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29/07/2012

...cependant que l'instant s'enfuit...

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« Il est des temps de décadence, où s'efface la forme en laquelle notre vie profonde doit s'accomplir. Arrivés dans de telles époques, nous vacillons et trébuchons comme des êtres à qui manque l'équilibre. Nous tombons de la joie obscure à la douleur obscure, le sentiment d'un manque infini nous fait voir pleins d'attraits l'avenir et le passé. Nous vivons ainsi dans des temps écoulés ou dans des utopies lointaines, cependant que l'instant s'enfuit. »

Ernst Jünger, Sur les falaises de marbre

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28/07/2012

Abû Mohammed Ali Ibn Hazm... et les Fedeli d'amore

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« A Cordoue appartient également l'une des personnalités les plus marquantes de l'Islam d'Andalousie aux Xe et XIe siècles, personnalité complexe dont les aspects multiples sont projetés dans son oeuvre. Il y a Ibn Hazm le poète; il y a Ibn Hazm le penseur, le théologien, historien critique des religions et des écoles philosophiques et théologiques; il y a le moraliste; il y a le juriste […]

Abû Mohammed Ali Ibn Hazm naquit en 994, au sein d'une famille arabisée jouissant d'un haut rang social ; lui-même se plaisait à faire remonter son ascendance jusqu'à un certain Persan, Yazid. Son père étant le vizir du calife omeyyade al-Mansûr, le jeune Ibn Hazm put facilement recevoir l'enseignement des plus célèbres maîtres de Cordoue dans toutes les disciplines : le hadîth, l'histoire, la philosophie, le droit, la médecine, la littérature.

Malheureusement en 1013 (avril), tout un quartier de Cordoue est mis à sac par les Berbères. La révolte grondant contre les Omeyyades, Ibn Hazm est expulsé de Cordoue […]. Nullement découragé, Ibn Hazm se réfugie à Shâtiba (Xativa). Là il trouve assez de sécurité et de paix pour écrire son admirable livre d'amour, le "Collier de la Colombe", qui est en même temps un journal de son expérience de la vie, où il révèle, entre autres, une blessure jusqu'alors gardée secrète, son amour juvénile pour la fille adoptive de ses parents.

Par ce livre, Ibn Hazm prend rang parmi les adeptes de ce platonisme de l'Islam où il a pour illustre prédécesseur Mohammed Ibn Dâwûd Ispahâni, auteur de l'admirable "Kitab al-Zohra". Ibn Hazm fait expressément allusion au mythe platonien du "Banquet" : "Certains adeptes de la philosophie ont pensé que Dieu créa chaque esprit en lui donnant une forme sphérique ; ensuite il le scinda en deux parts, plaçant chaque moitié dans un corps." Le secret de l'amour est la réunion de ces deux membres dans leur tonalité initiale. L'idée de la préexistence des âmes est d'ailleurs affirmée expressément par un hadith du Prophète. Ibn Hazm s'y réfère, mais il préfère l'interpréter dans le sens d'une réunion quant à l'élément supérieur des âmes isolées et dispersées en ce monde ; il s'agit d'une affinité entre les impulsions qui les meuvent et qui sont écloses dès leur préexistence dans le onde supérieur. L'amour est la mutuelle approche de la forme qui les parachève. Le semblable cherche son semblable. L'amour est une adhésion spirituelle, une interfusion des âmes.

Quant à la cause pour laquelle le plus souvent éclot l'amour, l'analyse qu'en donne Ibn Hazm présente une nette réminiscence du "Phèdre" de Platon. Cette cause "c'est une forme extérieurement (zahîr) belle, parce que l'âme est belle et désire passionnément tout ce qui est beau, et incline vers les images parfaites. Si elle voit une telle image, elle se fixe sur elle ; et si elle discerne ensuite dans cette image quelque chose de sa propre nature, elle en subit l'irrésistible attirance, et l'amour au sens vrai se produit. Mais, si elle ne discerne pas au-delà de l'image quelque chose de sa propre nature, son affection ne va pas au-delà de la forme." Il est important de relever une telle analyse chez Ibn Hazm qui est un "zâhirite" (c'est-à-dire un "exotériste" en matière canonique, attaché à la validation de la lettre, de l'apparence), à côté de réflexions comme celles-ci : "Ô perle cachée sous la forme humaine !" "Je vois une forme humaine, mais quand je médite plus profondément, voici qu'elle me semble être un corps venu du monde céleste des Sphères." Ce sont là des pensées que l'on pourrait rencontrer chez les "ésotéristes" comme Rûzbehân de Shîrâz, Ibn Zakariyâ Râzî et Ibn Arabî, attentifs à percevoir chaque apparence comme une "forme théophanique". La limite entre les uns et les autres est donc assez floue ; de part et d'autre l'apparence devient "apparition". Et c'est quelque chose dont il faudra se souvenir dans le cas du "zâhirisme" du théologien Ibn Hazm.

On doit à l'arabisant Alois Richard Nykl à la fois la première édition du texte arabe du livre d'Ibn Dâwûd, et la première traduction en langue occidentale (anglais) du livre d'Ibn Hazm. Une question d'un intérêt que l'on peut dire passionnant, a été également traitée par Nykl, à savoir l'étroite ressemblance entre la théorie de l'amour chez Ibn Hazm et certaines idées qui apparaissent dans la "Gaie Science" chez Guillaume IX d'Aquitaine, et en général, jusqu'à la Croisade contre les Albigeois, dans les principaux thèmes du répertoire des troubadours. On ne peut que signaler ici le problème. La portée en est très vaste (géographiquement, typologiquement, spirituellement), car il ne s'agit pas seulement de questions de forme et de thématisation, mais de quelque chose de commun entre les "Fedeli d'amore" et la religion d'amour professée par certains soufis. Mais il nous faut alors différencier avec soin les positions. Pour le platonicien Ibn Dâwûd, pour Jâhiz, pour le théologien néo-hanbalite Ibn Qayyim, la voie d'amour est sans issue divine ; elle "n'émerge" pas. Pour le platonisme des soufis, pour Rûzbehân de Shîrâz comme pour Ibn Arabî, elle est précisément cette "émergence". Toute la spiritualité de ceux des soufis qui les suivent, prend une tonalité différente de celle de leurs prédécesseurs. La religion d'amour des soufis, comme d'Ibn Hazm, n'est pas simplement le modèle de l'amour de Dieu, car il n'y a pas à passer d'un objet humain à un "objet" qui serait divin. C'est une transmutation de l'amour humain lui-même qui se produit, car il est "l'unique pont franchissant le torrent du Tawhid (Unicité divine)". »

Henry Corbin, Histoire de la philosophie islamique

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27/07/2012

J'ai vaincu la peur de mourir

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« En 1945, à 50 ans, entre son premier suicide (raté) et le second (réussi), il écrit son chef-d’œuvre, « Récit secret », texte unique en son genre. Son récit est extraordinaire. Dès l’âge de 6 ans, par « curiosité magicienne », il fait couler son sang avec un petit couteau à dessert, choisi dans le tiroir de l’argenterie familiale. De là, dit-il, une « manie, un appel à tout bout de champ ». Sa vocation est là. Il aurait pu, à l’époque, fuir à Genève pour sauver sa peau, ou rejoindre la brigade de Malraux en Alsace-Lorraine, mais non, il reste à Paris, il veut se donner non pas la mort mais sa mort.»

Philippe Sollers, Le suicide de Drieu - in "Le Nouvel Observateur du 26 avril 2012 n°2477"

« J’ai vaincu la peur de mourir. »

« Je n’ai jamais eu un instant de doute ni d’hésitation. Cette certitude était une source incessante de joie. »

« Je prête à la solitude toutes sortes de vertus qu’elle n’a pas toujours ; je la confonds avec le recueillement et la méditation, la délicatesse de cœur et d’esprit, la sévérité vis-à-vis de soi-même tempérée d’ironie, l’agilité à comparer et à déduire. »

« Toutes les occupations humaines se dissolvaient sous mes doigts. Tout me paraissait vain et déjà détruit. »

Pierre Drieu la Rochelle, Récit Secret

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Partout les vieillards se mettaient à quatre pattes sous les tables

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« Partout les vieillards qui étaient en vue glissaient de leur chaise comme des enfants honteux et se mettaient à quatre pattes sous la table, étouffés de surprise, d’épouvante et de scandale. Les hommes plus jeunes se précipitaient à la recherche des vieillards sous les tables pour les assurer de leur absence totale d’ambition et d’audace. Imaginez que, au lendemain du 14 juillet 1789, tous les adolescents de France, qui pouvaient s’appeler un jour Saint-Just ou Marceau, se soient rués aux pieds de Louis XVI pour le supplier de leur apprendre la serrurerie d’amateur. »

Pierre Drieu la Rochelle, Gilles

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26/07/2012

Brillantes épaves

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« Ce bar était assez élégant et rempli de brillantes épaves : hommes et femmes dévorés d’ennui, rongés par la nullité. »

Pierre Drieu la Rochelle, Le Feu follet

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25/07/2012

La drogue avait changé la couleur de sa vie

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« La drogue avait changé la couleur de sa vie, et alors qu’elle semblait partie, cette couleur persistait. Tout ce que la drogue lui laissait de vie maintenant était imprégné de drogue et le ramenait à la drogue… Tous ses gestes revenaient à celui de se piquer… Il ne pouvait que s’enfoncer dans la mort, donc reprendre de la drogue. Tel est le sophisme que la drogue inspire pour justifier la rechute : je suis perdu, donc je peux me redroguer. »

Pierre Drieu la Rochelle, Le Feu follet

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24/07/2012

Le malaise de tout un peuple

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« France, mon adolescence t’a aimée douloureusement. Toute parole tombait lourdement sur mon cœur. Il se répandait autour de moi des mots qui contaminent. Une ombre malfaisante couvrait le pays où j’étais né. Mais moi, je veillais sur notre vie. Et des rages me prenaient de m’arracher à tout ce que, dès longtemps, sans me tromper, j’avais bien vu marqué d’un signe de destruction. Je doutais de la cause qu’une passion désespérée, je le savais, me forcerait à défendre. Ignorant, j’étais livré aux idées premières venues. D’autres, qui l’avaient déjà accepté, j’avais reçu une faible image de ma patrie. L’âme, l’esprit étaient atteints. Je souffrais d’un malaise que je sentais partout. J’étais malade, et c’était le mal de tout un peuple. »

Pierre Drieu la Rochelle, Etat Civile

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23/07/2012

Je fus entièrement possédé par l'idée de décadence et à jamais

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« Saurais-je un jour raconter autre chose que mon histoire ?

Je suis l'astre solitaire qui illumine le monde.

Il n'y a qu'un moment éternel, le moment où je pense.

Enfin, j'aime la France comme une femme rencontrée dans la rue. Elle m'apparaît inquiètante, fascinante comme le hasard. Puis, je l'aime à jamais, son visage devient solennel, c'est celui de la Destinée.

Le patriotisme existe comme l'amour en dehors des patries... Il n'y a rien de plus fort que ce qui lie des hommes entre eux, au milieu des autres hommes.

J'ai vécu solitaire comme Robinson Crusoë. Ce beau mystère, celui de la solitude de notre planète parmi les astres, je l'ai vécu comme jamais je ne saurai le revivre par l'artifice de l'esprit.

Nous étions possédés par l'esprit de subversion. Nous méprisions et haïssions les gens âgés. Nous étions aveugles et violents. Nous ne songions qu'à l'émeute.

J'étais maître de moi, maître absolu. J'atteignais à l'autorité totale. Je libérais l'entière puissance.

J'étais grand, blond. Les yeux bleus, la peau blanche. J'étais de la race nordique, maîtresse du monde. J'étais droit, dur, avec des ruses directes. Naïf, plein d'un égoïsme généreux. Une secrète mystique, au fond du goût de la puissance... Je n'ai jamais songé du reste à aller en Scandinavie où notre race trop pure s'anéantit dans la perfection.

Je fus entièrement possédé par l'idée de décadence et à jamais. »

Pierre Drieu la Rochelle, Etat Civile

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