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22/01/2012

Place du Maghreb

=--=Publié dans la Catégorie "PARENTHÈSE"=--=


Ma douce Irina est en colère...

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Place de France est le centre commercial où nous faisons nos courses chaque samedi.
Place de France ? Hum.
Plus de poissonnerie depuis un an.
Le « Nicolas » où nous achetions notre vin a fermé il y a maintenant plusieurs années.
La crèmerie où j’aimais acheter du fromage de « chez moi » fermée depuis environ 2 ou 3 ans.
Eram, disparu.
Une première boucherie remplacée par une boucherie halal.
Une deuxième boucherie également remplacée par une boucherie halal.
Un magasin de fringues remplacé par une boucherie halal.
Une assez bonne boulangerie reprise par des maghrébins avec un large rayon de patisseries arabes.
Un kebab.
Deux kebabs.
Un magasin bio, disparu.
Un autre remplacé par une épicerie arabe.
Seul, tel le dernier village gaulois, un boucher traditionnel résiste. Nous le connaissons depuis toujours ou presque, et nous allons chaque samedi lui acheter de la viande, nous papotons, plaisantons, bref, un petit plaisir après la corvée des courses chez Carrefour.
Hier, comme d’habitude, la corvée courses terminée, nous nous rendons chez notre boucher et là, le choc : une boucherie halal a pris place !
La colère monte.

Notre commune qui compte un peu plus de 40 000 habitants ne possède donc aujourd’hui, à ma connaissance, qu’une seule boucherie traditionnelle, dans la vieille ville.
Je me suis crue un moment dans la 4e dimension. Qu’est-ce qui arrive à ce pays ?! Que les immigrés aient leurs commerces, ça ne me pose aucun problème mais que du jour au lendemain, ils soient quasiment les seuls à être représentés, ça non ! Que fait-on des « français de souche » du quartier qui ne mangent pas halal et qui aiment trouver chez leur boucher du porc ? C’est quand même totalement hallucinant non ?
« Place de France » devrait être rebaptisée « Place du Maghreb », parce que là, ça n’a plus aucun sens.
Les mots me manquent, la colère est encore trop présente.

Certains quartiers comme celui-ci vont finir par être désertés par les « français de souche » qui n’ont qu’une envie : partir ! Non seulement les commerces ne les représentent plus mais ils se sentent de plus en plus dans l’insécurité. Tout cela devient insupportable et je ne comprends pas comment les choses ont pu aller jusque là. Le pire c’est que ça va encore empirer. Alors soit les « français » vont tous partir soit on va aller vers une guerre civile. Parce qu’à force de supporter, de fermer sa gueule, il va y avoir un moment où on ne pourra plus supporter, où on ne pourra plus fermer sa gueule.
On reproche à la France ses années de colonisation. No comment.
Nous ne sommes pas en pleine colonisation avancée là ?
Imaginez un peu le contraire : je vois mal un centre commercial en Algérie où toutes les boucheries halal disparaitraient au profit de boucherie où l’on pourrait acheter du porc ... sous prétexte qu’une communauté chrétienne y grossirait.
Je ne sais pas ce qu’il faut pour que les gens se réveillent et prennent conscience de ce qui est en train de se passer dans ce pays !
Bien sûr, beaucoup ne sont pas personnellement concernés, alors forcément, pour eux, c’est facile de défendre les immigrés et de trouver normal que nous aménagions toutes sortes de choses pour eux. De toute façon, pour n’importe quoi, à partir du moment où cela ne concerne pas les gens, où ça ne les dérange pas dans leur petite vie, rien ne les concerne.
En revanche, pour ceux qui ne peuvent pas faire autrement que d’habiter dans des banlieues et où les étrangers sont nombreux, je peux vous dire que la vie au quotidien n’est pas facile. Entre les agressions (notre fils qui s’est fait raquetter, tabasser, et encore raquetter, tout ça en moins d’un an... et pas par des alsaciens, des auvergnats ou des bourguignons), les quartiers où les dealers font la loi et où il vaut mieux ne pas se promener, les islamistes (il y en a de plus en plus) qui vous regardent avec de la haine et du mépris (non non, je ne suis pas parano) et pour couronner le tout, on vous enlève la dernière boucherie où vous pouviez acheter de la viande non halal et du « hallouf », là, ça commence à bien faire. On a l’impression d’être étranger dans son propre pays ! Il y a de quoi péter les plombs.

En conclusion, je paraphraserais Shakespeare : il y a quelque chose de pourri au royaume de France.

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Bientôt dans notre ville...

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21/01/2012

Lettre ouverte à Stéphane Hessel et aux indignés de l'indignation

=--=Publié dans la Catégorie "Le Salut par les Juifs"=--=

 

Stéphane Hessel fait, encore, parler de lui. Il compare, à présent, François Hollande au Général de Gaulle et à Mendès-France. On croit rêver. Gilles-William Goldnadel à effectué quelques mises au point. Cependant, l'été dernier, dans le numéro 31 du "Magazine des Livres" de Juillet/Août, Joseph Bialot avait publié une lettre fleuve au spécialiste en rebellitude, ainsi qu'aux moutons et matons de Panurge qui le suivent comme on suit une idole : pour se rassurer sans rien considérer de la réalité. Joseph Bialot n'est plus tout jeune. Il approche des 90 ans. Juif polonais, résistant, déporté à Auschwitz et survivant de la Shoah, écrivain... il n'a certainement pas de leçons à recevoir des nouveaux chiens de garde et autres moralisateurs qui ont le vent en poupe. Si je ne partage pas toutes ses positions dans l'argumentation qu'il développe à l'encontre de Saint-Hessel (de l'ordre de la nuance et du détail), force est de reconnaître qu'il ne manque ni de piquant ni de persuasion dans le registre qui est le sien. Je vous invite à prendre le temps de lire sa "Lettre ouverte à Stéphane Hessel et aux indignés de l'indignation"... où vous apprendrez que le vieux Stéphane, outre le fait qu'il enfonce des portes ouvertes, n'a, en vérité, rien rédigé de "La Déclaration des Droits de l'Homme" ni vraiment excellé dans la Résistance face aux allemands. Bon à savoir. De plus, Joseph Bialot rappelle quelques évidences concernant Israël qu'on a, un peu trop, tendance à oublier, puisque les temps sont à la vocifération antisémite antisioniste de circonstance et que l'on répète autant de bêtises que nos analystes et journalopes nous rapportent au quotidien.

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Je viens de lire avec beaucoup d’intérêt le libelle de Stéphane Hessel intitulé : "Indignez-vous !"
Bravo ! Qu’une "littérature" d’une telle platitude rencontre pareil écho montre, assez bien, la crise intellectuelle que traverse ce pays. La France a connu des pamphlétaires de génie, de gauche comme Vallès, Zola ou Berl, de droite tels Galtier-Boissière et Bernanos, ou d’extrême-droite comme Béraud ou Daudet. On approuvait ou on détestait leurs idées, mais c’était des idées, pas du vent.
La France n’est pas encore sortie d’une crise économique qui risque d’emporter tous les acquis humains depuis 1945, les problèmes sont innombrables, mais l’essentiel de l’actualité tient dans le triomphe d’un texte incroyable. Les bobos possèdent enfin un dieu, en contre-plaqué mais un dieu quand même. Le culte de Stéphane Hessel vient de naître ! Qu’on se le dise !

Depuis ma jeunesse, pour avoir connu les Führer, Duce, Caudillo, Conducator et autres chefs et Petits Pères des peuples, je déteste les idoles, les icônes et les hagiographies.
Mon séjour à Auschwitz a développé chez moi une répulsion pour tous les bavards, blablateurs, donneurs de leçons et autres penseurs en rond. Au camp, j’ai connu quelques salauds hors normes, mais j’ai aussi eu la chance de rencontrer des individus qui, par leur comportement, ont maintenu une étincelle de dignité dans le monde délirant du nazisme. Le nazisme militant a disparu. Subsiste un nazisme de pensée inconscient dans lequel l’affectif remplace la logique. On ne raisonne plus, on s’apitoie, se compassionne : sur les fumeurs, les alcooliques, sur les vierges attardées et celles qui sont folles, sur les familles recomposées ou celles qui sont en cours de décomposition, sur les filles-mères et les fils- pères, sur ceux qui n’ont pas assez d’argent et ceux qui en possèdent trop, bref, le temps est à l’attendrissement. Agréable position dominante sur tous les autres.
Confortablement installé dans un fauteuil, on souffre pour ceux qui sont atteints de tous les maux engendrés par un progrès sans contrôle dans un univers sans repères. Si chacun détient une évidente vérité universelle, personne ne propose la moindre solution pour en sortir. Les idéologies sont mortes et les religions se réfugient dans le fanatisme pour essayer de durer : Encore une minute, Messieurs, les bourreaux !
On lutte contre la faim dans tous les cafés branchés de Paris et dans les restaurants étoilés du guide Michelin, on pense dans les talk-shows de la télé, on défile et on revendique en tapant sur des tambours, bref la bonne conscience, les bonnes bouffes et le vacarme servent de passeport pour tous les voyages charitables.
C’est là qu’apparaît la nécessité d’un maître à penser pour justifier un immobilisme total.

Eugène Pottier, parolier de l’Internationale, à écrit :
"Il n’est pas de sauveurs suprêmes,
Ni dieu, ni césar, ni tribun."
Belle phrase en vérité. Dommage qu’il ait oublié d’ajouter :
"Ni idoles !"
Hosannah ! L’impossible n’existant plus à notre époque, nous l’avons enfin, notre prince de la bobologie, notre idole : J’ai nommé Herr Stéphane Hessel. J’emploie le terme de Herr pour dire Monsieur puisqu’il se proclame, lui-même, ein Berliner Kind, un enfant berlinois.
Herr S. Hessel vient de publier un opuscule intitulé Indignez-vous ! qui trouve un grand écho dans tous les médias. C’est le texte indispensable pour briller en société, un phare qui illumine le monde, du moins un certain monde, l’annonce d’un univers où le quotidien chantera, bref un nouvel évangile annonçant une planète pleine de rires et de vie, sous réserve, bien entendu, que l’on tienne compte des paroles de l’idole.
Enfin, les pseudo-intellectuels possèdent un "livre" de référence. Heureusement que cette bible bobologique ne fait qu’une vingtaine de pages. Ce n’est pas le poids de l’ouvrage qui le fait tomber des mains. Je crois que c’est la première fois que la pesanteur attire le vide. Je viens de le lire avec la plus grande attention et cette lecture m’a amené à écrire ce texte.

Il est temps de remettre certaines pendules à l’heure. J’entends par pseudo-intellectuels les différents titulaires d’un doctorat, d’une agrégation ou autres peaux d’âne qui sanctionnent des études diverses. Parchemins qui leur confèrent, pensent-ils, le droit de devenir des directeurs de conscience, alors qu’un diplôme n’est que la reconnaissance d’un cursus estudiantin. Il annonce, "urbi et orbi", que son titulaire n’est pas un illettré. Jamais une attestation de fin d’études n’a indiqué que son possesseur était un intellectuel. Pour moi (je peux me tromper, évidemment) un intellectuel (mâle ou femelle) est un individu qui essaye de trouver des réponses à des questions qui n’en possèdent peut-être pas. Les pseudos, au contraire, vous répondent avant même de connaître la question ! Les textes ? Ils connaissent ! Avec Wikipédia, on n’arrête pas le progrès. Tout le monde sait enfin tout sur rien. Et ils citent, étalent leur culture comme la confiture : c’est parfois bon, souvent gluant.
Ces hommes et ces femmes détiennent une vérité absolue qui s’exprime en général dans une pétition. Leur signature, en bas d’un texte qui enfonce les mêmes portes ouvertes que Herr Hessel, leur donne, enfin, une raison d’exister. La preuve ? Leur nom est imprimé dans une page de journal.
Qui est Stéphane Hessel ? Incontestablement un homme cultivé dont la vie a été passionnante. Bardé de respect parce que respectable, décoré parce que décorable, ambassadeur même s’il n’a pas d’ambassade, bref il possède la totalité des qualités qui vous mènent soit à une notoriété méritée soit à un siège dans ce "corps qu’académique l’on nomme" l’Académie française.
Immigré, d’origine allemande, Hessel entre à l’école sans connaître un mot de français. La "communale" des années 1920-1930, héritière directe de Jules Ferry, formait des masses de gamins dont les parents, venus des quatre coins de l’Europe pour réparer les dégâts de la guerre de 14, s’intégraient sans le secours bidon des cours de rattrapage tels qu’on les pratique de nos jours, les fameuses Zep ! Pour l’enfant étranger (et j’en étais un, je sais donc ce que cela voulait dire), c’était marche ou crève. Je peux certifier que si nombre de mes voisins de classe à Belleville sont morts dans les années 1940, ce n’était pas sous le poids de leur scolarité. Le Ministère de l’Instruction publique, comme on disait alors, instruisait et formait des citoyens. L’éducation appartenait aux familles. Aujourd’hui, les parents infantilisés demandent aux professeurs des écoles d’être des pédagogues, des psys, des papas et des mamans. Comment voulez que celui qui était l’instituteur, le maître d’école, s’en sorte ?
Né d’une mère luthérienne, Hessel n’est pas juif. Son père, converti au protestantisme, le reste selon les critères raciaux des nazis.
Intégration réussie, notre héros va faire un parcours hors norme. Aller d’une communale de banlieue jusqu’à Normale Sup’ mérite un coup de chapeau.
Sans ironie, bravo !
Mais, il n’est pas seul dans ce cas et d’anciens élèves de la rue d’Ulm se sont fait un nom autrement qu’en s’agitant ; je pense à Alain Finkielkraut, à Raymond Aron (le prototype de l’intello), à Jean-Paul Sartre, grand résistant en Mai 68 (mais intello malgré tout) alors qu’il a fait jouer, à Paris, Les Mouches en 1943. Si vous l’avez oublié, sachez qu’en ce temps- là, on ne pouvait éditer, monter un film ou un spectacle, jouer, publier des textes qu’avec l’accord de l’occupant.
Intello modèle, pur et sans tache, résistant, Albert Camus publie L’Étranger en 1942, mais va se racheter en se salissant les mains dans la résistance tandis que d’autres se préparaient à écrire "Les mains sales". Je crois que Camus n’a jamais passé l’agrégation. Dans la liste des intellos, je n’oublie pas François Mauriac et ses papiers dans "L’Express".
Sacha Guitry affirmait : "Les hommes mariés n’ont que ce qu’ils méritent !" Notre époque, particulièrement méritante, possède elle aussi les intellos qu’elle a sécrétés. La culture est sauve ! Nous détenons des trésors, avec un petit groupe bien soudé. Je ne citerai personne mais suivez mon regard, vous les connaissez tous. Sans eux, les médias n’existeraient plus. Ils permettent de combler, par le vide, un néant laissé par un siècle où tous les sous-produits, culturels et autres, sont récupérés. Ils feront l’affaire. Je ne citerai aucun nom, n’ayant aucune raison de faire plaisir à certains nombrilistes parisiens.
J’aimerais toutefois préciser un comportement infâme chez les compagnons de route de monsieur Hessel. Signalez-leur, cher ami, que lorsqu’ils demandent le boycott des universités et des universitaires israéliens, ils se comportent comme les amis de Goebbels. Dans les années 1930, le gamin que j’étais n’a jamais oublié le visage de son père lorsqu’un jour, au bord des larmes, il lui a dit : "C’est terrible ! À Berlin, ils brûlent les livres !"

Je reprends le chef d’œuvre de Herr S. Hessel : "Indignez-vous !" C’est un éblouissement d’apprendre que l’engagement politique de l’auteur est dû au programme du C.N.R, le Conseil National de la Résistance. Il semble que la non-réalisation du contenu de ce texte reste un des grands regrets de notre héros. Ce fut effectivement, à la fin de la guerre, un grand rêve pour changer les structures de base d’une société qui avait fait son temps.
Situons ce programme dans les faits à une époque où l’histoire bascule.
À partir de 1940, il y a un avant et un ensuite dans l’histoire du monde. Après une défaite incroyable, après avoir demandé un armistice qui a prolongé la guerre mondiale d’un temps que je ne puis définir, a commencé l’Occupation. C’est une discussion sans fin que d’essayer de savoir ce qui se serait passé si les futurs vichyssois avaient compris que "la France a perdu une bataille mais la France n’a pas perdu la guerre" !
Imaginons donc.
Simple retour en arrière : 1940 !
Ce qu’on appelait alors "l’Empire" comptait plus de cent cinquante millions d’hommes. Les premiers à rejoindre de Gaulle ont été les Calédoniens (me semble-t-il) et l’Afrique Équatoriale.
La flotte française, la plus belle de l’histoire de la Royale, était intacte. Rien n’empêchait Pétain de passer la Méditerranée et de continuer la lutte.
Première conséquence logique : Mers-el-Kébir n’aurait pas eu lieu. La bataille d’Angleterre serait devenue un évènement secondaire. Hitler ne pouvait pas passer la Manche si les Dunkerque, Strasbourg (je cite de mémoire) et autres cuirassés français avaient été là.
Rappelez-vous les millions de tonnes de navires coulés durant la bataille de l’Atlantique. La lutte sous-marine aurait pris une autre tournure. Il est vrai que toute la France aurait été occupée. Et alors… C’était la guerre, un conflit épouvantable avec des conséquences terrifiantes. Combien de pays ont été occupés ? Malgré des pertes terribles, tous ont survécu.
Stop ! Plus d’histoire-fiction. Revenons à l’indignation laïque, gratuite et obligatoire de Stéphane Hessel.
La France de 1945 est inimaginable pour la génération d’aujourd’hui.
Toutes les réformes n’étaient pas possibles en même temps dans un pays ravagé par la guerre. Il faut avoir vu la France en miettes à cette époque. Sans parler du désastre moral (lire : "La trahison des clercs" de Julien Benda), France la douce n’était plus qu’un amas de ruines : les ports détruits, les routes coupées avec les ponts envolés, les voies ferrées en morse… vingt kilomètres de rail et un blanc avant de retrouver un raccordement ferroviaire, le pays n’était qu’un puzzle terrifiant, sans parler des villes incendiées – en dehors d’Oradour, je ne citerai que Vassieux, Saint-Nizier, la Chapelle en Vercors, etc. Je n’oublie pas non plus la montagne de morts provoquée par le repli de la Wehrmacht. Il est évident que le programme du C.N.R était une gigantesque bouffée d’air pur dans ce chaos.
Je tiens à rappeler à Monsieur Hessel qu’une grande partie du programme du C.N.R a été réalisée. Sans le plan Marshall, il serait resté un chiffon de papier.
Je n’ignore pas que la reconstruction de l’Europe, que nous devons aux Américains, leur a servi aussi à reconvertir leur colossale industrie de guerre pour la rendre enfin aux civils. Je sais aussi que la préoccupation première du plan Marshall était un barrage contre l’avance du stalinisme dans notre continent. Il n’empêche que ce projet a permis au C.N.R de passer à l’action avec, entre autres, la création de la Sécu, les retraites, les grands groupes nationaux, EDF/GDF, les Charbonnages de France, etc.
Mais ce qui était vrai en 1945 ne l’est plus en 2011. Nous avons changé d’époque, d’éthique et même, jusqu’à un certain point, de civilisation. Pas plus que Marx ne pouvait concevoir la nouvelle société industrielle née, entre autres, de l’électrification, personne ne pouvait imaginer le prodigieux bond de toutes les techniques, sans oublier la nouvelle révolution créée par l’informatique dont les effets ne sont pas épuisés.
Le passéisme est une des constantes d’Hessel. Le programme du C.N.R aujourd’hui comme panacée... on croit rêver. Continuons notre lecture.

Après le classique vœu pieux concernant les sans-papiers, sans la moindre proposition de solution, Hessel voudrait une société dont nous puissions être fiers. Qui ne le désirerait pas ?
Pour avoir été un immigré en 1930 (j’avais 7 ans), pour avoir connu dans mon entourage la peur de l’expulsion, je comprends ce qu’Hessel raconte. Dans les années d’avant-guerre, la moindre infraction commise par un étranger le ramenait immédiatement à la frontière. Bien qu’enfant, j’ai assisté à pas mal de pleurs et de crises de désespoir.
Dans une longue rubrique que j’intitulerais "La chronique des portes ouvertes", Hessel montre une qualité très répandue, celle qui consiste à débiter des banalités sur un ton sentencieux :
"L’intérêt général doit primer sur l’intérêt particulier !"
"Une véritable démocratie a besoin d’une presse indépendante !"
"Les banques désormais privatisées se montrent d’abord soucieuses de leurs dividendes, et des très hauts salaires de leurs dirigeants !"
Comme c’est ma semaine de bonté, je ne citerai pas toutes les autres portes ouvertes et défoncées que franchit notre idole. Je terminerai sur celle-ci : "Les responsables politiques, économiques, intellectuels et l’ensemble de la société ne doivent pas démissionner, ni se laisser impressionner par l’actuelle dictature internationale des marchés financiers qui menace la paix et la démocratie."
On pourrait aussi parler d’un début de dictature financière créée par des pays comme, par exemple, la Chine où l’absence de lois de régulation sociale et une pression monétaire, due à sa dynamique progression industrielle, forment une menace plus grande que celle de Wall Street. Vous avez entendu parler du "Petit livre rouge" d’un certain Mao ? La Chine a réussi le miracle d’hériter des pires maux du capitalisme et du communisme. Un beau mariage de déraison.

Je continue d’éplucher la Bible des bobos.
Le tract intitulé "Indignez-vous !" continue à dérouler ses banalités. Je passe rapidement sur le noble désir de l’ami Hessel de voir la France en modèle de démocratie. Elle se doit d’avoir une presse indépendante, dit Hessel. Elle l’est, non ? La preuve ? Sans les subventions de l’État, bon nombre de nos quotidiens n’existeraient plus.
Sur l’école, Monsieur-je-sais-tout approuve le rejet par certains enseignants de la réforme de l’Éducation nationale en 2008. Sais-tu Stéphane – j’ai décidé de te tutoyer en tant qu’ancien déporté – que dans un pays de droit, la référence reste la loi, votée par un Parlement librement élu ? Nous ne vivons pas une période insurrectionnelle. Puisque tu parles de "la liberté incontrôlée du renard dans le poulailler", j’aimerais compléter ta citation. Elle est de Larcordaire qui affirmait que : "Dans une société inégalitaire, c’est la liberté qui opprime et la loi qui protège !" Sans la loi, c’est le bordel intégral, citoyen Stéphane, le sais- tu ? Même les anars en possèdent une : ne pas avoir de lois...
Sur la Résistance, tu écris : "La Résistance propose : une organisation rationnelle de l’économie… etc." Je crois, mon cher Hessel, que la lutte contre le fric n’était pas son but premier. En 1942-1943, ne comptait que l’ambition de survivre. Entre les bombardements, les Gestapos françaises et allemandes, la Milice, les Doriotistes, les adeptes du Francisme de Bucard et autres jobardises kollabos du même genre, s’occuper de problèmes économiques relevait d’un autre univers. Était en jeu un problème de vie au quotidien pour une dignité justement revendiquée dans un pays libre sans police stipendiée et sans occupants. Les maquisards n’étaient pas des indignés mais, dans leur immense majorité, seulement des jeunes hommes avides de vivre. La perspective d’aller travailler chez les nazis, sous les bombes alliées, à plus fait pour le recrutement maquisard que l’indignation ou le patriotisme.
Tu écris : "... tout ce qui est souhaitable est possible !" Non ! La guerre se serait terminée bien plus tôt si mon vœu de voir crever les SS, les Kapos et tout ce qui touchait à l’ordre brun s’était réalisé. Tu te dis hégélien... Je veux te faire part d’un scoop : Hegel est mort, l’histoire n’a aucun sens comme nous l’avons cru, mais correspond à ce que les scientifiques affirment : c’est "le hasard et la nécessité" qui commandent la destinée humaine et ils ne mènent pas fatalement à "un cheminement irrésistible de catastrophe en catastrophe" comme le croyait ton ami Walter Benjamin. À son propos, pourquoi passes-tu sous silence le travail prodigieux accompli, en 1940, par Varian Fry pour sauver les artistes et autres persécutés ? Parce qu’il était américain ? Fry a tout fait pour aider Benjamin lors de son passage en Espagne. Les choses ont, hélas, mal tourné. Fry était un indigné, un vrai !
Tu poses, parfois, une bonne question. "Qui commande, qui décide ?" Et naturellement, tu réponds par un lieu commun : "Je dis aux jeunes : cherchez un peu, vous allez trouver." Applique ta maxime au problème de l’emploi...
Je passe sur ton analyse de la richesse et de la pauvreté. On pourrait remonter à l’Antiquité et se heurter à "l’immense écart qui existe entre les pauvres et les riches", encore que pour toi, en bon tiers-mondain, le problème ne se pose que pour ceux qui gagnent à peine deux dollars par jour. Je ne serai pas méchant et je ne te demanderai pas à combien se monte ta retraite de diplomate.
Arrive le chapitre de ton activité à l’ONU, ce "machin" comme disait le Grand Charles. Là, nous nous rejoignons. Toi, tu travaillais dans cette énorme bâtisse plantée sur l’East river, et moi je la fréquentais en 1970 lors du seul voyage que j’ai fait aux USA. J’y allais régulièrement car c’était un des très rares endroits new-yorkais où je trouvais des Gitanes- filtres, dont je fumais, à l’époque, trois paquets par jour. Ce qui prouve bien que l’ONU est un "machin" utile et que tabac ne tue pas toujours.
Restons à l’ONU. J’aimerais savoir quel a été ton rôle exact dans la rédaction de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Tu oses écrire : "Je ne saurais oublier, dans son élaboration, le rôle de René Cassin, etc." Comme disait un de mes instits à l’école communale : "Mon petit, tu as un culot qui frise le toupet !" Cassin, le juriste n° 1 de la France libre, a été l’instigateur et l’architecte de ce texte. Tous les travaux d’historiens le confirment. Qu’as-tu fait, toi, dans cette affaire ? Peut-être, après tout, as-tu tapé à la machine ces lignes révolutionnaires ? De toute façon, l’ONU s’est déshonorée en intronisant récemment un membre de la famille Kadhafi à la présidence de la commission des droits de l’homme. Tu as sûrement entendu parler de ce célèbre démocrate, dont les honnêtes fonctionnaires de l’ONU découvrent cinquante ans après qu’il a fait abattre l’avion de l’UTA, celui de Lockerbie, qu’il a kidnappé des infirmières, emprisonné des négociants suisses, tué, torturé, abruti son peuple avec ses délires. Peux-tu m’expliquer le pourquoi de cette nomination ?
Pour en finir avec les fonctionnaires (car ils ne sont que ça !) onusiens, tu t’extasies sur un de leurs avatars : les ONG.
1. Organisation Non Gouvernementale… Tu parles, Stéphane ! Aucune ne peut tenir financièrement sans l’aide d’un gouvernement.
2. Elles prétendent être "agissantes et performantes" selon tes propres termes, alors qu’elles ne représentent qu’elles-mêmes.
3. Instruments inconscients d’un néo-colonialisme anonyme, elles ne servent que de pansements aux blessures du tiers-monde. C’est bien, c’est charitable de développer l’enseignement, d’apporter des soins, etc. dans les coins le plus démunis de la planète, mais cela ne sert à rien si on pratique dans des déserts sans infrastructures techniques, morales, ouvertes à tous.

On en arrive à l’évènement clé de ta brochure : ton indignation à propos de la Palestine.
J’ai eu l’impression, après avoir pris connaissance de cette noble colère, que toute ton indignation ne sert en fait qu’à envelopper ce produit : la Palestine ou plutôt Israël.
Je reprends, dans l’ordre, ce que tu écris.
"Ce conflit est la source même d’une indignation." Qui a dit le contraire, ami ? Enchainer avec l’alibi du juge Goldstone est une malhonnêteté intellectuelle. Ce n’est pas la seule. Ce magistrat vient de faire machine arrière et a reconnu que lorsqu’il a donné son avis sur l’affaire de Gaza, il n’avait pas eu toutes les données de l’affaire. Je viens de lire sur Internet que le 2 avril 2011, il déclare dans une tribune du Washington Post : "Ce que nous savons aujourd’hui, n’a plus rien à voir avec ce que nous savions à l’époque." Il renvoie maintenant les deux boxeurs dans leur coin respectif.
Abordons ton problème, car tu en as un comme nombre de pourfendeurs des Israéliens. Certains (je crois sincèrement que cela ne te concerne pas) camouflent un antisémitisme plus ou moins conscient en s’abritant derrière un mythe : le sionisme. Ils sont antisionistes pas antisémites. Forcément ! La honte d’Auschwitz pèse encore sur certaines épaules sans empêcher certains juifs d’être de ce bord. Le masochisme existe chez tous les peuples. Or, vous semblez tous ignorer que le sionisme n’existe plus. Je ne dis pas une ânerie. Le sionisme a terminé sa course historique. Je crois que certains éclaircissements s’imposent. Quand les Palestiniens en seront conscients et qu’ils comprendront qu’ils ne jetteront pas les juifs à la mer, la paix sera enfin possible. Ni toi ni les soi-disant défenseurs de la Palestine n’avez pas la moindre idée de ce que le sionisme a représenté pour les juifs d’Europe de l’Est. Une colossale espérance, voilà ce qui a été ressenti à l’origine. Je précise que les Palestiniens devraient se méfier d’abord de leurs amis. "Seigneur, gardez-moi de mes amis, mes ennemis je m’en charge !" Vieux diction. Chacun sait que c’est avec ses ennemis que l’on fait la paix… Tu vois, je deviens comme toi et j’enfonce, aussi, une porte ouverte.
En parlant des protecteurs des Palestiniens, je repense à ce que Churchill disait d’André Maurois. Cet écrivain, un peu oublié aujourd’hui, académicien bon teint, avait fait sa carrière sur des romans très anglomanes – Les silences du colonel Bramble, etc. En 1940, Maurois rejoint les États-Unis et adopte une position ambiguë à l’égard des gaullistes. Le vieux dogue anglais dit alors en parlant de l’écrivain : "Nous pensions avoir un ami, nous n’avions qu’un client !"
Palestiniens, faites attention ! Vous risquez de faire la même découverte, vous avez une clientèle innombrable et courrez vers la même déception. Et gare à vous si par malheur on trouve du pétrole du côté de Jéricho !
Ce sont les soi-disant pays frères qui ont causé le plus de morts dans vos rangs. Pour n’en citer qu’un, Septembre noir, ça vous dit quelque chose ? Ce jour-là, on a vu des Palestiniens se réfugier en Israël pour échapper aux tueries fraternelles. Les Syriens massacrent les opposants au gouvernement, le sais-tu ? Où est ton indignation ? Où est la flottille de secours ? Et n’oublie pas, citoyen Hessel, que la Transjordanie (création britannique), devenue la Jordanie, n’est, elle aussi, qu’une partie de la Palestine turque.
Ce n’est pas la Palestine qui intéresse vos amis, c’est la destruction d’Israël. Comment ? Voilà des hommes qui ont traversé vingt siècles d’expulsions, de massacres, d’humiliations, de calomnies, et ils osent réclamer le droit accordé à tous les peuples d’avoir une nation à eux ? Intolérable, mon cher Watson ! Intolérable !
La Palestine... Le mot fait bander tous ceux qui ne connaissent pas l’Histoire. Oh ! de combien d’orgasmes, de jouissances de tous genres ce mot n’est-il pas responsable ? Grâce à des hommes comme toi, Hessel, on a sanctifié un État qui n’est, en gestation, ni meilleur ni plus mauvais qu’un autre. Je me demande ce que le Pape attend pour canoniser ce pays.
Attention, monsieur Hessel, tu commets une immense erreur en pensant que les juifs d’aujourd’hui sont les mêmes que ceux des siècles précédents. En dehors de la Shoah, évènement hors norme, deux autres faits fantastiques ont eu lieu dans l’histoire du judaïsme :
1. Massada, en 73 après J.-C.
2. La révolte du ghetto de Varsovie en avril 1943.
Deux incroyables suicides collectifs. Durant l’insurrection de 1943, les squelettes encore vivants, mal armés mais armés, sont morts sous les applaudissements enthousiastes des Polonais sortant de la messe pascale et qui ont assisté, du haut de la passerelle surmontant la ville en ruines, à la mort des ennemis de leurs ennemis.
Rappelle-toi une conversation, paraît-il authentique, entre Mao (tu sais bien… l’homme au "Petit livre rouge") et Kroutchev (le gars à la godasse).
"Mao : L’impérialisme américain est un tigre de papier !
Kroutchev : C’est vrai, mais le tigre de papier a des crocs atomiques. Ne poussez pas les Israéliens au désespoir. Devenu “le juif des nations”, si Israël doit en arriver là, alors, mon cher ami, comme diraient les croyants de toutes obédiences : “Que Dieu garde !”"

Indignez-vous ! Gaza est le centre du monde. Indignez-vous, c’est un ordre ! Mais fermez les yeux !
Les peuples éthiopiens et érythréens s’étripent joyeusement.
Au Nigéria, les nordistes musulmans tuent les sudistes chrétiens.
Au Soudan, les animistes sont joyeusement massacrés.
En Égypte, on incendie les églises chrétiennes du rite copte.
En Irak, les chrétiens installés depuis deux millénaires dans le pays se font tuer.
Le Rwanda ? Tu connais ? Un truc raté, on n’a pas atteint le million de morts. On s’est arrêté à seulement huit cent mille.
Les Russes assassinent joyeusement les Tchétchènes et leurs voisins sont sur le pied de guerre.
Pakistanais et Indous s’entretuent par épisodes à propos du Cachemire.
Au Tibet, les Chinois intouchables, ce ne sont pas des Sri-lankais ou des Indonésiens, étranglent les Tibétains.
Je passe sur ce qui se passe dans l’Est africain, au Zimbabwe, en Côte d’Ivoire, en Guinée Bissau.
Tout le monde s’en fout. Pas s’il s’agit de Gaza ! C’est le Dantzig du XXIe siècle. Tous les intellos de la rive gauche sont prêts à mourir pour cette ville.
Etc.
Etc.
Etc.
Vieille habitude, le Vatican se tait...
Seul Israël et ses sept millions d’habitants focalisent l’énergie des médias, des politiques, de tous les m’as-tu-vu de la planète. Sept millions… sur sept milliards d’habitants, soit 1 ‰ de la population mondiale.
Incorrigibles, ces juifs... faut toujours qu’ils se mettent en avant !

Si l’Église s’en mêle, on aura un jour férié de plus : la Saint-Palestine. Journée œcuménique bien sûr. En oubliant la pourriture de certains de ses dirigeants. Je ne mets pas dans le même sac le Palestinien qui, en 1948, a été obligé de quitter sa maison sans comprendre ce qui lui arrivait, et certains politicards. Je repense au fondateur de l’OLP, l’ineffable Ahmed Choukeiry, qui combattait vaillamment les Israéliens dans les bordels de Beyrouth et du Caire.
Vient ensuite Arafat. À sa mort, le magazine américain Forbes estimait que sa fortune était la septième ou la neuvième du monde. Je n’ai plus le chiffre exact en tête et je n’ai pas envie de faire des recherches sur ce point, mais je crois que je suis dans le vrai. Pour mémoire, Arafat était un chimiste, au Caire, qui vivait avec un salaire égyptien, évidemment pas au même niveau que celui de madame Bettencourt. Félicitons cet homme de biens, sans oublier les Caisses d’épargne égyptiennes, pour la bonne gestion de ses dépôts. Dis-moi si je me trompe, ami, c’est bien dans les caisses d’épargne qu’Arafat déposait ses modestes avoirs, non ?
Sans la déliquescence de ces hommes, sans l’intérêt et les intérêts que certains tirent de cet effroyable conflit, le problème serait réglé depuis des dizaines d’années. Mais rien ne presse, les Européens, les Américains continuent à payer. À vos poches, citoyens ! Il faut aider un peuple en détresse. Et, en vérité, il est en détresse. Reste à savoir qui est le véritable responsable de ce gâchis.

Revenons à la fin du sionisme.
Né à Paris, il a terminé sa course après la guerre des Six Jours. Il est évident que jamais Eretz Israël ne retrouvera ses limites bibliques, jamais. Pas question d’aller jusqu’à Ur, patrie d’Abraham.
La création et l’existence d’un État juif est contraire à toute logique politique, religieuse, économique, militaire. Pour qu’une telle idée prenne forme, il a fallu les pogroms utilisés comme moyen de gouvernement par les tsars pour en arriver là. Lassés de voir les juifs spoliés, volés, tués, un beau jour, en 1898, un homme (T. Herzel) a dit : "Stop ! Fini de porter la rouelle en France imposée par Saint-Louis ou le chapeau jaune obligatoire en Allemagne, assez des ghettos même s’ils sont vénitiens d’origine, assez de voir les femmes violées, les enfants massacrés." Tu as été déporté, Hessel... N’as-tu jamais entendu parler des SS fracassant le crâne des bébés juifs sur l’encoignure des maisons ? Je ne te demande pas d’attendrissement, mais d’admettre qu’il fallait que cela cesse.
À propos de la rouelle, durant l’Occupation à Paris, lorsque le port de l’étoile jaune fut imposé aux juifs de France, le capitaine Sézille, antisémite notoire, a déclaré pour justifier cette mesure moyenâgeuse : "Si les juifs étaient de couleur bleue, on ne serait pas obligé de leur faire porter un signe distinctif !" Belle justification, comme tu le vois, des théories délirantes des nazis à propos des races.
Aujourd’hui, l’étoile figure sur le drapeau israélien, mais elle est de couleur bleu et l’hymne national s’appelle Hatikvah, l’espérance. Comme les résistants du ghetto de Varsovie qui chantaient : "Ne dis jamais que tu parcours ton dernier chemin..." L’espérance... la projection dans le futur, c’est ça le judaïsme et pas le culte de la carpe farcie ou un ramassis de recettes de cuisine datant de la préhistoire.
Ben Gourion a déclaré un jour : "Ici, en Israël, celui qui ne croit pas aux miracles n’est pas un réaliste."
Israël existe et ce n’est pas un miracle mais la concordance d’évènements historiques qui se sont imbriqués les uns dans les autres. Certains "sionistes" avaient pensé à l’Ouganda pour la création d’un État juif. Mais le Temple n’était pas à Kampala. Jérusalem s’imposait. Le problème du retour à Jérusalem n’était pas politique mais mythique et mystique. Tu es un lettré, Stéphane, tu connais donc le fameux : "Que ma main droite se dessèche si je t’oublie Jérusalem !"
Mieux, la prière de la Pâque se terminait pas cette phrase : "L’an prochain à Jérusalem !" J’ignore si elle fait toujours partie du rituel. Ces mots ont été répétés dans chaque famille pendant près de vingt siècles, 2000 ans, et tu veux que cela ne laisse pas de traces ?
Je suis un Français, juif, athée, non sioniste. Israël n’est pas ma patrie mais je suis membre à part entière du peuple juif, de ses grandeurs, de ses faiblesses et de ses hommes fabuleux dans le domaine de la pensée, en vrac : Moïse, Jésus, Maïmonide, Spinoza, Marx, Freud, Kafka, Einstein et autres… Par modestie, je n’ajouterai pas : "Et moi !" Je ne t’alignerai pas la liste des Nobel obtenus par les youtres, les youdis, et autre amabilités du même style. La page n’y suffirait pas. Je reste un juif, plus exactement attaché au yiddishisme des youpins polonais, cette fantastique culture dont il ne reste que des cendres.
Je n’ai jamais confondu peuple et nation. Je serai solidaire des Israéliens tant qu’ils seront menacés et resterai juif tant qu’il y aura un abruti antisémite dans le monde. Retour au sionisme : Tu n’ignores pas que le commencement du peuplement juif en Palestine contemporaine (car il y a toujours eu des juifs en Terre sainte) a débuté lorsque les effendis turcs ont vendu leurs marécages de Galilée aux premiers sionistes. Pour l’Empire ottoman, la province palestinienne ne présentait aucun intérêt. Dans La Tour d’Ezra d’Arthur Koestler, les pionniers (c’est ainsi qu’on les appelait) chantaient : "Nous refleurirons la Galilée !" Je n’ai fait qu’un voyage en Israël, c’était en 1968, un an après la guerre des Six Jours, et j’ai vu que la Galilée était en fleurs. Des plantations d’eucalyptus contribuaient encore à maintenir les marais à sec. Si les frères de Bagdad, ou d’ailleurs, avaient une autre vision de la vie, ne crois-tu pas que Gaza serait, elle aussi, aujourd’hui, un jardin fleuri ?
Je ne vais pas continuer mon cours d’histoire.
Tu sais fort bien que la crise du Moyen-Orient a été fomentée, après la Seconde Guerre mondiale, par le Royaume-Uni, soucieux de défendre ses routes stratégiques et de conserver les pétroles irakiens et iraniens encore sous sa dépendance. Rappelle-toi que tout a commencé pendant le conflit 14/18, lorsqu’en 1916 (à cette date rien ne dit que l’Allemagne ne sera pas le vainqueur de la tuerie) les accords secrets Sykes-Picot transforment en confettis les pays du sud de l’Empire ottoman. L’année suivante, arrivent la déclaration Balfour et la promesse britannique de créer, en Palestine, un foyer national juif pendant que Laurence essaye de créer un royaume arabe. Bonjour, les dégâts... Là aussi les pétroliers pointent leurs nez. L’"Irak Petroleum", compagnie créée après la Première Guerre mondiale, avait la composition suivante : environ 73 % à la Grande- Bretagne, 22 % à la France, sans oublier les 5 % de monsieur Gulbenkian pour son rôle d’intermédiaire.
L’État d’Israël, dans cette conjoncture, était un os intolérable dans les intérêts british. Tu connais la suite. On est encore en plein dedans. Et tout le monde a intérêt à ce que cela dure, les pétroliers, les marchands d’armes, les lumières au racisme sélectif, les agités des médias, etc. sans parler des saints dirigeants de la Palestine.

Nous en arrivons à tes voyages à Gaza. Je te signale que tout le monde ne rapporte pas exactement la même vision que toi de ce territoire. Il est évident que ce n’est pas un pays de Cocagne mais ce n’est pas non plus le bidonville que tu décris ou plutôt une prison à ciel ouvert.
Stimulus : L’État juif est proclamé.
Réponse : Sous l’impulsion britannique, la Légion arabe, formée, commandée par des Anglais, entre en guerre contre lui avec l’appui de l’Égypte, du Liban, de la Syrie, de l’Irak, sans compter l’Armée de libération arabe.
Diagnostic : En refusant le plan de partage de l’ONU, les Palestiniens sont condamnés à un exode dont les "pays frères" sont responsables. Je pèse mes mots : ce sont les radios arabes des pays voisins qui ont demandé aux Palestiniens de quitter leurs maisons en leur promettant un retour dans les deux semaines suivantes.
Je n’oublie par Deir Yassin et la tuerie dont l’imbécilité de l’Irgoun est la cause. On chiffre le nombre de victimes à environ deux cents personnes. Je ne suis pas comme toi lorsque tu écris à propos de la récente opération "Plomb durci" : "On nous a confirmé [à Gaza] qu’il y avait eu mille quatre cents morts arabes contre seulement cinquante blessés côté israélien." Te rends-tu compte à quel point ce "seulement" est odieux, monsieur l’humaniste ?
Deir Yassin est pire qu’un crime, c’est une faute, pourrais-je dire en plagiant Talleyrand, et je comprends que l’on puisse parler d’un acte terroriste.
Pour moi, le terrorisme n’est pas monolithique et je fais une différence entre l’Irgoun qui se bat pour bâtir une nation et Al-Qaïda dont l’objectif n’est autre que l’imposition de la charia au monde entier. Pourquoi n’as-tu jamais parlé des tours jumelles de New York, mon cher Hessel, pourquoi ?

Retour à Gaza.
J’adore ta description du lieu lorsque tu évoques l’amour des Gazaouis pour "la mer et les plages". C’est beau… on croit entendre Trenet ajouter : "le long des golfes clairs"... Ne manquent plus que des chaises longues pour en faire un club de vacances alors que cette ville vit un drame permanent du fait, avant tout, des fameux pays frères.
Les enfants de Gaza t’attendrissent ? Là, je te comprends. Mon plus grand stress moral auchwitzien vient du jour (en août 1944) où j’ai vu, à Birkenau, les bambins du ghetto de Lodz aller vers les chambres à gaz. De cet instant, j’ai gardé une haine sans nom pour tous ceux qui touchent à un enfant, de quelque façon que ce soit.
Tu parles de trois millions de réfugiés palestiniens. Je ne mettrai pas ton chiffre en doute, je ne possède qu’une seule donnée au sujet des réfugiés, un seul nombre : ils étaient environ sept cent mille lors de ce qu’ils appellent "la catastrophe". Je peux comprendre le terme. Pour eux, c’en était une. Ils n’avaient pas de responsabilités dans les pogroms ou dans la Shoah. Mais l’homme propose et l’Histoire dispose. C’est ici et maintenant qu’il faut reprendre le problème, pas s’attarder en 1948.
Donc, sept cent mille réfugiés qui vont évidemment se reproduire.
Là intervient ta seconde malhonnêteté intellectuelle. Tu ne parles pas des sept cent mille juifs chassés d’Égypte, de Syrie, d’Irak, etc.
Israël a fait l’effort colossal de les intégrer. Qu’ont fait les pays arabes pour les leurs ? Après la débâcle arabe de 1948, Gaza tombe sous la coupe de l’Égypte et Nasser, ce fin politique, va laisser croupir les réfugiés dans la misère avec l’espoir de s’en servir comme d’une monnaie d’échange ou un moyen de pression. Les Syriens, les Libanais, les Jordaniens font de même. Encore aujourd’hui, au Liban par exemple, un Palestinien ne peut pas acquérir la nationalité libanaise et sortir de son camp qu’il s’appelle Sabra, Chatila ou Tel El Zaatar. Je te rappelle que les auteurs du massacre de Sabra et Chatila sont les miliciens chrétiens.

Il suffirait d’un tout petit effort de ta chère ONU pour que les milliards détournés et planqués par les roitelets du Moyen-Orient, et autres profiteurs de la tragédie palestinienne, servent enfin à quelque chose, entre autres à redonner aux réfugiés une raison d’espérer. Mais je crois que c’est trop de demander cela à tes amis.
J’adore ton analyse sur la violence. Vive la non-violence systématisée. J’entends très bien Gandhi, sur l’escalier de Mauthausen ou dans un des tunnels de Dora, dire aux SS : "Oh, vilains ! Ce n’est pas bien ce que vous faites !"
Explique-moi, Stéphane, qui est pour la violence ? Roquettes sur des villes israéliennes... Réponse au canon... Tu crois vraiment que ça peut encore durer longtemps ? Nous n’avons, toi et moi, aucun pouvoir, mais je crois que ton comportement, au nom de la sacro-sainte charité, ajoute de l’huile sur le feu. J’ajoute que j’ai beaucoup aimé ton "... il ne faudrait pas ex-aspérer, il faudrait es-pérer !" Si tu mêles Lacan au conflit palestinien, tu vas faire le bonheur des coupeurs de cheveux en quatre, tu vas exciter Saint-Germain-des-Prés et tu ne résoudras rien mais tu deviendras célèbre chez les branchés, câblés et autres hommes attachés aux apparences, un décor humain pour masquer le néant qui les entoure.
En déportation, nous avons été supérieurs aux éphémères, ces insectes qui vivent une vie complète en une journée. Notre vie entière pouvait se résumer à une minute. Chaque instant vécu pouvait résumer toute la vie de n’importe quel humain.
Tu as été déporté, tu sais donc qu’il existe un point commun entre un affameur et un affamé : la faim. Quel est le point commun entre un oppresseur et un opprimé ? Qui est l’oppresseur ? Celui qui pose les bombes ou celui qui crève lorsqu’elles explosent ?
Je ne parlerai pas de ton dernier chapitre, "Pour une insurrection pacifique".
Tu en connais des révoltes paisibles ? Je suis sûr que tu n’ignores pas la phrase de Mao ou de Lénine (je ne sais plus et n’ai pas envie de chercher) : "La révolution n’est pas un dîner de gala", etc.
J’arrêterai là cette lecture insipide.

J’en arrive à la postface de l’éditeur.
Je ne discuterai pas ton travail dans la Résistance. Tu étais au sommet, au B.C.R.A. Pour ma part j’étais, à Grenoble, à la base, un résistant lambda. Mais je me sens heureux lorsque je sais qu’en faisant un boulot modeste, j’ai contribué, à mon échelle, à emmerder les nazis. Sur les cinq communes françaises Compagnons de la Libération, le Dauphiné en compte deux : Grenoble et Vassieux-en-Vercors. Encore là, tu m’épates. Dans un de tes bouquins, tu dis : "... j’ai donc monté une mission pour moi-même (1)..."
Là, tu m’apprends quelque chose, j’ignorais qu’au B.C.R.A chacun décidait seul de ce qu’il avait à faire.
Autre chose, ton arrestation. Tu écris, toujours dans "Citoyen sans frontières", que le jour de ton arrestation tu avais "... rendez-vous avec douze types à douze coins différents de Paris..." Si je compte deux heures par rencontre (trajets et entretiens), je ne peux que t’exprimer mon admiration : quand dormais-tu ? Je comprends qu’avec pareille résistance physique, tu sois arrivé à ton âge vénérable.

Je passe sur tes interrogatoires. Être nu, devant quatre hommes armés d’une matraque, je sais ce que c’est. Être ficelé au-dessus d’une baignoire remplie d’eau dégueulasse, je connais aussi. Ce qu’on ressent, la tête dans l’eau, les fesses nues face aux tortionnaires qui tapent sur tout ce qui émerge de la flotte n’est pas une chose inconnue pour moi. Je ne parlerai pas de l’étouffement, de la sensation de mort imminente qui monte en toi lorsque tu te noies.
Ta déportation m’intrigue. Tu cites "Les Bienveillantes" comme bouquin de référence. L’auteur n’étant pas un déporté n’a pu faire que de la compilation. Aucun intérêt, il n’a pas de souvenirs...
Mon convoi s’est baladé durant onze jours à travers la France et l’Allemagne. Comme toi, j’ai connu la crasse, la promiscuité, la peur et l’angoisse. Une chose m’intrigue dans tes aventures, et j’aimerais que tu éclaires ma lanterne sur tes évasions en déportation.
Je vais au préalable te raconter une anecdote authentique.
C’était à Marrakech en 1982. J’étais en vacances et j’attendais la navette qui devait ramener un petit groupe, dont j’étais, à l’hôtel. Durant ce séjour, j’avais rencontré un homme extraordinaire : Pierre... un médecin breton, déporté comme résistant à 18 ans. En attendant le bus, il m’a raconté comment un jour, à Saxo (2), il a fait la queue pour être pendu. À la suite d’une évasion, pour décourager d’autres candidats à la belle, les SS avaient décidé de pendre dix pyjamas. Pierre faisait partie du lot. On en pend un, deux... Et, miracle... Fliegeralarm ! Alerte aérienne. Le seul événement craint par les tueurs d’Himmler. Les exécutions s’arrêtent, tout le monde, gardes compris, court se mettre à l’abri.
Liens défaits, Pierre et les autres retrouvent une brève liberté. L’alerte se termine. Que font les SS ? Ils reprennent le nombre de déportés manquant pour arriver à dix et les pendent.
Toi aussi, tu t’es évadé. J’aimerais te féliciter pour ta chance. Ne pas être pendu après une évasion manquée d’un camp nazi est une chose fantastique. Ton éditeur décrit l’échange d’identité avec un mort, échange qui te sauve la vie. Semprun, me semble-t-il, raconte une histoire semblable. Félicitations : il fallait que tu sois un personnage considérable pour que l’organisation clandestine de Buchenwald te protège avec les risques que cela comportait. Tu étais gaulliste, eux appartenaient au Parti communiste clandestin depuis 1939.
Tu es transféré en usine. Nouvelle évasion. Repris, tu atterris à Dora- l’effroyable. Tu es affecté à la compagnie disciplinaire (3) et tu repars dans la nature. Là, tu deviens, pour moi, le Latude de la déportation. Pour ceux qui ne prennent pas leurs infos uniquement sur Médiapart, je précise que Latude est un aventurier du XVIII e siècle qui, pour un complot imaginaire contre la Pompadour, a passé trente-cinq années de sa vie en prison. Enfermé, il s’est évadé successivement de Vincennes, de la Bastille, de Charenton et de Bicêtre (4). Il file de la Bastille en fabriquant une échelle faite des fibres de ses vêtements (qu’il possédait dans une malle) avec des échelons créés dans le bois qu’il prélève sur les bûches de chauffage (5). On peut, paraît-il, la voir au musée Carnavalet à Paris.

J’arrête ici ma polémique avec toi. Tu m’épates vraiment. Tu te bats pour tes idées, bravo ! Mais fais-le en respectant les faits et en ne prenant pas tes désirs pour des réalités. Les Palestiniens ne sont pas tous des anges et les Israéliens pas tous des salauds. Avec ton vécu, tu devrais nuancer. Par pitié, cesse de faire partie de ceux que le génial, infâme et ordurier Céline appelait "les agités du bocal"... Tu vaux certainement mieux que ça. Fais-le, sinon c’est moi qui vais m’indigner.
Je te salue comme le faisaient les déportés : Servous, camarade !

Joseph Bialot, B 9718 à Birkenau,
193 143 à Auschwitz I

PS : Deux erreurs visibles dans tes souvenirs. Pierre Brossolette n’a jamais été le chef du B.C.R.A. (page 27 de ton chef-d’œuvre).
Le coup de main des Britanniques sur Dieppe a eu lieu en 1942 et pas en 1943.

(1) Citoyen sans frontières, Éditions Pluriel, 2008-2010.
(2) Sachsenhausen pour les non-initiés. J’ai repris ce "souvenir" dans un de mes bouquins mais j’ai oublié lequel.
(3) Straffkommando. Kommando disciplinaire SS. Il existe une énorme littérature sur les camps, je n’ai jamais rien lu sur les kommandos punitifs des SS. Je remercie d’avance celui qui m’indiquera un titre sur cet aspect de la déportation que je ne connais pas.
(4) Source : Le Robert encyclopédique des noms propres.
(5Source : Internet.

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Nous disons non à tous les visages de la mort

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« Nous ne sommes ni de droite, ni de gauche, nous ne sommes même pas d’en haut, nous sommes de partout. Nous sommes las de mutiler l’homme ; que ce soit pour l’accabler comme à droite ou pour l’adorer comme à gauche, nous sommes las de le séparer de Dieu. Nous n’abandonnerons pas un atome de la vérité totale qui est la nôtre. Au nom de quoi nous attaque-t-on ? Nos adversaires sont-ils pour le peuple ? Nous le sommes. Pour la liberté ? Nous le sommes. Pour la race, pour l’Etat, pour la justice ? Nous sommes pour tout cela, mais pour chaque chose à sa place. On ne peut nous frapper qu’en nous arrachant nos propres membres. Nous sommes pour chaque partie, étant pour le tout. Nous ne voulons rien diviniser de la réalité humaine et sociale parce que nous avons déjà un Dieu ; nous ne voulons rien repousser non plus parce que tout est sorti de ce Dieu. Nous ne sommes contre rien. Ou plutôt, car le néant est agissant aujourd’hui, nous sommes contre le rien. Devant chaque idole, nous défendons la réalité que l’idole écrase. Sous quelque fard qu’ils se présentent, nous disons non à tous les visages de la mort. »

Gustave Thibon, Retour au réel

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20/01/2012

Le relativisme absolu conduit à un indifférentisme

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Jacques Dewitte

« Alors qu’il voyageait au Mexique et visitait des sites archéologiques amérindiens en compagnie d’un écrivain mexicain, le philosophe polonais Kolakowski en est venu à se demander "où sont les barbares ?". Sont-ils du coté des conquistadores, lesquels sont barbares parce qu’ils ont voulu détruire une culture extra-européenne ? Ou bien ne seraient-ce pas plutôt du coté de ces Européens qui, devenus indifférents à leur propre tradition, posent l’équivalence absolue de toutes les cultures ? Dans ce cas on devrait paradoxalement admettre que les conquistadores seraient non seulement les derniers Européens, mais les derniers non-barbares. Car le relativisme absolu conduit à un indifférentisme et à une dissolution de tout ce à quoi l’on peut adhérer en quelque manière.

Il s’agit d’une boutade permettant surtout de prendre en considération ce problème capital : jusqu’où peut on aller dans la remise en question critique de soi-même. Peut-on aller, sans contradiction, jusqu’à approuver, le cas échéant, la barbarie dans un souci de respect des "autres" et de leur "altérité". Il s’agit en effet de déjouer le piège dans lequel tombe le relativisme culturel en finissant par nier la différence même entre lui-même et ses ennemis.

Etre barbare, c’est être emprisonné dans son exclusivisme et son fanatisme. Si l’on est fier d’en être sorti, si l’on se pique d’avoir surmonté l’enfermement dans la clôture ethnocentrique, alors on ne peut s’interdire de condamner la barbarie éventuelle des autres.

Faute de quoi l’universalisme se contredit lui-même :

"Il se nie s’il est généreux au point de méconnaitre la différence entre l’universalisme et l’exclusivisme […] entre soi-même et la barbarie ; il se nie si, pour ne pas tomber dans la tentation de la barbarie, il donne aux autres le droit d’être barbare".

L’universalisme ne peut donc rester à l’intérieur de la culture qui l’a produit [la culture européenne] et s’arrêter aux frontières des autres cultures, par "respect de leur différence". S’il ne veut pas se nier lui-même, il ne peut pas ne pas impliquer un certain prosélytisme. "L’universalisme se paralyse lui-même s’il ne se croit pas universel, c'est-à-dire propre à être propagé partout".

Kolakowski évoque de manière frappante une situation concrète qui est plus actuelle que jamais, dans les pays européens ayant accueilli d’importantes populations musulmanes et où certaines organisations tentent de faire reconnaître la charia à l’encontre du droit européen : quelle attitude adopter face aux règles de la loi islamique qui prescrit notamment la lapidation pour la femme adultère (ou la flagellation pour les hommes), ou bien l’amputation de la main pour la fraude fiscale ?

"Si l’on dit, dans un cas pareil, "c’est la loi coranique, il faut respecter les autres traditions", on dit en fait : "ce serait terrible pour nous, mais c’est bon pour ces sauvages" ; par conséquent, ce qu’on exprime, c’est moins le respect que le mépris des autres traditions, et la phrase "toutes les cultures sont égales" est la moins propre à décrire cette attitude". »

Leszek Kolakowski, "Où sont les barbares ?", Le village introuvable, Bruxelles, Complexe, 1978, p. 110-111, commenté ici par Jacques Dewitte dans L’exception européenne. Ces mérites qui nous distinguent, Paris, Michalon, 2008, p. 34-35


Leszek KOLAKOWSKI

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19/01/2012

Poison

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La démocratisation de l’Europe est du même coup une organisation travaillant involontairement à l’élevage de tyrans

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« Que l’on appelle "civilisation" ou "humanisation" ou "progrès" le trait pour lequel on cherche aujourd’hui à distinguer les Européens ; qu’on appelle simplement, sans éloge et sans blâme, d’une formule politique, le mouvement démocratique de l’Europe : derrière toutes ces caractéristique morales et politiques de surface, auxquelles renvoient de telles formules, s’accomplit un formidable processus physiologique qui ne cesse de s’amplifier, – le processus qui rend les Européens semblables, leur autonomie croissante à l’égard de tout milieu déterminé qui aimerait s’exprimer au fil des siècles dans l’âme et dans le corps sous forme d’exigences identiques, – donc la lente apparition d’une espèce d’homme essentiellement surpranationale et nomade qui, pour parler en termes physiologiques, possède pour trait distinctif typique un art et une faculté d’adaptation maximalisée. Ce processus propre à l’Européen en devenir peut voir son tempo ralenti par de grandes rechutes, mais peut-être gagnera-t-il et croîtra-t-il de ce fait en véhémence et en profondeur – le déchaînement et la poussée de "sentiment national" qui continuent de faire rage aujourd’hui entrent dans ce cadre, tout comme l’anarchisme qui commence à se lever – : ce processus entraînera vraisemblablement des résultats que ses promoteurs et apologistes naïfs, les apôtres des "idées modernes", pourraient bien ne pas escompter le moins du monde. Ces mêmes conditions nouvelles à la faveur desquelles se développera, en moyenne, une égalisation et une médiocratisation de l’homme – un homme animal de troupeau, utile, dur à la tâche, utilisable et compétent dans des domaines variés -, sont au plus haut degré propice à faire apparaitre des hommes d’exception possédant cette qualité d’être suprêmement dangereux et suprêmement attirants. Alors en effet que cette capacité d’adaptation, qui fait l’épreuve de conditions variant continuellement et commence un nouveau travail à chaque génération, presque à chaque décennie, ne rend absolument pas possible la puissance du type ; alors que ces Européens à venir donneront probablement l’impression générale d’ouvriers variés, volubiles, pauvres en volonté et offrant de larges possibilités d’utilisation, qui ont besoin du maître, de celui qui commande comme de leur pain quotidien : alors que, par conséquent, la démocratisation de l’Europe aboutira à la production d’un type préparé à l’esclavage au sens le plus subtil du terme : dans des cas particuliers et exceptionnels, l’homme fort deviendra nécessairement plus fort et plus riche qu’il ne l’a peut-être jamais été jusqu’à présent, – du fait de son éducation dénuée de préjugés, du fait de sa formidable diversité de pratique, d’art et de masque. Je voulais dire : la démocratisation de l’Europe est du même coup une organisation travaillant involontairement à l’élevage de tyrans, – à tous les sens du terme, y compris le plus spirituel. »

Friedrich Nietzsche, Par delà bien et mal

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18/01/2012

Elections 2012, le grand choix...

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Sa vraie patrie n'est-elle pas quelque part du côté de la constellation d'Orion ?

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« Ce 28 octobre 2005, au parc de la Muette, rencontre, dans l'après-midi, avec Yves Adrien et Édouard Burgalat [note de Tomblands : vraisemblablement faut-il comprendre Bertrand Burgalat]. C'est un bien grand jour. Yves Adrien et moi nous nous surveillons, nous nous attendons depuis une trentaine d'années, sans que nous nous soyons, à ce jour, rencontrés. C'est le "noble voyageur", personnage hors du temps et des temps, "venu d'ailleurs", qui subit avec une indifférence affectée les stigmates transparents de son état de grâce, qui se trouve là, devant moi ; l'incroyable accomplissement, tout arrive. Un ange à double identité, noire et blanche, la blanche l'emportant de loin sur la noire qui, subtilement, ne sert que de faire-valoir. Cette ambiguïté est-elle autre chose qu'une étincelante voilure ?

Une grâce aristocratique le commande, impitoyablement ; selon un mot de Charles Dickens, elle "porte l'estampille du ciel", et sa soumission est la garantie de son excellence prédestinée. Une grâce aérienne commande à son être, à tout instant. Et c'est sans doute ce qui crée un certain malaise, une certaine peur. Sans cesse il impose à ce monde une présence étrangère, d'outre-monde. Qui sont ses étranges, ses mystérieuses protections occultes, qui parvienne tà le maintenir hors des atteintes des "centrales du Chaos" ? Un jour, on saura peut-être qui était Yves Adrien, mais ce sera trop tard, bien trop tard.

En attendant, il est chose certaine que les opérations confidentielles dont il a la charge en ce monde contribuent à rétablir en permanence les déficiences imposées à celui-ci par les ténèbres menant leurs jeux cachés. Sa vraie patrie n'est-elle pas quelque part du côté de la constellation d'Orion ? Ce qu'il faut savoir, c'est que les temps d'Orion reviennent, et ceux de ses anciennes zones d'influence religieuse et civilisationnelle ; et qu'il ne s'agit pas seulement de l'Égypte, mais aussi du cœur irradiant de l'Eurasie, de la "Grande Europe".

Yves Adrien m'a confié qu'il ne se séparait jamais d'une petite image de sainte Thérèse de Lisieux la représentant sur son lit de mort, les yeux clos, la bouche entrouverte, on dirait qu'elle respire encore ; le visage secrètement brûlé, comme taché par la grande fièvre de la mort ; au-dessous de l'image, une brève citation des écrits de la sainte : " ...ô mon Dieu, vous avez dépassé mon attente". La même image de Thérèse n'a pas un seul instant quitté, depuis une trentaine d'années et plus, ma table de chevet.

Nous autres, l'"armée clandestine" des dévots inconditionnels de sainte Thérèse de Lisieux, constituons actuellement une des armatures les plus sûres de l'Église, le visage de la petite sainte illuminant nos vies en profondeur, comme un vivant soleil de grâce. Comme une garantie de salut, de victoire d'avance acquise par sa veille toute-puissante. Je ne peux encore en être certain, mais il se peut que cette nuit même - la nuit du 8 au 9 novembre 2005 - sainte Thérèse de Lisieux m'ait enfin accordé son pardon. (ce mystérieux pardon serait-il à mettre en relation avec ma rencontre avec Yves Adrien ? Je me le demande.) »

Jean Parvulesco, Un Retour en Colchide

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17/01/2012

Panoplie du militant gôchiste

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Ce qu’il nous faut, c’est un roi en haillons ! Un vagabond sublime ! Un délirant profond !

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« "Oubliez les Bourbon, les Orléans, toute cette racaille. Ils sont démocrates, ils font de l’informatique et vont skier l’hiver. Leur idéal, c’est l’inauguration des maternelles. La solution aujourd’hui c’est de révolutionner la monarchie et d’inventer un nouveau roi pour les mille ans à venir."
"Un nouveau roi ?"
"Parfaitement ! Ce qu’il nous faut, c’est un roi en haillons ! Un vagabond sublime ! Un délirant profond ! Un lumpen-roi avec une couronne taillée dans une boîte de conserve !"
"Une boite de conserve ?"
"Ha ha ! La République est une salope ! Elle nous a chié dans les bottes !" a gueulé Lucien.
"Ouais, mais on va le trouver où, le roi des vagabonds ?" a demandé Pierre-Henri.
"Ca c’est une bonne question !" a répondu Lucien en claquant à nouveau des doigts.
"Peut-être bien qu’il faudra aller le chercher dans les catacombes, les gars."
"Dans les catacombes ?"
"C’est ce que j’ai dit."

Il y a eu un autre silence. Pierre-Henri se grattait la tête.

"Dans les catacombes" il a répété.
"Toute façon, on n’a pas le choix" a repris Lucien. "C’est une question de vie ou de mort." »

Olivier Maulin, Petit monarque et catacombes

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16/01/2012

iPaid

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L'évènement est l'ordinaire par excellence

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« A une société statistiquement envisagée, il n'arrive rien, sinon d'infimes et négligeables oscillations des courbes. C'est pour cette raison que malgré le caractère négligeable des variations, le journal télévisé peut présenter les statistiques des tués sur les routes, du chômage, du prix du baril, du niveau du CAC 40, etc, comme des évènements ; mais à qui donc arrivent-ils ? On comprend mieux que l'homme contemporain n'ait plus besoin de méditation symbolique, de création artistique, langagière, iconique: la réalité de la condition humaine - temporalité, incertitude, mortalité - qui les rendait nécessaires se trouve, dans ce fonctionnement social, parfaitement escamotée. Foucault montre bien ce qui, au niveau du rapport à l'évènement, distingue les techniques disciplinaires des techniques de contrôle : la discipline essaie de faire en sorte que l'évènement ne se produise pas ; le contrôle, au contraire, laisse arriver l'évènement : on ne peut pas empêcher l'évènement de se produire, mais on peut faire en sorte qu'il ne veuille rien dire, qu'il ne soit pas significatif, qu'il ne soit plus un évènement. On y parvient en abordant les choses d'un point de vue statistique : car alors, loin d'ébranler l'ordinaire, l'évènement est l'ordinaire par excellence, intégralement soumis à des lois. On fait donc en sorte que, s'il y a bien évènement, cet évènement n'arrive au fond à personne, sinon à ce "on" qui n'est qu'un personnage statistique.
Cette convergence, indiquée par Foucault, entre la statistique et le pouvoir laisse apparaître le mécanisme par lequel est prise en charge la temporalité de la vie humaine. Si l'évènement a lieu, mais ne le concerne plus, si le devenir suit son cours mais n'est plus le sien, alors l'individu est tout bonnement exproprié de la contingence de sa propre existence: sa vie reste bien ce pur quelconque sans rime ni raison, mais peu importe, il n'a plus d'effroi à en éprouver, puisque ce n'est plus sa vie, mais une vie panoptique intégrale, par là d'emblée justifiée dans sa contingence même, et dont celui qui était jadis sujet est devenu l'objet. La contingence des faits de l'existence est compensée par le caractère scientifique de leur occurrence, dont le sujet est expulsé.
Loin d'offrir la possibilité d'une symbolisation, la société intégrale, parce qu'elle transit le temps tout entier, qu'elle restitue ensuite par segments inertes, vidé de son événementialité, de son arrivée, laisse l'individu aux prises avec une contingence d'autant plus cruelle et sauvage qu'il ne peut s'y individuer, qu'elle ne s'offre pas comme expérience possible, qu'il ne peut pas composer avec l'évènement. La condition scientifique et biologique de l'existence humaine, réduite à celle de l'espèce aux prises avec un "environnement", a privé les évènements de leur possibilité de faire sens. Tout au plus est-ce bon ou mauvais pour la santé, qu'il s'agisse de la sienne propre ou de celle du "gros animal" social, comme disait déjà Platon. »

Cédric Lagandré, La société intégrale

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15/01/2012

Ce jeu à la con

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20:08 Publié dans Brèves | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

La comédie gôchiste

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« Quand on est un bourgeois de gauche, on n’est pas un révolutionnaire mais on a une "sensibilité révolutionnaire". Cela signifie qu’on n’ira risquer ni sa peau, ni sa fortune pour la révolution prolétarienne, mais qu’on est toujours prêt à toutes les faiblesses, à toutes les compromissions, les lâchetés, pour avancer l’heure de son triomphe. Une telle disposition procure au sujet la flatteuse sensation qu’il a conscience du péril personnel où il se trouve engagé, mais qu’il se laisse déborder par son tempérament poétique. On fait généralement de ce genre d’imbéciles une grande réputation d’intelligence. (...) Tout écrivain, s’il veut être pris au sérieux, fût-il apparenté aux 200 familles, se doit d’avoir la fibre révolutionnaire. »

Marcel Aymé, Le confort intellectuel

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14/01/2012

La violence dans l’amitié a quelque chose de sain

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« La violence dans l’amitié a quelque chose de sain, de réconfortant. Cela équivaut, sur le plan de la pensée, à ces bagarres à coups de poing qui éclatent entre les jeunes gens. Après avoir cogné de tout leur cœur, les adversaires vont boire fraternellement un verre au café : leur amitié est sortie fortifiée de leur bataille ; elle s’accompagne d’une admiration nouvelle pour leurs muscles et leur courage. Ah, le délicieux sentiment que l’amitié ! D’un ami, que l’on a élu parce qu’on a trouvé en lui une conformité de pensée et de sentiments, parce qu’on l’a reconnu de même race que soi, un frère du cœur et de l’esprit, on accepte tout sans mettre en doute ses motifs. L’amitié est un sentiment viril : plus elle semble rude et impitoyable, plus elle est tendre au fond, et sourcilleuse, et attentive. C’est une âme de jeune mère dans un corps de rhinocéros. »

Jean Dutourd, L'âme sensible

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13/01/2012

Les amantes qui quittent notre vie

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« Les amantes qui quittent notre vie sont plus pathétiques que les mortes, car les amantes en allées sont celles que nous avons enterrées vivantes. »

Edgar Lee Masters, Autobiographie

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12/01/2012

Zakk Wylde, a lot of people don’t know you have a strong Catholic faith

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A lot of people don’t know you have a strong Catholic faith. How did it help you get through the blood clot situation and health scare ?

Zakk Wylde : Yeah, I’m never afraid of that stuff. If that’s what He has planned for me, that’s what He has planned for me. I never asked for anything ; I always thank. I’m just thankful for the time and the moment that I have here. You never ask ; you always thank. So, I never question, “Why me?” I think, “Why not?” [Laughs] I go, “Okay, is this the next test ? Let’s go!” As a soldier of Christ, you never walk alone. There’s never reason to be afraid.

 

SOURCE

 

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Et ils glorifiaient le Bon Dieu qui les faisait riches

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« Cette conception (accordant le primat à la technique) a énormément facilité l’établissement du régime en justifiant les hideux profits de ses premiers bénéficiaires. Il y a cent cinquante ans, tous ces marchands de coton de Manchester — Mecque du capitalisme universel — qui faisaient travailler dans leurs usines, seize heures par jour, des enfants de douze ans que les contremaîtres devaient, la nuit venue, tenir éveillés à coups de baguette, couchaient tout de même avec la Bible sous leur oreiller. Lorsqu’il leur arrivait de penser à ces milliers de misérables que la spéculation sur les salaires condamnait à une mort lente et sûre, ils se disaient qu’on ne peut rien contre les lois du déterminisme économique voulues par la Sainte Providence, et ils glorifiaient le Bon Dieu qui les faisait riches…Les marchands de coton de Manchester sont morts depuis longtemps, mais le monde moderne ne peut les renier, car ils l’ont engendré matériellement et spirituellement. (…) Leur réalisme biblique, devenue athée, a maintenant des méthodes plus rationnelles. (…) La politique de production à outrance ménage aujourd’hui sa main-d’œuvre, mais la furie de spéculation qu’elle provoque déchaîne périodiquement des crises économiques ou des guerres qui jettent à la rue des millions de chômeurs, ou des millions de soldats au charnier… Oh ! je sais bien que des journalistes, peu respectueux de leur public, prétendent distinguer entre ces deux sortes de catastrophes, mettant les crises économiques au compte du Système, et les guerres à celui des dictateurs. Mais le déterminisme économique est aussi bon pour justifier les crises que les guerres, la destruction d’immenses stocks de produits alimentaires en vue seulement de maintenir les prix comme le sacrifice de troupeaux d’hommes. »

Georges Bernanos, La France contre les Robots

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11/01/2012

Un animal économique

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« Qu’il s’intitule capitaliste ou socialiste, ce monde s’est fondé sur une certaine conception de l’homme, commune aux économistes anglais du XVIIe siècle, comme à Marx ou à Lénine. On a dit parfois de l’homme qu’il était un animal religieux. Le système l’a défini une fois pour toutes un animal économique, non seulement l’esclave mais l’objet, la matière presque inerte, irresponsable, du déterminisme économique, et sans espoir de s’en affranchir, puisqu’il ne connaît d’autre mobile certain que l’intérêt, le profit. Rivé à lui-même par l’égoïsme, l’individu n’apparaît plus que comme une quantité négligeable, soumise à la loi des grands nombres ; on ne saurait prétendre l’employer que par masses, grâce à la connaissance des lois qui le régissent. Ainsi, le progrès n’est plus dans l’homme, il est dans la technique, dans le perfectionnement des méthodes capables de permettre une utilisation chaque jour plus efficace du matériel humain. »

Georges Bernanos, La France contre les Robots

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10/01/2012

Si belles-figures-pour-cortège-de-mariage

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« C'était merveille de voir leurs airs doucereusement contents de soi, leurs félicitations mutuelles, quand ils venaient de faire passer une motion toute niaise ou insane. Braves types à l'occasion, sales types à l'occasion, pauvres types toujours, il émanait d'eux, si compétents, si importants, si décorés, si belles-figures-pour-cortège-de-mariage, quelque chose de lourdement léger et d'ineffablement puéril. »

Henry de Montherlant, Le chaos et la nuit

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09/01/2012

Je suis optimiste quant à l’homme

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« De quel droit d’ailleurs un chrétien ou un marxiste m’accuserait-il par exemple de pessimisme... Ce n’est pas moi qui ai inventé la misère de la créature, ni les terribles formules de la malédiction divine. Ce n’est pas moi qui ai crié ce Nemo bonus, ni la damnation des enfants sans baptême. Ce n’est pas moi qui ai dit que l’homme était incapable de se sauver tout seul et que du fond de son abaissement il n’avait d’espérance que dans la grâce de Dieu. Quant au fameux optimisme marxiste ! Personne n’a poussé plus loin la méfiance à l’égard de l’homme et finalement les fatalités économiques de cet univers apparaissent plus terribles que les caprices divins.

Les chrétiens et les communistes me diront que leur optimisme est à plus longue portée, qu’il est supérieur à tout le reste et que Dieu ou l’histoire, selon les cas, sont les aboutissants satisfaisants de leur dialectique. J’ai le même raisonnement à faire. Si le christianisme est pessimiste quant à l’homme, il est optimiste quant à la destinée humaine. Eh bien ! je dirai que pessimiste quant à la destinée humaine, je suis optimiste quant à l’homme. Et non pas au nom d’un humanisme qui m’a toujours paru court, mais au nom d’une ignorance qui essaie de ne rien nier. »

Albert Camus, Ce texte est paru sous le titre Fragments d'un exposé fait au couvent des dominicains de Latour-Maubourg en 1948 dans : Albert Camus, Actuelles. Chroniques (1944-1948), Paris, Gallimard, 1950


Photo de mon pote Eric James Guillemain

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08/01/2012

L’amour de la France, aujourd’hui, ne saurait être qu’une longue tristesse

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Je vole, encore une fois sans hésiter, cet extrait  chez ILYS, mais cette fois à VAE VICTIS...

 

Je le vole parce que je me retrouve pas mal dans certains passages de Renaud Camus que je pourrais faire miens pleinement et que je souligne.

 

« La mélancolie “historique” est bien la dernière dont j’eusse cru, enfant, que je puisse être un jour affecté. Eussé-je vécu dans un pays heureux, dans un pays vivant une phase heureuse de son histoire, je ne m’en fusse probablement même pas aperçu, je n’eusse pas songé à m’en réjouir. Je me serais dit que les destins individuels sont tout ce qui compte, que l’important est de faire sa vie en y mettant autant de talent et d’énergie qu’on le peut, que la tâche essentielle est de construire son bonheur individuel ou à tout le moins son destin. De même, je n’eusse probablement même pas songé à être français. Ce n’est pas ma pente naturelle. Je suis aussi peu chauvin qu’il est possible, j’aime autant ou plus les arts, les cultures et les paysages d’autres nations que ceux de la mienne et, si un choix objectif m’avait été offert, j’eusse sans douté préféré être anglais, ou écossais, les tempérament nationaux d’outre-Manche, si différents qu’ils soient l’un de l’autre, me semblant mieux accordés au mien que celui de cette rive-ci. N’empêche : qu’on prétende m’empêcher d’être français, ou qu’on veuille me forcer à l’être d’une façon aussi totalement déculturée, affadie, désolante que celle qui a cours aujourd’hui parmi nous, cela m’a donné le goût et la conscience de l’être vraiment, ne serait-ce que par dignité, ou par esprit de contradiction, ce qui est souvent la même chose. Et ce goût ne pouvait être qu’un goût mélancolique, cette conscience une conscience malheureuse. Comme l’amour des paysages et l’amour de la langue, l’amour de la France, aujourd’hui, ne saurait être qu’une longue tristesse. Être citoyen d’un pays qui meurt, et qui meurt aussi salement, aussi bêtement, aussi bassement, je ne sais pas comment on pourrait ne pas en souffrir.
Des deux catastrophes qui se sont abattues en même temps sur mon pays, l’effondrement de sa culture par l’effet de l’égalitarisme social, du prétendu “enseignement de masse” et de la dictature de la petite bourgeoisie, et d’autre part la dissolution d’un peuple au profit d’un autre ou de plusieurs autres, sur le territoire national, je ne sais pas laquelle m’affecte davantage. À la vérité elles ne sont guère séparables. L’une était la condition de l’autre. L’autre était seule à même de parachever l’une. »

Renaud Camus, La Campagne de France

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Ne voyez-vous pas que le véritable but du Novlangue est de restreindre les limites de la pensée ?

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« Ne voyez-vous pas que le véritable but du Novlangue est de restreindre les limites de la pensée ? A la fin nous rendrons littéralement impossible le crime par la pensée car il n'y aura plus de mots pour l'exprimer. Tous les concepts nécessaires seront exprimés chacun exactement par un seul mot dont le sens sera délimité. Toutes les significations subsidiaires seront supprimées et oubliées. (...) Le processus continuera encore longtemps après que vous et moi nous serons morts. Chaque année, de moins en moins de mots, et le champ de la conscience de plus en plus restreint. Il n'y a plus, dès maintenant, c'est certain, d'excuse ou de raison au crime par la pensée. C'est simplement une question de discipline personnelle, de maîtrise de soi-même. Mais même cette discipline sera inutile en fin de compte. La Révolution sera complète quand le langage sera parfait. (...) Vous est-il jamais arrivé de penser, Winston, qu'en l'année 2050, au plus tard, il n'y aura pas un seul être humain vivant capable de comprendre une conversation comme celle que nous tenons maintenant ? »

George Orwell, 1984

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07/01/2012

La foi n’est pas de l’ordre de l’avoir mais de l’ordre de l’être

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« En 1815, alors âgé de vingt-sept ans, résidant à Dresde, Arthur Schopenhauer a une conversation avec le poète Ludwig Tieck, de quinze ans son aîné. A un moment de la discussion Tieck se met à parler de Dieu. Schopenhauer, comme piqué par une tarentule, se lève d’un bond et avec un ricanement goguenard lui lance : "Quoi ? Vous avez besoin d’un Dieu ? "

A l’instar de l’oncle Arthur, je ne ressens pas un permanent besoin de Dieu, du terrible Dieu barbu cher aux monothéistes. En revanche, j’ai besoin de la dimension divine et sacrée de l’existence, j’ai besoin du Christ et de son Eglise. Certes, il y a d’autres dieux auxquels, en bon disciple d’Epicure, je suis affectionné, en premier lieu Vénus et Bacchus, Venere e Baccho, et je vous rappelle par parenthèse que le grand poème à la gloire de l’athéisme de mon cher Lucrèce, le De rerum natura, s’ouvre par une prière à la plus enchanteresse des divinités :

Aeneadum genetrix, hominum diuomque voluptas, Alma Venus…


Néanmoins, n’étant pas un contemporain de Pétrone, ni même de Julien l’Apostat, vivant en 2006 après Jésus-Christ, ayant dans mon enfance été baptisé au sein de l’Eglise orthodoxe, lorsque je dépose des fleurs sur un autel, c’est naturellement un autel de mon Eglise que je choisis.

Ai-je ou n’ai-je pas la foi ? Cela dépend des moments, et d’ailleurs c’est une question de médiocre intérêt. On ne peut pas dire "J’ai la foi", comme on dit "J’ai un compte en banque" ou "J’ai la Légion d’honneur" ou "J’ai la vérole". La foi n’est pas de l’ordre de l’avoir mais de l’ordre de l’être ; elle ne relève pas de la certitude mais de la quête, et nous n’avons besoin d’avoir estampillé "croyant" sur nos fronts pour que dans nos accès de désespoir vienne spontanément sur nos lèvres le cri du Psalmiste : De profundis clamavi ad te, Domine ; Domine exaudi vocem meam. Si affranchis du Christ que nous soyons, les clous de la croix nous retiennent à lui. Sur les champs de bataille, dans les hôpitaux, dans les prisons, il n’y a qu’un sang qui coule sur la terre, et c’est le sien. Toute souffrance nous est une eau baptismale. Nous pouvons être sceptiques, libertins, athées : chacune de nos nuits d’angoisse nous transporte au Jardin de Gethsémani.

Si Dieu n’existe pas, tant pis pour lui. Même si rien de ce qu’enseigne l’Eglise ne s’avérait, je ne regretterais pas d’avoir crié "Christ est ressuscité !" dans la nuit de Pâques, d’avoir donné le triple baiser de Pâques à mes jolies voisines. La religion est un des éléments poétiques de mon existence, j’en aime la folie, j’en aime la sensualité, et même si elle n’était en définitive qu’une illusion, qu’un magique passe-temps, elle me donne tant de plaisir que j’aurais eu raison de vivre comme je vis.

Je n’ai pas de goût pour la scolastique, pour la théologie des preuves de l’existence de Dieu chère à saint Anselme et à Descartes. Du christianisme conceptuel, abstrait, qui souvent réduit la folie de l’Evangile et son souffle libérateur à une morale sexuelle restrictive, je dirais ce que le grand acteur comique italien Toto dit des femmes trop maigres : "Les péchés de la chair se font avec la chair, non avec les os", i peccati della carne si fanno con la carne, non con le ossa.

Ce que j’aime, c’est la chair de l’Eglise, c’est le Verbe qui se fait chair, c’est le mystère de l’Incarnation. J’aime entrer dans une église, faire mon signe de croix, allumer un cierge, le placer devant l’icône de la fête du jour, baiser l’icône, puis me plonger dans le fleuve liturgique, me laisser bercer par la beauté des chants, le hiératique ballet des prêtres, le parfum de l’encens, la sublimité des prières ; participer à la mystagogie de tout mon cœur, de tout mon corps par des signes de croix, des enclins, des prosternations ; enfin m’approcher du calice, communier au Corps et au Sang du Christ.

Les deux seules réalités à travers lesquelles nous puissions pressentir, entrevoir la dimension divine de l’existence sont l’amour et la beauté. Ce sont cette beauté et cet amour que nous recevons lorsque nous participons aux mystères de l’Eglise, échappant ainsi aux limites que nous tracent notre égoïsme et notre orgueil. En communiant au Corps et au Sang du Christ j’acquiers les moyens de devenir cet homme total, appelé à la déification, dont nous parle l’Evangile. Après la communion, le chœur chante : "Nous avons vu la vraie Lumière, nous avons reçu l’Esprit céleste", et cette prière de l’Eglise orthodoxe est un écho direct de l’hymne qu’après les agapes du culte de la déesse phrygienne Cybèle chantaient les fidèles : "J’ai mangé dans le tambourin, j’ai bu dans la cymbale, je suis devenu myste d’Attis". L’abbé de Saint-Cyran, le réformateur de Port-Royal, écrit que lorsque nous revenons de la table eucharistique nous devrions rugir comme des lions.

Sur les autels du Christ comme sur ceux de Vénus et de Bacchus, la théorie, on s’en fout : seule compte la pratique. Chacun de nous a rencontré au moins une fois dans sa vie un zozo (ou une zozotte car la bêtise est bisexuelle) qui se déclare fièrement "catholique non pratiquant". Un "catholique non pratiquant", c’est un théoricien de l’amour qui ne baise pas, un distingué œnologue qui ne boit pas de vin, un fana de foot qui regarde tous les matchs à la télé mais ne tape jamais dans un ballon. Le "catholique non pratiquant" est le digne rejeton de ce christianisme désincarné, cérébral que j’évoque ci-devant. Les "catholiques non pratiquants" sont à la religion ce que les érotomanes d’encrier qui écrivent des livres cochons mais qui ont une vie amoureuse misérable sont à la littérature : du pipi de chat.

Dans certaines églises orthodoxes, sous le Christ Pantocrator de la coupole est placée une vaste couronne de fer forgé où sont enchâssées des icônes. Les icônes représentent les fêtes de l’année liturgique, la couronne de fer la roue du temps, et les chrétiens orthodoxes, qu’ils soient prêtres ou laïcs, qu’ils vivent dans le monde ou qu’ils aient revêtu l’habit monastique, vivent au rythme de ce cycle liturgique. Ceux d’entre vous qui ont lu mon dernier roman, "Voici venir le Fiancé", y ont vu l’importance que revêt pour nous, orthodoxes, le carême pascal, que nous appelons le grand carême, et dont l’esprit est avec justesse exprimé par Nietzsche lorsqu’il écrit que la formule de la grandeur de l’homme n’est pas sum, mais sursum.

Les réjouissances du mardi gras n’ont de sens que parce qu’elles précèdent les austérités du mercredi des cendres. Les crétins de touristes qui vont à Venise se déguiser pendant le carnaval mais qui ensuite n’observent pas les règles du carême pascal ont du fromage blanc dans le ciboulot. Comment se fait-il qu’en France les orthodoxes et les mahométans soient les seuls à observer cette féconde et vivifiante invitation à la maîtrise et au dépassement de soi que constitue le carême ? D’une manière générale, pourquoi les catholiques et les protestants semblent-ils honteux de leurs traditions, impatients de jeter à la poubelle tout ce qui fait le charme du christianisme ?

J’adore Paris, mais si Paris se montre trop souvent une ville grise, grognonne, ennuyeuse, c’est parce que les Parisiens ont perdu ce rythme liturgique des fêtes. Nous sommes le 1er décembre. Si vous allez à Naples le 8 décembre, jour de l’Immacolata, ou à Manille le 25 décembre, jour de la Nativité, vous serez enveloppés par la joie et la ferveur de centaines de milliers de gens, et même si vous n’êtes pas chrétiens vous vous sentirez éclairés, stimulés par cette ferveur et par cette joie. Rien de tel à Paris où l’année s’écoule de manière uniforme, où les églises sont vides, où la Pentecôte n’est plus la fête de l’Esprit-Saint, mais un long week-end où l’on se tue en voiture sur les autoroutes, où, le vendredi saint, les bourgeois qui se tapent des entrecôtes à la Coupole ou chez Lipp ne le font pas dans un élan de révolte antichrétienne, qui serait un signe d’énergie vitale, mais tout simplement parce que ces braves gens ne savent même plus que ce jour-là on jeûne, on ne va pas au restaurant mais à l’église participer à la mort et à l’ensevelissement du Christ.

Nous avons connu au vingtième siècle deux régimes résolument antichrétiens : le communisme soviétique et le nazisme allemand. J’espère qu’aucun Européen n’a envie de revivre une expérience de ce genre. Il n’y a rien de pire qu’un peuple dépossédé de son héritage esthétique et spirituel ; rien de plus mortifère qu’une nation lobotomisée, sans racines et sans mémoire ; rien de plus sinistre qu’une église transformée en garage, en porcherie ou en musée. Je préfère mille fois un temple de Minerve ou de Mithra transformé en église, une église transformée en mosquée, à un autel déserté devant lequel ne s’élèvent plus ni l’encens ni les prières.

Sur le mont Palatin, dans le temple consacré à la Pierre noire d’Emèse, Héliogabale – mon cher Héliogabale proclamé empereur à quatorze ans, assassiné à dix-huit, auquel j’ai dédié l’un de mes livres – a célébré le mariage du dieu syrien Baal, dont il était le grand pontife, avec la déesse carthaginoise Tanit ; et dans ce lieu où il avait rassemblé divers emblèmes des cultes romains, il souhaitait réunir les autres cultes existants, le juif, le samaritain, le chrétien, confondre en une même adoration tous les visages du divin. L’empereur adolescent régna hélas trop courtement pour pouvoir accomplir son vœu, mais celui-ci demeure en nous comme une espérance inachevée. Emplissons les églises et les temples! Vive Vénus, reine de Cnide et de Paphos, vive Bacchus, dieu de la jeunesse doux comme le miel, vive le Christ ressuscité ! Evviva Venere ! Evviva Baccho ! Evviva Cristo ! »

Gabriel Matzneff, Emplissons les églises ! (Chronique du 01/12/2006)

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06/01/2012

Il existe des rapports secrets entre toutes les puissantes façons d'exister

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« Les hommes politiques qui sont aujourd'hui aux premières places ne sont en réalité que les gagnants d'une partie où il s'agit de se nantir du mieux qu'on peut ; ce sont des hommes qui ont réussi. Le pire mal n'est pas qu'ils passent leurs temps dans des intrigues qui n'ont rien de beau, c'est que, vivant de la sorte, ils n'en restent pas moins chargés de dire au peuple tous les grands mots qui glorifient un idéal. Mais parlant ainsi sans autorité, ils dégoûtent les gens de ce que ces mots représentent. Alors, au contraire, ceux des hommes qui étaient élévés au-dessus de tous les autres sentaient qu'ils n'étaient grands que par les choses qui vivaient en eux. Chargés de tous les insignes du pouvoir matériel, ils croyaient cependant à des supériorités plus pures qui dépassaient la leur et, parfois, ils les exaltaient eux-mêmes. Deux ans à peine après la mort de François (d'Assise), Grégoire IX le canonisa. »

« Il est bien vrai qu'en tout temps l'homme apporte à la vie les mêmes instincts. La seule affaire est de savoir ce que les hommes de chaque époque ont ajouté à ce fonds commun, et s'ils ont contenu et discipliné ces instincts, ou s'ils se sont bornés à les laisser libres. »

« Il existe en effet, des rapports secrets entre toutes les puissantes façons d'exister. Elles s'appellent, se provoquent, se sollicitent. Alors même qu'elles semblent s'opposer, elles se répondent. »

« Ce n'est pas dans les époques de mollesse que se manifestent les plus purs types de douceur. Le monde moderne se croit violent, mais il se vante, il n'est que grossier. Si la violence s'y produisait hardiment, peut-être verrait-on paraître des caractères opposés, pour lui donner la réplique. »

« L'homme moderne a pris toutes ses précautions contre le sublime. Il en était autrement au moyen âge ; les hommes y attendaient perpétuellement quelqu'un qui les dépassât. Celà les exposait à bien des erreurs et bien des risques, mais il y avait des portes ouvertes là où, maintenant, il y a des portes fermées. »

Abel Bonnard, Saint François d'Assise

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