18/05/2014
Passant de la plainte au bêlement du "cool"
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« Est donc raciste celui qui ne pense pas bien - et qui notamment refuse d'admettre que l'individu mondialisé, antiraciste, inculte, veule, abruti par la sous-culture américaine et par l'ignorance, bardé de droits et passant de la plainte au bêlement du "cool", soit encore un homme au sens où la tradition européenne nous avait appris à l'être. »
Richard Millet, De l'antiracisme comme terreur littéraire
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Je m’étais mis à fréquenter assidûment les églises de la ville haute, par désœuvrement
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« À cette époque, ma foi n’était que religiosité mêlée de vague superstition, avec un goût prononcé pour l’architecture sacrée. Je m’étais mis à fréquenter assidûment les églises de la ville haute, par désœuvrement, peut-être, autant que pour le calme que ces nefs sombres et silencieuses faisaient renaître en moi après mes journées au bureau. Affecté à Laon pour une année, j’avais accepté avec indifférence cet exil. Je logeais dans la ville haute, non loin de la citadelle. J’aimais le silence des ruelles et des arrière-cours, les gestes lents des citadins, la paix des promenades et, par-dessus tout, l’espèce d’étroit belvédère d’où l’on découvrait, tout autour de la butte, des plaines sans fin : je venais rêvasser là, les soirs de septembre et d’octobre, en regrettant qu’il soit désormais impossible d’écrire l’histoire d’une jeune sentinelle guettant aux horizons bleutés des cavaliers barbares venus du nord. »
Richard Millet, Coeur Blanc, "Octavian"
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17/05/2014
La régularité médiocre
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« Les petites gens s’effraient de voir sortir les leurs de la régularité médiocre, temple de l’honnêteté dont ils se savent les dépositaires dans la société. »
Pierre Drieu la Rochelle, Rêveuse Bourgeoisie
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Saturés d'informations accessoires
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« C'est la première fois qu'une époque semble être fière de ne plus être historique, même les punks qui prônaient le No future, et qui le revendiquaient, avaient encore la force de réagir à quelque chose, fût-ce à leur indifférence. Vous n'êtes même pas nihilistes, quelle tragédie! On est obligés de s'adresser à vous comme à des enfants vierges, handicapés, amnésiques, ignorants, incapables de se concentrer. Je le vois bien, dès que je fais allusion à une force du passé, ça suscite un inintérêt flagrant. Vous êtes tout de suite agacés comme par de la nuisance sonore, parce que vous êtes saturés d'informations accessoires qui parasitent votre attention. »
Marc-Edouard Nabe, L'homme qui arrêta d'écrire
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Basculer de l'autre côté de la vie sans une larme
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« Le courage du soldat est inséparable de celui des autres. Il fait partie d'une chaîne humaine, et il n'y a pas de salut individuel. C'est pourquoi le courage est pour lui un sentiment qui s'organise, qu'on entretient comme les fusils. On lui dit de se battre et il se bat. On lui dit de mourir et il meurt. Il pratique cet étrange courage qu'il faut pour basculer de l'autre côté de la vie sans une larme. »
Hélie de Saint Marc, Les sentinelles du soir
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Qui ne méprise pas le mal, ou le bas, pactise avec lui
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« Les vertus que vous cultiverez par-dessus tout sont le courage, le civisme, la fierté, la droiture, le mépris, le désintéressement, la politesse, la reconnaissance, et, d’une façon générale, tout ce qu’on entend par le mot générosité.
Le courage moral, qui a une si bonne presse, est une vertu facile, surtout pour celui qui ne tient nul compte de l’opinion. Si on ne l’a pas, l’acquérir est une affaire de volonté, c’est-à-dire une affaire facile. Par contre, si on n’a pas le courage physique, l’acquérir est une affaire d’hygiène, qui sort du cadre que je me suis tracé ici.
Civisme et patriotisme ne font qu’un, si le patriotisme mérité son nom. Vous êtes d’un pays où il y a du patriotisme par saccades, et du civisme jamais ; où le civisme est tenu pour ridicule. Je vous dis : “Si vous êtes patriote, soyez-le sérieusement”, comme je vous dirais : “Si vous êtes catholique, soyez-le sérieusement”. Je ne fais pas grand cas d’un homme qui défend avec vaillance, en temps de guerre, le pays qu’il a affaibli par mille coups d’épingle en temps de paix. N’ayez pas besoin que votre pays soit envahi pour le bien traiter. Conduisez-vous aussi décemment dans la paix que dans la guerre, si vous aimez la paix.
La vanité, qui mène le monde, est un sentiment ridicule. L’orgueil, fondé, n’ajoute rien au mérite ; quand j’entends parler d’un “bel orgueil”, cela me laisse rêveur. Non fondé, il est lui aussi ridicule. La seule supériorité de l’orgueil sur la vanité, c’est que la vanité attend tout, et l’orgueil rien ; l’orgueil n’a pas besoin de se nourrir, il est d’une sobriété folle. A mi-chemin entre la vanité et l’orgueil, vous choisirez la fierté.
La droiture est ceci et cela, et en outre elle est une bonne affaire. Elle obtient tout ce qu’obtient la rouerie, à moindres frais, à moindres risques, et à moindre temps perdu.
Le désintéressement n’a d’autre mérite que de vous tirer du vulgaire, mais il le fait à coup sûr. Toutes les fois que, pouvant prendre, vous ne prendrez pas, vous vous donnerez à vous-même cent et mille fois plus que vous ne vous fussiez donné en prenant. De toutes les occasions dont vous ne voudrez pas profiter, dans le monde invisible vous vous bâtirez une cathédrale de diamant. La France d’aujourd’hui a créé un certain nombre de mots véritablement obscènes, parmi lesquels celui de resquiller. Ne resquillez pas, fût-ce dans le domaine le plus humble, car cela va du petit au grand.
Le mépris fait partie de l’estime. On peut le mépris dans la mesure où on peut l’estime. Les excellentes raisons que nous avons de mépriser. Qui ne méprise pas le mal, ou le bas, pactise avec lui. Et que vaut l’estime de qui ne sait pas mépriser ? J’avais toujours pensé qu’on pouvait fonder quelque chose sur le mépris ; maintenant je sais quoi : la moralité. Ce n’est pas l’orgueil qui méprise ; c’est la vertu. Aussi sera-t-il beaucoup pardonné à celui qui aura beaucoup méprisé. Et encore j’ajoute ceci : qu’il n’y a pas besoin de n’être pas méprisable, pour mépriser. »
Henry de Montherlant, Lettre d’un père à son fils
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Un homme tout court
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« Un jour, vous me direz peut-être que les conseils que je vous ai donnés ne sont pas adaptés à un homme moderne. A coup sûr : les vertus que je demande de vous sont les plus nuisibles à qui veut "réussir" dans le monde moderne. Mais je ne vous ai pas fait pour que vous fussiez un homme de tel ou tel monde, mais un homme tout court. »
Henry de Montherlant, Lettre d'un père à son fils
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Larmes et Sperme
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« Voilà l’ennui des filles qui font trop bien l’amour : elles nous rendent en larmes, tout le sperme que nous leur donnons. »
Roger Nimier, Le hussard bleu
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15/05/2014
Chacun veut la même chose : chacun sera pareil...
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« Un peu de poison par-ci par-là : cela donne des rêves agréables. Et beaucoup de poison, pour finir : cela donne une mort agréable.
On travaille encore car le travail est un divertissement. Mais on prend soin que le divertissement ne soit pas trop fatiguant [...].
Point de berger et un troupeau. Chacun veut la même chose : chacun sera pareil, celui qui sentira les choses autrement, ira volontairement à l'asile d'aliénés. »
Friedrich Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra - Le Prologue de Zarathoustra
20:00 Publié dans Friedrich Nietzsche | Lien permanent | Commentaires (0) | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Ne pas être le berger et le chien d'un troupeau
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« Zarathoustra ne doit pas être le berger et le chien d'un troupeau !
Pour détourner beaucoup de gens du troupeau — voilà pourquoi je suis venu. Que la foule et le troupeau soient en colère contre moi : ce que veut Zarathoustra, c'est que les bergers l'appellent brigand.
Bergers, dis-je, mais eux-mêmes ils se nomment les bons et les justes. Bergers dis-je : mais eux-mêmes ils se nomment les croyants de la vraie loi.
Voyez les bons et les justes ! Qui haïssent-ils le plus ? Celui qui brise les tables de leurs valeurs, le destructeur, le criminel — mais celui-là c'est le créateur. Des compagnons, voilà ce que cherche le créateur et non pas des cadavres et non pas des troupeaux et des croyants.
Ceux qui créent avec lui c'est eux que le créateur cherche, ceux qui inscrivent des valeurs neuves sur des tables neuves.
Des compagnons, voilà ce que cherche le créateur, qui puissent moissonner avec lui, car chez lui, tout est prêt pour la récolte. Mais ce sont les cent faucilles qui lui manquent : aussi doit-il arracher les épis à poignées et il s'en irrite.
Des compagnons, voilà ce que cherche le créateur, et de ceux qui savent affûter leurs faucilles. On les appellera destructeurs et détracteurs du bien et du mal. Mais ce sont eux les moissonneurs, ce sont eux qui célèbrent les fêtes.
Des compagnons, voilà ce que cherche Zarathoustra pour créer, moissonner, célébrer les fêtes : qu'a-t-il à faire de troupeaux, de bergers et de cadavres ? »
Friedrich Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra - Le Prologue de Zarathoustra
18:57 Publié dans Friedrich Nietzsche | Lien permanent | Commentaires (0) | | del.icio.us | | Digg | Facebook
C'est sur des irrationalités que la raison construit
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« Hegel rendit célèbre son aphorisme d'après lequel tout ce qui est rationnel est réel, et tout ce qui est réel, rationnel. Mais nous sommes nombreux à ne pas être convaincus par Hegel, à continuer à croire que ce qui est réel, ce qui est réellement réel, est irrationnel ; que c'est sur des irrationalités que la raison construit. Hegel, grand auteur de définitions, prétendit avec elles reconstruire l'univers, semblable à ce sergent d'artillerie qui pensait que les canons se fabriquaient en se munissant d'un trou, qu'on recouvrait ensuite de fer. »
Miguel de Unamuno, Du sentiment tragique de la vie
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14/05/2014
Amour, Gloire (autrichienne) et Beauté...
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Ach ! zes zotrichiens, douchour le zens dé la grandiloquence... Tonton Hitler et Tata Wurst !
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Recueillir plus d'âmes en un jour que Jésus-Christ en 2000 ans
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« Comment le plus infime crétin, le canard le plus rebutant, la plus désespérante donzelle peuvent-ils se muer en dieux et déesses ? Recueillir plus d'âmes en un jour que Jésus-Christ en 2000 ans ? C'est que la foule à genoux a le goût du faux, de l'or et de la merde, plus insignifiante est l'idole plus elle a de chances de conquérir le coeur de la foule... »
Louis-Ferdinand Céline, Bagatelles pour un Massacre
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13/05/2014
Une convulsion de cette société
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« Les Allemands séduits par la facilité se remettaient à tirer. Et comment. Quelle dégelée de balles. Ces balles, c'est du minerai, sorti des entrailles de la terre, qui vous jaillit à la figure. Et c'est conjointement une convulsion de cette société. C'est si facile de déchirer un centimètre de chair avec une tonne d'acier. »
Pierre Drieu la Rochelle, La Comédie de Charleroi
16:15 Publié dans Lectures | Lien permanent | Commentaires (0) | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Une voiture de course
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« Le seul avantage serait d’acheter une voiture de course qui me permettrait de me tuer : cela me donnerait ce côté humain et touchant qui me manque prodigieusement, si j’en crois les critiques. »
Roger Nimier, Les Enfants tristes
14:26 Publié dans Lectures | Lien permanent | Commentaires (0) | | del.icio.us | | Digg | Facebook
La merde a de l'avenir...
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« La merde a de l'avenir, vous verrez qu'un jour on en fera des discours. »
Louis-Ferdinand Céline
11:02 Publié dans Brèves | Lien permanent | Commentaires (0) | | del.icio.us | | Digg | Facebook
11/05/2014
Rien n'est aussi répugnant, chez les êtres soi-disant cultivés, chez les sectateurs des "idées modernes", que leur manque de pudeur
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« On a fait un grand pas en avant lorsqu'on a fini par inculquer aux grandes masses (aux esprits plats qui ont la digestion rapide) ce sentiment qu'il est défendu de toucher à tout, qu'il y a des événements sacrés où elles n'ont accès qu'en ôtant leurs souliers et auxquels il ne leur est pas permis de toucher avec des mains impures, — c'est peut-être le point le plus élevé d'humanité qu'ils peuvent atteindre. Au contraire, rien n'est aussi répugnant, chez les êtres soi-disant cultivés, chez les sectateurs des "idées modernes", que leur manque de pudeur, leur insolence familière de l'œil et de la main qui les porte à toucher à tout, à goûter de tout et à tâter de tout ; et il se peut qu'aujourd'hui, dans le peuple, surtout chez les paysans, il y ait plus de noblesse relative du goût, plus de sentiment de respect, que dans ce demi-monde des esprits qui lisent les journaux, chez les gens cultivés. »
Friedrich Nietzsche, Par-delà le bien et le mal ; partie IX, chapitre "Qu'est-ce qui est noble ?"
19:39 Publié dans Friedrich Nietzsche | Lien permanent | Commentaires (0) | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Ceci n'est plus une femme...
19:23 Publié dans Gender... | Lien permanent | Commentaires (0) | | del.icio.us | | Digg | Facebook
09/05/2014
Une pin-up affriolante derrière, ou devant, chaque objet
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« Bref, si Marx avait lu Sade, il aurait sans doute compris que le capitalisme disposait d’une réserve fantastique : la démocratisation de la jouissance de l’objet. (…)
Le personnage de la pin-up n’a, à l’évidence, pas été inventé par hasard au moment de la crise de 1929. Il est au contraire un élément essentiel à la compréhension d’une époque. En d’autres termes, pour comprendre quelque chose au capitalisme sadien dans lequel nous vivons depuis trois générations, il faut regarder, voire même contempler une pin-up dans une de ces nombreuses situations sadiennes soft où ce personnage s’est alors retrouvé jeté.(…) C’est ce personnage culturel sadien devenu mythique, qui a véritablement sauvé le capitalisme de la crise de 1929 et, par là, changé le cours du monde. (…) Le capitalisme, en effet, aurait dû alors mourir, victime d’une crise majeure de surproduction, comme Marx l’avait annoncé. Mais la pin-up arriva et relança progressivement la machine en se montrant capable d’érotiser à outrance n’importe quel objet manufacturé que les consommateurs n’eurent plus qu’à acheter en masse, moyennant le formatage et l’exploitation industrielle de leur énergie libidinale. Le marché est ainsi devenu peu ou prou pornographe : il y avait une pin-up affriolante derrière, ou devant, chaque objet. »
Dany-Robert Dufour, La Cité perverse
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Nos vies sont immergées dans l’expérience directe des nombres entiers
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« L’enfant sait – nous savons tous – comment certains types d’objets se comportent. Nos vies sont immergées dans l’expérience directe des nombres entiers : combien il y a de pièces de monnaie, de timbres, de cailloux, d’oiseaux, de chats de moutons, d’autobus. Si j’essayais de convaincre un enfant de six ans que je peux mettre trois pierres dans une boîte, en enlever une, et me retrouver avec quatre, il se moquerait tout simplement de moi. Pourquoi ? Ce n’est pas seulement parce qu’il est sûr d’avoir, à de nombreuses reprises, retiré un objet parmi trois pour qu’il en reste deux. Même un enfant comprend que certaines choses qui paraissent fiables finiront par ne plus marcher : un jouet qui fonctionne parfaitement, jour après jour, pendant un mois ou un an, peut toujours se casser. Mais pas l’arithmétique, pas le fait d’enlever un à trois. Ça, il ne peut même pas imaginer que ça ne marche plus. Quand on a vécu dans le monde, quand on a vu comment il fonctionne, la faillite de l’arithmétique devient inconcevable.
Le professeur Hamilton suggère que cela relève de l’âme. Mais que dirait-il d’un enfant élevé dans un environnement d’eau et de brume, qui n’a jamais été en présence de plus d’une personne à la fois, qui n’a jamais appris à compter sur ses doigts et ses orteils. Je doute qu’un tel enfant ait la même certitude que nous, que vous et moi, qu’il lui semble aussi impossible que l’arithmétique l’induise un jour en erreur. Supprimer totalement les nombres entiers de son monde nécessiterait qu’on le place dans un cadre très étrange, avec un niveau de manque qui atteindrait la cruauté, mais est-ce que ce serait suffisant pour qu’il perde son âme ?
Un ordinateur programmé pour faire de l’arithmétique comme l’a décrit le professeur Hamilton, est soumis à des privations encore plus grandes que celles que l’on a infligées à cet enfant. Si j’avais été élevé avec les mains et les pieds attachés, la tête dans un sac, avec quelqu’un qui me hurlait des ordres, je ne crois pas que j’aurais une bonne appréhension du réel – mais je serais néanmoins mieux préparé à cette tache qu’un ordinateur. C’est une grâce formidable qu’une machine soumise à un tel traitement ne soit pas capable de penser : si elle le pouvait, les chaînes qu’on lui a fait porter serait d’une oppresivité criminelle. »
Greg Egan, Nouvelle, Oracle, publiée dans le recueil Océanique
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Le voile a glissé sans qu’elle voulût le voir tomber
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« Le voile a glissé sans qu’elle voulût
Le voir tomber.
D’une main le saisit et de l’autre
Nous fit signe
D’avoir à craindre Dieu, en réprimant
Notre curiosité avide.
Une main aux doigts teints,
Souple, aux extrémités déliées
Comme fruits de l’anam
Qui semblent ne pouvoir
se nouer, tant est grande
leur délicatesse. Puis, de ses longs cheveux noirs
à demi bouclés se couvrant,
elle se ploya comme la vigne s’appuie
sur l’étançon qui la soutient.
Enfin elle te regarda comme
Pour te rappeler que, malgré sa prière,
Tu aurais pu obtenir
Ce que tu n’as pas essayé de prendre…
Lourd regard d’attente qu’un malade
Adresse à ceux qui le visitent. »
Al-Nābiġa al-D̠ubyānī, poème compilé dans "La Poésie Arabe", anthologie traduite et présentée par René Khawam
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Territorialisées contre Globalisés...
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« Ce serait une erreur de ne définir les classes que comme des ensembles d’individus regroupés par un intérêt matériel commun. La lutte des classes, soulignait Edouard Berth, n’est pas la révolte des pauvres contre les riches, comme l’imaginait Blanqui, mais bien, comme l’a montré Marx, la révolte des producteurs contre le système capitaliste. Elle n’oppose pas seulement des groupes d’intérêts divergents, mais aussi des types humains opposés (c’est aussi pour cette raison qu’il ne saurait y avoir d’intérêts communs entre eux).
Le grand clivage social actuel est celui qui oppose des classes populaires encore "territorialisées", dont le mode de vie et de sociabilité se limite en général à un périmètre restreint, à une Nouvelle Classe globalisée, engendrée elle-même par un néocapitalisme financiarisé et de plus en plus déterritorialisé. »
Alain de Benoist, in "Réfléchir et Agir", numéro 44
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08/05/2014
L'intolérance musulmane...
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Dans la flamme
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« L'ordre humain ressemble au Cosmos en ceci, que de temps en temps, pour renaître à neuf, il lui faut plonger dans la flamme. »
Ernst Jünger, Sur les falaises de marbre
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Rien ne compromet davantage, n’affaiblit de l’intérieur, et n’affadit la lutte contre le racisme que cette façon de mettre le terme à toutes les sauces
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« […] rien ne compromet davantage, n’affaiblit de l’intérieur, et n’affadit la lutte contre le racisme que cette façon de mettre le terme, si j’ose dire, à toutes les sauces, en confondant une théorie fausse, mais explicite, avec des inclinations et des attitudes communes dont il serait illusoire d’imaginer que l’humanité puisse un jour s’affranchir ni même qu’il faille le lui souhaiter […] »
« […] parce que ces inclinations et ces attitudes sont, en quelque sorte, consubstantielles à notre espèce, nous n’avons pas le droit de nous dissimuler qu’elles jouent un rôle dans l’histoire : toujours inévitables, souvent fécondes, et en même temps grosses de dangers quand elles s’exacerbent. J’invitais donc les lecteurs à douter avec sagesse, avec mélancolie s’ils voulaient, de l’avènement d’un monde où les cultures, saisies d’une passion réciproque, n’aspiraient plus qu’à se célébrer mutuellement, dans une confusion où chacune perdrait l’attrait qu’elle pouvait avoir pour les autres et ses propres raisons d’exister. […] il ne suffit pas de se gargariser année après année de bonnes paroles pour réussir à changer les hommes, […] en s’imaginant qu’on peut surmonter par des mots bien intentionnés des propositions antinomiques comme celles visant à “concilier la fidélité à soi et l’ouverture aux autres” ou à favoriser simultanément “l’affirmation créatrice de chaque identité et le rapprochement entre toutes les cultures”. »
Claude Lévi-Strauss, Le regard éloigné
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