longue capote et, comme le prescrivait le règlement, des gants. Quand nous avançâmes, une fureur guerrière s'empara de nous, comme si, de très loin, se déversait en nous la force de l'assaut. Elle arrivait avec tant de vigueur qu'un sentiment de bonheur, de sérénité me saisit.

L'immense volonté de destruction qui pesait sur ce champ de mort se concentrait dans les cerveaux, les plongeant dans une brume rouge. Sanglotant, balbutiant, nous nous lancions des phrases sans suite, et un spectateur non prévenu aurait peut-être imaginé que nous succombions sous l'excès de bonheur. »

Ernst Jünger, Orages d'acier

 

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Que voulez-vous ? la guerre les amuse !

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« Un guetteur s'écroule tout d'une masse, ruisselant de sang. Balle dans la tête. Les copains lui arrachent de sa capote le paquet de pansement et le bandent. "C'est plus la peine Willem ! - Mais quoi, vieux, y respire encore !" Arrivent les brancardiers pour l'emporter au poste de secours. La civière cogne rudement contre les traverses disposées en chicane. A peine a-t-elle disparu que tout reprend son cours habituel. On jette quelques pelletées de terre sur la flaque rouge, et chacun retourne à ses occupations. Seul, un bleu s'appuie encore, tout blême, au revêtement de bois. Il essaie de comprendre ce qui s'est passé. Tout a été si soudain, si affreusement surprenant, un attentat d'une indicible brutalité. C'est impossible, cela n'a pu avoir lieu. Pauvre type, tu en verras d'autres...

Mais souvent aussi, tout se passe joyeusement. Nombre de nos hommes y mettent une ardeur de Nemrod. Ils contemplent avec un volupté de connaisseurs les effets de l'artillerie sur la tranchée adverse : "Mon vieux, il est bon comme la romaine. - Bon Dieu, regarde comme ça gicle ! Pauvre Tommy ! Sortez vos mouchoirs !" Ils aiment tirer des grenades à fusil et des mines légères contre les lignes ennemies, au grand mécontentement des timorés. "Laisse donc tes c...ies, on dérouille déjà assez comme ça." Mais cela ne les empêche pas de réfléchir constamment à la meilleure manière de projeter des grenades avec une espèce de catapulte de leur invention, ou de rendre des approches périlleuses  au moyen d'une quelconque machine infernale. Ils peuvent, par exemple, ouvrir une brèche étroite dans un obstacle, en face de leur créneau, pour attirer au bout de leur fusil un patrouilleur séduit par un passage aussi facile ; une autre fois, ils rampent jusqu'à l'autre côté et attachent aux barbelés anglais une clochette qu'ils agitent de leur propre tranchée, au bout d'une longue ficelle, pour affoler les guetteurs anglais. Que voulez-vous ? la guerre les amuse. »

Ernst Jünger, Orages d'acier

 

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22/06/2014

Ce qui se trame chez nous se décide dans l'immensité cosmique

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« Je me dis qu'il est bien extraordinaire que la simple vue du firmament étoilé ait pu faire naître en moi toutes ces pensées, et qu'il est merveilleux que mon cerveau ait tout de suite ressenti l'irrésistible besoin d'organiser les fragments d'information sur le monde extérieur qui me sont communiqués par mes sens en un schéma unifié et cohérent. La nature n'est pas muette. Tel un orchestre lointain, elle nous fait constamment parvenir des fragments de musique et des notes éparses. Mais elle ne veut pas tout nous livrer sur un plateau. La mélodie qui unit les fragments de musique manque. Le fil conducteur des notes est dissimulé. C'est à nous de percer les secret de cette mélodie cachée pour l'entendre dans toute sa radieuse beauté. »

« En d'autres termes, ce qui se trame chez nous se décide dans l'immensité cosmique, ce qui se passe sur notre minuscule planète est dicté par toute la hiérarchie des structures de l'univers. Chaque partie porte en elle la totalité et de chaque partie dépend tout le reste.L'univers est connecté. »

« Augmentons un peu (de quelques % par ex) la valeur du paramètre numérique des univers jouets qui contrôle l’intensité de la force nucléaire forte, et les protons, noyaux d’hydrogène, ne pourront pas rester libres. Ils se transforment en noyaux lourds en se combinant avec d’autres protons et neutrons. Sans hydrogène, adieu eau, molécules d’ADN et vie. »

« Le pendule de Foucault et l'expérience EPR (Einstein-Podolsky-Rosen)* nous ont contraints à dépasser nos notions habituelles d'espaces et de temps. Nous sommes amenés à conclure que l'univers possède bien un ordre global et indivisible, tant à l'échelle macroscopique que microscopique. Une influence omniprésente et mystérieuse fait que chaque partie contient le tout et que le tout reflète chaque partie. Tous les êtres vivants dans l'univers, toute la matière, le livre que vous tenez entre les mains, les meubles qui vous entourent, les vêtements que vous portez, tous les objets que nous identifions comme fragments de réalité contiennent la totalité enfouie en eux. Nous tenons chacun l'infini au creux de notre main. »

Trinh Xuan Thuan, La Mélodie Secrète

 

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Gospode Pomilouï

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« Demeure assis dans le silence et dans la solitude, incline la tête, ferme les yeux ; respire plus doucement, regarde par l'imagination à l'intérieur de ton coeur, rassemble ton intelligence, c'est à dire ta pensée, de ta tête dans ton coeur. Dis sur la respiration: "Seigneur Jésus-Christ, ayez pitié de moi", à voix basse, ou simplement en esprit. Efforce toi de chasser toutes pensées, sois patient et répète souvent cet exercice. »

Paroles de Saint Syméon le Nouveau Théologien, cité in Récits d'un pèlerin russe

 

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L’Europe, continent d’immigration

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Alain Finkielkraut reçoit Hervé Juvin et Olivier Pastré...

 


Alain Finkielkraut

 



 


Hervé Juvin

 


Olivier Pastré

 

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21/06/2014

Auschwitz : la vérité

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Un vieil article publié par L'Express le 23 septembre 1993 et remis à jour pas plus tard qu'hier sur leur site internet... ça remet les pendules à l'heure.

Concernant le chiffre de "630 000" juifs tués à Auschwitz... il faut rappeler à ceux qui pensent un peu trop vite qu'il s'agit, ici, uniquement des morts à Auschwitz. Il faut prendre en compte les autres camps, nombreux, de travail ou d'extermination, mis en place par l'administration SS, et y ajouter la ghettoïsation des juifs dans divers secteurs de l'Europe occupée d'alors, ainsi que la Shoah par balle dont l'étude est loin d'être terminée.

A lire de bout en bout...

 

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Depuis près de cinquante ans, on attendait l'ouverture des archives nazies conservées à Moscou par le KGB. Jean-Claude Pressac les a consultées. Résultat: un document terrifiant sur la construction et le fonctionnement du camp. Et des révélations sur le nombre des victimes comme sur la date de mise en application de la solution finale. Un ouvrage qui servira de référence aux historiens du monde entier.

 

 

Il aura donc fallu attendre près d'un demi-siècle pour voir s'ouvrir les archives soviétiques de la Solution finale: 80 000 documents saisis à Auschwitz en 1945 et conservés aujourd'hui dans les Archives centrales de Moscou, au 3 de la rue Vyborskaïa. Grâce à ces pièces - la majeure partie des archives relatives au camp d'extermination - vient d'être réalisée la première synthèse des connaissances sur l'un des événements majeurs du xxe siècle. Il s'agit là d'une avancée historique considérable. Non seulement elle permet une compréhension désormais totale de la mise en place et du fonctionnement technique des chambres à gaz et des fours crématoires, mais elle conduit à réviser la chronologie de l'extermination et débouche sur un nouveau comptage, précis et sans doute définitif, des victimes.

L'auteur de ce travail, le premier à avoir dépouillé les archives d'Auschwitz conservées depuis la fin de la guerre par le KGB, est un Français. Jean-Claude Pressac attendait cette opportunité depuis des années. Consultant du musée d'Auschwitz, conseiller du musée de l'Holocauste, à Washington, ce pharmacien de formation est le spécialiste incontesté des recherches sur les techniques de l'extermination nazie. Déjà auteur de l'ouvrage essentiel (en anglais) sur la question ("Auschwitz: Technique and Operation of the Gas Chambers", The Beat Klarsfeld Foundation, New York, 1989 - Non traduit en français), écrit à partir des archives polonaises et allemandes, il ne lui manquait plus que l'accès aux archives soviétiques pour connaître l'intégralité des procédés techniques, combler de nombreuses lacunes et répondre à bien des interrogations. C'est l'objet de l'ouvrage que publie aujourd'hui le CNRS et qui va désormais faire office de référence mondiale sur le sujet: Les Crématoires d'Auschwitz. La machinerie du meurtre de masse (Editions du CNRS).

Tous les travaux sur la politique d'extermination nazie se heurtent au problème de la dissimulation: la décision et l'exécution du judéocide furent entourées par leurs auteurs d'un secret absolu. Il n'existe ni film ni photo représentant un gazage homicide et aucun discours officiel ne mentionne le processus de l'entreprise criminelle. Les diverses opérations aboutissant à la disparition physique des victimes étaient camouflées derrière un langage de service anodin ("traitement spécial", "action spéciale", etc.). Et, lors de l'évacuation du complexe concentrationnaire, en janvier 1945, les SS prirent soin de dynamiter les installations criminelles (et elles seules) et de brûler la quasi-totalité des archives de la "section politique" du camp. Ne restèrent intactes que les archives de la Direction des constructions SS (SS Bauleitung), chargée des travaux de construction et d'entretien et des rapports avec les différentes entreprises intervenant dans le camp. Mais ces archives essentielles furent immédiatement partagées en deux: les Soviétiques, ayant libéré le camp, en saisirent les deux tiers (transportés à Moscou et bloqués par le KGB pour des dizaines d'années), l'Etat polonais conservant le reste, déposé aux Archives du musée d'Auschwitz.

 

L'événement "indicible"

Pendant longtemps, même la petite partie disponible en Pologne demeura inexploitée. D'abord parce que les récits des témoins et de certains exécutants, et la présence de nombreux survivants, paraissaient suffisants. Mais aussi parce qu'un courant important de la mémoire juive refusait toute approche rationnelle de la Solution finale, qualifiée d'événement "indicible" et "impensable". Or, à partir des années 70, la littérature négationniste choisit précisément comme angle d'attaque les modalités techniques du génocide, pour contester l'existence même des chambres à gaz. Cette stratégie du soupçon se limitait en fait à relever systématiquement les erreurs, imprécisions ou invraisemblances techniques, logiquement nombreuses dans les récits de témoins ou dans les textes soviétiques et polonais de l'après-guerre qui firent d'Auschwitz un thème de propagande idéologique. Pharmacien et scientifique, Jean-Claude Pressac partagea au départ plusieurs objections d'ordre technique avancées par les négationnistes. Il se plongea alors dans la lecture des archives polonaises et fit rapidement le tri entre les inexactitudes, faciles à relever ici ou là, et la réalité du génocide. Il s'aperçut cependant que, contrairement aux apparences, l'étude détaillée de l'extermination des juifs, simple dans son principe, mais complexe dans sa machinerie, n'avait pas, jusque-là, été entreprise. L'histoire technologique de la Solution finale restait encore à écrire.

Dans une première étape, le dépouillement des pièces disponibles en Pologne et en Allemagne lui permit de démontrer, sur le terrain technique, qu'ils avaient choisi, les contrefaçons des négationnistes. Ce travail, encouragé et publié il y a quatre ans par la fondation Beate Klarsfeld, ouvrait les pistes d'une histoire du processus de mise à mort industrielle à Auschwitz: malgré les consignes nazies de dissimulation et la destruction des archives politiques d'Auschwitz, l'étude de ces archives techniques permettait de retracer précisément l'activité du camp et de répondre à un certain nombre de questions restées jusqu'ici ouvertes. Mais les archives polonaises (250 dossiers, contenant 50 000 documents et plans) et allemandes, suffisantes pour répliquer aux négationnistes, ne permettaient pas de reconstituer l'intégralité du processus. On comprend ainsi l'enjeu que représentait l'ouverture des Archives centrales (ex-spéciales) de Moscou, où se trouve depuis 1945 la partie la plus importante de ces archives techniques (600 dossiers, contenant 80 000 documents et plans). Après deux années de travail sur les documents de Moscou et de Weimar (archives de l'ex-Allemagne de l'Est), Jean-Claude Pressac livre donc, aujourd'hui, la première reconstitution des techniques d'extermination, à partir des seules sources écrites contemporaines (et donc affranchie des témoignages).

Ainsi, derrière Hitler, Himmler ou Eichmann, apparaissent de nouveaux personnages, bien moins connus, alors qu'ils jouèrent un rôle décisif: les fonctionnaires de cette Direction des constructions SS (Bauleitung SS), mais aussi les ingénieurs et responsables des firmes civiles chargées des travaux. Karl Bischoff, le "Bauleiter". Ses adjoints directs, Walter Dejaco et Fritz Ertl. Et surtout l'ingénieur principal Kurt Prüfer, qui équipa Auschwitz de crématoires surpuissants, fabriqués par la société qui l'employait, la Topf und Söhne d'Erfurt, totalement associée à l'entreprise criminelle.

Tout ce qui fut projeté, étudié, édifié et réparé à Auschwitz, y compris chambres à gaz et crématoires, dépendait de la Bauleitung. Laquelle consignait et archivait tout. Lorsqu'elle entreprenait la construction ou l'aménagement de bâtiments, elle établissait des dessins, des tirages de "bleus", des devis des matériaux nécessaires et lançait des offres de marché ciblées auprès des firmes régionales, en fonction de leur spécialité (terrassement, isolation, toiture, plomberie, etc.). Jean-Claude Pressac a découvert que la Bauleitung conservait également les pièces des entreprises ayant emporté les marchés: plans, états d'avancement des travaux, bordereaux récapitulatifs des travaux effectués, lettres mentionnant les obstacles rencontrés, factures, etc. A la fin, chacune des réalisations était réceptionnée officiellement par la Bauleitung, ce qui donnait lieu à de nouveaux documents (répertoriant les différentes installations qu'elle remettait à l'administration du camp).

 

 

Ingénierie criminelle

Au sein de cette masse de documents, Jean-Claude Pressac a retrouvé les preuves de l'organisation de l'homicide. Ici ou là, et souvent à propos de questions techniques incontournables, la vérité apparaît: sur un plan, dans un devis ou dans une lettre urgente, des indications précises trahissent les consignes de secret en attestant l'existence des chambres à gaz homicides.

Quelques exemples peuvent illustrer ces "bavures". Pourtant très prudent, le chef de la Bauleitung lui-même, Karl Bischoff, commet un lapsus dans une lettre adressée le 29 janvier 1943 à son supérieur, à Berlin: il désigne la morgue 1 du crématoire II comme "cave à gazage". Le 6 mars suivant, un technicien en chauffage de la Bauleitung, Rudolf Jährling, presse la firme Topf d'effectuer rapidement l'installation du système de réchauffement de cette morgue 1: un tel local doit par définition rester frais, mais son utilisation en chambre à gaz réclamait une température supérieure à 27 degrés, afin de permettre la vaporisation rapide du zyklon B (granulés de silice imprégnés d'acide cyanhydrique). Le 14 mars, c'est un contremaître civil de Topf, Heinrich Messing, qui laisse échapper le terme de "cave à déshabillage" à propos d'une salle du crématoire II. Le 31 mars, Hans Kirschneck, ingénieur sous-lieutenant SS de la Bauleitung, signale que la morgue 1 du crématoire II est équipée d'une porte étanche au gaz avec un oeilleton de verre épais de 8 millimètres. Dans la lettre et le télégramme échangés les 11 et 12 février 1943 entre la Bauleitung et Topf est mentionnée une soufflerie en bois destinée à désaérer une salle désignée comme "morgue": preuve que l'air extrait n'était plus celui d'une morgue, mais de l'air contenant de l'acide cyanhydrique, gaz corrosif, ne pouvant être aspiré par une soufflerie classique en métal. Le même mois, juste au moment de la pose d'un système de ventilation, la Bauleitung demande à Topf de lui envoyer des détecteurs de gaz mesurant les restes d'acide cyanhydrique dans le crématoire II. Or, dans une vraie morgue, on utilise des désinfectants (comme, à l'époque, l'eau de Javel ou le Crésyl), mais non un produit destiné à tuer les poux... Le crématoire III fut livré le 24 juin 1943. Les bordereaux de réception mentionnent que sa "morgue" comprend une "porte étanche au gaz" et quatorze (fausses) douches, ce qui trahit une fois de plus son utilisation en chambre à gaz. Etc.

La richesse du fonds russe d'archives permet une compréhension presque parfaite de l'ingénierie criminelle et de sa conception. La technique des fours d'incinération en fut l'élément central: la difficulté principale, pour les nazis, était non pas le gazage, mais l'élimination des cadavres. Le rythme de l'extermination dépendait donc de celui de la crémation. D'où l'enjeu représenté par la conception de fours crématoires d'une capacité et d'une efficacité inégalées. Jean-Claude Pressac retrace minutieusement le rôle essentiel joué par la firme Topf und Söhne, ses dirigeants, et en particulier l'un de ses ingénieurs, Kurt Prüfer, considéré alors comme un génie de la crémation. Jour après jour, à travers l'histoire industrielle de cette entreprise, nous pouvons suivre les efforts de Prüfer et de son équipe, qui vont faire passer la technique des crématoires d'un stade artisanal et purement sanitaire, dans les premiers camps de concentration, à l'usine de mort d'Auschwitz II-Birkenau, disposant de complexes constitués de chambres à gaz reliées (parfois par monte-charge d'une capacité de 1 500 kilos) à des fours d'incinération. A partir de son four civil, modèle 1934, chauffé au gaz de ville, Prüfer, essai après essai, adapte ses fours au coke, améliore le tirage, la puissance des souffleries d'air pulsé, l'isolation. Objectif: réduire au minimum la durée d'incinération, afin d'accélérer le débit. Il parvient ainsi à passer de quelques incinérations par jour, dans un crématoire normal, à un rendement de 1 000 et même de 1 500, dans les crématoires II et III de Birkenau.

 

 

Des pannes fréquentes

La sécheresse technique de l'étude de Jean-Claude Pressac, dénuée de tout commentaire et de tout témoignage, nous fait pénétrer la réalité humaine d'une usine. Sa vie quotidienne. Ses problèmes. Il y a des pannes fréquentes: il est rare que l'ensemble des crématoires fonctionnent en même temps. Certains sont abandonnés, déficients après avoir été surexploités ou à cause d'un défaut de structure. La Bauleitung a aussi de gros ennuis avec les cheminées, qui, soumises à un rythme de plus en plus rapide, se fissurent souvent sous l'effet de la chaleur. Topf, comme toutes les entreprises, a des contentieux de facturation avec son client. Il lui arrive de faire du dumping pour évincer ses concurrents (notamment Kori, à Berlin) et emporter le maximum de marchés dans les différents camps du Reich. Prüfer, qui touche personnellement 2% sur les bénéfices des ventes, veut être présent partout.

La chronique de la vie professionnelle de ces fonctionnaires, techniciens et employés, constitue par sa banalité l'un des plus terribles documents sur la Solution finale. Car c'est à cause de ce travail appliqué de mise au point de techniques incinératrices surpuissantes qu'Auschwitz devint un lieu d'anéantissement massif des juifs. Les premiers gazages eurent lieu à Auschwitz I, le camp principal, en décembre 1941 (et non en septembre, comme on le pensait jusque-là), sur des malades qualifiés d' "irrécupérables" et des prisonniers soviétiques, et en 1942 et 1943 furent réalisés à Auschwitz II-Birkenau les crématoires II, III, IV et V, à très grande capacité.

 

"Traitement spécial"

Les documents soviétiques analysés par Jean-Claude Pressac apportent donc des confirmations minutieuses, décisives et sans réplique à ce que l'on savait des camps d'extermination. Ils donnent aussi un nouvel éclairage au processus et à la chronologie de la Solution finale. La date du début de la phase industrielle de l'extermination apparaît ainsi plus tardive que ne le pensaient les historiens. Plus précisément, et au détriment de l'importance accordée jusqu'ici à la conférence de Wannsee (20 janvier 1942), la nouvelle chronologie publiée par Jean-Claude Pressac montre que l'opération a eu lieu en deux temps. Quand, en septembre 1941, Hitler ordonne la déportation vers l'Est des juifs du Reich, il a clairement décidé de les éliminer à plus ou moins long terme, progressivement ou rapidement, en fonction de la résistance des organismes, soumis à des épreuves destructrices. Cette procédure est élargie à l'ensemble des territoires occupés lors de la conférence de Wannsee. Mais ce n'est que fin mai-début juin 1942 que la volonté politique et idéologique de mort trouve dans les innovations techniques mises en oeuvre à Auschwitz (grâce à Prüfer) les moyens d'une extermination industrielle, devenue alors un objectif prioritaire du régime nazi.

La première "sélection" date ainsi du 4 juillet 1942 et vise un convoi de juifs slovaques: les "aptes au travail" (hommes et jeunes femmes sans enfants) étaient séparés des "inaptes au travail" (enfants, femmes et vieillards), voués au gaz. C'est précisément à la fin du mois de juillet qu'apparaît, pour la première fois, l'expression "traitement spécial". Dès cette époque, gênés par de fréquentes pannes des fours d'incinération du crématoire I, incapable d'assurer un rendement suffisant pour la réalisation du programme d'extermination, les responsables de la Bauleitung signent avec Topf un contrat pour l'installation urgente de quatre nouveaux crématoires.

Autre apport décisif rendu possible par l'étude des documents soviétiques: le bilan précis des victimes d'Auschwitz, en retrait par rapport aux calculs connus et déjà récemment révisés à la baisse. Plusieurs chiffres erronés ont été avancés après guerre. En 1945, la Commission soviétique d'Auschwitz estimait le nombre total de morts à 5 500 000. La Pologne communiste s'en est longtemps tenue au chiffre de 4 millions de victimes, affiché jusqu'en 1990 sur le site d'Auschwitz II-Birkenau et repris en 1956 dans le célèbre film d'Alain Resnais Nuit et brouillard. La première estimation sérieuse, établie par l'Américain Raul Hilberg ("La Destruction des juifs d'Europe", Fayard, 1988), s'élevait à 1,2 million (1 million de juifs et 200 000 non-juifs) et la plus récente, proposée par l'historien polonais Francis Piper, à 1,1 million.

 

Environ 800 000 tués

Jean-Claude Pressac a pu, quant à lui, s'appuyer, le premier, sur la source exceptionnelle que constituent pour Birkenau les registres de décès ("Sterbebücher") des déportés astreints au travail (et donc immatriculés), soit 46 registres conservés à Moscou. Pour les autres victimes, sélectionnées comme "inaptes" et gazées dès leur arrivée (sans immatriculation), Jean-Claude Pressac se sert des données techniques afin de modifier sensiblement le comptage des victimes polonaises et hongroises.

Environ 800 000 personnes ont été tuées à Auschwitz: 15 000 prisonniers de guerre soviétiques, une dizaine de milliers de Tsiganes, morts du typhus ou par gazage, 130 000 détenus, juifs et non-juifs, morts de maladie ou d'épuisement par le travail, et 630 000 juifs, adultes et enfants, assassinés dans les chambres à gaz dès leur arrivée.

Un travail du même type, sur les autres camps, amènera sans doute d'autres révisions et, parallèlement, une réévaluation de la responsabilité de la Wehrmacht dans ses opérations de massacres de juifs, comme sans doute de l'importance de la mortalité dans les ghettos. Mais la nature de la Solution finale reste inchangée: des millions d'hommes, de femmes et d'enfants sont morts, comme l'a écrit Arthur Koestler, "d'être nés dans un lit et non dans un autre".

 

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SOURCE : L'Express

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J'aime Dieu. J'aime la vie. J'aime tout le monde.

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« Dieu m'aide. J'aime Dieu. Il m'aime. Je sais que tout le monde a oublié ce qu'est Dieu. Tout le monde pense que c'est un mensonge. Les savants disent que Dieu n'existe pas. Moi je dis que Dieu existe. Je le sens au lieu de le penser. Je sais que les mères me comprendront mieux, car elles ressentent la mort chaque fois qu'elles vont accoucher.



J'aime que tout le monde pense que je suis un idiot.



Un bouffon sans amour n'est pas Dieu.



Les critiques pensent toujours qu'ils sont plus intelligents que les artistes.



Je suis un homme en Dieu. J'ai peur de la perfection, car je veux qu'on me comprenne. Je me sacrifie, car je ne vis pas comme tout le monde. Je travaille des jours entiers. J'aime le travail. Je veux que tout le monde travaille comme moi.



Les copieurs me rappellent les singes, car les singes copient les gestes humains.



Je jouerai au théâtre des choses qui exciteront le public, car je sais que les gens aiment l'excitation, mais en les excitant je leur ferai sentir l'amour. Je ne veux pas que les gens aiment la mort de l'âme. Je ne veux pas que les gens aient peur de la mort qui vient de Dieu. Je suis la nature. Je suis Dieu dans la nature. Je suis le coeur de Dieu. Je ne suis pas du verre dans le coeur. Je n'aime pas les gens au coeur de verre. J'ai fait une faute en écrivant "coeur", mais maintenant je l'ai corrigée, car j'aime me corriger. Je veux que les gens se corrigent. Je ne veux pas la mort de l'esprit. Je suis une colombe.



J'aime Dieu. J'aime la vie. J'aime tout le monde.



J'ai vécu plus d'un an avec Dieu et j'ai travaillé quotidiennement. Je dormais et je pensais à Dieu. »

Vaslav Nijinski, Cahiers

 

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Je descends de Dieu

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« Les gens qui ne veulent pas changer de vie ne sont pas des hommes. Ils descendent du singe de Darwin. Je ne descends pas du singe de Darwin, c'est pourquoi je n'ai pas d'habitudes. Je descends de Dieu. »

« La nature de Darwin est inventée. La nature est la vie, et la vie est la nature. J'aime la nature. Je sais ce que c'est que la nature. Je comprends la nature, car je sens la nature. La nature me ressent. La nature est Dieu, je suis la nature. Je n'aime pas la nature inventée. Ma nature est vivante. Je suis vivant. Je connais des gens qui ne comprennent pas la nature. La nature est une chose superbe. Ma nature est superbe. Je sais qu'on me dira que moi aussi j'étudie. Mais j'étudie la nature d'après le sentiment. Mes sentiments sont grands, c'est pourquoi je sais sans étudier ce que c'est que la nature. La nature est la vie. La vie est la nature. Le singe est la nature. L'homme est la nature. Le singe n'est pas la nature de l'homme. Je ne suis pas le singe en l'homme. »

« Ma femme est en transe de poudre, et moi je suis en transe de Dieu. »

« Je suis ce Dieu qui meurt si on ne l'aime pas. »

Vaslav Nijinski, Cahiers

 

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