29/03/2007
La Nation selon Renan - III
"
III
Une nation est une âme, un principe spirituel. Deux choses qui, à vrai dire, n'en font qu'une, constituent cette âme, ce principe spirituel. L'une est dans le passé, l'autre dans le présent. L'une est la possession en commun d'un riche legs de souvenirs ; l'autre est le consentement actuel, le désir de vivre ensemble, la volonté de continuer à faire valoir l'héritage qu'on a reçu indivis. L'homme, messieurs, ne s'improvise pas. La nation, comme l'individu, est l'aboutissant d'un long passé d'efforts, de sacrifices et de dévouements. Le culte des ancêtres est de tous le plus légitime ; les ancêtres nous ont faits ce que nous sommes. Un passé héroïque, des grands hommes, de la gloire (j'entends de la véritable), voilà le capital social sur lequel on assied une idée nationale. Avoir des gloires communes dans le passé, une volonté commune dans le présent ; avoir fait de grandes choses ensemble, vouloir en faire encore, voilà les conditions essentielles pour être un peuple. On aime en proportion des sacrifices qu'on a consentis, des maux qu'on a soufferts. On aime la maison qu'on a bâtie et qu'on transmet. Le chant spartiate : " Nous sommes ce que vous fûtes ; nous serons ce que vous êtes " est dans sa simplicité l'hymne abrégé de toute patrie. Dans le passé, un héritage de gloire et de regrets à partager, dans l'avenir un même programme à réaliser ; avoir souffert, joui, espéré ensemble, voilà ce qui vaut mieux que des douanes communes et des frontières conformes aux idées stratégiques ; voilà ce que l'on comprend malgré les diversités de race et de langue. Je disais tout à l'heure : " avoir souffert ensemble " ; oui, la souffrance en commun unit plus que la joie. En fait de souvenirs nationaux, les deuils valent mieux que les triomphes, car ils imposent des devoirs, ils commandent l'effort en commun,
Une nation est donc une grande solidarité, constituée par le sentiment des sacrifices qu'on a faits et de ceux qu'on est disposé à faire encore. Elle suppose un passé ; elle se résume pourtant dans le présent par un fait tangible : le consentement, le désir clairement exprimé de continuer la vie commune. L'existence d'une nation est (pardonnez-moi cette métaphore) un plébiscite de tous les jours, comme l'existence de l'individu est une affirmation perpétuelle de vie. Oh ! je le sais, cela est moins métaphysique que le droit divin, moins brutal que le droit prétendu historique. Dans l'ordre d'idées que je vous soumets, une nation n'a pas plus qu'un roi le droit de dire à une province. "Tu m'appartiens, je te prends." Une province, pour nous, ce sont ses habitants ; si quelqu'un en cette affaire a droit d'être consulté, c'est l'habitant. Une nation n'a jamais un véritable intérêt à s'annexer ou à retenir un pays malgré lui. Le vœu des nations est, en définitive, le seul critérium légitime, celui auquel il faut toujours en revenir.
Nous avons chassé de la politique les abstractions métaphysiques et théologiques. Que reste-t-il, après cela ? Il reste l'homme, ses désirs, ses besoins. La sécession, me direz-vous, et, à la longue, l'émiettement des nations sont la conséquence d'un système qui met ces vieux organismes à la merci de volontés souvent peu éclairées. Il est clair qu'en pareille matière aucun principe ne doit être poussé à l'excès. Les vérités de cet ordre ne sont applicables que dans leur ensemble et d'une façon très générale. Les volontés humaines changent ; mais qu'est-ce qui ne change pas ici-bas ? Les nations ne sont pas quelque chose d'éternel. Elles ont commencé, elles finiront. La confédération européenne, probablement, les remplacera. Mais telle n'est pas la loi du siècle où nous vivons. À l'heure présente, l'existence des nations est bonne, nécessaire même. Leur existence est la garantie de la liberté, qui serait perdue si le monde n'avait qu'une loi et qu'un maître.
Par leurs facultés diverses, souvent opposées, les nations servent à l'œuvre commune de la civilisation ; toutes apportent une note à ce grand concert de l'humanité, qui, en somme, est la plus haute réalité idéale que nous atteignions. Isolées, elles ont leurs parties faibles. Je me dis souvent qu'un individu qui aurait les défauts tenus chez les nations pour des qualités, qui se nourrirait de vaine gloire ; qui serait à ce point jaloux, égoïste, querelleur ; qui ne pourrait rien supporter sans dégainer, serait le plus insupportable des hommes. Mais toutes ces dissonances de détail disparaissent dans l'ensemble. Pauvre humanité, que tu as souffert ! que d'épreuves t'attendent encore ! Puisse l'esprit de sagesse te guider pour te préserver des innombrables dangers dont ta route est semée !
Je me résume, messieurs. L'homme n'est esclave ni de sa race, ni de sa langue, ni de sa religion, ni du cours des fleuves, ni de la direction des chaînes de montagnes. Une grande agrégation d'hommes, saine d'esprit et chaude de cœur, crée une conscience morale qui s'appelle une nation. Tant que cette conscience morale prouve sa force par les sacrifices qu'exige l'abdication de l'individu au profit d'une communauté, elle est légitime, elle a le droit d'exister. Si des doutes s'élèvent sur ses frontières, consultez les populations disputées. Elles ont bien le droit d'avoir un avis dans la question. Voilà qui fera sourire les transcendants de la politique, ces infaillibles qui passent leur vie à se tromper et qui, du haut de leurs principes supérieurs, prennent en pitié notre terre à terre. "Consulter les populations, fi donc ! Quelle naïveté ! Voilà bien ces chétives idées françaises qui prétendent remplacer la diplomatie et la guerre par des moyens d'une simplicité enfantine." - Attendons, messieurs ; laissons passer le règne des transcendants ; sachons subir le dédain des forts. Peut-être, après bien des tâtonnements infructueux, reviendra-t-on à nos modestes solutions empiriques. Le moyen d'avoir raison dans l'avenir est, à certaines heures, de savoir se résigner à être démodé."
08:35 Publié dans Parenthèse | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : Nation, Renan, Bleu Blanc Rouge | |
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28/03/2007
La Nation selon Renan - II
"II
À entendre certains théoriciens politiques, une nation est avant tout une dynastie, représentant une ancienne conquête, conquête acceptée d'abord, puis oubliée par la masse du peuple. Selon les politiques dont je parle, le groupement de provinces effectué par une dynastie, par ses guerres, par ses mariages, par ses traités, finit avec la dynastie qui l'a formé. Il est très vrai que la plupart des nations modernes ont été faites par une famille d'origine féodale, qui a contracté mariage avec le sol et qui a été en quelque sorte un noyau de centralisation. Les limites de la France en 1789 n'avaient rien de naturel ni de nécessaire. La large zone que la maison capétienne avait ajoutée à l'étroite lisière du traité de Verdun fut bien l'acquisition personnelle de cette maison. À l'époque où furent faites les annexions, on n'avait l'idée ni des limites naturelles, ni du droit des nations, ni de la volonté des provinces. La réunion de l'Angleterre, de l'Irlande et de l'Écosse fut de même un fait dynastique. L'Italie n'a tardé si longtemps à être une nation que parce que, parmi ses nombreuses maisons régnantes, aucune, avant notre siècle, ne se fit le centre de l'unité. Chose étrange, c'est à l'obscure île de Sardaigne, terre à peine italienne, qu'elle a pris un titre royal. La Hollande, qui s'est créée elle-même, par un acte d'héroïque résolution, a néanmoins contracté un mariage intime avec la maison d'Orange, et elle courrait de vrais dangers le jour où cette union serait compromise.
Une telle loi, cependant, est-elle absolue ? Non, sans doute. La Suisse et les Etats-Unis, qui se sont formés comme des conglomérats d'additions successives, n'ont aucune base dynastique. Je ne discuterai pas la question en ce qui concerne la France. Il faudrait avoir le secret de l'avenir. Disons seulement que cette grande royauté française avait été si hautement nationale, que, le lendemain de sa chute, la nation a pu tenir sans elle. Et puis le XVIIIe siècle avait changé toute chose. L'homme était revenu, après des siècles d'abaissement, à l'esprit antique, au respect de lui-même, à l'idée de ses droits. Les mots de patrie et de citoyen avaient repris leur sens. Ainsi a pu s'accomplir l'opération la plus hardie qui ait été pratiquée dans l'histoire, opération que l'on peut comparer à ce que serait, en physiologie, la tentative de faire vivre en son identité première un corps à qui l'on aurait enlevé le cerveau et le cœur. Il faut donc admettre qu'une nation peut exister sans principe dynastique, et même que des nations qui ont été formées par des dynasties peuvent se séparer de cette dynastie sans pour cela cesser d'exister. Le vieux principe qui ne tient compte que du droit des princes ne saurait plus être maintenu ; outre le droit dynastique, il y a le droit national. Ce droit national, sur quel critérium le fonder ? À quel signe le connaître ? De quel fait tangible le faire dériver ?
1. - De la race, disent plusieurs avec assurance.
Les divisions artificielles, résultant de la féodalité, des mariages princiers, des congrès de diplomates, sont caduques. Ce qui reste ferme et fixe, c'est la race des populations. Voilà ce qui constitue un droit, une légitimité. La famille germanique, par exemple, selon la théorie que j'expose, a le droit de reprendre les membres épars du germanisme, même quand ces membres ne demandent pas à se rejoindre. Le droit du germanisme sur telle province est plus fort que le droit des habitants de cette province sur eux-mêmes. On crée ainsi une sorte de droit primordial analogue à celui des rois de droit divin ; au principe des nations on substitue celui de l'ethnographie. C'est là une très grande erreur, qui, si elle devenait dominante, perdrait la civilisation européenne. Autant le principe des nations est juste et légitime, autant celui du droit primordial des races est étroit et plein de danger pour le véritable progrès.
Dans la tribu et la cité antiques, le fait de la race avait, nous le reconnaissons, une importance de premier ordre. La tribu et la cité antiques n'étaient qu'une extension de la famille. À Sparte, à Athènes, tous les citoyens étaient parents à des degrés plus ou moins rapprochés. Il en était de même chez les Beni-Israël ; il en est encore ainsi dans les tribus arabes. D'Athènes, de Sparte, de la tribu israélite, transportons-nous dans l'empire romain. La situation est tout autre. Formée d'abord par la violence, puis maintenue par l'intérêt, cette grande agglomération de villes, de provinces absolument différentes, porte à l'idée de race le coup le plus grave. Le christianisme, avec son caractère universel et absolu, travaille plus efficacement encore dans le même sens. Il contracte avec l'empire romain une alliance intime et, par l'effet de ces deux incomparables agents d'unification, la raison ethnographique est écartée du gouvernement des choses humaines pour des siècles.
L'invasion des barbares fut, malgré les apparences, un pas de plus dans cette voie. Les découpures de royaumes barbares n'ont rien d'ethnographique ; elles sont réglées par la force ou le caprice des envahisseurs. La race des populations qu'ils subordonnaient était pour eux la chose la plus indifférente. Charlemagne refit à sa manière ce que Rome avait déjà fait : un empire unique composé des races les plus diverses ; les auteurs du traité de Verdun, en traçant imperturbablement leurs deux grandes lignes du nord au sud, n'eurent pas le moindre souci de la race des gens qui se trouvaient à droite ou à gauche. Les mouvements de frontière qui s'opérèrent dans la suite du Moyen Âge furent aussi en dehors de toute tendance ethnographique. Si la politique suivie de la maison capétienne est arrivée à grouper à peu près, sous le nom de France, les territoires de l'ancienne Gaule, ce n'est pas là un effet de la tendance qu'auraient eue ces pays à se rejoindre à leurs congénères. Le Dauphiné, la Bresse, la Provence, la Franche-Comté ne se souvenaient plus d'une origine commune. Toute conscience gauloise avait péri dès le IIe siècle de notre ère, et ce n'est que par une vue d'érudition que, de nos jours, on a retrouvé rétrospectivement l'individualité du caractère gaulois.
La considération ethnographique n'a donc été pour rien dans la constitution des nations modernes. La France est celtique, ibérique, germanique. L'Allemagne est germanique, celtique et slave. L'Italie est le pays où l’ethnographie est la plus embarrassée. Gaulois, Étrusques, Pélasges, Grecs, sans parler de bien d'autres éléments, s'y croisent dans un indéchiffrable mélange. Les îles Britanniques, dans leur ensemble, offrent un mélange de sang celtique et germain dont les proportions sont singulièrement difficiles à définir.
La vérité est qu'il n'y a pas de race pure et que faire reposer la politique sur l'analyse ethnographique, c'est la faire porter sur une chimère. Les plus nobles pays, l'Angleterre, la France, l'Italie, sont ceux où le sang est le plus mêlé. L'Allemagne fait-elle à cet égard une exception ? Est-elle un pays germanique pur ? Quelle illusion ! Tout le Sud a été gaulois. Tout l'Est, à partir de l'Elbe, est slave. Et les parties que l'on prétend réellement pures le sont-elles en effet ? Nous touchons ici à un des problèmes sur lesquels il importe le plus de se faire des idées claires et de prévenir les malentendus.
Les discussions sur les races sont interminables, parce que le mot race est pris par les historiens philologues et par les anthropologistes physiologistes dans deux sens tout à fait différents. Pour les anthropologistes, la race a le même sens qu'en zoologie ; elle indique une descendance réelle, une parenté par le sang. Or l'étude des langues et de l'histoire ne conduit pas aux mêmes divisions que la physiologie. Les mots de brachycéphales, de dolichocéphales n'ont pas de place en histoire ni en philologie. Dans le groupe humain qui créa les langues et la discipline aryennes, il y avait déjà des brachycéphales et des dolichocéphales. Il en faut dire autant du groupe primitif qui créa les langues et l'institution dites sémitiques. En d'autres termes, les origines zoologiques de l'humanité sont énormément antérieures aux origines de la culture, de la civilisation, du langage. Les groupes aryen primitif, sémitique primitif, touranien primitif n'avaient aucune unité physiologique. Ces groupements sont des faits historiques qui ont eu lieu à une certaine époque, mettons il y a quinze ou vingt mille ans, tandis que l'origine zoologique de l'humanité se perd dans des ténèbres incalculables. Ce qu'on appelle philologiquement et historiquement la race germanique est sûrement une famille bien distincte dans l'espèce humaine. Mais est-ce là une famille au sens anthropologique ? Non, assurément. L'apparition de l'individualité germanique dans l'histoire ne se fait que très peu de siècles avant Jésus-Christ. Apparemment les Germains ne sont pas sortis de terre à cette époque. Avant cela, fondus avec les Slaves dans la grande masse indistincte des Scythes, ils n'avaient pas leur individualité à part. Un Anglais est bien un type dans l'ensemble de l'humanité. Or le type de ce qu'on appelle très improprement la race anglo-saxonne n'est ni le Breton du temps de César, ni l'Anglo-Saxon de Hengist, ni le Danois de Knut, ni le Normand de Guillaume le Conquérant ; c'est la résultante de tout cela. Le Français n'est ni un Gaulois, ni un Franc, ni un Burgonde. Il est ce qui est sorti de la grande chaudière où, sous la présidence du roi de France, ont fermenté ensemble les éléments les plus divers. Un habitant de jersey ou de Guernesey ne diffère en rien, pour les origines, de la population normande de la côte voisine. Au XIe siècle, l'œil le plus pénétrant n'eût pas saisi des deux côtés du canal la plus légère différence. D'insignifiantes circonstances font que Philippe-Auguste ne prend pas ces îles avec le reste de la Normandie. Séparées les unes des autres depuis près de sept cents ans, les deux populations sont devenues non seulement étrangères les unes aux autres, mais tout à fait dissemblables. La race, comme nous l'entendons, nous autres, historiens, est donc quelque chose qui se fait et se défait. L'étude de la race est capitale pour le savant qui s'occupe de l'histoire de l'humanité. Elle n'a pas d'application en politique. La conscience instinctive qui a présidé à la confection de la carte d'Europe n'a tenu aucun compte de la race, et les premières nations de l'Europe sont des nations de sang essentiellement mélangé.
Le fait de la race, capital à l'origine, va donc toujours perdant de son importance. L'histoire humaine diffère essentiellement de la zoologie. La race n'y est pas tout, comme chez les rongeurs ou les félins, et on n'a pas le droit d'aller par le monde tâter le crâne des gens, puis les prendre à la gorge en leur disant : " Tu es notre sang ; tu nous appartiens ! " En dehors des caractères anthropologiques, il y a la raison, la justice, le vrai, le beau, qui sont les mêmes pour tous. Tenez, cette politique ethnographique n'est pas sûre. Vous l'exploitez aujourd'hui contre les autres ; puis vous la voyez se tourner contre vous-mêmes. Est-il certain que les Allemands, qui ont élevé si haut le drapeau de l’ethnographie, ne verront pas les Slaves venir analyser, à leur tour, les noms des villages de la Saxe et de la Lusace, rechercher les traces des Wiltzes ou des Obotrites, et demander compte des massacres et des ventes en masse que les Othons firent de leurs aïeux ? Pour tous il est bon de savoir oublier.
J'aime beaucoup l'ethnographie ; c'est une science d'un rare intérêt ; mais, comme je la veux libre, je la veux sans application politique. En ethnographie, comme dans toutes les études, les systèmes changent ; c'est la condition du progrès. Les limites des États suivraient les fluctuations de la science. Le patriotisme dépendrait d'une dissertation plus ou moins paradoxale. On viendrait dire au patriote : " Vous vous trompiez ; vous versiez votre sang pour telle cause ; vous croyiez être celte ; non, vous êtes germain. " Puis, dix ans après, on viendra vous dire que vous êtes slave. Pour ne pas fausser la science, dispensons-la de donner un avis dans ces problèmes, où sont engagés tant d'intérêts. Soyez sûrs que, si on la charge de fournir des éléments à la diplomatie, on la surprendra bien des fois en flagrant délit de complaisance. Elle a mieux à faire : demandons-lui tout simplement la vérité.
2 - Ce que nous venons de dire de la race, il faut le dire de la langue. La langue invite à se réunir ; elle n'y force pas. Les États-Unis et l'Angleterre, l'Amérique espagnole et l'Espagne parlent la même langue et ne forment pas une seule nation. Au contraire, la Suisse, si bien faite, puisqu'elle a été faite par l'assentiment de ses différentes parties, compte trois ou quatre langues. Il y a dans l'homme quelque chose de supérieur à la langue : c'est la volonté. La volonté de la Suisse d'être unie, malgré la variété de ses idiomes, est un fait bien plus important qu'une similitude souvent obtenue par des vexations.
Un fait honorable pour la France, c'est qu'elle n'a jamais cherché à obtenir l'unité de la langue par des mesures de coercition. Ne peut-on pas avoir les mêmes sentiments et les mêmes pensées, aimer les mêmes choses en des langages différents ? Nous parlions tout à l'heure de l'inconvénient qu'il y aurait à faire dépendre la politique internationale de l'ethnographie. Il n'y en aurait pas moins à la faire dépendre de la philologie comparée. Laissons à ces intéressantes études l'entière liberté de leurs discussions ; ne les mêlons pas à ce qui en altérerait la sérénité. L'importance politique qu'on attache aux langues vient de ce qu'on les regarde comme des signes de race. Rien de plus faux. La Prusse, où l'on ne parle plus qu'allemand, parlait slave il y a quelques siècles ; le pays de Galles parle anglais ; la Gaule et l'Espagne parlent l'idiome primitif d'Albe la Longue ; l’Égypte parle arabe ; les exemples sont innombrables. Même aux origines, la similitude de langue n'entraînait pas la similitude de race. Prenons la tribu proto-aryenne ou proto-sémite ; il s'y trouvait des esclaves, qui parlaient la même langue que leurs maîtres ; or l'esclave était alors bien souvent d'une race différente de celle de son maître. Répétons-le : ces divisions de langues indo-européennes, sémitiques et autres, créées avec une si admirable sagacité par la philologie comparée, ne coïncident pas avec les divisions de l'anthropologie. Les langues sont des formations historiques, qui indiquent peu de choses sur le sang de ceux qui les parlent, et qui, en tout cas, ne sauraient enchaîner la liberté humaine quand il s'agit de déterminer la famille avec laquelle on s'unit pour la vie et pour la mort.
Cette considération exclusive de la langue a, comme l'attention trop forte donnée à la race, ses dangers, ses inconvénients. Quand on y met de l'exagération, on se renferme dans une culture déterminée, tenue pour nationale ; on se limite, on se claquemure. On quitte le grand air qu'on respire dans le vaste champ de l'humanité pour s'enfermer dans des conventicules de compatriotes. Rien de plus mauvais pour l'esprit ; rien de plus fâcheux pour la civilisation. N'abandonnons pas ce principe fondamental, que l'homme est un être raisonnable et moral, avant d'être parqué dans telle ou telle langue, avant d'être un membre de telle ou telle race, un adhérent de telle ou telle culture. Avant la culture française, la culture allemande, la culture italienne, il y a la culture humaine. Voyez les grands hommes de la Renaissance ; ils n'étaient ni français, ni italiens, ni allemands. Ils avaient retrouvé, par leur commerce avec l'Antiquité, le secret de l'éducation véritable de l'esprit humain, et ils s'y dévouaient corps et âme. Comme ils firent bien !
3. - La religion ne saurait non plus offrir une base suffisante à l'établissement d'une nationalité moderne. À l'origine, la religion tenait à l'existence même du groupe social. Le groupe social était une extension de la famille. La religion, les rites étaient des rites de famille. La religion d'Athènes, C'était le culte d’Athènes même, de ses fondateurs mythiques, de ses lois, de ses usages. Elle n'impliquait aucune théologie dogmatique. Cette religion était, dans toute la force du terme, une religion d’État. On n'était pas athénien si on refusait de la pratiquer. C'était au fond le culte de l'Acropole personnifiée. Jurer sur l'autel d'Aglaure c'était prêter le serment de mourir pour la patrie. Cette religion était l'équivalent de ce qu'est chez nous l'acte de tirer au sort, ou le culte du drapeau. Refuser de participer à un tel culte était comme serait dans nos sociétés modernes refuser le service militaire. C'était déclarer qu'on n'était pas athénien. D'un autre côté, il est clair qu'un tel culte n'avait pas de sens pour celui qui n'était pas d'Athènes ; aussi n'exerçait-on aucun prosélytisme pour forcer des étrangers à l'accepter ; les esclaves d'Athènes ne le pratiquaient pas. Il en fut de même dans quelques petites républiques du Moyen Âge. On n'était pas bon vénitien si l'on ne jurait point par saint Marc ; on n'était pas bon amalfitain si l'on ne mettait pas saint André au-dessus de tous les autres saints du paradis. Dans ces petites sociétés, ce qui a été plus tard persécution, tyrannie, était légitime et tirait aussi peu à conséquence que le fait chez nous de souhaiter la fête au père de famille et de lui adresser des voeux au premier jour de l'an.
Ce qui était vrai à Sparte, à Athènes, ne l'était déjà plus dans les royaumes sortis de la conquête d’Alexandre, ne l'était surtout plus dans l'empire romain Les persécutions d’Antiochus Épiphane pour amener l'Orient au culte de Jupiter Olympien, celles de l'empire romain pour maintenir une prétendue religion d'État furent une faute, un crime, une véritable absurdité. De nos jours, la situation est parfaitement claire. Il n'y a plus de masses croyant d'une manière uniforme. Chacun croit et pratique à sa guise, ce qu'il peut, comme il veut. Il n'y a plus de religion d’Etat ; on peut être français, anglais, allemand, en étant catholique, protestant, israélite, en ne pratiquant aucun culte. La religion est devenue chose individuelle ; elle regarde la conscience de chacun. La division des nations en catholiques, protestantes, n'existe plus. La religion, qui, il y a cinquante-deux ans, était un élément si considérable dans la formation de la Belgique, garde toute son importante dans le for intérieur de chacun ; mais elle est sortie presque entièrement des raisons qui tracent les limites des peuples.
4. - La communauté des intérêts est assurément un lien puissant entre les hommes. Les intérêts, cependant, suffisent-ils à faire une nation ? Je ne le crois pas. La communauté des intérêts fait les traités de commerce. Il y a dans la nationalité un côté de sentiment ; elle est âme et corps à la fois ; un Zollverein n'est pas une patrie.
5. - La géographie, ce qu'on appelle les frontières naturelles, a certainement une part considérable dans la division des nations. La géographie est un des facteurs essentiels de l'histoire. Les rivières ont conduit les races ; les montagnes les ont arrêtées. Les premières ont favorisé, les secondes ont limité les mouvements historiques. Peut-on dire cependant, comme le croient certains partis, que les limites d'une nation sont écrites sur la carte et que cette nation a le droit de s'adjuger ce qui est nécessaire pour arrondir certains contours, pour atteindre telle montagne, telle rivière, à laquelle on prête une sorte de faculté limitante a priori ? Je ne connais pas de doctrine plus arbitraire ni plus funeste. Avec cela, on justifie toutes les violences. Et, d'abord, sont-ce les montagnes ou bien sont-ce les rivières qui forment ces prétendues frontières naturelles ? Il est incontestable que les montagnes séparent ; mais les fleuves réunissent plutôt. Et puis toutes les montagnes ne sauraient découper des États. Quelles sont celles qui séparent et celles qui ne séparent pas ? De Biarritz à Tornea, il n'y a pas une embouchure de fleuve qui ait plus qu'une autre un caractère bornal. Si l'histoire l'avait voulu, la Loire, la Seine, la Meuse, l'Elbe, l'Oder auraient, autant que le Rhin, ce caractère de frontière naturelle qui a fait commettre tant d'infractions au droit fondamental, qui est la volonté des hommes. On parle de raisons stratégiques. Rien n'est absolu ; il est clair que bien des concessions doivent être faites à la nécessité. Mais il ne faut pas que ces concessions aillent trop loin. Autrement, tout le monde réclamera ses convenances militaires, et ce sera la guerre sans fin. Non, ce n'est pas la terre plus que la race qui fait une nation. La terre fournit le substratum, le champ de la lutte et du travail ; l'homme fournit l'âme. L'homme est tout dans la formation de cette chose sacrée qu'on appelle un peuple. Rien de matériel n'y suffit. Une nation est un principe spirituel, résultant des complications profondes de l'histoire, une famille spirituelle, non un groupe déterminé par la configuration du sol.
Nous venons de voir ce qui ne suffit pas à créer un tel principe spirituel : la race, la langue, les intérêts, l'affinité religieuse, la géographie, les nécessités militaires. Que faut-il donc en plus ? Par suite de ce qui a été dit antérieurement, je n'aurai pas désormais à retenir bien longtemps votre attention."
(...à suivre...)
02:25 Publié dans Parenthèse | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : Nation, Renan, Bleu Blanc Rouge | |
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27/03/2007
La Nation selon Renan - I
En guise réflexion...
"QU'EST-CE-QU'UNE NATION ?"
Conférence prononcée à la Sorbonne, le 11 mars 1882
Je me propose d'analyser avec vous une idée, claire en apparence, mais qui prête aux plus dangereux malentendus. Les formes de la société humaine sont des plus variées. Les grandes agglomérations d'hommes à la façon de la Chine, de l'Égypte, de la plus ancienne Babylonie ; - la tribu à la façon des Hébreux, des Arabes ; - la cité à la façon d'Athènes et de Sparte ; - les réunions de pays divers à la manière de l'empire carolingien ; - les communautés sans patrie, maintenues par le lien religieux, comme sont celles des israélites, des parsis ; - les nations comme la France, l’Angleterre et la plupart des modernes autonomies européennes ; - les confédérations à la façon de la Suisse, de l'Amérique ; - des parentés comme celles que la race, ou plutôt la langue, établit entre les différentes branches de Germains, les différentes branches de Slaves ; - voilà des modes de groupements qui tous existent, ou bien ont existé, et qu'on ne saurait confondre les uns avec les autres sans les plus sérieux inconvénients. À l'époque de la Révolution française, on croyait que les institutions de petites villes indépendantes, telles que Sparte et Rome, pouvaient s'appliquer à nos grandes nations de trente à quarante millions d’âmes. De nos jours, on commet une erreur plus grave - on confond la race avec la nation, et l'on attribue à des groupes ethnographiques ou plutôt linguistiques une souveraineté analogue à celle des peuples réellement existants. Tâchons d'arriver à quelque précision en ces questions difficiles, où la moindre confusion sur le sens des mots, à l'origine du raisonnement, peut produire à la fin les plus funestes erreurs. Ce que nous allons faire est délicat ; c'est presque de la vivisection ; nous allons traiter les vivants comme d'ordinaire on traite les morts. Nous y mettrons la froideur, l'impartialité la plus absolue.
I
Depuis la fin de l'empire romain, ou, mieux, depuis la dislocation de l'empire de Charlemagne, l'Europe occidentale nous apparaît divisée en nations, dont quelques-unes, à certaines époques, ont cherché à exercer une hégémonie sur les autres, sans jamais y réussir d'une manière durable. Ce que n'ont pu Charles-Quint, Louis XIV, Napoléon Ier personne probablement ne le pourra dans l'avenir. L'établissement d'un nouvel empire romain ou d'un nouvel empire de Charlemagne est devenu une impossibilité. La division de l'Europe est trop grande pour qu'une tentative de domination universelle ne provoque pas très vite une coalition qui fasse rentrer la nation ambitieuse dans ses bornes naturelles. Une sorte d'équilibre est établi pour longtemps. La France, l'Angleterre, l'Allemagne, la Russie seront encore, dans des centaines d'années, et malgré les aventures qu'elles auront courues, des individualités historiques, les pièces essentielles d'un damier, dont les cases varient sans cesse d'importance et de grandeur, mais ne se confondent jamais tout à fait.
Les nations, entendues de cette manière, sont quelque chose d’assez nouveau dans l'histoire. L'Antiquité ne les connut pas ; l’Égypte, la Chine, l'antique Chaldée ne furent à aucun degré des nations. C'étaient des troupeaux menés par un fils du Soleil, ou un fils du Ciel. Il n'y eut pas de citoyens égyptiens, pas plus qu'il n'y a de citoyens chinois. L'Antiquité classique eut des républiques et des royautés municipales, des confédérations de républiques locales, des empires ; elle n'eut guère la nation au sens où nous la comprenons. Athènes, Sparte, Sidon, Tyr sont de petits centres d'admirable patriotisme ; mais ce sont des cités avec un territoire relativement restreint. La Gaule, l'Espagne, l'Italie, avant leur absorption dans l'empire romain, étaient des ensembles de peuplades, souvent liguées entre elles, mais sans institutions centrales, sans dynasties. L'empire assyrien, l'empire persan, l'empire d'Alexandre ne furent pas non plus des patries. Il n'y eut jamais de patriotes assyriens ; l'empire persan fut une vaste féodalité. Pas une nation ne rattache ses origines à la colossale aventure d'Alexandre, qui fut cependant si riche en conséquences pour l'histoire générale de la civilisation.
L'empire romain fut bien plus près d'être une patrie. En retour de l'immense bienfait de la cessation des guerres, la domination romaine, d'abord si dure, fut bien vite aimée. Ce fut une grande association, synonyme d'ordre, de paix et de civilisation. Dans les derniers temps de l'empire, il y eut, chez les âmes élevées, chez les évêques éclairés, chez les lettrés, un vrai sentiment de " la paix romaine ", opposée au chaos menaçant de la barbarie. Mais un empire, douze fois grand comme la France actuelle, ne saurait former un État dans l'acception moderne. La scission de l'Orient et de l'Occident était inévitable. Les essais d'un empire gaulois, au IIIe siècle, ne réussirent pas. C'est l'invasion germanique qui introduisit dans le monde le principe qui, plus tard, a servi de base à l'existence des nationalités.
Que firent les peuples germaniques, en effet, depuis leurs grandes invasions du Ve siècle jusqu'aux dernières conquêtes normandes au Xe ? Ils changèrent peu le fond des races ; mais ils imposèrent des dynasties et une aristocratie militaire à des parties plus ou moins considérables de l'ancien empire d'Occident, lesquelles prirent le nom de leurs envahisseurs. De là une France, une Burgondie, une Lombardie ; plus tard, une Normandie. La rapide prépondérance que prit l'empire franc refait un moment l'unité de l’Occident ; mais cet empire se brise irrémédiablement vers le milieu du IXe siècle ; le traité de Verdun trace des divisions immuables en principe, et dès lors la France, l'Allemagne, l'Angleterre, l'Italie, l'Espagne s'acheminent, par des voies souvent détournées et à travers mille aventures, à leur pleine existence nationale, telle que nous la voyons s'épanouir aujourd'hui.
Qu'est-ce qui caractérise, en effet, ces différents États ? C'est la fusion des populations qui les composent. Dans les pays que nous venons d'énumérer, rien d'analogue à ce que vous trouverez en Turquie, où le Turc, le Slave, le Grec, l'Arménien, l'Arabe, le Syrien, le Kurde sont aussi distincts aujourd'hui qu'au jour de la conquête. Deux circonstances essentielles contribuèrent à ce résultat. D'abord le fait que les peuples germaniques adoptèrent le christianisme dès qu'ils eurent des contacts un peu suivis avec les peuples grecs et latins. Quand le vainqueur et le vaincu sont de la même religion, ou plutôt, quand le vainqueur adopte la religion du vaincu, le système turc, la distinction absolue des hommes d'après la religion, ne peut plus se produire. La seconde circonstance fut, de la part des conquérants, l'oubli de leur propre langue. Les petits-fils de Clovis, d'Alaric, de Gondebaud, d'Alboïn, de Rollon, parlaient déjà roman. Ce fait était lui-même la conséquence d'une autre particularité importante : c'est que les Francs, les Burgondes, les Goths, les Lombards, les Normands avaient très peu de femmes de leur race avec eux. Pendant plusieurs générations, les chefs ne se marient qu'avec des femmes germaines ; mais leurs concubines sont latines, les nourrices des enfants sont latines ; toute la tribu épouse des femmes latines ; ce qui fit que la lingua francica, la lingua gothica n'eurent, depuis l'établissement des Francs et des Goths en terres romaines, que de très courtes destinées. Il n'en fut pas ainsi en Angleterre ; car l'invasion anglo-saxonne avait sans doute des femmes avec elle ; la population bretonne s'enfuit, et, d'ailleurs, le latin n'était plus, ou même, ne fut jamais dominant dans la Bretagne. Si on eût généralement parlé gaulois dans la Gaule, au Ve siècle, Clovis et les siens n'eussent pas abandonné le germanique pour le gaulois.
De là ce résultat capital que, malgré l'extrême violence des mœurs des envahisseurs germains, le moule qu'ils imposèrent devint, avec les siècles, le moule même de la nation. France devint très légitimement le nom d'un pays où il n'était entré qu'une imperceptible minorité de Francs. Au Xe siècle, dans les premières chansons de geste, qui sont un miroir si parfait de l'esprit du temps, tous les habitants de la France sont des Français. L'idée d'une différence de races dans la population de la France, si évidente chez Grégoire de Tours, ne se présente à aucun degré chez les écrivains et les poètes français postérieurs à Hugues Capet. La différence du noble et du vilain est aussi accentuée que possible ; mais la différence de l'un à l'autre n'est en rien une différence ethnique ; c'est une différence de courage, d'habitudes et d'éducation transmise héréditairement ; l'idée que l'origine de tout cela soit une conquête ne vient à personne. Le faux système d'après lequel la noblesse dut son origine à un privilège conféré par le roi pour de grands services rendus à la nation, si bien que tout noble est un anobli, ce système est établi comme un dogme dès le XIIIe siècle. La même chose se passa à la suite de presque toutes les conquêtes normandes. Au bout d'une ou deux générations, les envahisseurs normands ne se distinguaient plus du reste de la population ; leur influence n'en avait pas moins été profonde ; ils avaient donné au pays conquis une noblesse, des habitudes militaires, un patriotisme qu'il n'avait pas auparavant.
L'oubli, et je dirai même l'erreur historique, sont un facteur essentiel de la création d'une nation, et c'est ainsi que le progrès des études historiques est souvent pour la nationalité un danger. L'investigation historique, en effet, remet en lumière les faits de violence qui se sont passés à l'origine de toutes les formations politiques, même de celles dont les conséquences ont été les plus bienfaisantes. L'unité se fait toujours brutalement ; la réunion de la France du Nord et de la France du Midi a été le résultat d'une extermination et d'une terreur continuée pendant près d'un siècle. Le roi de France, qui est, si j'ose le dire, le type idéal d'un cristallisateur séculaire ; le roi de France, qui a fait la plus parfaite unité nationale qu'il y ait ; le roi de France, vu de trop près, a perdu son prestige ; la nation qu'il avait formée l'a maudit, et, aujourd'hui, il n'y a que les esprits cultivés qui sachent ce qu'il valait et ce qu'il a fait.
C'est par le contraste que ces grandes lois de l'histoire de l'Europe occidentale deviennent sensibles. Dans l'entreprise que le roi de France, en partie par sa tyrannie, eu partie par sa justice, a si admirablement menée à terme, beaucoup de pays ont échoué. Sous la couronne de Saint Étienne, les Magyars et les Slaves sont restés aussi distincts qu'ils l'étaient il y a huit cents ans. Loin de fondre les éléments divers de ses domaines, la maison de Habsbourg les a tenus distincts et souvent opposés les uns aux autres. En Bohême, l'élément tchèque et l'élément allemand sont superposés comme l'huile et l'eau dans un verre. La politique turque de la séparation des nationalités d'après la religion a eu de bien plus graves conséquences : elle a causé la ruine de l'Orient. Prenez une ville comme Salonique ou Smyrne, vous y trouverez cinq ou six communautés dont chacune a ses souvenirs et qui n'ont entre elles presque rien en commun. Or l'essence d'une nation est que tous les individus aient beaucoup de choses en commun, et aussi que tous aient oublié bien des choses. Aucun citoyen français ne sait s'il est burgonde, alain, taïfale, visigoth ; tout citoyen français doit avoir oublié la Saint-Barthélemy, les massacres du Midi au XIIIe siècle. Il n'y a pas en France dix familles qui puissent fournir la preuve d'une origine franque, et encore une telle preuve serait-elle essentiellement défectueuse, par suite de mille croisements inconnus qui peuvent déranger tous les systèmes des généalogistes.
La nation moderne est donc un résultat historique amené par une série de faits convergeant dans le même sens. Tantôt l'unité a été réalisée par une dynastie, comme c'est le cas pour la France ; tantôt elle l'a été par la volonté directe des provinces, comme c'est le cas pour la Hollande, la Suisse, la Belgique ; tantôt par un esprit général, tardivement vainqueur des caprices de la féodalité, comme c'est le cas pour l'Italie et l'Allemagne. Toujours une profonde raison d'être a présidé à ces formations. Les principes, en pareils cas, se font jour par les surprises les plus inattendues. Nous avons vu, de nos jours, l'Italie unifiée par ses défaites, et la Turquie démolie par ses victoires. Chaque défaite avançait les affaires de l'Italie ; chaque victoire perdait la Turquie ; car l'Italie est une nation, et la Turquie, hors de l'Asie Mineure, n'en est pas une. C'est la gloire de la France d'avoir, par la Révolution française, proclamé qu'une nation existe par elle-même. Nous ne devons pas trouver mauvais qu'on nous imite. Le principe des nations est le nôtre. Mais qu'est-ce donc qu'une nation ? Pourquoi la Hollande est-elle une nation, tandis que le Hanovre ou le grand-duché de Parme n'en sont pas une ? Comment la France persiste-t-elle à être une nation, quand le principe qui l'a créée a disparu? Comment la Suisse, qui a trois langues, deux religions, trois ou quatre races, est-elle une nation, quand la Toscane, par exemple, qui est si homogène, n'en est pas une ? Pourquoi l'Autriche est-elle un État et non pas une nation ? En quoi le principe des nationalités diffère-t-il du principe des races? Voilà des points sur lesquels un esprit réfléchi tient à être fixé, pour se mettre d'accord avec lui-même. Les affaires du monde ne se règlent guère par ces sortes de raisonnements ; mais les hommes appliqués veulent porter en ces matières quelque raison et démêler les confusions où s'embrouillent les esprits superficiels."
(...à suivre...)
07:05 Publié dans Parenthèse | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Nation, Renan, Bleu Blanc Rouge | |
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26/03/2007
Vranac
=--=Publié dans la Catégorie "Festoyons... Buvons la coupe..."=--=
Une bouteille de Vranac (prononcez : Vranats), un petit vin très sympathique du Monténégro, est à envisager. Pas épais, tanin plutôt léger, alcool fruité et suffisamment de délicatesse pour être bu aussi bien avec du poisson que de la viande... le Monténégro qui est, je vous le rappelle, une grosse montagne posée au bord de l'Adriatique avec ouverture sur la Méditerranée.
Vous le trouverez au rayon "Vin étrangers" dans les grandes surfaces du type CORA... c'est simple !
À moins de bouffer des merguez évitez le vin Croate qui a la délicatesse des Sidi Brahim, ça passe avec les barbecue... mais c'est tout.
"C’est moi qui bois, Seigneur, et c’est toi qui est ivre
Un verre bien en main, c’est mieux que la jolie pour demain
Boire du vin, chatouiller les jolies comme des tulipes
Boire un verre, ça vaut le royaume de Chine !
Nous sommes avec le vin, avec les filles, avec Dieu jour et nuit
C’est parce qu’on a péché qu’arrive le pardon ;
Si personne n’avait péché, il n’existerait pas, le pardon !
Que je boive ou ne boive pas, ils diront fous : « il boit ! »
Donc je bois pour leur épargner un mensonge vilain !
C’est que tout m’est désespoir, sauf boire !
S’il y a l’enfer pour ceux qui font l’amour et qui boivent,
Alors personne jamais ne verra le paradis des âmes.
Le ciel, bol à l’envers, redressons-le en bol de vin !
Quand je cuisine, tout m’indiffère !
Au vin ne renonce personne d’esprit résolu
Bois du vin ! sinon du monde des hommes ton nom s’en ira
Je pratique la religion du jus de la vigne
Sans arrêt bois du vin ! tourne autour des jolies !
Si les potiers sur leur tour changent ma poussière en pot
Que ce pot soit toujours rempli de vin pur !
Prendre garde à fouler doucement la poussière :
Ce grain de poussière fut, qui sait ? la prunelle d’une jolie !
Dieu, quand il mêla, moula notre glaise
D’avance savoir tout ce que je ferais, dirais ;
Je n’ai commis aucun péché qu’il ne l’ait ordonné ;
Donc au jour du jugement pourquoi me condamner ?
Puis le jour que tu passes sans boire de vin,
Dans tes jours pas de jour plus perdu que ce jour !
Fais-toi sur terre un paradis avec le verre de vin
Bois du vin ! tu ne sais pas d’où tu es venu !
Bois du vin ! sais-tu vers où t’en iras-tu ?
Dans une main le Livre, le verre dans l’autre main
Le temps vieillissant dans l’argile va t’allonger
Bois du vin ! car Dieu sait que tu sommeilleras dans la glaise
Le plaisir entre tes doigts, prend-le !bois le verre de vin !
Ma moustache, maison de vin, a balayé ta porte !
De tout ce qui n’est pas le vin, s’écarter c’est le mieux !
Bois ! Bois du vin sans souci ! L’Islam, où est-il ?
Fait la fête ! ne laisse pas en vent s’en aller tes jours !
Le paradis : un instant de notre vie vécu paisiblement !
L’état de la rose, le buveur seul est en état de le savoir
Bois du vin ! de toute façon que tu boives du vin ou non,
Tu n’iras pas au ciel, si ton destin c’est le feu de l’enfer
Du poison de la douleur, c’est le vin le contrepoison
Bois du vin ! dans l’herbe assis avec des jolies
Avant que sur ta tombe on fasse des fenaisons !
Rien ne manquait sur terre avant notre arrivée ;
Tout restera de même après notre départ."
Omar Khayyam
Khayyam (Omar) (Nichapur, v. 1050 – id., v. 1123), poète persan. Il doit sa notoriété en Occident au poète anglais E. Fitzgerald, qui traduisit, en les adaptant (1859), les célèbres ruba’iyyat (quatrains) de Khayyam. Il fut au début de sa carrière un brillant savant (mathématicien et astronome). En raison de son esprit libertaire et libertin il fut pourchassé par l'Islam officiel de son temps.
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Bande son du moment : Toujours "La Passion selon Saint Jean" de Jean Sébastien Bach sous la direction de Stephen Cleobury
Lecture du moment : ...pas de lecture particulière... butinages divers...
Citation du jour : « Les femmes : bulles de savon ; l'argent : bulles de savon ; la renommée : bulles de savon. Les reflets sur les bulles de savon sont le monde dans lequel nous vivons. » Yukio Mishima (Le Pavillon d'Or)
Humeur du moment : Le regroupement des forces se poursuit...
16:45 Publié dans Festoyons... Buvons la coupe... | Lien permanent | Commentaires (2) | |
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25/03/2007
Sauternes
=--=Publié dans la Catégorie "Festoyons... Buvons la coupe..."=--=
Le Sauternes"Pavois d'Or" a le grand intérêt, me concernant, de me mettre rapidement de bonne humeur.
C'est un Vin qu'il faut boire frappé, pour ne pas dire glacé !!!!
Généralement, je n'aime pas ces vins blancs de "gonzesses", comme dirait certaine de mes connaissances, cependant je fais une exception pour le Sauternes qui se laisse véritablement savourer comme on ne savoure que... euh... les bonnes choses.
Le rouge est ma couleur préférée. De vin en vin, le rouge n'est jamais le même, 1000 et 1 aspects différents nous enchantent lorsque nous ne faisons que contempler les nuances lumineuses au travers d'un verre, à proximité d'une bougie, par exemple... Les rouges explosent littéralement le sens de la vue : cinabre, roux, carmin, cerise, groseille, grenat, rubis, pourpre, bordeaux... Ces termes sont à eux seuls des jouissances en attente... des jus qui ne demandent qu'à être appréciés...
Le rouge a la couleur du sang, du feu. Il brûle.
Mais le Sauternes, chers amis, lorsqu'il a passé une petite heure au frigo... laissez-moi vous dire que son attrait est des plus évidents avec viandes blanches en sauce et fromages qui fouettent ! L'arôme de bouche est des plus surprenant. Ici un fond de noix et de miel nous exalte le dôme du palais. Il n'est guère astringent comme le Bourgogne dont l'épaisseur peut vous permettre de vous passer d'un repas. Le miel, dont je parlais tout à l'heure, subsiste après la première attaque en bouche qui est gargantuesque. Exubérance et richesse du sucre. Guère d'acidité, d'amertume ou de dépôt tannique, par contre la sensation est tout de même alcoolisée.
Il faut prendre la peine d'en humer le bouquet en bouteille avant même que de verser en les verres l'agape salvatrice. Juste après le "plop" du bouchon... Le Sud et le sel de ses vents y a laissé des empreintes.
Très charnu, le Sauternes assiège la bouche non comme des hordes barbares mais comme des femmes lascives. De quoi tirer des plans sur la comète si, compagnon, tu le bois en compagnie féminine. Car s'il est charnu, il est aussi généreux et les inhibitions seront levées et jetées aux oubliettes comme du linge sale. Que Dieu me pardonne !
Sucré mais pas gras... le Sauternes est avant tout gouleyant... ça passe comme une lettre à la poste... ça se boit comme du p'tit lait... et sa persistance aromatique intense qui subsiste quelques minutes après le dernier verre prouve que c'est un bon vin...
Bordeaux, Cité des Lumières
par Philippe Sollers
"Où que je me trouve, je peux revenir soudain à Bordeaux par la couleur ou par le vin, par un signal lumineux sombre ou par un certain parfum dans la bouche.
Avant d'être la ville où je suis né, Bordeaux est ainsi une information diffuse, distribuée dans les tissus ou le contenu des bouteilles. Le mot de « bordeaux » lui-même, en dehors de l'étymologie, évoque pour moi la rive, le lieu stable d'où l'on pourrait voir, indéfiniment, couler l'espace et le temps. L'eau, le vin, le sang transformé en vin, le bord de la durée physique, et voilà une idée de ce que peut être un port dans l'aventure du corps, « le port de la lune », en plus, avec un croissant bienveillant et oriental, comme un poinçon des mille et une nuits en cours de sommeil.
La ville est entourée par des centaines de contes de fées protégés. Bordeaux est le château principal des châteaux environnants, une sorte de « coffre », un peu en retrait de l'océan dont la pression douce se fait sentir. Au sud : le brasier permanent des Landes. Au nord-ouest : l'ouverture atlantique. Entre le feu résineux et l'espace maritime incurvé : une ville tempérée qui résume tous les climats. Supposons maintenant que je sois à New York, à Pékin, à Amsterdam ou à Londres : j'ouvre cette bouteille de margaux, je la bois lentement, je vais dormir, et le lendemain matin, je sais que j'ai été filtré par Bordeaux. Il faut « dormir » le vin pour le comprendre. C'est d'ailleurs plutôt lui qui vous comprend, qui vous accepte ou qui vous refuse. N'est pas dans le bordeaux qui veut. Un Bordelais est souvent bavard, mais c'est pour mieux cacher son silence. Personne n'est aussi trompeur sans avoir à le faire exprès. Cette gaieté ? Peut-être une mélancolie profonde. Cet art de vivre ? Sans doute une conscience aiguë du néant. Bordeaux ou la contradiction : comme une relativité généralisée, d'ailleurs concentrée dans le livre par excellence, les Essais de Montaigne, « que philosopher c'est apprendre à mourir », pages lues au lycée, commentées, relues et apprises par coeur. Avec les Lettres persanes, l'Esprit des lois, avec le Discours de la servitude volontaire, on a l'inspiration libérale et juridique de la cité frondeuse fondamentale, ville de dissidence par rapport au pouvoir central, ville où l'on préfère les Anglais à Jeanne d'Arc et à Napoléon, Louis XV à Louis XIV, ville du Prince noir et de la belle Aliénor.
« Esprit frondeur » : je retrouve cette annotation à l'encre rouge sur mes bulletins d'écolier, et, avec le temps, je me rends compte qu'il s'agissait plutôt d'un éloge, d'un encouragement discret sous la réprobation d'apparence. Montaigne, La Boétie, Montesquieu, et, plus tard, pendant la Révolution, le parti girondin, si mal connu et réhabilité par l'Histoire. Mauriac, enfin, ce Landais, romancier fiévreux et conscience morale intraitable. Les Bordelais ont l'habitude de célébrer leurs « trois M », Montaigne, Montesquieu, Mauriac : il est temps de leur ajouter un quatrième mousquetaire, de les inscrire mieux au pluriel. Un S, donc : le mien.
Impression de Bordeaux, capitale du XVIIIe siècle, sur les écrivains : c'est Stendhal qui note que « sans contredit, Bordeaux est la plus belle ville de France ». Il la compare à Venise, d'autres à Versailles. C'est Hölderlin, en 1802, qui parle « des montagnes de raisins d'où la Dordogne descend, où débouchent le fleuve et la royale Garonne, leurs eaux unies ». Voici l'Aquitaine, le pays des eaux, mais aussi la Gironde, mot merveilleux ; girond, gironde : « beau, gentil, mignon ». Mais aussi : « joyau en forme de médaillon, comme une broche ». À Bordeaux, le jeune Baudelaire s'est embarqué sur le bateau des Mers-du-Sud. À Bordeaux, Lautréamont a débarqué un jour, portant avec lui toute une sauvagerie d'Amérique. La place de la Bourse (ex-place Louis XV) est la mémoire de ce temps passé. Comme les deux grandes colonnes rostrales, consacrées l'une au commerce, l'autre à la navigation. Échanger, circuler : c'était, et ce sera de nouveau, après le tunnel du XIXe siècle et d'une grande partie du XXe siècle, le destin de Bordeaux, ville européenne comme Londres, Hambourg, Barcelone, Naples, Venise, Amsterdam. Les Français aiment-ils l'Europe ? Pas sûr. Je me suis fait traiter de tous les noms pour avoir dit que je me sentais un écrivain européen d'origine française. C'était pourtant du Montesquieu adapté. Montesquieu, à propos des Lettres persanes (à relire ces temps-ci) : « L'auteur s'est donné l'avantage de pouvoir joindre de la philosophie, de la politique et de la morale à un roman, et de lier le tout par une chaîne secrète et, en quelque façon, inconnue. »
Une chaîne secrète ? Celle, simplement, des Lumières. L'aventure continue"
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Bande son du moment : "La Passion selon Saint Jean" de Jean Sébastien Bach sous la direction de Stephen Cleobury
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Citation du jour : « Quand dans un royaume il y a plus d’avantage a faire sa cour qu’à faire son devoir, tout est perdu. » Montesquieu
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23:10 Publié dans Festoyons... Buvons la coupe... | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : philippe sollers, dionysos, ivresse, les lumières, sauternes, esprit | |
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22/03/2007
Polyrythmies...
18:10 Publié dans Humeurs Littéraires | Lien permanent | Commentaires (8) | |
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21/03/2007
The Motherfuckin' Warriors...
=--=Publié dans la Catégorie "Musique : Rêve Vénitien..."=--=
Lorsqu'en 1989 Eric James pose sa voix sur l'album des Sentinels ("Face of Desire"- Musidisc) sous la houlette de Roberto Piazza alias Little Bob à la production, déjà dans son esprit l'appel du grand Large se fait entendre. Au sein des Sentinels, ses collègues des Batailles hexagonales ne correspondent plus ni à son humeur, ni à ses attentes. Il n'attendra pas que l'album sorte. Il disparaît aux États-Unis pour un périple de 3 mois qui le mènera de New York jusqu'au Mexique. Parcours Initiatique à travers les Gigantesques Mégapoles et les Vastes espaces sauvages. De retour en France, sa Chimie intérieure transformée, après quelques tentatives ultimes pour relancer The Sentinels sur de nouveaux Rails, il décide de créer VENICE en durcissant le ton, le son, les mots et en élargissant considérablement la palette des couleurs harmoniques. Lui au Chant (et à l'Harmonica occasionnel) se retrouve ainsi encadré par Franck Schaack à la Batterie, Jean-Marc Joffroy à la Basse et Nebojsa Ciric dit "Nebo" aux guitares.
En Septembre 1991 Venice voit le jour dans un Local de Senlis (Oise). Les répétitions s’alignent (à raison de quatre à cinq par semaines) comme autant de batailles désespérées pour aller trouver la perle rare dans les limbes du Rock and roll.
Les Concerts s’enchaînent comme des guerres de conquêtes et la Vie se fait dure. Des hauts et des bas. Mais la Foi vivante et Vibrante ne les quitte pas. En Septembre 1993 Jean-Marc Joffroy quitte la Formation. Les concerts et les répétitions en file indienne auront eu raison de lui. Mourad Baali le remplace. Il restera dans la formation jusqu’au Printemps 2000. De fin 1995 à fin 1998 deux autres guitaristes, à tour de rôle, viendront épauler Nebo et se partager Rythmiques et solos. James Dent (1995-1997) et Willy Wedder (1997-1998). Eux aussi jetteront l’éponge avant la signature espérée.
C’est que les temps sont durs à l’égard du Rock dans les années 90, même s’il est indiscutable qu’un public pour lui existe. Les radios, les médias, les maisons de disques lui préfèrent une version Rap aseptisée de la culture hip hop qui, d’ailleurs, n’a plus grand chose à voir avec la « street attitude » originelle mais flirte plutôt avec la variété la plus appauvrie pour le sous-prolétariat des cités. Les authentiques rappeurs ne sont pas signés… ou s’ils le sont, leur flow devient vite émasculé.
VENICE persévère. De 1991 à 2000 le groupe tourne dans toute la France, mais aussi en Belgique, en Allemagne, en République Tchèque. Des centaines de concerts. Représentant la Picardie au Printemps de Bourges en 1993, VENICE ouvre aussi pour KAT ONOMA, GUN CLUB (de feu Jeffrey Lee Pierce), THE INMATES, ANGE, Les GARçONS BOUCHERS, Les VRP. Le groupe joue partout où c’est possible. Tournée des Fnacs en acoustique, participation à des festivals avec BERNARD LAVILLIERS ou les INNOCENTS. Plusieurs dates avec JEAN-LOUIS AUBERT & Co sur la Tournée « H ». La rencontre avec BORIS BERGMAN (parolier de Bashung, Paul Personne, Lio, Eddy Mitchell et beaucoup d’autres) oriente Eric vers des textes en Français. Une dizaine de chansons sont composées avec Boris Bergman dans la foulée.
S’étant doté d’un studio personnel, 12 pistes AKAÏ puis 16 pistes TEAC, VENICE enregistre maquette sur maquette durant toutes ces années et se lance à l’assaut des Maisons de disques. Une signature chez Warner, en édition, ne portera pas ses fruits malgré deux semaines de Studio à l’Hacienda de Tarare, près de Lyon. En 1999 le groupe sort son premier album chez OUTSIDE RECORDS, plus pour avoir une carte de visite à présenter que pour percer le sommet des Charts. Le travail lamentable du Label en question leur fera rompre le contrat. Enregistré à domicile, dans leur propre local, l’album « Les palmiers de Chance » résume à merveille un parcours de 8 années durant lesquelles le groupe a affiné son sens du Rock dans la diversité. C’est STEVE FORWARD (qui a travaillé avec Axel Bauer et Daran) qui mixe la galette. Les concerts qui suivent sont torrides. Le MCM café les accueille pour deux concerts dont un diffusé sur le câble. Mais le départ du bassiste, Mourad Baali, met à nouveau un frein à l’expansion. Mourad quitte le groupe pour s’orienter vers d’autres styles musicaux.
L’arrivée de Frédéric Laforêt (Bassiste multi instrumentiste… Claviers, Guitare, Programmations) va relancer le processus de création et redonner confiance aux Vénitiens originels, Eric, Franck et Nebo. De 2000 à 2004, les compositions s’enchaînent et un choix est fait pour le « projet » suivant. Eric part à New York pour se confronter à la Ville victime du 11 Septembre et, en vivant une vie d’homme et de père récent, écrire les textes des 12 chansons retenues pour l’album "Soudain l'Ouverture".
Malheureusement, l’éloignement Paris-New York finit par anéantir la connexion des uns et des autres et le groupe dépose les armes après 15 années de bons et loyaux services et un deuxième album qui aura laissé pas mal de monde sur le cul… à l’exception des merdiques maisons de disques.
Eric James, Chanteur, fondateur du Groupe...
"Première immersion aux alentours de 10 ans. A cet âge là, le rock se cantonne à trois double albums offerts par mes parents :
1) best of de Elvis Presley sur le label K TEL
2) album bleu des Beatles
3) album rouge des Beatles
Ensuite, une tante vicieuse m'offre de quoi tirer le diable par la queue:
"Piper At The Gates Of Dawn" de Pink Floyd
Et puis c'est les années où je me patchoulise en expérimentant mes premières cigarettes roulées à la main, imbibées parfois d'huile de cannabis. La bande son de l'époque c'est : "Aqualung" de Jethro Tull, "Harvest" de Neil Young, Led Zeppelin II, "In Rock" de Deep Purple, "Tommy" des Who, "Sticky Fingers" des Stones, "Diamond Dogs" de Bowie, et toujours les Floyd bien sûr. Mais mon groupe favori du moment c'est... Genesis ! sur les albums desquels j'apprends à chanter tout seul dans ma chambre. Pas facile Peter Gabriel comme prof de chant !!!
Ensuite c'est l'atterrissage d'un OVNI dans ma chambre de baba-cool : Un coffret de l'intégrale de Eddie Cochran ! Retour vers les racines et une coupe de cheveux en règle : Elvis dans GI Blues ! C'est la période "petite frappe", l'entrée au Lycée, les premières libations et les chaudes explorations sur fond de rock-a-billy pur et dur, mais aussi Frank Sinatra, Ray Charles, Otis Redding, James Brown et tout ce qui s'ensuit. Et puis, poursuivant dans l'éclectisme, après un court mais intensif passage chez AC/DC, je m'initie philosophiquement et éthiliquement aux Doors, en dévorant les pages de "Par-delà le bien et le mal", "Naissance de la tragédie" de Nietzsche, "Sur la route " de Kerouac, "Crime et châtiment" de Dostoïevski et "Martin Eden" de Jack London.
A l'aube des années 80, une nouvelle bifurcation avec la découverte du Punk tout d'abord (Clash, Buzzcocks et The Jam sur le podium) et puis de ce qu'on appelle à l'époque la "New Wave" avec Elvis Costello, Police, Roxy Music, The Cure, Siouxie And The Banshees, Psychedelic furs, Talking Heads, The B 52's, Urban Verbs, The Real Kids, The Feelies, The Fleshtones, Wall Of Voodoo, X, The Gun Club, The Cramps, The Unknowns et aussi la compilation "Nuggets" de Lenny Kaye... Mes deux groupes favoris de l'époque en tout cas, c'est les Stranglers et toujours les Doors. Mes livres de chevets : "Feyrdidurke" de Witold Gombrowitz, "Las Vegas Parano" de Hunter S Thompson, "Postier" de Bukowsky, "Ubik" de Philp K Dick, "Légendes d'automne" de Jim Harrison, "La conjuration des imbéciles" de John Kennedy Toole, "Demande à la poussière" de John Fante, "Lumière d'août" de William Faulkner, "Ainsi parlait Zarathoustra" de Nietzsche, la poésie de T.S Eliot, les BD de Will Eisner et de Hugo Pratt sans oublier bien sûr celles de Franck Margerin !
Mais parallèlement à cette vague, au printemps 1978, je suis mis K.O en écoutant l'intro d'un disque dont la chronique m'avait séduit dans le magazine Best : "Darkness on the edge of town" de Bruce Springsteen.
Mes amis punks se payent ma gueule, mais mon histoire d'amour est trop forte. Je remonte dans le temps en redécouvrant les trois premiers albums et continue à développer mon culte secrètement, car à part ma girlfriend du moment, personne dans mon entourage ne comprend ma fascination pour ce "Johnny Hallyday" américain.
Quand je vois le Boss sur scène durant la tournée "The River", je réalise que la scène, c'est la vraie terre promise !
Par le biais de Springsteen. je revisite bien sûr de fond en comble Bob Dylan et m'abreuve de folk rock à tendance John Fogerty et chemises à carreaux... Les grands espaces s'ouvrent à moi de façon lumineuse et épique, passages solaires donc, entrecoupés néanmoins de coulées sulfureuses et telluriques (Stooges et MC5 en cures saisonnières), la continuité du rock australien avec Radio Birdman et les Hoodoo Gurus. Les valeurs sûres comme Lou Reed et Le Velvet Underground, Patti Smith, Tom Waits... Mes groupes cultes comme Le Sir Douglas Quintet, les Modern Lovers ou les Reds.… Et le jazz de Charlie Parker et Thelonious Monk.
À l'âge adulte, les groupes qui par la suite et pour différentes raisons me remueront affectivement sont U2 (à partir de l'album "Joshua Tree"), mais bien plus encore R.E.M et Pearl Jam ainsi que Van Morrison dont je tombe littéralement amoureux sur le tard.
Au final, le cœur reste néanmoins profondément marqué au fer rouge par les Doors et Springsteen. Dionysos et Apollon. Nietzsche et Kerouac.
Bon appétit aux tueurs !"
Franck Schaack, batteur et Clown Cosmique...
"1979, j'ai 11 ans, curieux, je fouille dans les vinyles de mon oncle, il me fait écouter les bonnes émissions de radio, WRTL (Blancfrancard), Antoine de Caunes dans CHORUS le rendez-vous rock de la semaine, je commence à taper sur des sceaux (sur « Roxanne » de Police). 1980 voyage à Londres avec tonton (full période 80) déterminant .
La 6 ème me tend les bras, trop tard je suis tatoué à la Stewart Copeland mania et par The Police. De là j'ai eu affaire à des groupes divers. Première rencontre sérieuse en 1990 : Eric James (à l’époque chanteur des Sentinels). S'enchaînent concerts du sud de Montpellier au nord de la Tchéquie, de l'ouest de la Bretagne à l'est de la Suisse et l'aventure Vénitienne qui s’en est suivie..."
Frédéric Laforêt, Bassiste, multicartes...
Totalement autodidacte, c'est à 15 ans qu'il commence à apprendre la basse suite à un concert d'AC/DC. "J'étais fasciné par ce mec à droite de la scène, qui était calme tout en assurant des parties rouleau compresseur". Peu après, un ami lui fait découvrir le groupe qui va marquer son approche de l'instrument à tout jamais :RUSH. "Geddy Lee est un extraterrestre, il a un son énorme et un jeu immédiatement reconnaissable, et comment fait-il pour chanter en jouant de telles lignes ? " Cette influence majeure le poussera à s'intéresser aux claviers. "J'ai rapidement voulu concilier les claviers et la basse, le mariage me semblait réalisable , MERCI GEDDY !!! "
De là, naquirent les premiers groupes sérieux, et en particulier MARYLIN ; Groupe de hard rock dont la présence de claviers donnait un côté FM. "Je crois que ce qu'on faisait ressemblait pas mal à The Darkness..."
La rencontre avec Venice est à elle seule une aventure :
"Je connaissais Venice parce qu'étant amateur de leurs prestations scéniques qui déchirent, je les avais déja vus sur scène 2 ou 3 fois. Quand leur premier album est sorti, j'étais aussi content que si ça avait été mon propre groupe, s’il y avait bien un groupe qui devait y arriver c’était eux.
Plus tard, je recherchais un groupe cool pour jouer de la guitare, j’ai répondu à une annonce locale. Le studio de répétition privé était impressionnant, on a vaguement tapé le bœuf et putain, que ça jouait bien. Il y avait un truc bizarre, j’avais l’impression de les connaître et tout d’un coup, alors qu’ils attaquent « Le Rêve du Phénix », je réalise : VENICE !!! Et oui , pas très physionomiste le mec.
Du coup, je décline l’invitation à jouer avec eux ,ils avaient besoin d’un putain de bon guitariste pour seconder Nebo suite au départ d’un guitariste australien, James Dent, c’était trop sérieux pour ce que je voulais faire en tant que guitariste. Et dans ma tête je me disais : dommage qu’ils ne cherchent pas un bassiste, là, ç’aurait été différent."
Qu’on ne vienne pas dire que le destin n’est qu’illusion. Deux ans plus tard, une autre annonce dans un journal local : Venice cherche bassiste. BANCO !!!
"Mourad Baali avait décidé de quitter le groupe après plus de 6 années passées avec eux… pour divergences artistiques, alors je me suis pointé en connaissant déjà la moitié de l’album. Je crois qu’ils n’ont auditionné personne d’autre."
Premier concert avec eux quinze jours après et très vite, la nouvelle formule s’attaque à la composition du deuxième album.
"Sur les titres du 1er album, j’ai énormément respecté les lignes crées par mourad. Il y avait un son Venice, je ne pouvais pas tout chambouler comme ça et de toutes façon son travail à la basse était fabuleux. Ensuite, pour les nouvelles compositions, j’ai pu ouvrir mon âme. Certains titres sont nés sur 4 ou 5 cordes. Puis on a tous décidé d’intégrer des boucles dans notre musique. J'ai donc repris du service question machines. Au départ, juste quelques ambiances synthés puis, voyant que la sauce prenait, j’ai sortis la cavalerie lourde sur des titres comme « Le Cyborg verse une larme » ou « Le vin de mes pères »."
Nebojsa CIRIC, dit "Nebo"... Guitariste et Schtroumpf Métaphysique...
Nom : Ciric
Prénom : Nebojsa (lire : Néboïcha)
Diminutif : Nebo
Instrument : Guitares
Influences Guitaristiques : Jimmy Page, Jimi Hendrix, Robin Trower, Uli Jon Roth, Pat Travers, Ted Nugent, Rory Gallagher, Adrian Belew, Robert Fripp, Vernon Reid, Johnny Winter, Frank Zappa, The Edge, Stevie Ray Vaughan, Stevie Salas, Ritchie Blackmore, Ty Tabor, Goran Bregovic, Prince et… surtout… son frère d’armes et inspirateur initial, Laurent Rossi, guitariste de l’obscur combo « Wolfoni »…
Groupes préférés : Jimi Hendrix, Led Zeppelin, Doors, King’s X, Tea Party, Stone Temple Pilots.
Héros de jeunesse, héros de toujours : Friedrich Nietzsche, Jim Morrison, Wolfgang Amadeus Mozart, Giovanni Giacomo Casanova, Arthur Rimbaud, Antonin Artaud, John Lee Hooker, Miles Davis, John Coltrane, Lemmy.
Livres de chevet : La Bible ; « Ainsi Parlait Zarathoustra » de Friedrich Nietzsche ; l’intégrale de « Blueberry » par Giraud et Charlier ; « Citadelle » d’Antoine de Saint-Exupéry ; « Le Japon Moderne et l’éthique Samouraï » ainsi que « Le Soleil et l’Acier » par Yukio Mishima ; « L’unique et sa Propriété » de Max Stirner ; « L’Art de Jouir » ainsi que « Théorie du Corps Amoureux » par Michel Onfray ; « Retour à l’essentiel » de Jean Biès.
Signe Particulier : Abuse de la Fuzz, aboie d’la Wha wha.
Né en Ex-Yougoslavie. Amertume au goût de miel. Exil. Solitude sombre. Puis Solitude Joyeuse. Travailler sur soi. Traverser les précipices. Toujours à mi-pente. Expériences des limites. Écriture possédée. Lectures fiévreuses. Chutes et éveils. Haine et Amour. Gratuité de l’être et de l’échange. Détachement. Aime rompre le pain et boire la coupe. Musiques qui implorent et sanctifient. Questions. Feu. Eau. Terre. Air. Tao. Réponses. Libéral, Libertaire et Libertin. L’Âme sombre du Groupe. Mais Verbe Solaire. Aime la Vie, les Femmes, les enfants, les animaux et les Amérindiens. Déteste la nonchalance des hippies et des bobos ainsi que le drame éternel des complaintes psycho-socio-familiales. Tente d’évaluer sans juger.
Nietzsche. Van Gogh. Monet. Georges Mathieu. Anarchiste Royal. Tradition et modernité. Penser au-delà. Se refuse d’appartenir à la moindre tendance ou caste. Abhorre le nivellement Universel. Soufisme et Kabbale. Prières d'Agnostique. Son mot d’Ordre pour aller sur Mars : la Rage Antique contre la Peste Moderne… il se doute bien que personne n’en tiendra compte… Rêveur mais pas Naïf. Ne vote pas, envers et contre tout. Peut-être aux prochaines élections votera-t-il... Insoumis. Hais les Pouvoirs de Mort, de toutes sortes. Aime les Pouvoirs de Vie, de toutes sortes aussi.
Démarre la Guitare vers 11 ans. Première Guitare acoustique (une RYAN) à 12 ans. Première Guitare électrique(une FIVETONES) à 15 ans. Premières compos sérieuses à 16 ans. Le reste suit son cours.
Groupes et parcours musical de Nebo :
1980/1981 : Aspirine (Punk)
1981: Phonème (Hard Rock)
1982/1983 : Incubators (Punk)
1983/1985 : DP210 (Hard Rock/Heavy Metal) et BB sur Canapé (Rock ‘n’ Roll) et nombreuses Jams psychédéliques.
1985/1986 : Angelic (Hard Rock)
1987/1989 : Bosse en solo (Rock, Hard Rock, Pop, Acoustique, Progressif, Funk…)
1989 : Requiem (Hard Rock/Heavy Metal)
1990/1991 : Bosse toujours en Solo
Septembre 1991 : Eric James contacte Nebo suite à une annonce. Il rejoint Franck Schaack et le premier bassiste, Jean Marc Joffroy déjà à leurs postes et Venice vient au monde.
22:35 Publié dans Musique : Rêve Vénitien... | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : venice, haïkus, poésie, nebo, eric james, rock, musique | |
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From yesterday screams the music...
Des marins perdus en mer... en quête de l'amour Impossible...
7 Seas.mp3 (Paroles : Eric James/Musique : Nebojsa Ciric-Eric James-Franck Schaack-Mourad Baali)
"The pedigrees have bought you
And sent me out of the tribe
True love’s in a sorry plight
The midnight hour now gives me such a thrill
I search on all fours two hundred days a year
The journey’s tough and gives me such a trial
Sometimes love is so inspiring
That’s why I travel the 7 seas
I cover the ground to see my babe
And I’ll cover it endlessly
Show me the way, if the pedigrees have left you alone
Show me the way, I’m puzzled and chilled to the bone
The journey’s tough and gives me to understand
That sometimes love is so despairing
Oh she cut me down, when she picked my heart
That’s why I travel the 7 seas
I cover the ground to see my babe
And I’ll cover it endlessly
(x2)
I travel the 7 seas
I cover this ground to see my babe
And I’ll cover it endlessly"
00:20 Publié dans Musique : Rêve Vénitien... | Lien permanent | Commentaires (5) | |
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16/03/2007
Concerts...
Nous avons laissé notre empreinte sur tant de scènes. De la sueur et des larmes. Du sang parfois. Nous avons embrassé quelques filles. Nous avons rêvé un rêve noir, un rêve rouge, un rêve blanc comme une fleur de Lys. Nos plaies. Nos poches vides. Nos yeux délavés. Les bars enfumés. L'alcool dans les veines. Nous avons survécu à tout ce cirque. Avons chanté en anglais, en français, en électrique, en acoustique, des reprises pour nous donner du courage... Rolling Stones... Doors... Hendrix... Joe Jackson... Jam... Police... Beach Boys... Rory Gallagher... XTC... Steppenwolf... U2... Beatles... Gueules en vrac et cordes cassées... douleurs au dos, aux doigts et aux couilles... et dans le camion comme dans les chambres d'hôtel, ça sentait les pieds, les aisselles et le tabac froid. Des Pirates en dérive !
_______________________________________________________________
Quelques dates de concerts passés dont nous avons conservé la trace :
181- 24/04/02 Nantes
180- 21/06/00 Senlis, plein air
179- 16/06/00 Moissy-Cramayel, « les 18 marches »
178- 09/06/00 Paris, « Péniche Déclic »
177- 06/05/00 Marne-la-Vallée, Disney Village, Billy Bob’s
176- 08/04/00 Troyes, Fnac
175- 07/04/00 Reims, Fnac
174- 01/04/00 Creil, La Grange à musique
173- 03/03/00 Ris-Orangis, Le Plan (1ère partie Little Bob)
172- 03/02/00 Paris, MCM Café
171- 02/02/00 Paris, Fnac Montparnasse
170- 22/01/00 Amiens, Lune des Pirates
169- 15/01/00 Paris, Sentier des Halles
168- 14/01/00 Paris, Sentier des Halles
167- 08/01/00 Paris, Café Montmartre
166- 27/11/99 Chantilly, Pub Aka
165- 16/11/99 Rouen, Fnac
164- 09/11/99 Paris, Fnac Italie
163- 06/11/99 Paris, Café Montmartre
162- 29/10/99 Pont Sainte Maxence, Podium Café
161- 20/10/99 Cergy, Fnac
160- 18/10/99 Paris la Défense, Fnac Cnit
159- 16/10/99 Flamicourt, Salle des fêtes (soir)
158- 16/10/99 Aulnay-sous-bois, Fnac (après-midi)
157- 15/10/99 Créteil, Fnac (avec Little Bob)
156- 09/10/99 Creil, Grange à musique
155- 02/10/99 Creil, Lockness
154- 19/06/99 Creil, Lockness
153-12/06/99 Creil, Grange à musique
152- 29/04/99 Paris, Péniche Makara
151- 27/03/99 Créteil, Fnac
150- 13/02/99 Creil, Lockness
149- 02/02/99 Paris la Défense, Fnac Cnit
148- 13/11/98 Senlis, Le Pub
147- 02/11/98 Paris, MCM Café (enregistré, diffusé sur MCM)
146- 30/10/98 Creil, Lockness
145- 10/10/98 Senlis, Le Pub
144- 07/10/98 Paris, le Gambetta
143- 02/10/98 Beaumont, Route 66
142- 05/09/98 Mouy, L’Acropole
141- 29/08/98 Maisoncelle-Tuilerie, plein air
140- 12/07/98 Mont-L’Eveque, plein air
139- 11/07/98 Mouy, L’Acropole
138- 28/06/98 Saint-Leu d’Esserent, base de loisirs
137- 20/06/98 Mouy, l’Acropole
136- 13/06/98 Creil, cafétéria faïencerie
135- 12/06/98 Senlis, Le Cyclope
134- 31/05/98 Saint-Maximin, « FMC » (concert radio)
133- 23/05/98 Senlis, Le Cyclope
132- 08/05/98 Senlis, Le Cyclope
131- 10/04/98 Senlis, Le Cyclope
130- 22/03/98 Beauvais, Café musique Aska
129- 21/03/98 Feuquières, Salle polyvalente
128- 13/03/98 Senlis, Le Cyclope
127- 11/03/98 Paris, Fnac Bastille
126- 28/02/98 Noisy le Grand, Fnac
125- 25/02/98 Créteil, Fnac
124- 20/02/98 Senlis, Le Cyclope
123- 14/02/98 Tourcoing, Le grand mix (1ère partie de Elliot Murphy)
122- 13/02/98 Pont-Ste-Maxence, Centre culturel (1ère partie d’Ange)
121- 16/01/98 Senlis, Le Cyclope
120- 31/12/97 Senlis, Le Cyclope
119- 20/12/97 Creil, Médiathèque Faïencerie (concert et rencontre du public avec Boris Bergman autour des textes de Venice)
118- 12/12/97 Senlis, Le Cyclope
117- 05/11/97 Creil, Grange à musique
116- 02/11/97 Saint-Maximin, Radio FMC
115- 24/10/97 Senlis, Le Cyclope
114- 19/10/97 Boran sur Oise, Base nautique
113- 14/08/97 Roubaix, Hestivale-Hommelet
112- 18/07/97 Beauvais, Espace François Mitterand
111- 17/07/97 Bagnolet, CFPTS
110- 21/06/97 Pont Ste Maxence, Place du marché au blé
109- 21/06/97 Creil, Ile St-Maurice
108- 23/01/97 Paris, Hard Rock Café (Mourad blessé à la main, remplacé par Philippe Bleu)
107- 21/12/96 Clery sur Somme, Salle des fêtes
106- 22/11/96 Witten (Allemagne), Just another station (1ère partie de Lightmare)
105- 28/09/96 Creil, Grange à musique (Concert : anniversaire 5 ans du groupe, plus de 3 heures de concert)
104- 22/06/96 Créteil, Fnac (Fête de la musique, 1ère partie de Patrick Rondat)
103- 21/06/96 Chantilly, plein air
102- 20/06/96 Paris la Défense, Fnac Cnit
101- 11/04/96 Rueil, Théâtre André Malraux
100- 31/12/95 Paris, Hard Rock Café
099- 15/07/95 St-Jean au bois, Les Naïades
098- 21/06/95 Senlis, plein air
097- 01/06/95 Beaumont, Route 66
096- 19/08/94 Chalons sur Marne, plein air
095- 06/07/94 Paris, Fnac Montparnasse
094- 05/06/94 Compiègne, Bee Bop
093- 29/04/94 Massy, Animation Parvis de la Vendée
092- 19/03/94 Corbeil, MJC
091- 18/03/94 Amiens, Lune des Pirates
090- 02/02/94 Aix-en-Provence, Scat Club
089- 13/01/94 Paris, Locomotive
088- 13/12/93 Amiens, Club 66
087- 01/12/93 Paris, Arapao (1ère partie du Gun Club)
086- 19/11/93 Bretigny sur Orge, Salle Jules Verne
085- 13/11/93 Beauvais, Théâtre
084- 07/11/93 Pont Ste Maxence, Centre culturel
083- 30/10/93 Troyes, Parc des expositions (1ère partie de Jean-Louis Aubert, tournée H)
082- 08/10/93 Chalons sur Marne, MJC Vallée St Pierre
081- 25/09/93 Beauvais, Théâtre
080- 11/09/93 Anvers (Belgique), Fnac
079- 10/09/93 Gent (Belgique), Fnac
078- 09/09/93 Liege (Belgique), Fnac
077- 14/08/93 Witten (Allemagne), Festival plein air
076- 13/08/93 Berlin (Allemagne), Fnac
075- 03/07/93 Troyes, Fnac
074- 23/06/93 Reims, Fnac
073- 21/06/93 Paris, Fnac Bastille
072- 19/06/93 Créteil, Quartier des Bleuets
071- 17/06/93 Cognac, Le petit ramoneur
070- 06/06/93 Ris-Orangis, Le Plan (1ère partie de Jean-Louis Aubert, Tournée H)
069- 05/06/93 Sens, Salle polyvalente (1ère partie de Jean-Louis Aubert, Tournée H)
068- 03/06/93 Laval, Salle polyvalente (1ère partie de Jean-Louis Aubert, Tournée H)
067- 16/05/93 Amiens, Espace 1901
066- 15/05/93 Montirat St-Christophe, Salle des Fêtes
065- 09/05/93 St-Quentin, La locomotive
064- 05/05/93 St-Just en Chaussée, Salle des Fêtes
063- 24/04/93 Abbeville, Théâtre (1ère partie de Jean-Louis Aubert, Tournée H)
062- 22/04/93 Bourges, Salle Gilles Sandier (Printemps de Bourges, Venice représente la Picardie)
061- 16/04/93 Creil, Grange à musique
060- 14/04/93 Compiègne, Le Damier
059- 11/04/93 Lemberg, Le Domino
058- 03/04/93 Bouffemont, A la maison pour tous
057- 02/04/93 Drancy, Le Grand Zebrock (Festival avec Les Innocents)
056- 27/03/93 Jihlava (République Tchèque), Avangarda music club
055- 26/03/93 Zlin (République Tchèque), Rock Club Spusa
054- 25/03/93 Koprivnick (République Tchèque), Rock club Nora
053- 20/03/93 Plzen (République Tchèque), Rock Club Divadlo Pod Lampou (enregistrement du concert en 16 pistes et mixage dans les jours qui suivent)
052- 19/03/93 Prague (République Tchèque), Rock Club U Zovfalcu
051- 18/03/93 Teplice (République Tchèque), Rock Club Knak
050- 05/03/93 Abbeville, Théâtre (1ère partie de Patrick Verbeke)
049- 28/02/93 Montpellier, Etat général du rock, scène ouverte (avec le groupe Lofofora)
048- 20/02/93 Noisy le Grand, Fnac
047- 16/02/93 Creil, Grange à musique
046- 13/02/93 Lisieux, MJC
045- 12/02/93 Caen, Fnac
044- 06/02/93 Le Chesnay, Fnac Parly 2
043- 30/01/93 Fresnes, La ferme du Cottinville
042- 28/12/92 Amiens, Maison d’arrêt, concert pour les détenus
041- 11/12/92 Maignelay Montiny, salle polyvalente
040- 07/11/92 Paris la Défense, Fnac Cnit
039- 06/11/92 Corbie, Marché couvert (1ère partie des Garçons Bouchers)
038- 04/11/92 Rouen, Fnac
037- 31/10/92 Beauvais, Théâtre (Sélection Printemps de Bourges 1993, tête d’affiche : Roadrunners)
036- 25/10/92 Hirson, L’Eden
035- 23/10/92 Lille, L’Aéronef (soir, 1ère partie de Kat Onoma)
034- 23/10/92 Lille, Fnac (après-midi)
033- 03/10/92 Nogent sur Oise, Le Cargo de nuit
032- 02/10/92 Nogent sur Oise, Le Cargo de nuit
031- 18/09/92 Plouvenez-Quintin, Le moulin du Quérou
030- 17/09/92 Rennes, Fnac
029- 12/09/92 Verneuil en Halatte, Festival rock Oise (avec King Size, VRP, Bernard Lavilliers)
028- 05/09/92 Cergy, Fnac
027- 29/08/92 Ribecourt, Le Solo
026- 04/07/92 Serquigny, plein air, Festival les Arts au soleil
025- 27/06/92 Strasbourg, Café des Anges
024- 26/06/92 Strasbourg, Café des Anges
023- 21/06/92 Peronne, Stade Boinet
022- 20/06/92 Issy les Moulineaux, plein air
021- 17/06/92 Créteil, Fnac
020- 08/06/92 Paris, New Moon
019- 28/05/92 Laigneville, Café de la gare
018- 09/05/92 Creil, Grange à musique
017- 02/05/92 Compiègne, Le Damier
016- 01/05/92 Compiègne, Le Damier
015- 17/04/92 Broglie, Foyer Socio-culturel
014- 12/04/92 Persan, Chez Freddy
013- 14/03/92 Bruyère sur Oise, salle polyvalente
012- 13/03/92 Choisy la victoire, chapiteau
011- 04/03/92 Paris, Rex Club
010- 28/02/92 Ribecourt, Le solo
009- 19/02/92 Amiens, Lune des Pirates
008- 25/01/92 Javene-Fougères, Bar Ma Rivière
007- 24/01/92 Moelan, L’Apollo
006- 29/11/91 Massy, Centre culturel Paul Bailliart (1ère partie des Inmates)
005- 03/11/91 Staffelfelden, MJC
004- 02/11/91 Merlebarch, Café Union
003- 01/11/91 Nilvange, Le Gueulard
002- 28/10/91 Besançon, Taos Blue
001- 27/10/91 Strasbourg, Café des Anges
________________________________________________________________
Au temps où je partageais les guitares avec Willy Vedder, dit "Willy la houille" ou "Willy les paluches"... il a tenu le coup une petite année... puis a déposé les armes.
19:25 Publié dans Musique : Rêve Vénitien... | Lien permanent | Commentaires (6) | |
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15/03/2007
Messages Transatlantiques -V-
=--=Publié dans la Catégorie "Musique : Rêve Vénitien..."=--=
Avec Roberto Piazza, dit Little Bob, lors d'une mémorable "Jam" en Live à la FNAC de Créteil vers la fin des années 90... Beau souvenir...
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Lundi 1er Décembre 2003
Nebo :
La délicatesse de l’écriture.
La plume inscrit toujours
des choses essentielles.
Comme la lame.
Eric :
Au commencement etait le Verbe ;
obéissance inexorable de l'écrivain.
Religion.
Mardi 2 Décembre 2003
Nebo :
Ma prosternation matinale,
intérieure,
est un lâcher prise,
non une soumission.
Eric :
Au réveil,
ma cafetière italienne et moi
échangeons des mots d'amour.
Mercredi 3 Décembre 2003
Nebo :
Ascèse,
non Ascétisme.
Joie,
Force,
non Orgueil.
Eric :
Dans la rue,
simplement marcher est une tache difficile.
Les sensations stupides de bonheur
me détournent de la Voie.
Jeudi 4 Décembre 2003
Nebo :
Le bruit de la Ville
clame, dit, chante, hurle
ce que je pense.
Eric :
Tapotant sur la table,
à l'aide de mes deux doigts,
je pense au prochain cataclysme.
Vendredi 5 Décembre 2003
Nebo :
L’Homme d’aujourd’hui
et la finitude de son projet
par rapport à l’infinitude
qu’il prétend atteindre.
Eric :
Le cinéaste de la Déconstruction
brûlera son scénario
avant de se mettre au travail.
Samedi 6 Décembre 2003
Nebo :
Je me sens vide.
De ce vide
qui n’accouche de Rien.
Eric :
J'attends encore celui
qui viendra sonner
ma Cloche.
Dimanche 7 Décembre 2003
Nebo :
Les sages se sentent pleins.
De ce Vide
qui accouche de la Plénitude.
Eric :
Qui a dit :
« La musique c'est le silence
entre les notes » ?
Lundi 8 Décembre 2003
Nebo :
En ce lieu
où tout est formulé,
je me tiens debout
face à mon mystère
d’Être.
Eric :
J'ai laissé passer
des familles entières d'oiseaux
au-dessus de ma tête.
La migraine a disparu.
Mardi 9 Décembre 2003
Nebo :
Le jaillissement,
souvent,
n’advient pas.
Comme en ce moment même.
Eric :
Bulles éclatant à la surface de l'eau :
Un poisson qui meurt
et un autre qui rit.
Mercredi 10 Décembre 2003
Nebo :
Se lâcher de toute posture.
Être dans la Nudité de l’Être.
Vivre enfin.
Eric :
Les journées s'accumulent,
où l'on nie l'évidence.
Et puis soudain, l'espace d'une seconde,
Une fenêtre s'ouvre sur l'Eternité.
Jeudi 11 Décembre 2003
Nebo :
Tant de Masques
se conçoivent
dans l’Ombre
de Dieu.
Eric :
Ma signature n'est, à l'origine,
qu'une piètre imitation de celle
de mon Père.
Vendredi 12 Décembre 2003
Nebo :
Une caresse,
un regard,
un chant d’oiseau,
un Sourire.
Une autre matinée.
Eric :
Je cherche encore un visage
qui puisse
m'aimer.
Samedi 13 Décembre 2003
Nebo :
Parfois,
l’espace d’un instant,
tout semble possible.
Eric :
Les résidences bétonnées
abritent de nouveaux
Alchimistes.
Dimanche 14 Décembre 2003
Nebo :
Lourd,
comme un Rocher,
je me laisse couler
dans la paisible rivière.
Eric :
Au fond de mes poches
il y a toujours au moins deux pièces.
Pour une éventuelle offrande
Aux anguilles sacrées.
Lundi 15 Décembre 2003
Nebo :
La Virginité.
Le Souffle rafraîchissant.
La Guérison accessible.
Eric :
J'ai parcouru la totalité
de mon Corps
à la recherche d'une ancienne cicatrice
d'enfant.
Mardi 16 Décembre 2003
Nebo :
D’abord,
l’apparition sous les mains créatrices.
Puis, sous la foison des possibles,
nommons les choses.
Expérience.
Eric :
Au-dessous du cocotier,
Ma tête s'auréole
de crainte.
Mercredi 17 Décembre 2003
Nebo :
Peu de Certitudes.
Perdu, en somme.
La Solitude, seule,
M’apparaît totalement,
irréductiblement,
incroyablement,
Authentique.
Eric :
Je me suis surpris
à claquer la porte.
Défaillance de l'attention
Jeudi 18 Décembre 2003
Nebo :
En la Caverne,
le froid lui-même
est une douce chaleur.
Eric :
Les miettes du repas
sont mes ennemies
jurées.
Vendredi 19 Décembre 2003
Nebo :
Connecté aux mystérieuses limbes.
les maux éteints,
les mots absents.
La Musique seule
dit les choses et l’Être.
Eric :
J'aimerais saluer du chapeau,
hélas,
je n'en porte pas.
Samedi 20 Décembre 2003
Nebo :
L’Espoir se terre
dans le réseau
de nos nerfs,
dans la fibre
de nos muscles,
dans nos liquides
infinitésimaux.
Eric :
J'aimerais aussi faire don d'une valise
qui contiendrait tous mes objets précieux.
Mais je ne possède rien de
précieux.
Dimanche 21 Décembre 2003
Nebo :
Une Fraternité
me couronne en ce jour
face aux champs des possibles.
Eric :
Une vieille femme
m'a lancé un regard noir
ce matin,
dans la rue.
Lundi 22 Décembre 2003
Nebo :
Merveille des Chiffres
s’élançant vers partout,
nul part et au-delà.
Eric :
A l'autre bout
de mon tapis d'Orient,
Il y a peut-être un ami
qui comme moi
va dîner seul ce soir.
Mardi 23 Décembre 2003
Nebo :
Un curieux ensemencement.
Sensation d’arrêt.
Trouble du recueillement.
Juste avant la Projection.
Eric :
Dans ses bras,
Le tic-tac de l'horloge
Redevient inoffensif.
Mercredi 24 Décembre 2003
Nebo :
Lumière, ô Lumière !
Reviens vers l’âtre noir
de la caverne.
Lumière, ô Lumière !
Annonce la fulgurance,
clame la clameur d’être,
chante la Vision élargie,
danse la Joie de l’Amour,
vibre, Lumière,
éclaire, ô Lumière !
Panse, ô Lumière !
Souris, ô Lumière !
Eric :
Il n'y aura pas de fin heureuse,
ni dénouement miraculeux à cette histoire.
Ma débâcle est un chef d'œuvre
inattaquable.
Jeudi 25 Décembre 2003
Nebo :
Mon Corps
me rappelle
mes limites.
Mon sourire
les repousse
un peu plus loin.
Eric :
Etrangers, inconnus,
que je croise dans la rue.
Ils emportent, chacun de leurs côtés
un morceau de mon âme.
Vendredi 26 Décembre 2003
Nebo :
Vivre au milieu
des ruines.
En souriant
saluer le déclin.
Nonchalamment.
En apparence.
Eric :
De nos jours et même de tout temps,
céder à la bonne humeur
requiert de la prudence. De l'adresse...
Car on a vite fait de sombrer
dans la vulgarité.
Samedi 27 Décembre 2003
Nebo :
Une Solitude Hautaine
qui fait murmurer
dans mon dos.
Eric :
Passants sous l'averse.
En quête d'un abri.
Leur élégance est de courte durée.
Dimanche 28 Décembre 2003
Nebo :
Tricher
en riant
pour survivre.
Eric :
Aujourd'hui je sais combien
redevenir un enfant
tient de l'héroïsme.
Lundi 29 Décembre 2003
Nebo :
Ma veste en cuir,
usée, trouée,
veut témoigner
de mille années
de Nomadisme.
Mille années d’errance.
Eric :
Mon visage de quarante ans
possède une beauté
contredite par le miroir.
Mardi 30 Décembre 2003
Nebo :
Il m’arrive encore
de désirer de toutes mes forces
la vision définitive.
Eric :
Bouches hurlantes
aux passage des colombes
Victorieuses.
Mercredi 31 Décembre 2003
Nebo :
L’Homme recule devant lui-même.
Il cligne des yeux.
Tirant sur un joint,
je considère ce cirque.
J’écoute le hululement
de mes chimères.
Eric :
J'imagine un monde
où chacun irait cogner
à la porte de son voisin,
en quête de sel ou d'une
simple pipe.
Jeudi 1er Janvier 2004
Nebo :
Je tente de calculer
le temps qui me reste.
Ce sinistre Sursis.
Eric :
Quand la mort frappe
par surprise,
on ouvre grand les yeux.
Comme des nouveaux-nés.
Vendredi 2 Janvier 2004
Nebo :
Ce geste d’un lointain passé.
Ouvrir une vieille porte,
où dorment des démons
et se cachent des anges.
Eric :
Je suis sorti de mon cachot,
en pleine lumière,
pour regagner ce terrain vague
Où m'attendait l'Ange Exterminateur.
Samedi 3 Janvier 2004
Nebo :
L’Abîme est partout
où le regard se pose.
Le sonder
est une autre histoire.
Eric :
Certains jours bénis,
je me sens aussi léger
qu'un papillon.
Dimanche 4 Janvier 2004
Nebo :
L’Audace souveraine
du départ admirable.
Prendre le large
à chaque aube.
Eric :
De la lointaine Ithaque
me parviennent quelques échos
presque fantomatiques.
Lundi 5 Janvier 2004
Nebo :
Chaque histoire
appartient à celui
qui sait la mener
jusqu’au bout,
à son terme.
Eric :
Il peut nous en coûter
de transgresser certaines règles de vie
comme celle du "devoir d'inspiration", par exemple.
A raviver le cœur des autres,
on ravive aussi le sien.
Mardi 6 Janvier 2004
Nebo :
Un souffle qui incendierait
mon cœur.
Mon incantation
ne me mènera
nul part.
Eric :
Matelot,
apprend à naviguer
sur les vagues du mépris.
Jusqu'au Septentrion.
Mercredi 7 Janvier 2004
Nebo :
Accomplir les Actes
comme s’ils n’appartenaient
à Rien.
Si ce n’est
à la beauté du geste,
comme celui du Calligraphe.
Eric :
Si dieu existe,
il est en chacun.
Et en chacun subsiste
un raccourci jusqu'à lui.
Jeudi 8 Janvier 2004
Nebo :
Vêtu de noir
par respect
pour la nuit,
je guette le feu d’artifice
qui éventrerait la ténèbres.
Eric :
Un vieux vélo,
enchaîné à son poteau,
se reflète dans une flaque
de clair-de-lune.
Vendredi 9 Janvier 2004
Nebo :
Aux confins du désert
plus rien ne peut stopper
l’avancée du Serpent.
Eric :
Un cœur sec qui demande pardon
n'est pas tout a fait sec,
ou bien il est déjà vendu
au Démon.
Samedi 10 Janvier 2004
Nebo :
Les Loups descendront
sur les places publiques
aux jours précédant le Jugement.
Eric :
Aux derniers jours,
des vagues d'inconnus se précipiteront
sur d'autres vagues d'inconnus
et s'embrasseront a pleine bouche.
Dimanche 11 Janvier 2004
Nebo :
Rêves de flammes.
Sculptures surréelles.
Il me faut laisser
ces chimères à la cave.
Retrouver
une profession de Foi
terrestre.
Eric :
L'épicier me rend deux pièces
sur le prix d'une barre de céréales.
Puis enchaîne sur un autre client.
Lundi 12 Janvier 2004
Nebo :
Boire aussi
le Venin
du Serpent
pour mieux
en combattre
les morsures.
Eric :
Ne plus s'aimer,
ne plus se haïr.
Une luxueuse sensation
que j'expérimente en silence.
Mardi 13 Janvier 2004
Nebo :
L’infini devient une torture
lorsque, descendant du Ciel,
il possède un Corps
mortel et limité
pour sa densité,
son tourbillon.
Eric :
J'échangerais bien
une poignée de vagins
contre une poignée de main
amicale.
Mercredi 14 Janvier 2004
Nebo :
Glorieux combat perdu.
Nous avons quitté le champ de bataille
avec tous les honneurs.
Eric :
Quand on revient à la Guerre
apres avoir perdue la précédente,
ça ne s'appelle plus la Guerre.
C'est de la Poésie.
Jeudi 15 Janvier 2004
Nebo :
Devenir
un astre,
unique,
sur une voie lactée
unique.
Eric :
Avoir un corbeau
pour ami.
Réconcilier deux royaumes.
Vendredi 16 Janvier 2004
Nebo :
Si je suis d’une légende,
mystérieuse et profonde,
y-a-t-il un frère,
une sœur,
qui soit de ma légende,
de mon histoire ?
Eric :
Il nous est donné le pouvoir
d'imaginer toute une foule de mondes,
et autant de portes dont les clés demeurent souvent introuvables.
Nous-même ainsi avons-nous été imaginés.
Samedi 17 Janvier 2004
Nebo :
Une Offrande rythmique
à la courbe des lèvres,
au contour des reins.
Nous nous abandonnons.
Eric :
La pluie tambourine
contre les vitres.
Je ne sais si ma solitude
s'en trouve allégée ou bien
accentuée.
Dimanche 18 Janvier 2004
Nebo :
Aube écarlate
sur le suaire
de ma malédiction.
Eric :
J'observe la ville
Majestueuse et ensoleillée.
Muette et insondable,
comme une femme.
Lundi 19 Janvier 2004
Nebo :
Parvenir
à comprendre
mon séjour
ici.
Eric :
Le geôlier négligeant
de mon crâne
autorise le passage
des parias.
Mardi 20 Janvier 2004
Nebo :
Jeune
je n’imaginais pas
que la vie
serait ainsi.
Eric :
O, Légendes malfaisantes des forêts !
Votre musique trouve un chemin
jusqu'à mes oreilles,
creuse mon visage
Et y multiplie les rides.
Mercredi 21 Janvier 2004
Nebo :
Notre Silence.
Je bride
mes impulsions épistolaires.
Je fais le vide et m’isole.
Un lac tranquille.
Eric :
Je ne fais que
dissimuler, dissimuler,
toujours dissimuler.
Une caverne précieuse
au milieux des pillards.
Jeudi 22 Janvier 2004
Nebo :
Si je le pouvais
je cicatriserais
tes Blessures
avec quelques baisers.
Eric :
Choix décisif :
se jeter dans la gueule du Monstre
ou devenir l'idiot du village !
Vendredi 23 Janvier 2004
Nebo :
Ton œil
reflète la lumière.
Ton corps
la détourne.
Ta Force
cherche à la rassembler.
Eric :
Carte des Menus
apéritif, repas.
« Ça se passe bien ? »
Carte des desserts donc,
Sucreries et même
un café.
Addition.
« Au plaisir ! »
PS: Il n'y a plus de sable dans votre sablier.
Samedi 24 Janvier 2004
Nebo :
Notre histoire
tumultueuse
ressemble de plus en plus
à un hymne très ancien.
Eric :
Après que le moineau
se fut posé, puis endormi
au creux de son épaule,
le vieil homme sut qu'il avait atteint
Tout ce qu'il y avait à atteindre…
Dimanche 25 Janvier 2004
Nebo :
De l’Amour,
de l’Amour,
et d’avantage
que l’Amour.
Eric :
Le tapage de la rue.
Du chaos consenti.
Le brouillon des âmes.
Lundi 26 Janvier 2004
Nebo :
Mon visage matinal,
au réveil :
un arbre ancien.
Eric :
Je jure de mépriser
toute Victoire
prochaine.
Mardi 27 Janvier 2004
Nebo :
Quand je soulève
ma valise
j’ai mal au dos.
Eric :
Comme il est curieux
qu'à toujours vouloir retenir,
on perde de vue ?
Mercredi 28 Janvier 2004
Nebo :
Multiplicité.
Entrelacs.
Entre Aurore et Crépuscule.
Feux.
Lumière perforée d’Ombre.
Eric :
Bien polir ses chromes
pour absorber le ciel
et avaler la route.
Jeudi 29 Janvier 2004
Nebo :
La Vision
du monde
est une
contradiction.
Eric :
J'ai ajusté mes chaussettes,
resserré mes lacets,
reboutonné chacune de mes poches.
Prêt pour le sacrifice.
Vendredi 30 Janvier 2004
Nebo :
A l’intérieur,
dans les flux,
sous l’épiderme,
il faut parvenir
à emporter dans la Mort
ce qu’il y a de meilleur
de notre Vie.
Eric :
Dévissons le couvercle
de cette migraine.
Saupoudrons avec de l'azur.
Samedi 31 Janvier 2004
Nebo :
Je me charge,
le temps de trois mots écrits,
de toute l’incarnation
du monde.
Eric :
Imperméable a la logique
de l'orateur.
Je jaugeais les arguments
de sa moustache.
Dimanche 1er Février 2004
Nebo :
Ainsi, parfois,
la phrase est un mystère.
La voix adéquate y apporte
beaucoup de Clarté.
Eric :
Mes amis mastiquent tous
avec style.
Encore trop de repas pris
en compagnie des goujats.
Lundi 2 Février 2004
Nebo :
Ma lame fleurie dans le sang.
Le Lieu où je suis n’est pas nommable.
J’y entre et en sors
à ma convenance.
Rares sont les êtres humains
que j’y croise.
Nous y rompons le pain
sans arrière-pensée.
Eric :
Ecrire ses mots et les savoir perdus.
Les voir s'éloigner comme autant de vaisseaux
lancés au hasard.
Mardi 3 Février 2004
Nebo :
Ecriture.
Trace singulière,
foudroyante,
affirmée.
Eric :
Une fleur gracieusement tenue
et non pas saisie.
Une fleur tendue.
Mais pour personne.
Mercredi 4 Février 2004
Nebo :
Le poème
n’a qu’un seul but :
rendre visible,
palpable,
la Réalité.
Eric :
Mes premiers terrains de jeu,
coccinelles, pâquerettes et
boutons d'or.
Une tristesse de toute
Beauté.
Jeudi 5 Février 2004
Nebo :
La Robustesse.
Le feu de mes ressources.
Je suis comme tout le monde :
un puits sans fond.
Comment l’appréhender ?
Eric :
Travailleurs de la tôle
aux regards durs.
Je les contemple.
Modeste puceron.
Vendredi 6 Février 2004
Nebo :
Je sais qu’une bonne convalescence
exige parfois de sévères restrictions.
Il me faudrait brûler bien des choses.
Ses lettres en premier lieu.
Eric :
Hommes sans attaches
aux robustes mâchoires.
En route pour le Royaume
du Prêtre Jean.
Samedi 7 Février 2004
Nebo :
Avec le temps
on fini toujours
par trouver sa place.
Mais il faut s’y atteler
Au plus tôt.
Eric :
Au bout des territoires conquis de haute lutte,
on ne trouve pas de récompense.
Juste une longue tristesse.
Dimanche 8 Février 2004
Nebo :
Mes supplications
se perdent
dans le Vide.
Elles ne trouvent aucun allié.
Eric :
Ce qui nous est offert
est tellement plus grand
que ce que l'on désire,
qu'il y a nécessité
à réajuster notre vision.
Lundi 9 Février 2004
Nebo :
Avec de la patience,
les livres finissent
par nous céder leurs secrets.
Eric :
Je me suis adossé à un arbre,
perdu dans mes pensées.
Au fin fond du Manuscrit
trouvé a Saragosse.
Mardi 10 Février 2004
Nebo :
Les mots,
tendrement,
devraient pouvoir
réparer le moindre
chagrin.
Abréger le désordre du Monde.
Eric :
Un dispensaire
aux litières vides.
Dehors, des lépreux
jouant aux dominos.
Mercredi 11 Février 2004
Nebo :
J’ai jouis,
soufferts
et aimé.
Comme les marins
avec l’Océan.
Eric :
J'ai commencé
depuis hier,
à chérir le passé.
Jeudi 12 Février 2004
Nebo :
Mes oreilles hurlent
et saignent
de ce silence
suspendu
qui n’est point Paix.
Eric :
Au pic de la tour
la plus haute :
une goutte de Rosée.
Vendredi 13 Février 2004
Nebo :
L’écriture ne devrait
même plus être
un palliatif.
De palliatif,
il ne devrait
même plus y en avoir.
Tout devrait être Là.
Simplement.
On devrait pouvoir
avaler sa douleur
et la chier
à Satiété,
en Rigolant,
dans une
INCARNATION TOTALE.
Eric :
Du vent s'engouffre
dans les portes.
Il prend les décisions,
répudie l'ancien mobilier.
...
Sur le bord d'anciennes nationales,
déployant leur fulgurance
au travers du pays,
gisent quelques glorieux
noyaux de pêches.
Samedi 14 Février 2004
Nebo :
L’Homme Total
Sème et Moissonne
tout au long de l’année.
Constance.
Eric :
Nos solutions sont
pleines d'amour.
Elles ne se formalisent pas
d'être ainsi dédaignées.
Dimanche 15 Février 2004
Nebo :
L’Aube
s’amoncèle
en mes Veines.
Eric :
Mes sourcils distingués
Suffiront pour le
Carnaval.
Lundi 16 Février 2004
Nebo :
Une barque,
entourée de roseaux,
cherche une articulation
dans la respiration du soir.
Eric :
Rubans de nuages
dans un ciel pourpre.
Un ciel semblable a ceux, perdus,
de mon adolescence.
Mardi 17 Février 2004
Nebo :
L’écorce,
ma main,
sueur et sève.
L’Hiver transpire
sa fuite, déjà.
Eric :
Oh j'ai honte
de n'avoir pas su
aimer ces arbres.
ils veillaient pourtant chaque nuit,
derrière les vitres.
Juste au pied de ma chambre.
Et maintenant, qu'est-il donc devenu,
mon sommeil d'enfant inviolé ?
Mercredi 18 Février 2004
Nebo :
La Source
veut tarir.
Nos larmes
la rempliront
peut-être.
Eric :
Avant le second souffle,
prêts a tout lâcher.
C'est un instinct supérieur
qui nous maintient en course.
Jeudi 19 Février 2004
Nebo :
Je guette
l’heure
lumineuse.
Eric :
Je regarde
pousser
ma barbe.
Vendredi 20 Février 2004
Nebo :
Un livre Blanc
portant, juste,
trace de mon Sang.
Eric :
Après ma mort ?
Servez-vous donc !
Ouvrez les tiroirs,
sortez les malles.
Vous n'y trouverez que
des itinéraires inachevés.
Samedi 21 Février 2004
Nebo :
Résurgences
très anciennes.
La Distance se réduit
entre moi et moi.
Eric :
En période de méditation intense,
se déclenchent, à la verticale
de mon âme,
des sons purs comme
le cristal.
Dimanche 22 Février 2004
Nebo :
Cette courbe
qui m’intercepte
et m’interdit,
m’engendre
et m’afflige.
Eric :
Ne sous-estimez pas
le rôle de Harry Potter
sur la génération future.
Lundi 23 février 2004
Nebo :
Suis-je au fait de devant qui,
devant quoi,
mon cœur trépide ?
Ma main suit
une abstraite courbe.
Quête.
Amertume.
Ma mémoire cherche
à s’ajuster.
Eric :
J'ai eu confiance
malgré tout.
Une immense confiance.
pourquoi douter
si près du but ?
Mardi 24 Février 2004
Nebo :
Parfois,
à nouveau,
comme au temps
de mes 20 ans,
j’aspire au départ,
sans espoir de retour.
Eric :
Quand Dieu prépare
ses bénédictions
l'air devient sec et
silencieux.
Mercredi 25 Février 2004
Nebo :
Aigle, né à proximité
de la source noire,
à chaque soif
inapaisable j’y reviens.
Curieux exil.
Eric :
Qu'as-tu fait camarade ?
Que ne m'as-tu cherché des yeux ?
Tu m'aurais trouvé.
Au lieu de mettre fin
à tes jours.
Jeudi 26 Février 2004
Nebo :
Par le cheminement
des Siècles
vint, un jour,
le souffle incarné.
Eric :
Sur une locomotive désaffectée,
envahie par les fleurs.
Je digérais le sermon du
curé.
Vendredi 27 Février 2004
Nebo :
Les flancs de l’Aube
saignent
le martyre.
Eric :
Boum Boum Boum !
Ouvrez-donc cette porte.
C'est ici que j'ai vécu...
Il y a si longtemps.
Samedi 28 Février 2004
Nebo :
Parfois je guette
une moisson d’été
dans ta voix fragile.
Eric :
Ah, l'odeur du premier baiser !
Jusqu'où m'a t-elle emmené ?
J'ai rouvert les yeux
bien trop tôt.
Dimanche 29 Février 2004
Nebo :
Ma paume dans la tienne.
Un beau Silence.
Une chute libre.
Le Monde reste à faire.
Eric :
Derrière ces dunes
et tous ces arbres ensablés,
elle s'est embarquée dans la chaleur
de l'après-midi.
Pour y goûter l'amour...
Dans les bras d'un autre.
Lundi 1er Mars 2004
Nebo :
Arbre de la Connaissance.
Arbre de Vie.
Un oiseau a-t-il été témoin
du désastre de la tentation ?
Eric :
Un enfant a pris ma main,
m'a emmené vers des jeux
dont je ne connais plus le sens.
Mardi 2 Mars 2004
Nebo :
La serpe dans l’ombre.
Le Pain.
Le Vin.
Le Miel.
Le Fromage.
La quiétude.
Eric :
Derrière ces portes,
on s'éclaire à la bougie.
On invente des contes
pour endormir les enfants.
Mercredi 3 Mars 2004
Nebo :
La Plume
sans encre
ne demeure pas muette.
Un cœur.
Un couteau.
Roulez jeunesse.
Eric :
Ne me faites pas rire,
jeunes gens talentueux.
Par pitié, ne me faites pas rire.
Ou je pourrais en mourir.
Jeudi 4 Mars 2004
Nebo :
Ce Simulacre
qui nous sert
de repère :
en Rire en dansant.
Eric :
Je ronge mes ongles.
Regarde le ciel.
Recrache dans la rivière.
Vendredi 5 Mars 2004
Nebo :
Le bottleneck au doigt,
je récolte
des spasmes douloureux.
Eric :
Quand l'Art s'installe
où on ne le prévoit pas,
il s'allège soudain.
Samedi 6 Mars 2004
Nebo :
La guitare a définitivement
planté ses lames dans les cibles choisies.
Les chansons l’affirment.
Je suis VIVANT.
Son des cloches
sur la Place Saint-Marc.
Eric :
Retour de Croisade.
Pour certains, c'est maintenant
qu'elle commence :
à la descente du bateau.
Dimanche 7 Mars 2004
Nebo :
Le temps m’est compté.
Je bois le thé vert
et me brûle.
Eric :
Le dehors se fait
de plus en plus féroce.
Le dedans, lui,
regorge de surprises.
Lundi 8 Mars 2004
Nebo :
Le paradoxe
de mon Être :
je vis
comme je déteste.
Eric :
Faire la poussière de
mes livres.
Deux fois l'an.
Mardi 9 Mars 2004
Nebo :
Feuille de houx
sur l’Océan en furie,
je lève les voiles.
Eric :
Une sculpture représentant...
un bras de fer.
Pas de gagnants !
Mercredi 10 Mars 2004
Nebo :
Ce qui me dévore
de l’intérieur
se tait.
Eric :
Au Jugement Dernier
je ne réciterais pas La Fontaine.
J'improviserais.
Jeudi 11 Mars 2004
Nebo :
Ce bras de fleuve,
qui mène à la mer,
tordu, vivace,
c’est moi.
Eric :
Un vieux clocher
me rappelle tout ce que j'ai laissé
derrière moi.
L'occasion d'une chanson.
Vendredi 12 Mars 2004
Nebo :
Mon âme bande,
se dépouille de son corps,
s’engouffre dans les fonds.
Avec crainte.
Eric :
Que le prochain coiffeur
à saisir ma chevelure
soit béni.
Samedi 13 Mars 2004
Nebo :
C’est un temps de fureurs.
Il faut faire l’Amour
et, face au Simulacre,
feindre pour survivre.
Eric :
J'ai enfermé quelques-uns
de ses cheveux d'or
dans le creux d'une enveloppe.
Dimanche 14 Mars 2004
Nebo :
Canevas du Cosmos.
Etoffe de la Matière.
Moi, ici-bas,
ne suis qu’une Larme.
Ma prière se poursuit.
Eric :
À quoi se raccrocher ?
Cette fois-ci je sais
qu'il n'y a rien.
Je laisse mon cœur
tambouriner.
Lundi 15 Mars 2004
Nebo :
Voici,
depuis un an
rien n’a bougé.
Seul le Monde persévère,
dans sa combustion Hivernale.
Ronde des aliénés.
Bal perpétuel des sorciers,
des démons, des nains,
des sacrificateurs de l’innocence.
Et pourtant, chaque jour,
j’apprends à aimer.
Eric :
Quand une signature
avec des larmes
n'est pas possible,
alors on jette sa lettre.
Toujours la même Jam avec Little Bob
FIN
07:55 Publié dans Musique : Rêve Vénitien... | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : venice, haïkus, poésie, nebo, eric james, rock, musique | |
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13/03/2007
Messages Transatlantiques -IV-
=--=Publié dans la Catégorie "Musique : Rêve Vénitien..."=--=
Lundi 1er Septembre 2003
Nebo :
« Il importe peu
de vouloir
changer le monde.
L’essentiel
est d’accepter
de se changer soi. »
me dit la brindille
sur le chemin.
Eric :
« Et n'oublie pas :
non pas le changement
mais l'acceptation du changement.
L'action non-corrompue ;
non-agissante. »
Me dit alors la brindille,
quand je la portais
à ma bouche.
Mardi 2 Septembre 2003
Nebo :
Les faux-culs
conjurent en silence.
De côté, je les surveille.
Ma lame est aiguisée.
Eric :
J’époussette mes manches,
une odeur de malédiction
et le cœur débordant.
Eric :
Masturbation magnifique.
Oubli total de la misère humaine.
Grandeur et abondance volcanique.
Auto-autodafé !
Nebo :
Les mots
lacèrent le vif
des sombres carnes.
Mercredi 3 Septembre 2003
Nebo :
La souffrance est apaisée.
Le sel de la vie
enlève son goût d’acier
dans ma bouche.
Eric :
Dans le vent,
rien qui ne soit déjà parti.
Le grenier de mon crâne
est résolument vide.
Eric :
Ai-je encore quelque chose a dire ?
Quelque chose a prouver ?
Quand tu m'offres ton ventre
à lécher.
Nebo :
Parfois je meurs.
Me réveille plus tard.
Prêt pour une autre partie.
Jeudi 4 Septembre 2003
Nebo :
Dans l’enceinte
je me faufile.
Ils m’observent,
m’analysent.
Tel un curieux fantôme.
Je souris.
Eric :
Les mains en arabesque
je joue a créer des mondes.
Des Paradis et des enfers.
Eric :
J'ai mes entrées chez les souris.
Toutes les magouilles
de Cendrillon.
Nebo :
En fin Stratège,
j’élabore de jour en jour
ma traversée transversale
du Labyrinthe.
Vendredi 5 Septembre 2003
Nebo :
L’encre a laissé des traces
sur mes doigts.
Comme du sang existentiel.
Eric :
Je me promène.
Je suis dans les rues.
Je suis un brouillon
ambulant.
Eric :
Face au miroir.
Respectueux envers mes genoux.
Attendri devant mon nombril.
Terrorisé par ma bouche.
Nebo :
Ma Viande a encore
deux ou trois choses
à affirmer.
Á vivre.
Samedi 6 Septembre 2003
Nebo :
Une vieille photo.
De piteux souvenirs.
J’en ris à pleines envolées.
Je suis là.
Eric :
S'il m'était donné de revenir
dans ma vie passée,
je serais tenté par le Mal.
Eric :
Je claque mes fesses
à pleine volées,
rattrape le temps perdu.
Nebo :
Curieux !
Quelques papiers froissés
Me précipitent vers l’avenir.
Dimanche 7 Septembre 2003
Nebo :
Ne rien dire.
Les choses se présentent.
Les cueillir.
Eric :
Encore plus de baisers. Encore plus de lèvres.
Voir si au bout de l'extase
quelque chose se donne
enfin à toucher.
Lundi 8 Septembre 2003
Nebo :
Les signes sont manifestes.
Qui les voit ?
Comme aux jours de Noé
chacun vaque à ses occupations.
Eric :
Quelle punition divine
pour la modernité ?
Qu'elle se voit couronnée
de succès !
Mardi 9 Septembre 2003
Nebo :
Le feu intérieur.
Je le sens.
Il prit.
Il danse.
Je jouis.
Eric :
Je lance un regard neuf
sur mon épiderme
rajeuni malgré moi.
Mercredi 10 Septembre 2003
Nebo :
L’aigle a touché terre.
A présent, encore,
il déploie ses ailes
pour un autre envol.
Eric :
Les brebis sont gommées des champs.
Le vent joue dans l’herbe
comme sur une lyre.
Jeudi 11 Septembre 2003
Nebo :
Les physiciens quantiques
pensent « à gauche ».
Les billes sont lâchées
et tombent à gauche !
Eric :
J'ai pensé « Gagnant » !
Et depuis
mes dés roulent toujours.
Vendredi 12 Septembre 2003
Nebo :
Je lui demande : «
Comment voudrais tu
que je te prenne ? »
Elle me dit : «
Par derrière.
Comme une pute.
Une chienne.
Une salope. »
Je bois du champagne,
fume un joint,
la considère.
Je souris.
Eric :
En pleine débauche lucide,
je me donne
comme un yogi,
un Bouddha,
un Christ.
Samedi 13 Septembre 2003
Nebo :
Parfois, cet étrange sentiment :
la Vie n’est pas,
la Mort non plus.
Douces, très douces illusions.
Eric :
Rien ne se laisse capturer
A l'école de l'Erreur.
Dimanche 14 Septembre 2003
Nebo :
Le disque dur
du Roland VS-1880
crépite comme un feu.
L’Athanor des alchimistes.
Eric :
Ma bouche se pince.
Mon regard se fait dur.
Les conditions requises
Pour l'éclat de rire.
Lundi 15 Septembre 2003
Nebo :
Dire est difficile.
Surtout dire
l’essentiel.
Eric :
Comme autant de précieux Mandalas de sable,
Jetés solennellement dans la rivière,
Imaginons la destruction systématique
De toutes les oeuvres d'art
Apres leur parachèvement.
Mardi 16 Septembre 2003
Nebo :
Lorsque les mots me manquent,
mes palpitations me reprennent !
Juste combat.
Eric :
Il m'a fallu être attaqué
par les démons
pour apprendre la politesse.
Mercredi 17 Septembre 2003
Nebo :
Nous prenons.
Sans cesse.
N’avons cesse de prendre.
Et pourtant,
donner est une bénédiction.
Eric :
Pour le grand nombre
l'authentique générosité
est souvent perçue comme une insulte, un danger,
quelque chose d'inapproprié
qui avance comme Jésus,
à découvert.
Jeudi 18 Septembre 2003
Nebo :
Une délivrance
par les Sens.
Bien que les Sens
soient trompeurs.
Voilà qui me semble
très clair.
Eric :
J'ai la certitude
d'un corps.
Donc d'un chemin.
Vendredi 19 Septembre 2003
Nebo :
La Solitude
est aussi,
est surtout,
un Royaume.
Eric :
Pour qui sait tendre l'oreille,
il y a du vacarme
dans les sables du désert.
Samedi 20 Septembre 2003
Nebo :
Par la lecture
et l’écriture,
au quotidien,
je me trace à la machette
un chemin de fortune,
dans l’épaisse jungle
« humaine trop humaine ».
Eric :
Quand ma plume se pose,
que mes yeux reviennent sur le Monde,
j'ai cinq ans.
Dimanche 21 Septembre 2003
Nebo :
Etre dans la voie
consiste bien, en fait,
à laisser venir à Soi
la texture du Monde.
Alors exulte
notre Esprit Créateur.
Eric :
Aucune cloison n'est à l'épreuve du rire.
Le grand méchant loup aurait dû
y penser.
Lundi 22 Septembre 2003
Nebo :
L’Absence de liens
entre l’Être et les Choses
semble bien être
la maladie Moderne
ultime.
Eric :
Décomposition des jours et des âmes
aussi fascinante
qu'un bouquet final.
Mardi 23 Septembre 2003
Nebo :
Vulgarité des mots.
Imagination des maux.
Tout est définitivement aplatis.
Partout :
massacres,
génocides de circonstances.
Hainamourement,
souffrances.
Eric :
Une fourmi escalade sa colline,
elle ignore tout
de la botte.
Mercredi 24 Septembre 2003
Nebo :
La profonde fatigue.
Redoutable ennemi intérieur.
En embuscade à Vie.
Eric :
Le bouton de rose
ignore le doute.
Ne soupçonne pas même
sa future éclosion.
Jeudi 25 Septembre 2003
Nebo :
Antre des possibles.
A l’intérieur,
les forces se regroupent.
Eric :
Toujours consciencieux
au cœur même de la lutte.
Je récupère dans le creux de ma main
les miettes du petit déjeuner.
Vendredi 26 Septembre 2003
Nebo :
Logique. Logos. Verbe.
Pensée. Cheminement.
Tout se déploie avec assurance.
Eric :
Panique-Froncements de sourcils,
Moiteur des mains.
Echec-Héroisme.
Samedi 27 Septembre 2003
Nebo :
Est-il encore d’usage
de tenir compte
des quatre points cardinaux
lorsqu’on s’oriente ?
Parfois j’en doute
face à une telle agitation.
Eric :
Voix orageuses,
cavalcades dans le ciel,
invitations au salut
où à la perdition.
Dimanche 28 Septembre 2003
Nebo :
La chair est une couronne.
L’esprit est un Sabre.
L’Être s’en satisfait.
Eric :
A chaque nouvelle vie
rentre une dose d'humour
supplémentaire.
Lundi 29 Septembre 2003
Nebo :
Si cette malédiction se poursuit,
j’en ferai une bénédiction
pour la sélection des humbles.
Eric :
Spermatozoïde dans sa course aveugle,
et puis Mystère et Métamorphose. Omniscience.
Et puis Stupeur.
Et puis nouveau départ
sous la lumière trompeuse.
Mardi 30 Septembre 2003
Nebo :
Un vent fort
nous encercle
dans sa gangue.
Je te salue Seigneur.
Eric :
Centimètres perdus sous l'astre royal.
Quand le dos du vieillard se voûte
sa prunelle reste scintillante.
Mercredi 1er Octobre 2003
Nebo :
Douceur des traits.
Velouté des formes.
Le calligraphe
pratique l’érotisme.
Eric :
Rayer une vie entière
pour les lèvres
d'une fille.
Jeudi 2 Octobre 2003
Nebo :
Ces Stances
ne sont que des canifs
jetés au hasard
du grand Mektoub.
Eric :
Mes compagnons itinérants
ont tendu haut leurs chiffons :
ils me rappellent à leur danse.
Vendredi 3 Octobre 2003
Nebo :
Gerbe d’éclairs.
Passion. Ivresse.
Allons !
Croisons le fer
puisqu’il le faut !
Eric :
J'ai mendié deux pièces d'or,
j'ai recouvert le Prince de haillons.
Pour juste un peu d'air pur.
Samedi 4 Octobre 2003
Nebo :
Le feu dans la poitrine.
La toux l’attise à profusion.
Un univers en moi
s’élabore.
Eric :
Je déchaîne les tempêtes
en clignant
des yeux.
Dimanche 5 Octobre 2003
Nebo :
L’incarnation,
bien que douloureuse,
se poursuit.
Eric :
Battements du cœur, aussi lourds
que les coups du marteau
sur l'enclume.
Lundi 6 Octobre 2003
Nebo :
A nouveau,
de loin,
les navires
me font signe !
Adorable Haschisch…
Eric :
Le vol de la mouette
soulage ma souffrance.
Je suis happé.
Mardi 7 Octobre 2003
Nebo :
Sueurs. Spasmes.
Souffles. Sucre amer.
Son sexe m’accueille.
Lutte acharnée.
Eric :
Mes mains cherchent un appui,
une échappatoire.
Il n'y a que son corps.
J'apprends a étreindre.
Mercredi 8 Octobre 2003
Nebo :
Le désir sournois
d’être une tornade,
un Volcan.
Une apocalypse guerrière.
Eric :
Des voix plutôt que l'écho.
Des poignées de mains
au travers des vitrines.
De la vie plutôt que du rêve.
Jeudi 9 Octobre 2003
Nebo :
Enjamber les cadavres
nombreux parmi les vivants.
Mort-vivants en vérité.
Un masque de médecin
sur mon visage effacé.
La Peste à éviter.
Eric :
Vagues de poussières
victorieuses
au raz des soupiraux.
Vendredi 10 Octobre 2003
Nebo :
Que survienne
enfin
le souffle salvateur
d’une Esthétique
générale !
La Mort s’en trouvera
déconcertée.
Eric :
La guérison universelle
des mains moites.
Une nouvelle ère.
Samedi 11 Octobre 2003
Nebo :
Le poids.
M’en délester.
La Danse aventureuse.
Un rire de Prince.
Eric :
Débarrassé de mes bagues,
et autres colliers,
je suis entré dans l'eau
du Baptême.
Dimanche 12 Octobre 2003
Nebo :
L’Abîme
attire mon œil.
J’observe
la courbe du cou.
La veine néfaste.
Eric :
L'apprentissage par la douleur,
c'est le venin transformé
en Antidote.
Lundi 13 Octobre 2003
Nebo :
Crier des faits.
Soulever des nécessités.
Que faire d’autre ?
Eric :
Envoyer rouler une pierre
d'un coup de pied.
Et suivre sa course.
Exutoire rudimentaire.
Classique indémodable.
Mardi 14 Octobre 2003
Nebo :
Me soumettre ?
Jamais !
Quoi que…
… la littérature y parvienne.
Elle seule !
Eric :
Des milliers de livres
et leurs premiers chapitres ;
leurs approches respectives
dans l'Art des préliminaires.
Mercredi 15 Octobre 2003
Nebo :
Vide au point
de ne pas pouvoir
écrire le mot
« Vide ».
Eric :
Optimisme de la bulle de savon
juste avant
qu'elle ne crève.
Jeudi 16 Octobre 2003
Nebo :
C’est dans la Solitude
que je trouve
l’équilibre.
Lourdeur partout ailleurs.
Tristesse.
Eric :
Crever ses poches
comme Rimbaud.
Oublier le tripotage
de la menue monnaie.
Vendredi 17 Octobre 2003
Nebo :
Parfois,
Je songe à elle.
Etrange manque.
Eric :
Tout ceci n'est que du vent
me direz-vous.
Oui, mais il contribue
à gonfler ma voile.
Samedi 18 Octobre 2003
Nebo :
La seule règle
De base
C’est qu’il n’y a pas de règles !
Juste des lois !
Eric :
Douceur du policier caressant sa matraque
et le bourreau sa hache.
Un Subtil paradoxe.
Dimanche 19 Octobre 2003
Nebo :
O Saint Haschisch
qui détruit
ou régénère !
Eric :
J'ai connu un guitariste
aux mains défoncées.
Sa guitare s'appelait Esmeralda.
Lundi 20 Octobre 2003
Nebo :
Nuit.
Les battements de cœur
en vérité valsent.
Un Royaume s’ouvre.
Je m’avance.
Eric :
Ils ont frappé à la porte
ce matin-la.
N'ont découvert que son cadavre.
Et le restant d'un petit déjeuner.
Mardi 21 Octobre 2003
Nebo :
Temple abîmé.
Blessures de l’âme.
Nous sommes tenus en laisse.
Soumis.
Mektoub.
Eric :
Une vieille fierté
veut que je marche sur ces oeufs
sans en briser aucun.
Mercredi 22 Octobre 2003
Nebo :
Courbatures.
Fièvre.
Larmes.
Apprendre à subir.
Eric :
Quand chaque matin
je me hisse hors du lit,
je ne sais si je suis
perdant ou victorieux.
Jeudi 23 Octobre 2003
Nebo :
L’apprentissage authentique,
c’est celui du sacrifice consenti
juste pour exister.
Eric :
La vie. Juste une longue seconde.
Le temps donné à une larme
pour qu'elle puisse toucher terre.
Vendredi 24 Octobre 2003
Nebo :
C’est, parfois,
dos au mur
que les solutions
surviennent.
Eric :
L'authentique volonté
est incontrôlable, inattendue.
Elle ne se cuisine d'ailleurs pas.
C'est une Cru-auté.
Samedi 25 Octobre 2003
Nebo :
Nous produisons.
Nous consommons.
Nous dormons.
Nous vieillissons.
Morts avant d’être au monde.
Eric :
Jour après jour
je le rempli comme je peux,
mon flacon de lucidité.
Dimanche 26 Octobre 2003
Nebo :
Trouver le mot est faux.
C’est le mot qui me trouve.
La barque est au centre des roseaux.
Eric :
Ne jamais pouvoir désemplir.
est-ce être vide
ou bien plein ?
Lundi 27 Octobre 2003
Nebo :
Tu me captes.
Le cœur enflé.
L’automne nous va bien.
Tout est inaccompli.
Eric :
Les bribes du passé
s'attachent à remuer derrière moi.
Agitation comique et poussiéreuse.
Queue du chien errant.
Mardi 28 Octobre 2003
Nebo :
L’instant est lumineux.
Le front au ras des flots,
le couteau à la main,
j’avance.
Eric :
Je fonce droit
vers mon Zénith.
A l'est de Saint Jean.
Mercredi 29 Octobre 2003
Nebo :
Le poème brûle
comme un feu
de résistance.
Le séisme se propage.
Eric :
O mon frère !
Nos accords, nos différents,
nos disputes, nos fruits !
Jeudi 30 Octobre 2003
Nebo :
Entre deux fronts,
quatre yeux,
deux langues,
s’instaure le Silence.
Eric :
Mon amour, mon amour,
rappelle-moi encore
l'abîme qui nous sépare.
Vendredi 31 Octobre 2003
Nebo :
Ta présence occultée
m’irradie
avec violence.
Eric :
Le souvenir de sa voix
filtrée par le téléphone.
Ancrée sur mon âme.
Samedi 1er Novembre 2003
Nebo :
L’aigle survole
les eaux noires,
infestées de salamandres,
de crapauds,
de serpents.
Eaux noires
creusant le cour des choses.
Eric :
J'attend de la modernité
une vraie fantaisie.
Une nouvelle cité lacustre.
Une nouvelle Venise.
Dimanche 2 Novembre 2003
Nebo :
Le sang se cabre
comme un cheval féroce.
Les guerriers pénètrent les murs,
leur clameur réveille
les très anciennes maisons.
Eric :
Les amours du passé
reviennent frapper à ma porte.
Ils réclament l'addition.
Lundi 3 Novembre 2003
Nebo :
Mon sommeil est un lac paisible.
L’éveil un ruisseau serein.
Puis je guette
le courant propice.
Eric :
Ma jambe droite
pas plus que ma jambe gauche
ne connaissent le Tao.
Elles m'entraînent dans la rue.
Mardi 4 Novembre 2003
Nebo :
Au centre.
Main tendue.
Prise fragile.
Rien ne jaillit.
Eric :
Je me rend invisible.
Je passe inaperçu.
J'observe à loisir.
Mercredi 5 Novembre 2003
Nebo :
Aller au bout de la lumière
est une affaire
de présomptueux.
Eric :
La dévotion doit se consommer
avec un zeste
d'humour.
Jeudi 6 Novembre 2003
Nebo :
La Violence de la Racine
quand elle se rappelle
à nous.
Un forage souvent s’impose.
Eric :
Belle saleté du mineur,
à creuser au voisinage
de la Mort.
Vendredi 7 Novembre 2003
Nebo :
En guise d’étoile
ton œil scintille.
L’âtre de ton ventre
dévore ma viande.
Eric :
L'orgasme a modifié
son haleine.
Curieuse chimie.
Samedi 8 Novembre 2003
Nebo :
La Sagesse sereine
sait être inquiète.
La fibre s’érige
à la rencontre du monde.
Eric :
De retour au soleil.
Mes yeux embués de larmes
et des compagnons
aux bras chargés d'amour.
Dimanche 9 Novembre 2003
Nebo :
Ta courbe m’est dédiée.
L’intimité de ta langue
me dit l’essentiel.
Eric :
La sueur de mon front.
Essence grasse et magique.
La main glisse en arrière du crane.
Peigne et me réconforte.
Lundi 10 Novembre 2003
Nebo :
Le creux de la nuit
est une maison
protectrice.
Eric :
Dans l'obscurité.
Baisers de l'autre monde
sur ma bouche.
Mardi 11 Novembre 2003
Nebo :
Dans cette clairière
la Haute Lumière
réanime le feu
de la Légende.
Eric :
Forêt antique de l'enfance.
Terre rouge et Eucalyptus.
Epaules solidifiées.
Mercredi 12 Novembre 2003
Nebo :
Ta tendresse
aimante mon cou,
mes épaules,
mes mains.
Nous sourions.
Eric :
Ecarter un cheveu
de sa bouche.
N'attendre rien.
Jeudi 13 Novembre 2003
Nebo :
Nomades.
Levons le camp.
Ensablons le feu.
L’horizon chante.
Eric :
Le fouet a laissé ses marques
sur mon dos.
La douleur me pousse
vers l'avant.
Vendredi 14 Novembre 2003
Nebo :
L’ombre tantôt me suit,
tantôt me devance.
Fidèle compagne.
Eric :
Retrouvez-moi.
Indiquez-moi ma place.
Je marche et ne me saisis plus.
Samedi 15 Novembre 2003
Nebo :
Je m’ancre dans la non-action.
Le Sabre et la Plume.
C’est un mouvement, en fait,
très particulier.
L’avancée est profonde.
Eric :
Mouvement des mains
qui se joignent.
Récoltant l'eau de pluie.
Dimanche 16 Novembre 2003
Nebo :
Il faut toucher le nerf.
Sang est le Livre.
L’écriture est Aube.
Toujours.
Maintenant.
Eric :
Phrases longues comme des rails.
Locomotive de ma tête,
attaquée de toute part.
Lundi 17 Novembre 2003
Nebo :
La Liberté
est une attitude intérieure.
Un Socle interne
que rien n’atteint.
Une Fondation,
non une posture.
Quel que soit
le Régime en place,
un Homme Libre
est toujours
un Homme Libre.
Eric :
J'ai ri.
Tenant une fleur
à la bouche.
Mardi 18 Novembre 2003
Nebo :
La réalité intime
de mon Cerveau
me dicte des choses
qui semblent folles,
bien que très raisonnables,
auxquelles ma Raison
n’entrave que couic.
Eric :
J'ai construit mon être
Rempart après rempart.
Meurtrière après meurtrière.
Pauvre Forteresse !
Mercredi 19 Novembre 2003
Nebo :
Je pratique sans cesse
de terrifiants réajustements.
Sinon je ne serais
qu’un abîme constant.
Eric :
Au point de non-retour,
je me vois
habillé de terreur
et assoiffé d'amour.
Jeudi 20 Novembre 2003
Nebo :
L’Homme est perdu
dans la moiteur
des ténèbres de l’Homme.
Eric :
Dans le pire de mes cauchemars,
je veux hurler,
mais ne peux que gémir.
Vendredi 21 Novembre 2003
Nebo :
Être, c’est, aussi,
être infirme,
malhabile,
sale.
Chair incarnée
n’ayant
plus pieds dans la Vie.
Eric :
Envoyez mon double faire son jogging,
envoyez mon double au cinéma,
envoyez mon double faire la queue
au restaurant huppé !
Samedi 22 Novembre 2003
Nebo :
Mille abruptes pentes
à gravir.
Irruptions néfastes.
Nécessité.
Sainte Nécessité.
Très très Sainte Nécessité.
Eric :
Une vie sans surprises,
surprenante de
banalités.
Dimanche 23 Novembre 2003
Nebo :
L’engourdissement.
Le vertige.
L’initiation.
Me débarrasser
des raclures
de mon Être.
La Toux me crève les poumons.
Eric :
Contre les coups du sort,
préférer une lutte sans violence :
Grandeur d'Âme,
Patience,
Aristocratie.
Lundi 24 Novembre 2003
Nebo :
Être Voué à la terreur
et à l’angoisse.
Seul au monde.
Nuit de Noces intimes.
Eric :
Sur ma lande desséchée :
les buissons du dégoût,
les fleurs de la solitude.
Mardi 25 Novembre 2003
Nebo :
Ecrire est une Métaphysique
du Cœur.
Lointaines traces Humaines
dans les méandres de l’âme.
Eric :
L'artiste se pose souvent malgré lui
en Homme de Foi,
en Homme de Défi.
Mercredi 26 Novembre 2003
Nebo :
Un immense cantique de Vie
jaillit de l’Univers,
étouffé par la Passion néfaste
du monde.
Sado-masochisme Total.
Eric :
Mes yeux ne voient plus
les « Pourquoi », les « Comment », les « Hélas ».
Mes yeux sont devenus secs.
Pierreux.
Jeudi 27 Novembre 2003
Nebo :
Ma douleur
finira bien
par m’entraîner
vers les monts olympiens.
Les célestes rives.
Eric :
Il faut du talent
pour les gestes
d'adieu.
Vendredi 28 Novembre 2003
Nebo :
Etre un Homme
est difficile.
Déjà.
Et nous devrions
être plus
que des hommes.
Eric :
Une vie peut basculer en un clin d'œil.
Long est le chemin
du retour.
Samedi 29 Novembre 2003
Nebo :
Demeurer ?
Aucune importance.
La poussière
demeure.
Eric :
Le vol du papillon
est d'une pureté
presque insolente.
Dimanche 30 Novembre 2003
Nebo :
Ma tendre épouse.
Quarante ans.
Tu souris encore.
Buvons.
Eric :
Si tu veux entendre
battre le cœur de ta maison,
va t'asseoir dans la cuisine.
(À Suivre...)
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11/03/2007
Messages Transatlantiques -III-
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Lundi 23 Juin 2003
Nebo :
Ode néfaste d’un instant,
saisie l’Espace et le temps,
et réveille l’Être endormi
en les abysses. Profond.
Eric :
Clapotis.
Lac souterrain.
Joyaux qui tintent.
Mardi 24 Juin 2003
Nebo :
Les muscles fatigués,
la sueur salée,
le miel de l’Être.
Eric :
Joues rouges
Au-dessus de l'enclume.
Forgeron sur la voie.
Mercredi 25 Juin 2003
Nebo :
La phrase se love
sensuellement sur mes lèvres
comme un serpent d’or
aux écailles de pétales de Rose.
Eric :
Pensées, questions,tentatives,
attitudes, souvenirs du jour.
Ce petit monde s'envole doucement
vers le ciel
comme des bulles de savons.
Jeudi 26 Juin 2003
Nebo :
Volutes de Haschisch,
ondoyantes Orientales,
vous me dites d’étranges choses.
Eric :
Lèvres charnues.
Dents pourries.
Diamants à la place des yeux.
Vendredi 27 Juin 2003
Nebo :
Miettes de tabac devant le clavier.
L’Herbe maudite et très sainte m’apaise.
Fermant les yeux,
une lumineuse jeunesse me revient.
Eric :
Bras tendus sous les projecteurs ;
récepteurs et paratonnerres.
Résonance ultime
de la chair et des os.
Fardeau et Salut.
Nebo :
La sueur. Cette humidité.
Odeur de bière et de pisse.
Chaleur. Prière. Douleur.
Violence. Encens.
La rumeur enfle la salle.
Joie ! Le son et sa Puissance.
Eric :
La sueur. Lave piquante dans les yeux.
Alibi des yeux qui veulent pleurer.
Vapeurs des corps et fumées du tabac,
dans un halo couleur de nacre.
Dissimulant le Créateur attentif.
Le Créateur attentif.
Samedi 28 Juin 2003
Nebo :
Déroute et plaintes.
Me libérer du lien.
Prendre le large.
L’encre sur la page,
la page dans le cahier ,
le cahier dans la vie.
Mais la Vie est ailleurs…
Eric :
Dans mon poing serré,
du sable sec.
Dans mon crâne aussi,
un vent sec.
Dimanche 29 Juin 2003
Nebo :
Quand le mirage disparaît,
il ne me reste plus
que mon ombre sur le sable du désert
sous le haut soleil.
Eric :
Lèvres gercées,
et puis toi...
Lèvres humides
à nouveau.
Lundi 30 Juin 2003
Nebo :
Sacrifice et furie.
Devant les lions de la place St Marc.
Etrange prémonition.
Eric :
Qui, en moi,
invite à briser leurs socles ?
Je fais la sourde oreille.
Pour le moment j'incruste une date,
un nom.
Mardi 1er Juillet 2003
Nebo :
Sa chatte humide accueille
la langue de mon incarnation.
Sel et miel et lait et thé.
Ventre vierge. Spasme assoiffé.
Eric :
J'ai oublié tous mes visages.
Tous absorbés
par son nombril.
Mercredi 2 Juillet 2003
Nebo :
Définitivement. Je prends le large,
quitte ton port, étudie un retrait
vers des eaux plus sereines.
Je vois mille choses dans les reflets
du café qui me brûle les lèvres.
Eric :
Poignée de main amicale.
Vérité de son pouls :
fâcheries, pleurs, rêves, sourires,
regrets, amour, secrets, questions,
décisions, guerre, feu, air,
retrouvaille cimentée.
fatum.
Jeudi 3 Juillet 2003
Nebo :
Ces Stances trans-Atlantiques
sont des vagues existentielles
participant au naufrage général.
Un rire lumineux en plus.
Une danse au milieu des plaintes.
Assurément une chorale.
Eric :
Chefs d'orchestres
armés de cure dents ;
musiciens aux mains vides.
Tout le monde est prêt.
Vendredi 4 Juillet 2003
Nebo :
Elle me dit alors :
« jamais je ne t’oublierai,
tu m’as éveillée à la Vie,
à la révolte, à l’Art. »
Ses yeux brillaient
tandis qu’elle s’éloignait.
Furtive comme une chatte.
Eric :
Je l'oublierais vite.
Je sortirais les mains
de mes poches.
J'abandonnerais l'écriture.
Samedi 5 Juillet 2003
Nebo :
Je porte le poids de mon corps.
La sueur. Temps lourd et orageux.
Ma grand-mère dans son fauteuil roulant,
l’œil perdu dans un « ailleurs »
qu’elle seule connaît.
Ici et maintenant un trésor m’est offert.
Eric :
J'ai dépouillé l'arbre
de ses feuilles ;
j'ai devancé l'automne.
Dimanche 6 Juillet 2003
Nebo :
Tristesse de ta voix
au téléphone
qui s’éloigne
de nous.
Eric :
Autrefois j'ouvrais la bouche
pour parler et rire.
Aujourd'hui j'écoute.
J’écoute. J’écoute.
Lundi 7 Juillet 2003
Nebo :
Sainte, très Sainte Energie,
tu t’empares de moi
comme bon te semble,
me propulse vers moi-même.
Tendre retrouvailles.
Puissante Oraison intérieure.
Eric :
Le cœur va sortir.
Va me prendre
dans ses bras.
Mardi 8 Juillet 2003
Nebo :
Le 8 Juillet 1971, Jim,
on te met en terre
au cimetière du Père Lachaise.
Les vers ont-ils bouffé ta panse
d’alcoolique halluciné ?
J’interrogerai le Yi-King,
à l’occasion,
avec de l’Herbe Sainte
et un peu de bourbon…
Eric :
J'aurais aimé qu'on récupère
mon crâne et qu'on en fasse
un nid pour les moineaux.
Pépiements et cris,
Printemps toujours célébré.
Mercredi 9 Juillet 2003 :
Nebo :
Vivace,
ce mouvement qui
ordonne mon corps.
Eric :
Coups de fouets
dans l'arène :
le lion montre
les crocs.
Jeudi 10 Juillet 2003 :
Nebo :
L’horreur de l’Être
quand, diminué,
il tressaille.
Eric :
Longues sueurs,
longues douches.
Je récupère ce qu'il y a
à récupérer.
Vendredi 11 Juillet 2003
Nebo :
L’écriture,
beau leurre,
paradoxe qui érige
et construit.
Eric :
Forteresse de poussières, solidifiée
inattaquable, imprenable.
Le termite y est comme chez lui.
Samedi 12 Juillet 2003
Nebo :
La solitude
est une douceur.
Aussi.
Etrange de passer
tant d’heures
sans parler.
Sans prononcer
un seul mot.
Eric :
Un volet s'est ouvert.
Le vent me rapporte un souvenir.
Un ancêtre.
L' Atlantide.
Dimanche 13 Juillet 2003
Nebo :
Ma barbe d’une semaine
me gratte
et pique.
Mon fils, petit hérisson,
la caresse
et m’invite
à la raser.
Eric :
Pique pique.
Paume de main parfaite
sur ma peau usée.
L’alpha et l'oméga.
Lundi 14 Juillet 2003
Nebo :
Colère
de ma peau
contre la sienne.
Sortir. M’arracher.
Quitter le champs des batailles.
Eric :
Nos mains s'entrecroisent,
toutes quatre masculines.
J'aime une femme
aux mains masculines !
Mardi 15 Juillet 2003
Nebo :
Ce qui me manque le plus :
ce sont les tâches d’encre,
les feuilles froissées,
le bureau qui ressemble
à un charnier. Stylo Noire.
Stylo Rouge. Bouts de gommes.
Crayon à papier.
La douleur dans la main
au terme d’une journée d’écriture.
L’ordinateur veille et, malgré nous,
ordonne,
nous transforme
déjà.
Eric :
Allons au nouveau mat
du navire.
Voiles qui claquent.
Drapeaux qui claquent.
Mercredi 16 Juillet 2003
Nebo :
Parfois s’éteignent les lèvres
et les regards
ne disent plus rien.
Eric :
Le vent est passé
dans les branches.
Tout est fini.
Jeudi 17 Juillet 2003
Nebo :
Le vent souffle sur la ville.
Que ne suis-je
face à une vallée !
Eric :
Frémissements et bourgeons ;
tout autour
et sur ma peau.
Vendredi 18 Juillet 2003
Nebo :
Trente-huit Printemps
ont nourri mon âme.
Trente-huit hiver
m’ont appris à mourir.
Eric :
Des coups de marteaux au loin.
Le cheveu se hérisse.
La gorge se serre.
C'est ma route.
Samedi 19 Juillet 2003
Nebo :
Le retour du Soleil
apporte la promesse antique.
Grappes de raisins
aux dents blanches des filles.
Lyre et tambourin.
Eric :
La nuit me couronnera d'étoiles
au gouvernail des cuisses
musclées de plaisir.
Dimanche 20 juillet 2003
Nebo :
La douleur de l’accouchement.
Les doigts sur l’acier des cordes.
Hier ? Demain ? Quelle importance ?
Ici et Maintenant
se joue quelque chose de plus délicat.
Eric :
Une frange sur les yeux.
Soleil clignotant.
Promesse.
Lundi 21 Juillet 2003
Nebo :
L’électricité dans les membres,
comme contenue.
La lourdeur. Les nœuds.
Gueule de bois.
Les veillées fraternelles ont un prix.
Eric :
Nuages en lambeaux
du petit matin.
Sourire intérieur.
Mardi 22 Juillet 2003
Nebo :
Le sang dans les notes.
La douleur d’être.
Pars, à présent.
Eric :
Une pousse
dans l'aire de jeux.
Soumise aux crachats.
Mercredi 23 Juillet 2003
Nebo :
Débâcle intérieure.
Un arc-en-ciel demeure
comme seule garantie
d’une alliance qui semble morte.
Eric :
Mes deux fesses sont nues
quand je fixe la route.
Fesses de nouveau-né.
Jeudi 24 Juillet 2003
Nebo :
Je cherche, depuis peu,
une berge où ma barque
accosterait.
Prendre du recul.
Dresser un bivouac.
La pluie. Le feu.
L’odeur de cuir humide :
est-ce ma veste ou ma peau ?
Eric :
Et mon visage ;
de plus en plus
un étranger
en dehors de mon âme.
Vendredi 25 Juillet 2003
Nebo :
Longue nuit,
presque blanche,
noueuse de questions.
Comme le visage de ma fille,
malade, vomissant sa bile.
On cherche les bonnes raisons.
On tente une justification.
On s’inquiète.
La Vie nous balaye.
Eric :
Petit peuplier frémissant.
Marteaux-piqueurs
au travail.
Samedi 26 Juillet 2003
Nebo :
La maison vacante.
L’âme vacante.
Le cœur vacant.
Vide.
Occidental et vide.
Eric :
J'ai attendu ma voisine.
Un cognement a la porte.
pour demander du sel.
Dimanche 27 Juillet 2003
Nebo :
Vent. Ciel. Douceur.
Ici les embruns
me clouent sur place.
L’Océan domine tout,
paisiblement.
Eric :
Marcher dans le sable,
voilà ce qui est
marcher.
Lundi 28 Juillet 2003
Nebo :
Minérale attitude.
Être simplement
cette larme.
Cette vague.
Ce grain de sable.
Eric :
Mégot de cigarette.
Sanctifié
au bas de la dune.
Mardi 29 Juillet 2003
Nebo :
Le sel sur sa peau.
Ma main dans ses cheveux.
Son regard est ailleurs.
Les amants ont la vie dure.
Eric :
L'ossuaire de sa bouche,
parfois, caverne
de diamants.
Mercredi 30 Juillet 2003
Nebo :
Quelque chose de vif.
Une extravagance intérieure.
Indescriptible.
Possédé.
Eric :
Mon regard est possédé
par le cerf-volant,
lui-même possédé
par l'enfant.
Jeudi 31 Juillet 2003
Nebo :
Le corps est dérangé.
C’est profond.
La courbe des palpitations
se love autour de mes nerfs.
Le chuintement des vagues
l’apaise tout juste.
Je suis une bombe atomique.
Eric :
Quel oiseau divin
au raz des vagues,
me saisira tel un poisson
dans sa bouche ?
Vendredi 1er Août 2003
Nebo :
Je laisserai derrière moi
quelques traces de pas sur la sable.
Rien d’autre.
Le vent et la mer,
ainsi que d’autres pas plus dignes,
plus grossiers,
plus conquérants,
effaceront tout ça.
Eric :
Qui chantera ce soir
autour du feu ?
Quelle jeunesse ?
Pour quelle beuverie ?
Samedi 2 août 2003
Nebo :
De retour.
Le goudron.
La compression du béton.
Le goût de l’acier sur la langue.
La Ville et ses merveilles.
Babylone.
Eric :
Tee-shirt élimé,
Pantalon épuisé.
Et l'avenir intact.
Dimanche 3 Août 2003
Nebo :
L’hostile persévérance.
La guitare fume
comme une arme
sur le champs de bataille.
Je suis un survivant.
Eric :
Les rires résonnent déjà.
Ils ont besoin d'un dos.
Le mien.
Lundi 4 Août 2003
Nebo :
La canicule.
Morsure du Soleil.
Ecrire à l’ombre
après une dure journée
de travail.
Eric :
Je n'ai retenu personne,
aucune jolie passante.
Juste la solitude.
Mardi 5 Août 2003
Nebo :
Sueur collante.
Palpitations haletantes.
Il semble
que le globe entier brûle.
Ce sont des prémisses.
Eric :
Nous sommes plusieurs
à reconstruire.
Tous illuminés.
Mercredi 6 Août 2003
Nebo :
Courbatures.
Douleur.
Sueur.
Je suis.
Eric :
Au fond des rides :
larmes du cœur.
Limon accumulé.
Jeudi 7 Août 2003
Nebo :
S’accomplir
par la vocation de l’Esprit
et la bonne disposition du Corps.
Eric :
Méditation matinale.
Telle une toilette
Obligatoire.
Vendredi 8 Août 2003
Nebo :
Lancer les dés
dans un rire,
en dansant.
Eric :
Fidèle aux mêmes chaussures.
Aller jusqu'au bout
de l'usure
Samedi 9 Août 2003
Nebo :
Ecrire est Acte.
A proximité de l’encrier
et de la plume,
repose le Sabre.
Eric :
Le soleil illumine
les trottoirs bétonnés :
invitation au labyrinthe.
Dimanche 10 Août 2003
Nebo :
Ce Silence intérieure,
avant l’assaut.
Le joint crépite,
le thé brûle.
Le crépuscule.
Eric :
Quelques pièces au fond des poches.
Cuivre et Nickel.
La Terre-Mère
toujours disponible.
Lundi 11 Août 2003
Nebo :
La page blanche
accueille
l’ombre de ma main.
Eric :
Quelqu'un m'a vu ;
Quelqu'un m'a souri.
Un vieil ange
Derrière la vitre.
Mardi 12 Août 2003
Nebo :
Un petit souffle
qui ne dit rien,
à première vue,
mais porte l’Univers entier
en lui.
Eric :
Apparences de formes
devant mes yeux.
Trans-Formations.
Mercredi 13 Août 2003
Nebo :
J’ai eu de tristes pensées
en regardant s’éloigner au loin
le signe de la main
de l’ami voyageur.
Eric :
Trains en route.
Sages serpents
Qui nous digèrent.
Jeudi 14 Août 2003
Nebo :
Son Silence
en dit très long
sur le chaos
qui la tourmente.
Eric :
Une tasse de café,
une cuillère et un sucre.
Valse connue de l'inox
contre la porcelaine.
Vendredi 15 Août 2003
Nebo :
Tes sept années
sont passées si vite.
O mon fils
ne te presse pas trop vite.
Cueille le temps
avant qu’il ne te cueille.
Eric :
Dieu était amoureux.
Alors il dessinait
la bouche des enfants.
Samedi 16 Août 2003
Nebo :
L’oppression
dans ma poitrine
qui alourdit mon souffle.
Eric :
Chaussures délacées
au pied du lit.
Pas la force pour un thé.
Dimanche 17 Août 2003
Nebo :
Chant intérieur.
Profond.
Tenace.
Les cellules.
Les Atomes.
Les liquides.
Je le distingue avec précision.
Eric :
Rassemblement des nuées
au dessus du dessert.
Inquiétude et tarte aux pommes.
Lundi 18 Août 2003
Nebo :
Aculé au mur.
Plus question de tergiverser.
L’ombre de mon père.
L’ombre du dieu mort ?
Etrangeté.
Eric :
Miroir à présent impénétrable.
Visage et corps
emportés dans le mutisme.
Mardi 19 Août 2003
Nebo :
« Eleven » déploie ses voiles.
L’Océan est calme
mais menaçant.
Eric :
Les enfants jouent
sur le pont.
Un cri de mouette.
Mercredi 20 Août 2003
Nebo :
Je meurs d’un orgasme électrique,
sur scène,
avant d’être jeté au public.
Ce rêve.
Ou ce cauchemar.
Eric :
Une scène balayée, lessivée,
au petit matin
par l'homme de ménage.
Les drames finissent toujours
Dans la tranquillité.
Jeudi 21 Août 2003
Nebo :
Ecrire à la veille
du départ.
Retour
à une part de l’âtre.
Brûle-t-il encore ?
Eric :
J'ai mes sentiers
à la fidèle poussière.
Aux longues marches sans but.
Vendredi 22 Août 2003
Nebo :
Soleil dessus l’aile de l’avion.
Soleil dessus les nuages.
Soleil par la fenêtre dessus mon bras.
Soleil.
Eric :
Désarmé en plein ciel,
sans ressource, sans triche.
Sensation pure
de mon visage.
Samedi 23 Août 2003
Nebo :
Être sur ce point précis.
Cloué.
Le regard de mon père
scrute, fuit, hurle, fait face.
Larmes.
Eric :
Les esclaves ont baissé les palmes
au soleil de midi !
Dimanche 24 Août 2003
Nebo :
En haut sur la colline,
la rosée matinale.
Le chant du coq.
Un oiseau survole les arbres.
Eric :
Mon regard s'éparpille
dans l'univers
des fourrés.
Lundi 25 Août 2003
Nebo :
Le monde a implosé mille fois.
Le village a changé si peu.
Odeur de mon enfance.
Sauf, les vieilles maisons
qui, bien que là,
désertes, tombent en ruine.
L’herbe sauvage règne.
La tombe de mon grand-père
m’apaise.
Mon père retrouvé aussi.
Eric :
Au loin, le bruit du marteau
sur le roc.
Un labeur véritable.
à l'épreuve du temps.
Mardi 26 Août 2003
Nebo :
Bande d’ordures !
Qu’avez-vous fait
de mon beau pays ?!
Où l’avez-vous enterré ?
Eric :
Je donnerais ma sympathie
aux mouches,
et mes larmes
à la terre.
Mercredi 27 Août 2003
Nebo :
Le foyer.
A présent,
un autre feu y brûle.
Eric :
Ne pas oublier :
mes Hommages
à la porte d'entrée.
Jeudi 28 Août 2003
Nebo :
Le regard
de mes enfants
me couronne
d’une force tranquille.
Eric :
Un pas vers la fenêtre,
un doigt sur le rideau,
un oeil au-dehors,
un enfant dans l'adulte.
Vendredi 29 Août 2003
Nebo :
Du fin fond
de ma mémoire morte
d’immémoriaux souvenirs
m’assiègent.
Eric :
Un conflit de voix et des propos décousus
s'entrechoquent dans mon crane.
Vieilles aventures et philosophies de cuisine.
Mais qui parle ? et qui répond ?
Plus rien n'appartient à personne.
Samedi 30 Août 2003
Nebo :
Ma solitude
m’enchante
le temps
d’une inspiration,
expiration,
toujours recommencées.
Eric :
Personne encore
n'est venu frapper
à ma porte.
Dimanche 31 Août 2003
Nebo :
Les deux particules
se sont mises en route,
depuis la nuit des temps,
pour cette étreinte.
Ecrire, aussi,
c’est dire
ce qui advient
à l’instant
de la rencontre.
Eric :
La première étincelle du silex
est née dans des mains
maladroites.
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Jeudi 17 Avril 2003
Nebo :
Les alcools tapissent la vision
d’un faisceau d’échappées possibles.
Peut-être n’est-ce qu’une sanglante illusion ?
Eric :
Jeunes filles à peaux mates.
Elles offrent leurs corbeilles de fruits :
la grande plaisanterie du plaisir !
Vendredi 18 Avril 2003
Nebo :
Ecrire, est-ce ce qui me sauvera ?
Être Sauvé a-t-il un autre Sens ?
Le Sens s’écrit-il au fur et à mesure ?
A mesure que l’Univers se déploie
que porte l’Ecriture ?
Le thé vert miroitant me le demande.
Eric :
Nénuphars sur le lac,
port d'attaches pour libellules.
Ils rendent la traversée possible.
Samedi 19 Avril 2003
Nebo :
Je me pose ici, entre mon doux Soleil
et ma tendre lune.
Du haut de vos Siècles vous me scrutez.
Quel étrange amour que celui qui nous unit !
Sous la voûte étoilée, j’appelle la conscience,
qu’elle fleurisse, me porte et me sème,
car la mort est inévitable.
Eric :
Je salue le jour
où mon ventre éclatera
comme un sourire.
Dimanche 20/04/2003
Nebo :
01h55 du matin.
Il me semble avoir bu le calice
jusqu’à l’amertume la plus délicieuse.
Parfois, comme ce jour, chaque chose
est à sa place. La meilleure. La pire.
La Noble. La médiocre.
Hiérarchie de l’Être.
La mort est porteuse de sens.
L’attente un apprentissage.
Eric :
Avant que se lève le vent,
hommage de la rosée,
même sur les feuilles desséchées.
Lundi 21 Avril 2003
Nebo :
Je passe par le couloir du morne quotidien,
chaque jour.
Difficile de semer mes fleurs sur ce chemin.
Je me dois cependant de le faire.
Harmonieuses, vénéneuses, enivrantes,
troublantes et délicates.
Poisons et antidotes
Eric :
Regain de tendresse pour les murs.
La douce chanson du logis.
Je me décloisonne.
Mardi 22 Avril 2003
Nebo :
Mes palpitations cardiaques
sont de la partie… sur la Voie.
Elles enseignent comme tout le reste.
Le cœur est un maître qu’il faut écouter.
Eric :
Ma bouche s'ouvre et veut parler
avec la rage
de l'océan.
Mercredi 23 Avril 2003
Nebo :
Perspicace, la chatte tend ses sens…
…en alerte ! Elle semble voir
des mouvements subtils de molécules.
En comparaison l’Homme est mort.
Je savoure la scène. J’apprends.
Le Félin est un maître aussi.
Nous ne soupçonnons pas
les supports que prend la Voie
pour se présenter à nous.
Eric :
A l'ombre du Grand Eclat de Rire
l'animal m'a vu.
Il agite sa queue.
Jeudi 24 Avril 2003
Nebo :
J’ai lavé mon corps comme si j’avais lavé le sien,
me suis peigné comme si je l’avais peigné elle,
ma mamie, à l’odeur de miel, brisée, broyée,
en morceaux de souffrances innombrables.
L’histoire se poursuit. C’est à se demander
ce que nous pouvons y faire.
Rien.
Tout.
Avancer.
Eric :
J'ai chassé la brume de devant mes yeux
et puis j'ai renoncé.
Le visage en eau.
Qui m'aura vu pleurer ?
Vendredi 25 Avril 2003
Nebo :
Les palpitations cardiaques
disent mille souvenirs.
Elles éventrent le jour
pour mes pas d’homme sans assurance.
Eric :
Terres fraîchement labourées,
l'épouvantail garde ses bras ouverts
au milieu des corbeaux sautillants.
Samedi 26 Avril 2003
Nebo :
Il faut bien vivre, c’est un fardeau.
Le chant des oiseaux est une promesse.
L’espoir se dessine parfois en quelques mots,
quelques battements d’ailes .
Le vent dans les arbres.
Un sourire d’enfant.
Eric :
S'essuyer la bouche
du jus des fraises.
Inspirer fort jusqu'à
la douleur.
Dimanche 27 Avril 2003
Nebo :
Une pluie bienfaitrice exalte le Printemps.
Danse O Vie, malgré moi.
Adieu ? Déjà ? A quoi bon ?
Non, tout se transforme.
Ahurissant. Tourbillon d’énergies.
Rose. Lotus.
Eric :
Chenille née d'hier.
Elle se tortille
dans le creux de ma main.
Lundi 28 Avril 2003
Nebo :
Le scribe a mal aux doigts.
Il ne sait plus où donner de la plume.
Tout semble inaccessible.
Eric :
Et pourtant,
la mine tenue au-dessus de la feuille,
le roman continue de s'écrire.
Mardi 29 Avril 2003
Nebo :
Seul. Triste.
Feuille d’arbre
sur le point de succomber.
Le moindre souffle de vent
m’arrachera à ce rêve lugubre.
Eric :
Mes yeux se sont bridés
quand le soleil est apparu
au dessus du lac.
Mercredi 30 Avril 2003
Nebo :
Parfois ce sentiment étrange
d’être Quasimodo endormi
sous la voûte d’une cloche de Notre Dame.
Eric :
Les colombes viennent picorer
sur mon pardessus
de souffrance.
Jeudi 1er Mai 2003
Nebo :
Je porte ce fardeau funeste
comme une nécessité,
car, quoi qu’on en dise,
ce fardeau est le mien.
Du jour de ma naissance
à cet instant
je l’ai poli sans cesse.
Eric :
Comme chaque matin,
je débarrasse la table
de ses miettes.
Vendredi 2 Mai 2003
Nebo :
Je hais
Tu hais
Il hait
Nous haïssons
Vous haïssez
Ils haïssent
Conjugaison commune.
Eric :
Brûlure matinale du coup de règle
sur mes doigts d'écolier.
Larmes sur ma blouse.
Samedi 3 Mai 2003
Nebo :
Si ce monde implose au printemps,
les arbres auront reverdi,
les oiseaux seront en route,
les fleurs en pleine copulation.
Eric :
Le papillon s'exerce au vol
par vent défavorable,
sans un mot.
Dimanche 4 Mai 2003
Nebo :
Mal aux jambes,
du plomb dans les veines.
Mes soucis s’en moquent.
Eric :
Le long des cernes,
à livre ouvert :
ma vérité.
Lundi 5 Mai 2003
Nebo :
Nous nous retrouvons
après 19 années de séparation.
Etrange songe.
Eric :
Son visage se trouble,
comme la surface du lac
quand il reçoit une pierre.
Mardi 6 Mai 2003
Nebo :
Ce sentiment dans les yeux,
clairement lisible,
d’être passé à côté de quelque chose d’essentiel.
Eric :
Deux larges mains
prêtes à tomber
en cendres.
Mercredi 7 Mai 2003
Nebo :
Oui, je retourne à moi-même.
Mon encre est mon sang.
Je ne peux rien dire d’autre.
Eric :
Encore d’autres énigmes
derrière celles de Dieu
et de l’Univers.
Jeudi 8 Mai 2003
Nebo :
Le cœur bat vite, mais sans extase.
Les corridors internes
cachent leurs lots de pièges à pics.
Eric :
Barbe de sept jours
et yeux gonflés
au réveil.
Eric :
Sur un cheveu prélevé
du crâne d'Adolf Hitler
se déploient les délices.
Le son du luth. Miel et Lavande.
Orangeraies de la Terre Promise.
Nebo :
Une fourmi, sur le chemin,
porte une galaxie
au bout de ses antennes.
La fumée du haschisch
est une nébuleuse d'étoiles.
Vendredi 9 Mai 2003
Nebo :
C’est dans ma solitude
que les fleurs, le ciel, la mer,
s’ouvriront.
Eric :
Les bras en croix,
j'attends d'être fécondé
par le vent.
Samedi 10 Mai 2003
Nebo :
Je voudrais aller,
tel Thorgal ou Blueberry,
à la rencontre du monde.
Eric :
Une patrouille de fourmis
remonte sans peur
du fin fond de ma poche.
Dimanche 11 Mai 2003
Nebo :
Ah si le ciel pouvait descendre sur moi,
tout aurait la couleur d’une verdure fraîche,
mon âme compris.
Eric :
Une paire d'épaules
beaucoup plus sages
que moi.
Lundi 12 Mai 2003
Nebo :
L’eau fraîche matinale.
Les vêtements propres.
Bougies parfumées et encens.
Thé vert. Miel à la gelée Royale.
Kiwis. Ginseng.
Dehors : Soleil.
La plume m’attend
dans son encre écarlate.
Les fantômes ricanent.
Eric :
Que me réserve aujourd'hui
l'intérieur du miroir ?
Il accumule dans le désordre,
et restitue en bonne forme
l'épreuve du jour.
Mardi 13 Mai 2003
Nebo :
Stéphanie en lévitation
au-dessus du vide.
J’imagine la lumière blanche
De l’hôpital l’accueillir.
Ange brisé. Flamme éteinte.
Un tison résiste.
Peut-on sonder la douleur ?
Eric :
Vent dans les rideaux.
Une prière dite à voix haute
et la chair qui frissonne.
Mercredi 14 Mai 2003
Nebo :
L’anorexie a dressé son sceptre,
menace suspendue dessus ta couronne.
Tu refuses la nourriture,
solide ou éthérée,
refuses la force, la transformation.
Prend-toi pour Camille Claudel,
en ton néfaste syndrome,
même les vers ne voudront pas de toi.
Eric :
Ma valise est bouclée : je pars.
A l'intérieur
juste une paire de clefs.
Jeudi 15 mai 2003
Nebo :
Ode à tout.
Brin de lumière.
Souvenirs presque absents.
ICI !
Ici une trame se déroule
et je lui dis « oui ».
Eric :
Sous le couvercle,
j’imagine la pluie
à ses gouttes.
Vendredi 16 Mai 2003
Nebo :
La mue. Une carapace nouvelle.
L’ancienne est éparse.
La nouvelle n’interdira pas l’amour.
Je dis ces choses, en cet instant,
les mots tombent comme des bonbons de miel
hors de ma bouche.
Eric :
La sensation du pantalon neuf,
hélas, de trop courte durée.
Ensuite, ne jamais oublier ses jambes.
Samedi 17 Mai 2003
Nebo :
Atteindre la fraction de seconde
qui se suspend, presque hors d’atteinte,
justement, et révèle, toujours,
deux ou trois choses essentielles.
Eric :
Au bout du souffle,
avant l'inspir :
pas de corde a saisir !
Dimanche 18 Mai 2003
Nebo :
La souffrance se refuse
à me lâcher la grappe :
elle sert bien fort
mes couilles entre ses dents.
Eric :
Un oeil regarde à gauche,
un oeil regarde à droite,
et on avale sa salive.
Lundi 19 Mai 2003
Nebo :
Je t’ai baptisé « lumineuse »,
o la belle affaire !
Tu n’es, désormais,
que ténèbres et marécages.
Contre quoi me battre ?
Qui affronter ?
Eric :
Vivre comme on boit
un verre d'eau.
Liquides en suspension
provisoire.
Mardi 20 Mai 2003
Nebo :
David Bohm rencontre Spinoza.
Ils boivent le thé,
échangent leurs calculs.
L’intuition exulte.
Eric :
Albert Cohen rencontre Albert Cossery.
Ouzo, olives et pistaches,
le rire est gras :
la solution du monde !
Nebo :
David Bohm rencontre Albert Cossery.
Antoine Blondin picole au comptoir,
les observant d'un oeil espiègle.
Le monde est gras:
la solution? Le rire.
Eric :
Mes côtes me font mal,
ma bite me fait mal,
joyeuse rançon du rire
et de la baise !
Mercredi 21 Mai 2003
Nebo :
David Bohm formule
une prière sans le savoir.
L’Infini danse
une danse infinie.
Eric :
Je nettoie mon oeil,
nettoie l'œil
de l'Univers.
Jeudi 22 Mai 2003
Nebo :
Lumineuse,
Je ne puis rien faire
pour te tirer de là,
puisque tu rejettes
le moindre sourire,
le plus petit geste.
Le vent, les oiseaux, les arbres
me le confirment.
Eric :
Avec un bâton.
dans le sable
de mon arrière-cour ;
je trace ton nom.
Vendredi 23 Mai 2003
Nebo :
Si les univers sont multiples
tout en étant UN,
le Savoir est difficile à étreindre.
Qui saura lire les parchemins
au tabernacle déroulés ?
Eric :
Ma plume s'est brisée,
reste une tache,
une révélation.
Samedi 24 Mai 2003
Nebo :
Le temps joue contre moi,
m’en dissuader est inutile.
Même la rose épanouie
finit par laisser tomber
ses pétales écarlates.
Eric :
Je suis seul.
Avec ma sueur
et mes yeux fous.
Dimanche 25 Mai 2003
Nebo :
Avec mes bras fatigués
je t’ai aimée.
Ta chair chaude a abîmé
ma poitrine de marbre.
Me restent l’encre et les larmes,
et les mots taris pour TE dire.
Eric :
Je recompose ta formule
comme un alchimiste
en sursis.
Lundi 26 Mai 2003
Nebo :
Soudain, au détour d’une page,
le soleil devient plus lourd.
La trame devient plus exigeante.
Ecrire devient un soupir…
Eric :
Ici : Un labyrinthe
de couloirs rétrécis
où les murs retiennent leur souffle.
Mardi 27 Mai 2003
Nebo :
Bipède à station verticale.
Sur-singe à peine évolué.
Œillères idéologiques bigarrées.
Et dire que la vision de la réalité
dépend de ta triste volonté !
Eric :
Un tintamarre de percussions,
fer blanc et poubelles,
prend possession des rues.
Mercredi 28 Mai 2003
Nebo :
Je suis toujours l’enfant
des 1000 et 1 sortilèges.
Haschisch ou pas
mon rire fou l’atteste.
Les oiseaux en plein vol me sourient.
Eric :
Marchant encore de-ci, de-la.
Un jour viendra où mon pardessus
prendra lui-seul les décisions.
Jeudi 29 Mai 2003
Nebo :
Imperturbable. De plus en plus.
Les choses ne m’atteignent plus
que dans une juste mesure.
Eric :
Qu'as-tu à me dire
homme aux larmes chaudes ?
Que puis-je faire pour toi ?
Juste anticiper ta venue,
être moi : de glace.
Avant d'être toi !
Vendredi 30 Mai 2003
Nebo :
Sombres pensées qui m’assiègent,
votre Saillie est un calvaire,
un triste viol.
Abysses emblématiques
qui m’anéantissent
avant de me couronner.
Eric :
Le guerrier nu avait un discours
destiné à la foule.
Sa grimace s'est changé en sourire.
Du sommet de son pilier, il n'est pas d'horizon
qui échappe a son regard.
Il se changera en statue, c'est décidé.
Epaules offertes à la pluie, aux rayons brûlants du soleil,
à toutes les intempéries possibles et imaginables,
sans oublier la suprême bénédiction :
la merde des pigeons.
Samedi 31 Mai 2003
Nebo :
L’empreinte que votre peau
me laissa, mademoiselle,
est une peinture antique
en train de se fissurer
sous une poussière volcanique.
Eric :
Mes yeux sont grand ouverts.
Une pression comparable
à la chute d'eau,
diffère la Grande Respiration.
Dimanche 1er Juin 2003
Nebo :
Le ciel bleu,
transpercé de Soleil,
porte, en suspension,
tous nos rires,
toutes nos larmes.
Eric :
Cavalcades dans le jardin d'enfant.
Grincements des balançoires.
Rien ne se rattrapera.
Lundi 2 Juin 2003
Nebo :
Mes bras étaient prêts à l’étreinte,
mes lèvres parées aux embrassades.
De l’encens brûlait.
Elle n’est pas venue.
Eric :
J'éloignais d'un revers de main
un de mes cils
tombé sur la table.
Mardi 3 Juin 2003
Nebo :
Seul à l’aube pâle.
Il fait chaud.
Le Volcan est en sommeil.
L’été approche .
Eric :
Voici le temps des bénédictions :
le temps où l’on sait
qu’il n’y a pas eu d’avant,
qu’il n’y aura pas d’après.
Mercredi 4 Juin 2003
Nebo :
Viendra un temps
où je ne croiserai plus
mes vieux amis
qu’aux obsèques
d’autres amis.
Eric :
Il y aura encore :
un gravillon dans ma chaussure
et quelques moineaux
dans les arbres.
Jeudi 5 Juin 2003
Nebo :
Au téléphone
ta voix a la fragilité
d’une feuille en automne.
Eric :
Mes lèvres sont immenses.
Elles commandent le tonnerre ;
commandent la marée.
Vendredi 6 Juin 2003
Nebo :
J’ai rêvé d’une odeur
de champs de blé
au Royaume de mon enfance.
Le goût du pain
malaxé par ma grand-mère
est encore là, dans ma bouche.
Eric :
Longues tiges de bambous
fouettant les amandiers.
Les garnements ramassent
leur butin.
Samedi 7 Juin 2003
Nebo :
Sans trop de mouvements,
ni trop de bruits,
tu déformais ton ombre
en m’ouvrant tes bras.
Eric :
Les portes se sont ouvertes :
chuchotements, connivences ;
air frais sur la sueur
des amants.
Dimanche 8 Juin 2003
Nebo :
Ce sentiment d’être
une énigme
sans réponse.
Eric :
Juste un point posé
au centre de l'Univers,
l'Univers dans ce point.
Lundi 9 Juin 2003
Nebo :
Je suis otage
de ce souffle
qui m’emprisonne
sur cette terre.
M’en libérer
est un long chemin
guerrier.
Eric :
S'affranchir un a un
des éléments de la cuirasse.
Revenir au monde.
Indestructible.
Mardi 10 Juin 2003
Nebo :
Hurlements dans la rue :
de jeunes blacks/beurs
courent vers le marché couvert.
Un ciel de plomb tout domine.
Voitures de police lentes
et sans sirènes.
Eric :
Sous le container
des larmes.
Mon pied tape un rythme
encore plus lent :
un blues encrassé.
Mercredi 11 Juin 2003
Nebo :
Notre Amour fut
Or et Braise.
A présent il n’est plus
que Plomb et Cendres.
Eric :
Place aux éboueurs
les résidus d'histoire,
ils n'en ont cure !
Jeudi 12 Juin 2003
Nebo :
Le loup en moi
est en fuite.
Toujours à guetter
sa pitance.
Mais quelle pitance ?
Eric :
En attendant,
la musique des dents
sur l'écuelle vide.
Vendredi 13 Juin 2003
Nebo :
Dire l’essentiel
en deux phrases
est une impossible
mission.
Seules quelques
saisies éphémères
se déploient
dans la corolle de la Rose.
Eric :
Sécheresse du bâton
dans la main calleuse.
Graviers sur le sentier.
Samedi 14 Juin 2003
Nebo :
Le Sauternes est frappé.
L’andouillette a un goût de merde,
mais c’est bon.
Nous faisons ripailles,
à deux doigts de réinventer
le monde.
Eric :
Elévation.
Comme une bulle de savon
prête à crever.
Dimanche 15 Juin 2003
Nebo :
Les notes sont des bombes.
Le son un commandement.
La guitare un Sabre quantique.
Devant moi les probabilités se déploient.
Eric :
La chair et les os,
les étoiles,
un tableau.
Lundi 16 Juin 2003
Nebo :
Happé par mon vide,
en une néfaste valse
je m’abandonne.
Eric :
Je m'essouffle,
me vide,
insaisissable.
Mardi 17 Juin 2003
Nebo :
L’Irlandaise m’oblige
aux orgues et aux violons.
Elle a la tête dure
et sait ce qu’elle veut.
Se plier à ses exigences
est un devoir Sacré…
Eric :
Baiser rouge
au bas de la robe.
Parfum de renaissance,
de reconnaissance.
Mercredi 18 Juin 2003
Nebo :
Mes empreintes digitales,
(ou peut-être sont-ce les tiennes ?)
imprimées
par le contact des frites grasses
sur ce poème, jadis
lu ensemble, à deux voix.
Eric :
Dehors le tonnerre
frappe contre les vitres,
fait vibrer les verres
Jeudi 19 Juin 2003
Nebo :
Revivre ces extases morbides.
Retraverser le Styx et l’Achéron.
Et l’écrire avec grâce.
Eric :
Les doigts devenus secs,
les cheveux fatigues,
et la vue qui s'aiguise
Vendredi 20 Juin 2003
Nebo :
La même chienne à trois pattes
court, un bâton à la gueule,
vers l’inéluctable terminaison.
Et elle joue.
Eric :
Les mains au fond des poches
qu'on m'enterre sans rien toucher.
Les mains au fond des poches
Samedi 21 Juin 2003
Nebo :
Ecrire, d’une imaginaire flamme,
la question,
avec délice,
sur mon plexus solaire.
Eric :
Par les rues sombres,
tête nue sous la pluie :
les illusions partent
dans le caniveau.
Dimanche 22 Juin 2003
Nebo :
Le thé vert matinal
me lave de l’intérieur.
Lâchant prise totalement,
l’écriture me guide.
M’affrontant au Verbe,
celui-ci m’emporte.
Eric :
La tête remplie de coton,
dans une carcasse de fer
je m'envole vers l'Ouest.
Nebo :
A l’Ouest, quoi de neuf ?
Hollywood scintille ?
Les strass sur les paillettes
se font passer pour des fées ?
Ici, probablement, une jeune fille rêve
d’atteindre le trône , quelque part
dans une chambre de bonne
tapissée de Marilyn…
Sourire perlé de larmes…
Eric :
A Venice Beach
on danse pour la paix.
mon crâne est prêt
à exploser.
(À suivre...)
(À Suivre...)
10:05 Publié dans Musique : Rêve Vénitien... | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : venice, haïkus, poésie, nebo, eric james, rock, musique | |
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07/03/2007
Messages Transatlantiques -I-
=--=Publié dans la Catégorie "Musique : Rêve Vénitien..."=--=
En Guise d'Introduction
Il convient de préciser quelques petites choses en guise d’Ouverture, avant que la lecture de notre Fantaisie ne débute.
En Mai 1991, perdu dans la banalité d’une vie à la petite semaine, je plaquais mon emploi de vendeur à Conforama. Téléviseurs, magnétoscopes, chaînes hi-fi, caméscopes, machines à laver ou à sécher le linge, cuisinières, réfrigérateurs, congélateurs, plaques chauffantes, fours encastrables et fours micro-ondes. Je vendais depuis 4 ans du bonheur propre et clinique. Cheveux courts. Costard-cravate. Chaque matin rasé de près. Pas de boucle d’Oreille. Je me devais d’afficher une convivialité rassurante derrière une stratégie de requin souriant, afin de subvenir aux besoins de ma famille. « C’est un bon jour si l’on meurt, bon appétit aux tueurs » ne chantait pas encore Eric. Et je gagnais ma vie avec difficulté. C’est qu’enculer mon prochain n’a jamais été dans mes cordes. Dans ce milieu d’une affligeante platitude, je passais pour une sorte d’Alien, survolant la surface de vente tel un Ovni en pilotage automatique, de 10h à 19h30.9h30/19h30, le Samedi. Nocturnes occasionnelles en fin d’année et durant les Soldes. 700 francs de fixe brut + un pourcentage sur mes ventes. Il faut bien gagner sa pitance ma brave dame, sa triste pitance mon bon monsieur. Le meilleur vendeur s’en tirait avec 15 000 ou 16 000 francs par mois hors la saison de fin d’année. Moi je survivais entre 4500 et 8000/9000 francs gagnés sans grand éclat. Selon les mois. Et malheur à moi si je loupais un week-end ! Car c’est durant le week-end qu’un vendeur à Conforama se fait son salaire. Je rentrais chez moi lessivé. Éteint. Mort-vivant. Vidé. Pour survivre dans ce vaste Néant je lisais et relisais Nietzsche et, la nuit, j’écrivais de curieuses Stances métaphysiques dans le Sanctuaire Secret de ma Chambre. Quand je n’écrivais pas, le casque rivé sur les oreilles, j’enregistrais des chansons aux sonorités apocalyptiques et néfastes sur mon Fostex 8 pistes sans aucun projet déterminé en tête. J’avais, alors, épuisé les possibilités de rejoindre un groupe sérieux sur ma région, à Massy dans l’Essonne. Depuis 1980 j’avais participé à un paquet de groupes,du plus mauvais au plus tenace. Entre les musiciens se prenant pour Keith Richards ou Yngwie Malmsteen dés qu’ils connaissaient trois accords basiques et deux descentes de manche, et ceux inspirés par les substances illicites au point de louper les répétitions ou de se planter sans arrêt sur les parties délicates durant les concerts, j’avais donné à ces diverses farces mon temps, mon énergie plus que de raison et ruiné, en partie, la qualité de mon désir à l’égard de la musique. Je perdais patience. Le Rock and Roll avait-il donc mal vieilli ? Je passais alors une annonce dans divers magazines « guitaristiques » et, démissionnaire de Conforama, je tirais des plans sur la comète. J’écoutais mes cheveux pousser.
Je reçu une dizaine de coups de téléphone. Déception sur déception. Par désespoir, j’imaginais un ramassis de rockers hexagonaux aux dents cassées, à l’haleine fétide sentant la « 1664 » et aux slips jaunes devant, marrons derrière et, probablement, verts dans le fond. Les propos échangés me laissèrent muet. Mes idoles mortes devaient se retourner dans leurs tombes. Mes idoles vivantes, elles, traçaient leur route dans une joie pure sans même prêter attention à ces sinistres usurpateurs.
Les uns rêvaient déjà d’être en haut de l’affiche (et répétaient une ou deux fois par semaine… mais surtout pas le week-end), les autres voulaient à tout prix ressembler à des émules de la Mano Negra ou des Garçons Bouchers. Je ne méprisais pas ces groupes, mais ni leur esthétique, ni leurs propos pseudo-politiques ne me convenaient. Noir Désir trouvait grâce à mes yeux et, surtout, à mes oreilles, mais je ne voulais en rien marcher sur les pas de la bande à Bertrand Cantat. Je n’avais plus 18 ans. J’approchais de mes 26 ans et, à cet age, la trentaine se profile déjà à l’horizon pour ceux ou celles qui ont brûlé une partie de leurs cartouches durant leur adolescence. J’étais de ceux-là.
C’est alors que la voix timide et frêle d’Eric James m’appela aussi. D’emblée le contact fut d’une tout autre nature. Nous parlâmes de U2, des Doors, de REM, de Led Zeppelin, des Clash, de Bruce Springsteen, mais aussi de Friedrich Nietzsche, de Mystique Juive, de Taoïsme, de Soufisme, de Jack Kerouac, de Goethe. Il me fallait rencontrer ce mec. La proposition initiale, de rentrer au sein de son groupe, The Sentinels, ne me séduisit pas immédiatement, et ce malgré le fait que le groupe venait de sortir un album chez Musidisc, produit par Little Bob (« Face of Desire »). Mais la Volonté tenace d’Eric pour faire peau neuve et orienter ses Sentinels vers de nouvelles sonorités et un nouveau nom eut raison de mes retranchements. Un nouveau groupe allait prendre forme et j’allais être de la partie. C’est ainsi, qu’après plusieurs contacts téléphoniques et épistolaires nous finîmes par nous rencontrer en Septembre 1991 et le groupe Venice naquit des cendres fumantes des Sentinels.
Dés lors commença une aventure dont je ne regrette que peu de choses aujourd’hui si je daigne, dans les instants de Nostalgie, regarder en arrière. Le chemin parcouru. Les chansons écrites dans la fièvre. Les disputes. Les périodes de vaches maigres. Les conflits quant aux stratégies à adopter pour assurer la pérennité de notre formation. Les Victoires. Les putains d’échecs. Curieusement, les fous rires mis à part (et ils furent nombreux) et une poignée de concerts vraiment mémorables sur quelques centaines, ce que je retiens de notre Odyssée… et bien ce sont surtout les échanges que j’ai pu avoir avec Eric. Une réelle Fraternité Intellectuelle s’est instaurée entre nous malgré bien des points de désaccords qu’il me serait trop délicat et ardu d’expliquer ici en quelques phrases. Avec le temps, une complicité évidente a vu le jour.
Après bien des déboires, que nous rêvons d’écrire un jour, Eric et moi, à deux voix (à deux voies ?), notre groupe ne parvenant pas à se séparer, nous le mîmes en « dormition »… Oui ! Tel le Roi Arthur au fond de son Lac.
Eric à New York, en quête de lui-même, Franck, Fred et moi-même en France à se demander ce qu’on pouvait faire de toute cette longue histoire de plus de 10 ans. Nous étions en 2002. Quelques mois auparavant le World Trade Center venait d’imploser sur lui-même, signant par là notre entrée fracassante dans le 21ème Siècle. Sang, Chair et poussière. Offrandes Sataniques. Meurtres de l’innocence. Accélération générale. Affres et faux espoirs. Prières de l’Underground. Bien en dessous du « Ground Zero ». Et bien au-dessus de tout ce fatras putride.
Venice ? Grand Silence. Le reptile se rétracte avant l’attaque. Patience fantôme dans l’Azur.
En Janvier/Février 2003 la machine se lance. Fred et Franck enregistrent, seuls, comme des grands, la Batterie et les Basses basiques de dix titres à peine achevés, tous frais, tout juste sortis de la Matrice. Composés durant l’année 2000/2001, juste avant le départ d’Eric pour les USA. Squelettes élastiques. Structures définies. Mais suites d’accords hésitants. Juste 4 textes écris. Lignes de chants grommelées en « Yahourt ». Absence de climats. Atmosphère tout juste respirable. Aucune couleur précise. Juste la pulse rythmique. Le battement de l’Être non encore révélé. Probables. Possibles. « Deviens ce que tu es ».
Les enregistrements se font chez Fred. Locataire d’une maison, il vide une petite pièce qui lui sert habituellement de bureau, Home Studio, lieu de réunion du groupe. Et là, en ce lieu exigu, Franck et Fred couchent sur le disque dur de la Workstation Roland VS-1880, l’assise de nos chansons.
Le Samedi 15 Février 2003, Fred et Franck débarquent chez moi, à Massy, et installent dans ma pièce musicale, dans l’appartement du HLM qui nous abrite, moi et ma famille, le VS-1880 pour que j’y couche mes guitares. Configuration numérique. In. Out. Câblages. Explications. Mises en gardes. J’écris dans mon « Journal », à cette date :
« J’écoute Fred attentivement. Je prends des notes. J’évite de lui montrer trop que la panique couve à l’intérieur.
Je me sens éloigné de tout en vérité. De Venice…de la guitare…de la musique… de moi-même. »
Au sortir d’une grosse crise existentielle, j’affronte, à ce moment précis, mes inquiétudes déchaînées, mes ancêtres, mes revenants, mes tortures, ma clameur vivante aussi. Le Passé de mes naissances. L’Avenir de ma Mort certaine. Palpitations Cardiaques combattues à coup d’Homéopathie et de séances d’Acupunture. C’est dans cet état d’esprit que j’attaque l’enregistrement progressif de mes guitares. Jaillissements des couleurs. Climats appropriés. Architecture sonore. Sculpture de l’ouï. Saturations. Flanger. Chorus. Auto-Wha et Wha Wha souffrantes. Delays shootés sous pédale Whammy. Coups de Vibratos et nappes auditives. Accents et rebonds. Bootleneck d’un bayou cosmique et slide mélodique. Les guitares, sur le morceau qui deviendra (le texte une fois terminé) « At the First Time », ont été enregistrées 2 ans auparavant. J’en suis satisfait et je prends la décision de les garder. Les 9 autres chansons s’accouchent dans le calvaire.
Pendant l’enregistrement, je traverse une période professionnelle difficile. Ma grand-mère Maternelle, à laquelle je suis très attaché, a un Accident Vasculaire Cérébral qui lui paralyse tout son côté gauche. Le col du fémur cassé, elle est déjà porteuse d’un Pacemaker. Semaines de souffrance. Incertitudes. Opération Impossible.
Le père d’Eric, vivant au Maroc, meurt.
Voiles noirs et moissons mortuaires.
Je m’intéresse à la Physique Quantique.
Je fais un voyage éclair de 6 jours en Serbie pour retrouver mon père que je n’avais pas vu depuis 1977 et que tout le monde croyait mort suite aux évènements qui ont ébranlé les Balkans durant les années 90.
La lumière de l’île de Ré m’éblouie, aussi.
Je suis un damné cherchant la Sortie hors de l’Enfer. Et, entre deux aspiration-expirations, je cherche l’inspiration et, inlassablement, mais la peur nouée au ventre… j’enregistre.
Au bout de quelques mois, nous transférons à nouveau le VS-1880 chez Fred où nous finalisons les enregistrements. Nous composons deux titres supplémentaires. « Cyborg » et l’instrumental « Netzach ».
Le Samedi 6 Mars 2004, je pouvais écrire, soulagé :
« La guitare a définitivement
planté ses lames dans les cibles choisies.
les chansons l’affirment.
Je suis VIVANT.
Son des cloches
sur la Place Saint-Marc. »
C’est à ce moment précis que Fred élabore les touches finales de l’habillage prêt à accueillir la Voix d’Eric pour que le Corps s’Incarne. Boucles électroniques en métastases de Vie sur un fond noir et lugubre. Cancer général Inversé. Les textes d’Eric éclaireraient ce curieux Phénomène dont nous parachevions l’assemblage.
Durant tout ce temps alors que nous œuvrions à notre Art, Eric, exilé à New York, demeurait difficilement en contact avec nous. Un mal-être foudroyant le faisait divaguer d’îlot de perdition en îlot de foi. Les textes n’étaient pas écrits. Ses e-mails faisaient peur puis, habilement, aménageaient une ouverture éclairante.
C’est qu’Eric était en guerre, tout autant que nous. Mais selon d’autres bifurcations, d’autres codes, d’autres stratégies.
Le 15 Mars 2003, alors que j’attaquais tout juste l’enregistrement de mes guitares sur notre nouveau projet, nous prenions la décision folle et impétueuse d’échanger quotidiennement, Eric et moi, via messagerie, de courtes pensées, sentences joyeuses ou cyniques, états d’âmes, haïkus bâtards, propos malhonnêtes et prières désespérées, selon un principe simple : l’un envoie le diapason, l’autre rebondit spontanément. Il ne s’agissait pas de forcément privilégier l’INSTANT. Parfois de Lointaines expériences Psychédéliques ont refait surface et influencé certaines de mes pulsions écrites. C’est que, sur ce plan, nous nous sommes calmés. Trois membres du groupe sur quatre sont de laborieux pères de familles.
Généralement limités à un aller-retour, certains jours un peu plus fervents ont donné lieu à des échanges doublés ou triplés.
En fait : carte blanche. Pas de règles. Liberté de dire. Liberté d’écrire. Liberté d’accueillir le Jaillissement.
Au cours de ces échanges nous avons, Eric et moi, continué à porter l’étendard du groupe. En fiers Vénitiens d’une Virtualité Incarnée. Paradoxe de l’Internet. Nous nous sommes nourris mutuellement de ces Stances verbales déstructurées tout en luttant côte à côte, par ce contact, pour préserver un espoir, une perspective pour Venice. En arrière fond se déroulaient tous ces drames que j’évoquais plus haut.
Ainsi, du 15 Mars 2003 au 15 Mars 2004, nous échangeâmes nos errances en ce bas-monde.
Durant l’été 2004, de passage par la France, Eric (acculé au mur) écrit les 7 textes restants du projet et enregistre ses 12 chants sur un ensemble de 13 morceaux dont un instrumental. L’ensemble en seulement 6 jours. Une vieille chanson du groupe, « Le Vin de mes Pères », sortie d’un tiroir et dépoussiérée est mise en orbite électro par Fred. La Voix d’Eric se pose dessus comme une incantation très ancienne, revisitée.
J’aime à croire, secrètement, que notre échange poético-épistolaire lui aura servi de mise en forme, de préparation Verbale et, peut-être, de restructuration de son inconscient pour ce qui allait être son exploit à lui au sein de cette aventure : écrire les textes manquants et enregistrer tous ses chants en seulement 6 jours… le couteau sous la gorge. Danse dessus le gouffre et instinct de survie. Mais tout cela transcendé.
En les écrivant nous n’avons eu, à aucun moment, la moindre prétention littéraire quelconque. C’est pour cette raison aussi que je considère, quant à moi, ces extravagances comme une simple fantaisie. Une amusante Catharsis.
Nous vous les livrons ici humblement.
Nebojsa CIRIC (Mars 2004)
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Messages Trans-Atlantiques plus quelque chose entre parenthèses… (La Queue entre les jambes)
Par Eric James et Nebojsa Ciric
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Samedi 15 Mars 2003
Eric :
Des rangées d'hommes fatigués
offrant leur dos
à la bastonnade.
Nebo :
De l'autre côté du miroir,
le guetteur sait la dernière heure.
Il est minuit moins deux sous l'œil de Dieu.
Dimanche16 Mars 2003
Nebo :
Demain mille espoirs se dissolvent,
de ces rêves paisibles qui font tourner le monde.
Surgiront du charnier l'Être et la bête,
l’eau matinale sur mon visage le clame,
chaque rayon de lumière l'atteste.
Eric :
L'estomac gargouille.
Est-ce donc le ver de la faim ?
Mes lèvres sont sèches.
Lundi 17 Mars 2003
Nebo :
Le Mal-Être surgit à l'aube,
il a ses raisons
dévastatrices pour apprendre.
Eric :
A travers l'océan des larmes,
mes yeux cherchent
le reste de mon corps.
Mardi 18 Mars 2003
Nebo :
Loin de ma Patrie éteinte,
je suis en exil.
Ma plainte consumerait un astre.
Eric :
Ma tête passée au rouleau,
sous la vague,
finira de sécher sur le sable.
Mercredi 19 Mars 2003
Nebo:
La toilette sobre matinale
dévoile la voie oblique.
L'écriture clame et nettoie.
Eric :
Dehors, le soleil
peut être touché
du doigt.
(À Suivre...)
18:45 Publié dans Musique : Rêve Vénitien... | Lien permanent | Commentaires (6) | |
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04/03/2007
La nouvelle tyrannie, vue par Tocqueville
=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=
"Je pense donc que l'espèce d'oppression dont les peuples démocratiques sont menacés ne ressemblera à rien de ce qui l'a précédée dans le monde; nos contemporains ne sauraient en trouver l'image dans leurs souvenirs.
Je cherche en vain moi-même une expression qui reproduise, exactement l'idée que je m'en forme et la renferme , les anciens mots de despotisme et de tyrannie ne conviennent point. La chose est nouvelle, il faut donc tâcher de la définir, puisque je ne peux la nommer.
Je veux imaginer sous quels traits nouveaux le despotisme pourrait se produire dans le monde: je vois une foule innombrable d'hommes semblables et égaux qui tournent sans repos sur eux-mêmes pour se procurer de petits et vulgaires plaisirs, dont ils emplissent leur âme. Chacun d'eux, retiré à l'écart, est comme étranger à la destinée de tous les autres : ses enfants et ses amis particuliers forment pour lui toute l'espèce humaine; quant au demeurant de ses concitoyens, il est à côté d'eux, mais il ne les voit pas; il les touche et ne les sent point , il n'existe qu'en lui-même et pour lui seul, et, s'il lui reste encore une famille, on peut dire du moins qu'il n'a plus de patrie.
Au-dessus de ceux-là s'élève un pouvoir immense et tutélaire, qui se charge seul d'assurer leur jouissance et de veiller sur leur sort. Il est absolu, détaillé, régulier, prévoyant et doux. Il ressemblerait à la puissance paternelle si, comme elle, il avait pour objet de préparer les hommes à l'âge viril; mais il ne cherche au contraire, qu'à les fixer irrévocablement dans l'enfance; il aime que les citoyens se réjouissent, pourvu qu'ils ne songent qu'à se réjouir. Il travaille volontiers à leur bonheur, mais il veut en être l'unique agent et le seul arbitre; il pourvoit à leur sécurité, prévoit et assure leurs besoins, facilite leurs plaisirs, conduit leurs principales affaires, dirige leur industrie, règle leurs successions, divise leurs héritages ; que ne peut-il leur ôter entièrement le trouble de penser et la peine de vivre ?
C'est ainsi que tous les jours il rend moins utile et plus rare l'emploi du libre arbitre; qu'il renferme l'action de la volonté dans un plus petit espace, et dérobe peu à peu chaque citoyen jusqu'à l'usage de lui-même. L'égalité a préparé les hommes à toutes ces choses : elle les a disposés à les souffrir et souvent même à les regarder comme un bienfait. Après avoir pris ainsi tour à tour dans ses puissantes mains chaque individu, et l'avoir pétri à sa guise, le souverain étend ses bras sur la société tout entière; il en couvre la surface d'un réseau de petites règles compliquées, minutieuses et uniformes, à travers lesquelles les esprits les plus originaux et les âmes les plus vigoureuses ne sauraient se faire jour pour dépasser la foule; il ne brise pas les volontés, mais il les amollit, les plie et les dirige, il force rarement d'agir, mais il s'oppose sans cesse à ce qu'on agisse; il ne détruit point, il empêche de naître; il ne tyrannise point, il gêne, il comprime, il énerve, il éteint, il hébète, et il réduit enfin chaque nation à n'être plus qu'un troupeau d'animaux timides et industrieux, dont le gouvernement est le berger.
J'ai toujours cru que cette sorte de servitude, réglée, douce et paisible, dont je viens de faire le tableau, pourrait se combiner mieux qu'on ne l'imagine avec quelques-unes des formes extérieures de la liberté, et qu'il ne lui serait pas impossible de s'établir à l'ombre même de la souveraineté du peuple."
Alexis de Tocqueville, De la Démocratie en Amérique
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25/02/2007
La fin d'un rêve Vénitien...
La discrétion qui est la mienne ces derniers temps sur mon blog est relative à la fin d'un rêve. De septembre 1991 à début Février 2007 j'ai participé à l'élaboration d'un rêve musical au sein d'un groupe. Ce groupe est mort. Ce groupe n'est plus. VENICE n'est plus. La fin du groupe a été douloureuse. Et je n'ai pas envie de m'étendre dessus car je réserve mon énergie pour de futures escarmouches avec mes pages blanches ou avec ma guitare qui brûlera encore, j’en fais le serment. Le fauve soigne ses plaies avant la chasse à venir.
Je jette ici quelques perles d’un passé plein d’énergie et de fureur. Les guitares sont miennes. Faites-en ce que bon vous semble.
D'autres témoignages de ce parcours personnel, qui compte pour moi, viendront bientôt porter leur souffle en ce lieu...
Le Cyborg verse une larme.mp3
*Le Cyborg verse une larme (Paroles : Eric JAMES/Musique : Frédéric LAFORÊT-Nebojsa CIRIC-Franck SCHAACK-Eric JAMES)
Les marchands de Guerre s’affaiblissent
Le monde pacifié s’esquisse
Tu voyages au centre de nulle-part
Ta vie est douce mais ton cœur se fane
En Uniformes appétits qui navrent et rapetissent
Est-ce donc là ta cible ?
Est-ce donc là ta dernière cible ?
En lendemains qui précisent ton image
Ton image, ton obscure image.
Le Cyborg verse une larme
Sur la Terre lasse
Dépassant le Doute et la Peur
Il touchera à la Grâce
Avant d’être glace
Avant d’être en apesanteur
(à n’avoir pas su voir le Monde…
…Tu n’auras vécu qu’une seconde)
Marchands de Paix en portables téléphones
Saluant l’aube d’une misère en dents blanches
Si tu n’es pas de ceux qu’on appelle
Qu’on appelle. Qu’on ensorcèle
Appelle-moi je t’en prie
Le Cyborg verse une larme
Sur la Terre lasse
Dépassant le Doute et la Peur
Il touchera à la Grâce
Avant d’être glace
Avant d’être en apesanteur
I can see the Great Eastern Sun
In the stillness of your Scorn
I’ll never let you go. Never flee from sorrow
Doubt and Fear should be found elsewhere
I’ll never let you weep and fall into the Deep
Behind your tears, behind your tears
I’ll wait ‘til love appears
Le Cyborg verse une larme
Sur la Terre lasse
Avant d’être, avant d’être
Avant d’être glace
Netzach.mp3 (Instrumental)-- (Musique : Franck SCHAACK-Nebojsa CIRIC-Frédéric LAFORÊT-Eric JAMES)
Le Rêve du Phénix.mp3
*Le rêve du Phénix (Paroles : Eric JAMES/Musique : Nebojsa CIRIC-Mourad BAALI-Franck SCHAACK-Eric JAMES)
Le Désir me cloue à son gibet
L’Espoir pire qu’un loup sur mes traces
Ca tournera court aux heures de l’éclipse
Une main tendue vers l’île froide
Un premier regard en basse altitude
Je survole nos cent mille croix
Aux heures sans nuages où je quitterais le sud
Une fée m’attend sur l’île froide
Le cri de l’Ange peut sonder mes entrailles
Au soir je lutterais d’estoc et de taille
Semi-dieux d’entre ciel et terre
J’éconduis tous vos émissaires
Certain d’être à la hauteur
Pour l’envol
« Laisse ton or au fond des villes
L’Ange d’occident te délivre
Laisse le champ libre aux tricheurs
Veille sur Elle en ce Paradis »
Ma vision n’est plus qu’ombre et mystère
A percer le froid du brouillard
Le givre se colle, il fige mes deux ailes
Je persiste droit vers le Nord
Je sais l’océan sous moi qui menace
L’incertitude vient saper mon audace
D’ici à la fin du jour
Plus question d’un demi-tour
La belle saison me rappelle en arrière
« L’or se terre au fond des villes
L’Ange d’occident se ranime
Passe ton aile sur les tricheurs
Veille sur Elle en ce Paradis »
Paix mon âme
Je retourne en son lit
Paré de larmes et si frêle
Si frêle, sous l’étreinte
Si frêle, Mari et Femme
Si clair, Soleil
Si pleine, Lune
« Laisse ton or au fond des villes
L’Ange d’occident te délivre
Passe ton aile sur les tricheurs
Veille sur Elle en ce Paradis
Sur ton nid loin des tricheurs
Laisse toi donc brûler
Et pars tranquille
En fumée »
Le désir me cloue à son gibet
Une main tendue vers l’autre moi
À M.J.
7 Seas.mp3
*7 Seas (Paroles : Eric JAMES/Musique : Nebojsa CIRIC-Eric James-Franck SCHAACK-Mourad BAALI)
The pedigrees have bought you
And sent me out of the tribe
True love’s in a sorry plight
The midnight hour now gives me such a thrill
I search on all fours two hundred days a year
The journey’s tough and gives me such a trial
Sometimes love is so inspiring
That’s why I travel the 7 seas
I cover the ground to see my babe
And I’ll cover it endlessly
Show me the way, if the pedigrees have left you alone
Show me the way, I’m puzzled and chilled to the bone
The journey’s tough and gives me to understand
That sometimes love is so despairing
Oh she cut me down, when she picked my heart
That’s why I travel the 7 seas
I cover the ground to see my babe
And I’ll cover it endlessly
(x2)
I travel the 7 seas
I cover this ground to see my babe
And I’ll cover it endlessly
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16/02/2007
Philippe Sollers, un Catholique singulier.
Je te salue, Marie
"--Avez-vous reçu une éducation religieuse ?
Philippe Sollers--Je suis issu d’une famille bourgeoise catholique de Bordeaux. Mon père était tout à fait indifférent aux problèmes religieux, mais marqué par un pessimisme très fort, contrairement à ma mère qui, elle, était catholique. Les rites de cette religion m’ont tout de suite plu. Je l’ai immédiatement vécue de manière personnelle et enveloppée de liturgie. J’aurais pu être enfant de chœur, mais j’ai suivi des cours de catéchisme qui m’ont très vite déçu. Je trouvais les discours que l’on me proposait extraordinairement plats et minimaux, ils n’étaient pas à la hauteur de mes attentes. J’étais plus à la recherche de sensations fortes que pouvait m’apporter la liturgie. Je les ai rencontrées et celles-ci ne m’ont d’ailleurs jamais quitté, elles sont encore présentes, en sourdine. Je me sens toujours en possessions de mon enfance, une enfance gorgée de perceptions et de souvenirs.
J’ai grandi dans cette atmosphère jusqu’à l’âge de 12 ans. J’ai fait ma première communion, ma communion solennelle. J’ai ensuite connu les jésuites, lors de ma scolarité, dans une grande école à Versailles. C’est un milieu qui aurait pu me convenir, mais j’ai été renvoyé au bout de la deuxième année pour lecture de livres défendus. J’ai gardé mes livres, et j’ai compris que je devais continuer seul.
--Avez-vous ensuite conservé, dans votre vie adulte, cette sensibilité à la liturgie, à l’atmosphère des églises ?
Philippe Sollers--En Italie, pas en France. Le catholicisme français me donne un sentiment de malaise, il porte quelque chose de lourd en lui, pour des raisons historiques, je pense. En revanche, dès que je suis en Italie, cette religion m’absorbe de partout. Je me sens très bien dans ce pays. Lorsque je me retrouve dans des villes comme Venise ou Rome par exemple, cela me paraît tout à fait naturel d’entrer dans une église, d’allumer un cierge et de prier. En France, c’est différent, j’ai eu quelquefois cette démarche, mais c’était uniquement pour habituer mon fils à ce genre de sensations. Je lui ai fait visiter toutes les églises de Paris, avec une préférence pour Saint-Germain l’Auxerrois ou Notre-Dame. Je tenais à ce qu’il connaisse et ressente cette atmosphère.
--Qu’est-ce qui vous touche tant dans la liturgie ?
Philippe Sollers--Si la liturgie et l’atmosphère qui règne dans les églises sont si importantes pour moi c’est que l’esthétique joue un rôle capital dans cette religion. Dans notre culture, la peinture, la sculpture, la musique sont d’origine catholique. J’ai besoin de ces révélations physiques, sensuelles, corporelles. C’est pour cette raison que les autres religions ne pourraient pas me convenir : elles n’offrent pas un tel choix esthétique. Je suis, par exemple, très content de savoir qu’un pape allemand joue du Mozart, presque chaque jour, pour se délasser.
--Vous avez beaucoup voyagé : il n’y a donc aucune autre religion ou spiritualité dont l’esthétisme vous a touché ?
Philippe Sollers--Tous les grands continents m’ont passionné, l’Inde et la Chine notamment. Le taoïsme, par exemple, m’attire par de nombreux aspects philosophiques et esthétiques. Mais il n’y a rien à faire, le catholicisme reste pour moi la voix royale. Deux événements ont accentué mon inclination vers cette religion : la naissance de mon fils, que j’ai fait baptiser de façon catholique, et l’avènement de Jean Paul II. Ce moment historique m’est apparu à l’époque comme un signe des temps considérable. J’étais à New York au moment de son élection, je revois le visage de ce jeune pape sportif apparaître sur les écrans des télévisions américaines, révélant l’existence de ce pays tellement méconnu jusqu’alors par le monde entier : la Pologne. Puis, il y eut cet épisode terrible de l’attentat place Saint-Pierre à Rome. Cet épisode extraordinairement romanesque m’a profondément ému et bouleversé. Il m’a d’ailleurs inspiré un roman, le Secret. Je suis passionné par l’histoire secrète de l’Église, ses contradictions, et surtout par la haine très étrange, très spéciale, qu’elle déclenche.
--Vous parlez d’expériences esthétiques ou de la dimension culturelle du catholicisme, mais vous considérez-vous comme croyant ?
Philippe Sollers--Il est certain que j’ai un rapport personnel à la transcendance et au sacré, mais de là à dire que je suis croyant… Je ne sais pas. Le côté « ecclésiastique » du mot ne me convient pas.
--Avez-vous connu des moments de grâce ?
Philippe Sollers--Oui, j’en ai eu et j’en ai encore constamment, mais je ne peux pas les décrire oralement. En revanche je les écris. Ce sont en général des clartés affirmatives. Je les ai surtout ressentis à travers l’expérience de la maladie. J’ai été assez souvent malade étant jeune. Vous n’avez pas d’état de grâce sans avoir une expérience assez précise de la mort à travers la maladie ou la souffrance. Si le côté sirupeux de la mystique m’échappe totalement, la négativité me paraît, elle, essentielle. Je suis un grand admirateur de Maître Eckhart. Mais aussi d’Angelus Silesius.
--Croyez-vous à l’existence d’une histoire divine qui s’écrive sans qu’on la connaisse ?
Philippe Sollers--J’ai tendance à penser qu’il y a une histoire diabolique qui est sans cesse mise en échec par des contretemps inattendus. Je ne crois pas à un Dieu tout puissant, mais à un Dieu furtif, à éclipses, qui vient quand il faut. Je suis plutôt « providentialiste ».
--Croyez-vous au destin ?
Philippe Sollers--Tout le temps, et sous des formes différentes. Je ne suis ni ennemi ni oublieux des dieux grecs par exemple, ni des déesses d’ailleurs, dont on ne parle pas assez.
--La concentration dogmatique du catholicisme, qui n’a pas fait preuve de beaucoup de tolérance envers le paganisme antique, ne vous gêne-t-elle pas ?
Philippe Sollers--Contrairement à l’opinion commune, je suis frappé par le côté inventif des dogmes. L’Immaculée Conception, par exemple, qui est un dogme très tardif (1854) me paraît parfaitement logique. Tout comme l’infaillibilité pontificale. Il en va de même pour tous les dogmes fondateurs du christianisme, comme celui de l’Incarnation. Pour moi ce sont des chefs-d’œuvre et j’adhère à tous les chefs-d’œuvre. Lorsqu’on demandait à James Joyce pourquoi il ne quittait pas le catholicisme pour le protestantisme, il répondait cette chose sublime : « Je ne vois aucune raison de quitter une absurdité cohérente pour une absurdité incohérente. »
--On vous connaît aussi comme un libertin, aimant le plaisir des sens. Vous n’êtes pas gêné par les positions de l’Église en matière de morale sexuelle ?
Philippe Sollers--Je trouve le comportement des autorités ecclésiastiques à la fois touchant et puéril. La surestimation de la question sexuelle me paraît une erreur. La sexualité n’a pas droit à un traitement si obsessionnel, ni dans son utilisation, ni dans sa récusation. Il y a des choses beaucoup plus importantes auxquelles il faut s’intéresser. Casanova vous dira : « J’ai vécu en philosophe, je meurs en chrétien. » C’est beaucoup mieux que le contraire.
Je suis un athée sexuel. Je ne suis pas dans l’illusion de croire que l’on continuerait à réciter quelque chose de religieux pour éviter l’activité sexuelle. Ce qui est intéressant, c’est que le pape Benoît XVI, dans sa première encyclique, reconnaît l’existence de l’eros et la continuité qui existe entre eros et agapé.
--Avez-vous rencontré des personnalités chrétiennes qui vous ont particulièrement marqué ?
Philippe Sollers--Mauriac, qui était catholique, m’a beaucoup intrigué. Je l’ai connu jeune, nous sommes devenus très proches, je l’ai veillé au moment de sa mort. Mais c’est ma rencontre avec Jean Paul II qui m’a laissé le souvenir le plus fort. Je lui ai apporté le livre que j’avais écrit sur la Divine Comédie. C’était en octobre 2000, et je dois avouer qu’au moment où il a mis sa main sur mon épaule, j’ai ressenti une émotion forte, un peu ce que l’on éprouve, j’imagine lorsque l’on reçoit une décoration à titre militaire.
--Est-il possible qu’au moment de votre mort, vous récitiez une prière, un « Je vous salue Marie » par exemple ?
Philippe Sollers--J’ai récité tellement de « Notre Père » et de « Je vous salue Marie », que je n’ai pas besoin d’attendre le moment de ma mort pour cela. Je regrette d’ailleurs que, dans ces prières, on n’utilise pas davantage la première personne du singulier. Cela donnerait : « Mon Père qui est aux cieux », « Pardonne-moi mes offenses », Délivre-moi du mal » ou encore « Je te salue, Marie », « Maintenant et à l’heure de ma mort ». J’aime beaucoup le Credo également. Le Credo a donné des musiques magnifiques : Bach, Mozart.
--Vous arrive-t-il de penser à votre mort ou à vos funérailles ?
Philippe Sollers--Je pense à ma mort chaque jour. J’ai une vieille concession familiale qui est déjà retenue, mais je ne dédaignerais pas être enterré dans une belle église de Venise. Je ne pense pas que ce soit possible… à moins que le Saint-Siège me désigne en voie de béatification atypique ! (rires)."
Propos recueillis par Aurélie Godefroy et Frédéric Lenoir.
Le Monde des Religions, mai-juin 2006, n°17
05:40 Publié dans Parenthèse | Lien permanent | Commentaires (34) | |
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15/02/2007
Let's have a party and get some fun in "dar al-harb" !
Prenez le temps de lire ce petit texte ayant pour but d'informer, ça nous changera un peu des désinformations régulières.
Dans l'autorité palestinienne, nous accomplissons ce que nous promettons.
Seuls les imbéciles peuvent croire que
Nous ne lutterons pas contre le terrorisme.
Parce que, il y a quelque chose de certain pour nous :
L'honnêteté et la transparence sont fondamentales pour atteindre nos idéaux.
Nous démontrons que c'est une grande stupidité de croire que
Les mafias continueront à faire partie du paysage palestinien comme avec Arafat.
Nous assurons, sans l'ombre d'un doute, que
La justice sociale sera le but principal de notre devoir.
Malgré cela, il y a encore des gens stupides qui s'imaginent que
L'on puisse continuer à gouverner
Avec les ruses de la vieille politique « arafatienne »
Quand nous assumerons le pouvoir, nous ferons tout pour que
Soit mis fin aux assassinats de civils innocents juifs
Nous ne permettrons d'aucune façon que
Nos enfants meurent en martyr
Nous accomplirons nos desseins même si
Les réserves économiques se vident complètement
Nous exercerons le pouvoir jusqu'à ce que
Vous aurez compris qu'à partir de maintenant
Nous sommes la « nouvelle autorité palestinienne »
À présent, RELISEZ A PARTIR DE LA DERNIERE LIGNE, CHAQUE LIGNE, EN REMONTANT VERS LE HAUT.
Cogitez bien, les pro-Palestiniens naïfs...
06:35 Publié dans Franc-tireur | Lien permanent | Commentaires (4) | |
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14/02/2007
"Le mariage transformé par ses célibataires mêmes" par Philippe Muray
Ce texte a été publié dans une version légèrement réduite sous le titre "La guerre du mariage a-t-elle eu lieu ?" dans Marianne (18/09/2004, page 79). Ici : version intégrale.
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"Par-delà le néo-mariage, et quelques autres revendications divertissantes, c'est la réduction au silence du moindre propos hétérodoxe qui se profile, c'est l'écrasement légal des derniers vestiges de la liberté d'expression, c'est la mise en examen automatique pour délit de lucidité.
Le mariage est une invention qui remonte à la plus haute antiquité. Je parle du mariage à l'ancienne, cette institution conformiste, vermoulue et petite-bourgeoise qui véhicule depuis la nuit des temps « les valeurs hétéro-patriarcales et familialistes » pour m'exprimer comme Christophe Girard et Clémentine Autain. Sauf erreur de ma part, cette mémorable conquête n'a pas été arrachée, l'arme à la main, de nuit, dans la précipitation et sous la menace des pires représailles, par une petite bande de fanatiques de la nuptialité bien décidés à se servir de la lâcheté des uns, de l'ambition des autres, de la démagogie tremblotante de tous, pour faire triompher leur cause. Nulle part ce type de mariage ne paraît avoir été imposé par la force. Ni en jetant à l'opinion publique un fatras précipité de raisonnements contradictoires afin d'extorquer d'elle, par sondage, une approbation apeurée. Il n'est pas davantage le fruit d'une volonté claironnée de mettre à genoux le pouvoir politique. Aucun gouvernement, à ma connaissance, n'a cédé aux partisans de la conjugalité dans la crainte de se voir accusé de gamophobie (du grec gamos, mariage).
Y a-t-il même eu « débat », à propos de cette importante « question de société », chez les Égyptiens pharaoniques, à Babylone, en Inde, à Lascaux, entre psychanalystes lacustres, sociologues troglodytes, militants de l'un ou l'autre bord ? En a-t-on discuté, dans le désert de Chaldée, à la lueur de la Grande Ourse ? A-t-on menacé de ringardisation les adversaires de cette nouveauté ? Les a-t-on accusés de ne rien comprendre à l'évolution des mœurs, de s'accrocher à des modèles désuets, d'alimenter la nostalgie d'un ordre soi-disant naturel qui ne relève que de la culture ? La Guerre des Games (de gamos, mariage, je ne le répéterai plus) a-t-elle eu lieu ?
Il semble bien que non. La chose, c'est horrible à dire, s'est faite toute seule, suivant la pente de l'espèce, laquelle sait si bien jouer sur les deux tableaux pour protéger ses intérêts, manier en même temps la carotte et le bâton, l'appât et l'hameçon, le désir de satisfaction sexuelle des individus et ses propres nécessités vitales de perpétuation, et emballer cela dans les mirages vaporeux de la pastorale romantique.
On a tout essayé, par la suite, avec le mariage. On l'a plié dans tous les sens. On a tâté de la polygamie, de la bigamie, de la monogamie, de l'adultère, du divorce à répétition, du mariage forcé, du mariage civil, du mariage religieux, du mariage d'argent, du mariage raté. On a même vu des mariages heureux. On a vu des mariages stériles et d'autres féconds, des unions dramatiques et des noces de sang. On en a fait des vaudevilles et des tragédies. Avec des placards pleins d'amants, des cocus en caleçon, des maîtresses acariâtres. Le mariage, en résumé, n'a été inventé que pour fournir des sujets de romans et pour assurer la chaîne sans fin des générations ainsi que le veut l'espèce.
Il n'en va pas exactement de même du futur mariage homosexuel, dont la genèse aura laissé tant de traces, à l'inverse de l'autre, qu'il sera aisé de la reconstituer. C'est que cette nouveauté ne va pas de soi, comme d'ailleurs la plupart des opérations expérimentales de notre temps. L'époque moderne, dont l'essence même est le soupçon dans tous les domaines, explose en cette affaire dans une sorte d'opéra-bouffe stupéfiant où la mauvaise foi et le chantage se donnent la réplique inlassablement. C'est d'abord le code civil qui a été instrumenté. On a prétendu qu'il n'y était stipulé nulle part que le mariage était réservé aux personnes de sexe opposé. Les homosexuels militants se sont engouffrés dans cet « oubli » pour exiger, au nom de l'égalité des droits, « l'accès des gays et des lesbiennes au mariage et à l'adoption ». L'exigence d'égalité est la grosse artillerie qui renverse toutes les murailles de Chine. La marche sans fin vers l'égalité absolue remplace, chez les minorités dominantes et furibondes, le défunt sens de l'Histoire. Pour ce qui est du code civil, d'abord paré de toutes les vertus, il n'a plus été qu'une sorte d'opuscule diffamatoire sitôt qu'on découvrit l'article 75, qui détermine que le mariage consiste à « se prendre pour mari et femme ». Peu soucieux de logique, les militants de la nouvelle union conclurent aussitôt à l'urgence d'une refonte de ce code que, l'instant d'avant, ils portaient aux nues. Et, en somme, puisque la loi est contre les homos, il faut dissoudre la loi.
Dans le même temps Noël Mamère, bonimenteur de Bègles, agitait son barnum ; et les notables socialistes se bousculaient au portillon de l'avenir qui a de l'avenir dans l'espoir de décrocher le titre de premier garçon d'honneur aux nouvelles épousailles. Le terrorisme et la démagogie se donnaient le bras sur le devant de la scène. On « déconstruisait » en hâte le mariage à l'ancienne. On affirmait qu'il est aujourd'hui « en crise » quand la vérité est qu'il l'a toujours été, par définition, puisqu'il unit deux personnes de sexe opposé, ce qui est déjà source de crise, et que, par-dessus le marché, il les soumet à des postulations contradictoires, le mensonge romantique et la vérité procréatrice. On rappela, contre les réactionnaires qui lient mariage et reproduction, qu'il n'en allait plus ainsi depuis la révolution contraceptive (ce qui ne pouvait manquer, ajoutait-on, de rapprocher les comportements homos et hétéros), quand c'est en fait depuis toujours, et dans toutes les civilisations, que l'on a cherché, certes avec moins d'efficacité technique qu'aujourd'hui, à réguler la fécondité, c'est-à-dire à autonomiser la sexualité par rapport à la « reproduction biologique ».
En quelques jours apparurent les étonnantes notions de « mariage fermé » (antipathique, hétéro) et de « mariage ouvert » (sympathique) puis « universel » (supersympa). On publia des sondages dans lesquels la société française déclarait qu'elle était d'accord pour applaudir aux évolutions de la société française, mais de grâce, qu'on arrête de lui brailler dans les oreilles. Les partisans du néo-mariage expliquèrent à la fois qu'il ne fallait pas interpréter leur demande comme une volonté de normalisation ou comme un désir d'imitation mais qu'il y avait de ça quand même, et que d'ailleurs ils se moquaient des institutions dont ils étaient exclus, sauf que le seul fait d'en être exclus leur apparaissait comme un outrage. Réclamant en même temps le droit à la différence et à la similitude, exigeant de pouvoir se marier par conformisme subversif et pour faire « un pied de nez à la conception traditionnelle du mariage » (comme l'écrivent encore les impayables Christophe Girard et Clémentine Autain), ils affirmaient aussi que ce même mariage, à la fois convoité et moqué, revendiqué pour être rejeté, et de toute façon transformé s'ils y accédaient jusqu'à en être méconnaissable, serait un remède souverain contre « l'alarmant taux de suicide » qui sévit chez les jeunes homosexuels, ce qui laisse supposer que ces derniers se suicident tous par désespoir de ne pouvoir convoler officiellement. On aurait pu imaginer d'autres motifs.
Mais ces réflexions tomberont très bientôt sous le coup des lois anti-homophobie qu'un gouvernement vassalisé par les associations se prépare en toute sottise à faire voter. Mieux vaut donc se taire. Par-delà le néo-mariage, en effet, et quelques autres revendications divertissantes (suppression de la mention relative au sexe sur les papiers d'identité afin d'en terminer avec les « problèmes kafkaïens rencontrés par les individus de sexe mixte, hermaphrodites, transsexuels, transgenres », ou encore « dépsychiatrisation des opérations de changement de sexe »), c'est la réduction au silence du moindre propos hétérodoxe qui se profile, c'est l'écrasement légal des derniers vestiges de la liberté d'expression, c'est la mise en examen automatique pour délit de lucidité. Il est urgent que personne ne l'ouvre pendant que se dérouleront les grandes métamorphoses qui s'annoncent, dont ce petit débat sur l'effacement de la différence sexuelle est l'avant-propos. Le néo-mariage, dans cette affaire, n'est que l'arbre baroque qui cache la prison."
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13/02/2007
René Char
René Char : Application, regroupement, centralisation des points nodaux.
"Nodal". En anatomie et physiologie, "Tissu nodal" : tissu du myocarde renfermant les nœuds cardiaques, et qui est à l’origine du fonctionnement automatique du cœur.
En physique : Relatif à un nœud de vibration. Points nodaux, situés sur l’axe d’un système optique et tels que tout rayon incident passant par l’un de ces points est parallèle au rayon émergent passant par l’autre.
René Char (l’Isle-sur-la-Sorgue, 1907 – Paris, 1988) poète français. D’abord surréaliste (L’action de la justice est éteinte, 1931), il s’en éloigne pour exalter, dans une poésie frémissante d’une grande richesse, les forces de la vie et de la fraternité : le Marteau sans maître (1934), Feuillets d’Hypnos (1946), Fureur et Mystère (1948), le Nu perdu (1971). Il fut aussi, selon moi, le poète de la tension joyeuse. Visions et extases. Appréhensions et ravissements. Son verbe transporte. Il cherche à transcender le quotidien, veut nous empêcher de sombrer dans la routine.
« Les mots dans la poésie, devancent de leur lumière, la conscience encore opaque de celui qui d’abord témoin de leur éclat organise leur essaim de sens. »
« Dans le tissu du poème doit se trouver un nombre égal de tunnels dérobés, de chambres d'harmonie, ainsi que d'éléments futurs, de havres au soleil, de pistes captieuses et d'existants s'entr'appelant. Le poète est le passeur de tout cela qui forme un ordre. Et un ordre insurgé. » Sur la poésie
Amoureux de la Liberté (« Les territoires de la poésie ne sont pas cadastrables : ils ne s’éclairent que dans l’expansion. »), durant la seconde guerre mondiale, en pleine occuption, sous le nom de Capitaine Alexandre, René Char fut Résistant, les armes à la main, et versa le sang sans haine aucune, parce que c'était son devoir d'homme, qu'il le fallait bien. « Nous avons recensé toute la douleur qu'éventuellement le bourreau pouvait prélever sur chaque pouce de notre corps; puis le coeur serré, nous sommes allés et avons fait face. » écrit-il dans les Feuillets d'Hypnos.
Malgré le souffle ivre du transport il tenait à être compris. « Comment m'entendez-vous? Je parle de si loin. »
* « Le poète se reconnaît à la quantité de pages insignifiantes qu’il n’écrit pas. » (Sur la poésie)
* « Comment vivre sans inconnu devant soi ? »
* « Le poème est l'amour réalisé du désir demeuré désir » (Feuillets d'Hypnos)
* « Fureur et mystère tour à tour le séduisirent et le consumèrent, puis vint l'année qui acheva son agonie de saxiphrage » (Fureur et Mystère)
* « Ils refusaient les yeux ouverts ce que d'autres acceptent les yeux fermés »
* « Impose ta chance, serre ton bonheur et va vers ton risque. A te regarder, ils s'habitueront. » (Rougeur des matinaux)
* « Ce qui vient au monde pour ne rien troubler ne mérite ni égards ni patience » (Fureur et mystère)
* « Agir en primitif et prévoir en stratège » (Feuillets d'Hypnos)
« Commune présence
Tu es pressé d'écrire,
Comme si tu étais en retard sur la vie.
S'il en est ainsi fais cortège à tes sources.
Hâte-toi.
Hâte-toi de transmettre
Ta part de merveilleux de rébellion de bienfaisance.
Effectivement tu es en retard sur la vie,
La vie inexprimable,
La seule en fin de compte à laquelle tu acceptes de t'unir,
Celle qui t'est refusée chaque jour par les êtres et par les choses,
Dont tu obtiens péniblement de-ci de-là quelques fragments décharnés
Au bout de combats sans merci.
Hors d'elle, tout n'est qu'agonie soumise, fin grossière.
Si tu rencontres la mort durant ton labeur,
Reçois-là comme la nuque en sueur trouve bon le mouchoir aride,
En t'inclinant.
Si tu veux rire,
Offre ta soumission,
Jamais tes armes.
Tu as été créé pour des moments peu communs.
Modifie-toi, disparais sans regret
Au gré de la rigueur suave.
Quartier suivant quartier la liquidation du monde se poursuit
Sans interruption,
Sans égarement.
Essaime la poussière
Nul ne décèlera votre union.»
Le Marteau sans maître (1934-1935)
« Allégeance
Dans les rues de la ville il y a mon amour. Peu importe où il va dans le temps divisé. Il n'est plus mon amour, chacun peut lui parler. Il ne se souvient plus; qui au juste l'aima ?
Il cherche son pareil dans le voeu des regards. L'espace qu'il parcourt est ma fidélité. Il dessine l'espoir et léger l'éconduit. Il est prépondérant sans qu'il y prenne part.
Je vis au fond de lui comme une épave heureuse. A son insu, ma solitude est son trésor. Dans le grand méridien où s'inscrit son essor, ma liberté le creuse.
Dans les rues de la ville il y a mon amour. Peu importe où il va dans le temps divisé. Il n'est plus mon amour, chacun peut lui parler. Il ne se souvient plus; qui au juste l'aima et l'éclaire de loin pour qu'il ne tombe pas ? »
Éloge d'une soupçonnée
« La jeune fille : Ceux qui n'ont pas besoin de leur amour auprès d'eux n'aiment pas.
Le jeune homme : Cela dépend. C'est compliqué, une présence. Dans un monde incompréhensible, la simplicité, je veux dire l'amour, c'est une capacité d'absence. »
Claire in Trois coups sous les arbres
« La vie aime la conscience qu'on a d'elle. »
Claire in Trois coups sous les arbres
« Avec les choses de l'extérieur, prenez, croyez-moi, l'habitude d'estimer et d'agir sans vous passionner. Vous vous épargnerez bien des désagréments. »
Le soleil des eaux in Trois coups sous les arbres
« On ne peut guère s'attacher à plusieurs choses à la fois, mais il faut être soi tout entier pour une ou deux de ces choses essentielles. Hors de cela on est broyé sans espoir et notre conscience se détourne de nous. »
Le soleil des eaux in Trois coups sous les arbres
« Tu parles à un chien, il te regarde avec ses bons yeux. Tu t'adresses à un homme, il te mord. »
Le soleil des eaux in Trois coups sous les arbres
« Celui qui dompte le lion, devient l'esclave du lion. Ce qu'il faut, c'est faire du feu entre lui et toi. »
Le soleil des eaux in Trois coups sous les arbres
« Tu as bien fait de partir, Arthur Rimbaud !
Tes dix-huit ans réfractaires à l'amitié, à la malveillance, à la sottise des poètes de Paris ainsi qu'au ronronnement d'abeille stérile de ta famille ardennaise un peu folle, tu as bien fait de les éparpiller aux vents du large, de les jeter sous le couteau de leur précoce guillotine. Tu as eu raison d'abandonner le boulevard des paresseux, les estaminets des pisse-lyres, pour l'enfer des bêtes, pour le commerce des rusés et le bonjour des simples.
Cet élan absurde du corps et de l'âme, ce boulet de canon qui atteint sa cible en la faisant éclater, oui, c'est bien là la vie d'un homme! On ne peut pas, au sortir de l'enfance, indéfiniment étrangler son prochain. Si les volcans changent peu de place, leur lave parcourt le grand vide du monde et lui apporte des vertus qui chantent dans ses plaies.
Tu as bien fait de partir, Arthur Rimbaud ! Nous sommes quelques-uns à croire sans preuve le bonheur possible avec toi. »
Fureur et mystère
Il faut le lire en marchant... succès du chant intérieur garanti...
20:20 Publié dans Parenthèse | Lien permanent | Commentaires (3) | |
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12/02/2007
Michel Houellebecq
=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=
«...mais je continuais quand même au fond de moi, et contre toute évidence, à croire en l'amour. »
« La peur est là, vérité de toutes choses, en tout égale au monde observable. Il n'y a plus de monde réel, de monde senti, de monde humain, je suis sorti du temps, je n'ai plus de passé ni d'avenir, je n'ai plus de tristesse ni de projet, de nostalgie, d'abandon ni d'espérance; il n'y a plus que la peur.
»
« La seule chance de survie, lorsqu'on est sincèrement épris, consiste à le dissimuler à la femme qu'on aime, à feindre en toutes circonstances un léger détachement. Quelle tristesse, dans cette simple constatation ! Quelle accusation contre l'homme !... Il ne m'était cependant jamais venu à l'esprit de contester cette loi, ni d'envisager de m'y soustraire : l'amour rend faible, et le plus faible des deux est opprimé, torturé et finalement tué par l'autre, qui de son côté opprime, torture et tue sans penser à mal, sans même en éprouver de plaisir, avec une complète indifférence ; voilà ce que les hommes, ordinairement, appellent l'amour. »
Michel Houellebecq, La possibilité d'une île
Houellebecq à propos de Maurice G. Dantec : « L'origine de sa force me restait mystérieuse, et puis j'ai lu [dans une interview] qu'il avait des origines populaires. "Ah, me suis-je dit, c'est donc ça.'' Il se trouve que je suis dans le même cas, ça m'aide à comprendre. Le premier bénéfice qu'on retire d'une origine populaire est de n'avoir aucun respect pour le peuple ; le second, de n'avoir aucune peur de la gauche ; le troisième, de n'avoir aucune fascination pour la racaille. »
Philippe Sollers et Michel Houellebecq, fêtant la relax de Houellebecq suite à son procès avec les barbus à cause de ses propos sur l'Islam...
03:20 Publié dans Lectures | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : 61-lectures : michel houellebecq | |
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Philippe Sollers : "Ma France"
=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=
Il y a la France de Diam's ... et il y a une autre France aussi, dont Sollers nous apporte ici quelques éléments par un recadrage qui lui est certes propre mais qui ne manque nullement d'intérêt...
"Ma France
REVUE DES DEUX MONDES - On voit bien, au fil de vos livres, l’émergence d’une question posée sur ce qu’il en est de la France. Il y a un enjeu esthétique lié à la question France. Comment l’évaluez-vous ?
PHILIPPE SOLLERS - Le moment où cela se formule comme tel, c’est-à-dire le moment où je pense qu’il va falloir que je m’intéresse de près à l’histoire de mon pays, on le repère déjà dans Femmes, et il devient évident surtout dans Portrait du joueur, c’est-à-dire il y a exactement vingt ans. La question française est évoquée dans Portrait du joueur à travers le filtre dont je dispose biographiquement : Bordeaux, la Gironde. À partir de ce lieu, je peux tenter de m’expliquer à moi-même pourquoi je me sens si peu français. Comme si j’appartenais à une autre civilisation, ou à un décalage de cette civilisation.
Là, je suis obligé de faire état de mon expérience biographique sur des questions qui ne datent pas de l’actualité récente. Je prends en compte la longue période de l’histoire sur un certain nombre de sujets capitaux pour moi. Que dois-je m’expliquer ? Pourquoi chercherais-je ainsi à la bougie, moi enfant de Bordeaux, dont la famille est immédiatement anglophile et qui se trouve là en position isolée par rapport à m’irruption non seulement du nazisme mais de la collaboration ? J’ai mis beaucoup de temps à comprendre qu’il s’agissait d’un événement décisif. Partant de là, je me demande encore ce que cela veut dire de façon plus vaste, ce qu’il en est de cette région, quelle est sa particularité océanique, tournée très tôt vers Londres, son histoire à travers les siècles… Qu’est-ce que la Gironde ? Qu’est-ce que le parti girondin ? Qu’est-ce que cette ville non tournée vers Napoléon, non jacobine ? Jeanne d’Arc ne paraît pas non plus une héroïne locale, pas plus que Louis XIV. Louis XV, en revanche.. L’actuelle place de la Bourse s’appelait justement place Louis XV…Bref, qu’est-ce donc que la fortune – comme on disait dans l’Antiquité – dans l’Histoire ? Comment se fait-il que Bordeaux soit le point géographique le plus éloigné de l’Hexagone, à tel point que lorsque quelque chose s’effondre à Paris, tout le monde se réfugie à Bordeaux, ou bien l’on prend éventuellement le Massilia au moment où la Chambre du Front populaire vote les pleins pouvoirs à Pétain et que quelques députés réfractaires s’embarquent là ? Pourquoi La Boétie, Montaigne, Montesquieu, Mauriac ?
Toutes ces questions, ces observations, j’y ai été forcé aussi bien pour des raisons d’enfance. La mienne ? Irruption du Front populaire, lutte des classes très sensible (je suis d’une famille d’industriels), toutes les semaines, j’entends dire (mon nom est Joyaux) : « Joyaux au poteau ». Il y a les Allemands qui occupent le bas des maisons, les réfugiés qu’on rencontre sur la route de l’immigration espagnole, la guerre d’Espagne, j’apprends l’espagnol pour des raisons sentimentales… Tout cela compte énormément pour moi. Et puis les Anglais qui parlent à la radio, les aviateurs anglais descendus cachés dans les caves… Que dit Londres ? Dans Portrait du joueur, vous avez des tas de passages auxquels j’ai été très tôt sensible ( à l’époque, j’ai 6, 7 ans) : « une hirondelle ne fait pas le printemps », « les renards n’ont pas forcément la rage »… Des « messages personnels ». Qu’est-ce donc qu’être français à ce moment-là pour un jeune garçon qui n’a pas le droit, d’après sa famille, d’adhérer au discours communautaire français ? On me disait : « Si à l’école on chante Maréchal nous voilà, tu dois sortir » : cela ne relevait même pas d’une opinion étroitement politique, c’était une question de goût. Après Vichy, Moscou. Vous vous rendez compte.
Avec les messages codés d’Angleterre, une question de vocalisation immédiate : on entend des voix aux accents multiples, c’est très étrange… Messages en français depuis l’étranger… Dans ma famille, on dit : « Les Anglais ne peuvent pas avoir tort », c’est la doxa familiale, doxa dont je me félicite. Si vous étudiez un peu cette question par rapport à la France, c’est ce que j’appelle le premier placard français de l’histoire récente depuis soixante ans. On en connaît les noms : Pétain, Bousquet, Mitterrand, Papon, le Vél’d’Hiv : l’antisémitisme et toute cette profonde anglophobie française, scolarisée comme telle. Le deuxième placard, c’est la guerre d’Algérie, le troisième Mai 68. Ensuite on passe à la mondialisation qui liquide l’axe Vichy-Moscou mais sous tutelle économique folle américaine.
J’ai écrit tout cela cent fois, mais cela n’a jamais été pris en compte, à tel point que cela finit par m’intriguer : c’est comme si je ne disais rien. À partir de là, deux hypothèses : soit je fabule soit c’est vérifiable. Mais pourquoi et-ce si difficile ? Le problème, en l’occurrence, ce n’et pas moi, ce sont mes compatriotes.
Le deuxième livre qui reprend explicitement cette problématique, c’est Le Cœur absolu : j’explique en quoi, me sentant si peu français, je vis beaucoup dans l’étrangeté, mais aussi beaucoup à l’étranger, en Espagne, en Italie, à Venise, etc. Or à partir du moment où j’insiste, toute la mémoire du français lui-même s’adresse à moi sous des formes diverses. Diderot, Voltaire… mais aussi Stendhal (en 1828 : « Bordeaux, la plus belle ville de France… »), Hölderlin… Au fait, vous savez combien de temps il a fallu pour qu’on mette une plaque à Bordeaux signalant le passage de Hölderlin ? Deux siècles.
Puis Les Folies françaises, livre publié en 1988. Très mal reçu Au point que d’avoir imprimé ces mots sur une couverture (il s’agit d’une pièce de Couperin) suscite une sorte de gêne, de malaise, de réprobation. De quoi s’agit-il pour moi ? Aller vers une mise en scène romanesque destinée à susciter l’afflux physique de la mémoire française. Le thème : un inceste doux entre père et fille, lequel se conclura par un départ de cette fille aux antipodes, c’est-à-dire en Nouvelle-Zélande, antipode exact de la France. La mère est américaine et juive, et la fille s’appelle France. Retournement complet de La France juive de Drumont : qu’on ne me dise pas que ce n’est pas un sujet brûlant encore à notre époque, ces jours-ci.
REVUE DES DEUX MONDES – C’est à partir de là que s’affirme nettement chez vous la référence au XVIIIe siècle. Qu’est-ce que cela veut dire, le « XVIIIe siècle » ?
PHILIPPE SOLLERS - Oui, ce qui monte à ce moment-là, c’est le XVIIIe siècle. C’est-à-dire les Lumières et leur très nouvelle façon d’envisager le corps humain. Qui ne se rend pas compte de ce qui se passe là se prive de toute compréhension à venir. Qu’est-ce à dire ? Il y a des femmes en liberté et du même coup des hommes en train de savoir de quoi il retourne. Cela se passe un peu partout en Europe, pensons à Mozart, mais l’endroit où cela trouve sa forme verbalisée, c’est la France, c’est Paris. Paris avec Venise (n’oublions pas que Casanova écrit en français). La façon de dire comment des corps humains participent pleinement de la conscience d’agir dans des choses qui mettent en jeu leur plaisir est français, indubitablement. C’est comme ça. Littérature, philosophie, libertinage (1). Comment expliquer que cette extraordinaire effervescence, miraculeuse dira Nietzsche, supérieure au miracle grec, ait été si sévèrement réprimée ? C’est là qu’on entre dans la grande affaire du XIXe et du XXe siècle. S’agit-il pour autant de prôner un « retour » au XVIIIe ? Évidemment non. Il ne s’agit pas de « revenir » mais de s’interroger sur les raisons d’une perte hémorragique d’énergie. Si vous voulez : comment passe-t-on de la Juliette de Sade à Madame Bovary ? Formulons autrement la chose : comment la France regarde-t-elle son histoire ? Ou plutôt ne la regarde pas ? Le corset effarant qui tenait tout cela est en train de craquer de partout.
Cela a des conséquences esthétiques. Dans Les Folies françaises, on croise beaucoup d’allusions directes à toutes sortes de champs littéraires, musicaux, picturaux qui ne relèvent pas du XVIIIe proprement dit, mais ce n’est justement pas le problème… Je pense par exemple à Manet, dont la jeune France devient l’un des personnages :
« Ton peintre préféré ?
- Manet. Fleurs dans des vases ou des verres. Fin de sa vie. Juste avant qu’on lui coupe la jambe. Fleurs coupées. Les racines ne sont pas les pétales, les cœurs, les corolles. Deux mondes différents. L’eau transparente en miroir, l’épanouissement dans la toile sans tain. Des bouquets apportés par des amis, lui sur un canapé, une ou deux séances, hop, tableau. Roses dans un verre à champagne. Roses, œillets, pensées. L’incroyable lilas et roses. Le bouleversant lilas bleuté dans son verre. Roses, tulipes et lilas dans un vase de cristal. Vase de fleurs, roses et lilas. Œillets et clématites. Lilas blanc. C’est sans fin. Le cerveau est sans fin. Entre temps, il meurt. « je voudrais les peindre toutes ! » Antonin Proust : « Manet était de taille moyenne, fortement musclé… Cambré, bien pris, il avait une allure rythmée à laquelle le déhanchement de sa démarche imprimait une particularité élégante. Quelqu’effort qu’il fît, en exagérant ce déhanchement et en affectant le parler traînant du gamin de Paris, il ne pouvait parvenir à être vulgaire… Sa bouche, relevée aux extrémités, était railleuse. Il avait le regard clair. L’œil étant petit, mais d’une grande mobilité. Peu d’hommes ont été aussi séduisants. » Paul Alexis : « Manet est un des cinq ou six hommes de la société actuelle qui sachent encore causer avec les femmes… Sa lèvre, mobile et moqueuse, a des bonheurs d’attitude en confessant les Parisiennes… » Mallarmé : « Griffes d’un rire du regard… Sa main – la pression sentie claire et prête… Vivace, lavé profond, aigu ou bonté de certain noir »…
- Le chef-d’œuvre nouveau et français. »
- Voilà. Georges Jeanniot : « Lorsque je revins à Paris, en janvier 1882, ma première visite fut pour Manet. Il peignait alors Un bar aux Folies Bergères, et le modèle, une jolie fille, posait derrière une table chargée de bouteilles… Il me dit : « Dans une figure, cherchez la grande lumière et la grande ombre, le reste viendra naturellement : c’est souvent très peu de chose… il faut tout le temps rester maître et faire ce qui vous amuse. Pas de pensum ! Ah non, pas de pensum : » Jules Camille de Polignac, dans Le journal de Paris du 5 mai 1883 : « Pas de ciel, pas de soleil, des nuages clairs répandent un gris très doux dans le plein air… Le cortège s’arrête au portail de l’église Saint-Louis-d’Antin où, devant le maître-autel resplendissant de lumières, un catafalque est dressé… Manet entre, suivi de sa famille et d’un petit groupe d’amis, et aussitôt les chœurs religieux éclatent – suivis des soli lamentables de la messe des morts »… Les bouquets sont là, les derniers, dans l’atelier de la rue d’Amsterdam… Roses et lilas blancs, du 1er mars… Peu de fleurs sont aussi séduisantes. À jamais. La pression sentie claire et prête… Reprends les adjectifs…
- « Vivace, lavé, profond, aigu ou hanté »…
- Cinq. M-A-N-E-T. Manet et manebit : il reste, il restera.
- Il ne meurt pas ?
- Non. Au-delà du noir. Du catafalque aux pivoines. Portrait de Berthe Morisot, portrait de Tronquette. Tu as quelque chose de Tronquette.
- Ou de Suzon, dans le bar ?
- Les deux. » (2)
Je suis très frappé par le fait que lorsque Picasso veut se relancer, il revient toujours à Manet. Le Déjeuner sur l’herbe, Un Bar des Folies Bergères… Qu’est-ce que c’est que tout ça ? Cela vient en tout cas de loin… On peut penser à La Fontaine : « Amants, heureux amants, voulez-vous voyager ? Que ce soit aux rives prochaines ; Soyez-vous l’un à l’autre un monde toujours beau, toujours divers, toujours nouveau ; Tenez-vous lieu de tout, comptez pour rien le reste… » Je pourrais vous parler longtemps de ces vers, insister sur le s de « soyez » et son effet de soie, puis sur l’apparition du t… Après, vous vous demanderez pourquoi La Fontaine vous fait participer à une méditation inouïe sur le tout et le rien : « J’aime le jeu, l’amour, les livres, la musique, La ville et la campagne, enfin tout ; il n’est rien qui ne me soit souverain bien, Jusqu’au sombre plaisir d’un cœur mélancolique… »
REVUE DES DEUX MONDES – En quoi l’espace français est-il particulièrement approprié à ce type de perception ?
PHILIPPE SOLLERS - Au fond, c’est très mystérieux… je crois qu’il faut aller au problème de l’aristocratie française sous son double aspect : d’une part l’exacerbation sensuelle, d’autre part la répression religieuse : tout cela dans un conflit aigu qu’il s’agit de bien considérer dans son rapport intime. Car si vous supprimez toute référence à la chrétienté, vous supprimez toute l’extraordinaire virulence physique qui s’en est emparée pour la contester. On est là au fond du problème français, dans cette contradiction qui dure et que chacun semble avoir eu intérêt à entretenir. Surtout, vous manquez la position de surplomb qui serait absolument nécessaire pour qu’on décide si oui ou non il y a une nouvelle histoire qui peut continuer et transformer l’ancienne.
À ce moment-là, il faut, oui, une position de surplomb et non pas répéter les antagonismes. Je ne prononcerai pas le mot « synthèse » mais enfin, c’est bien de cela qu’il s’agit. La crise où vous êtes en tant que Français, personnellement, socialement, c’est une crise d’identité par négation de cet extraordinaire rapport de force qui a été porté en France jusqu’à ses plus extrêmes conséquences : Pascal et Sade. Il faut se faire une raison là-dessus : ce n’est pas Pascal contre Sade, mais bel et bien Pascal et Sade. L’un et l’autre. Je n’arrête pas de répéter cela dans la Guerre du goût, Éloge de l’infini : le moment est venu de surplomber cette histoire et d’en tirer quelque chose d’autre. D’autre ? Une nouvelle aurore, pas du tout un crépuscule. Quelque chose qui ne soit pas le constat désolé d’une décadence, d’une dépression : ou alors, on cède à l’esprit de ressentiment et de vengeance. Ici, Nietzsche ma paraît capital : « Je rappelle encore, contre Schopenhauer, que toute la haute civilisation et la grande littérature de la France classique se sont développées sur des intérêts sexuels. On peut chercher partout chez elle la galanterie, les sens, la lutte sexuelle, « la femme », on ne les cherchera pas en vain. »
Par rapport à cela, les Français sont à un point du temps où ils ont intériorisé une culpabilité, un sentiment de honte de soi qui fait qu’ils se trouvent coupables, angoissés et décidés à s’appliquer à eux-mêmes une punition. À la limite, je vais loin, les Allemands pourraient, sans se l’avouer bien sûr, être assez fiers d’avoir eu parmi eux un grand criminel, les Russes aussi d’ailleurs, et les Chinois. Mussolini ne fait pas vraiment problème pour les Italiens, Franco non plus pour l’Espagne, puisqu’il a rétabli la monarchie, et je ne parle pas de l’Angleterre… Le fait est que les Français ne sont pas contents d’avoir collaboré à leur propre abaissement ; ils ont une très grosse difficulté, malgré De Gaulle (ou à cause de lui ?), à imaginer qu’ils ont gagné la guerre – et pour cause, ils l’ont perdue. Je vous renvoie ici à l’extraordinaire journal de Léon Werth, Déposition (3). Comparez avec ce qu’écrivent, à la même époque, un Gide, un Martin du Gard… Vous êtes saisi de stupeur.
Cela veut dire quoi ?
Je ne dirai pas comme Barthes : « soudain, il m’est devenu indifférent d’être moderne ». Moderne je le suis, résolument, et c’est la raison pour laquelle je suis aussi parfaitement classique. Ce n’est pourtant pas demain, ni après demain que vous me verrez académicien. Je ne suis ni pour l’avant-garde destroy, ni pour l’académisme pétrifié.
Il est interdit en France de parler de façon « absolument moderne » pour reprendre la formule de Rimbaud, c’est-à-dire aussi bien absolument classique, voilà la question du royaume : surplomb de l’histoire monarchiste et catholique, surplomb de la République et de la nation. Tel est le point de vue révolutionnaire.
Êtes-vous royaliste ? Mais non.
Alors vous êtes républicain ? Ce n’est pas le problème.
Il faut entrer dans la langue pour comprendre que ce n’est pas le problème. On peut se reporter ici à Baudelaire : « La Révolution a été faite par des voluptueux.(4) » Puis la Terreur est venue… La Révolution est-elle un bloc ? Ah mais pas du tout ! Rappelez-vous le concert d’indignation lorsque Furet a commencé à faire une nouvelle lecture de la question révolutionnaire… la vraie révolution française qui ne demandait qu’à se continuer n’était pas obligée d’aller vers la Terreur… Que se passe-t-il quand la question sexuelle est arraisonnée par la politique ? Que se passe-t-il quand il y a une identification de la sexualité avec la classe au pouvoir (ce qui a lieu à travers la figure de Marie-Antoinette) ? Tout cela se joue en quelques années… Je me souviens de mes visites à René Pomeau, grand voltairien comme vous savez, on parlait… Et parfois, cela lui venait naturellement : « Encore un coup des rousseauistes ! » Charmant, non ?
Les historiens semblent embarrassés à traiter la question, c’est pourquoi il faut bien les écrivains s’occupent de dégager l’espace pour cette position de surplomb que je viens d’évoquer et où Paris devrait occuper une place centrale. Paris est tout de même la vraie capitale de l’Europe ! Et la Déclaration des Droits de l’homme et du citoyen, ne croyez pas que j’y vois le moindre inconvénient ! La disparition de Paris dans la littérature est d’ailleurs quelque chose de stupéfiant si l’on pense à Baudelaire, Proust ; à Nadja de Breton, au Paysan de Paris d’Aragon, à Céline. Lisez donc aujourd’hui le splendide livre de Pleynet, Le Savoir-vivre, et sa réappropriation étonnante des Tuileries (5).
Mais les Français connaissent-ils Paris ? Savent-ils à quel point Paris a été la capitale de l’Europe ? Connaissent-ils l’Europe ? On vous dira que la Renaissance se poursuit par la Réforme, laquelle est suivie par ce qu’on appelle la Contre-Réforme, en réalité une véritable révolution esthétique (baroque), partout constatable en Itallie comme en Autriche, à Prague comme à Venise, Naples ou Rome.
On va s’agiter de plus en plus autour de ces questions, nais il y a fort à craindre que l’on n’en sorte pas par le haut, ce qui voudrait dire que nous sommes capables de nous appuyer sur l’excellence ? Qu’est-ce qu’il y a donc de si profond dans la nature humaine pour vouloir écraser ce qui figure une leçon de noblesse ? Je ne parle pas de la noblesse de patrimoine, ça c’est pour les magazines people, je parle de cette noblesse d’esprit qu’évoque Nietzsche, qui s’est révélée au XVIIIe siècle dans une façon de traiter ce qu’on appelle la sexualité. Voilà le point : car dans l’expropriation des corps humains qui va avoir lieu de plus en plus, ce point est visé par ce que j’ai coutume d’appeler l’Adversaire avec un grand A. Ce n’est évidemment pas à coup de religiosité ou de porno (ce qui revient au même) que l’on va régler la question. L’important est ailleurs : il est dans la question de savoir qui veut ou non l’esprit de vengeance. Quand je dis cela, il paraît que je représente l’anti-France : savoureux, non ? Épatant, même. J’aime beaucoup être désigné comme cela. Dans ces conditions, j’aimerais bien qu’on me dise alors ce qu’est réellement la France, mais j’attends toujours la réponse ouverte, puisque c’est toujours le même disque dix-neuviémiste. Tout ce que j’essaie de faire est de desserrer l’étau dans lequel nous sommes pris et qui ne permet pas le surplomb. Faire sentir en somme, à la place de la rumination dépressive, que la langue elle-même est pensante."
Propos recueillis par Michel Crépu
La Revue des Deux Mondes, Avril 2006.
(1)– Romanciers libertins du XVIIIe siècle, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 2 tomes.
(2)- Philippe Sollers, Les Folies françaises, Gallimard, « Folio », 1990
(3)– Léon Werth, Déposition. Journal 1940-1944, Éditions Viviane Hamy, 2000.
(4)– « Pour célébrer la vraie Révolution française », in Improvisations, Gallimard, Folio essais 165 ».
(5)– Marcelin Pleynet, Le Savoir-vivre, Gallimard, « L’infini », 2006.
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« Mon dieu, quelle erreur ! Se tromper à ce point ! S’en remettre à la Publicité et à la Technique, au lieu de reconnaître la force calme du pouvoir aimant, c’est-à-dire du possible ! Déjà, dans son temps ancien, M.N. avait constaté qu’on ne pensait plus et qu’on discutait simplement de philosophie. Il a prévenu, en vain, que le corps humain était quelque chose d’essentiellement autre qu’un organisme animal. Rien à faire, ils foncent dans ce panneau. C’est tragique, ou plutôt comique. Le fait est qu’au comique près, il se sent (lui !) souvent d’accord, pour des motifs entièrement différents, avec l’Eglise de Rome sur ce sujet crucial. Un comble. » (pp. 478-479) Philippe Sollers, Une Vie Divine
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« Je pense à ma mort chaque jour. J’ai une vieille concession familiale qui est déjà retenue, mais je ne dédaignerais pas être enterré dans une belle église de Venise. Je ne pense pas que ce soit possible… à moins que le Saint-Siège me désigne en voie de béatification atypique ! (rires). » Philippe Sollers
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11/02/2007
Joris-Karl Huysmans (1848-1907)
=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=
Quelques extraits tirés de Là-Bas
" Le peuple, fit des Hermies, en versant de l'eau dans la cafetière, au lieu de l'améliorer, les siècles l'avarient, le prostrent, l'abêtissent ! Rappelez-vous le siège, la commune, les engouements irraisonnés, les haines tumultuaires et sans cause, toute la démence d'une populace mal nourrie, trop désaltérée et en armes! - Elle ne vaut tout de même pas la naïve et miséricordieuse plèbe du moyen age !
(...)
- Mon Dieu! quelles trombes d'ordures soufflent à l'horizon ! murmura tristement Durtal.
- Non, s'exclama Carhaix, non, ne dites point cela ! Ici-bas, tout est décomposé, tout est mort, mais là-haut ! Ah ! je l'avoue, l'effusion de l'Esprit Saint, la venue du Divin Paraclet se fait attendre ! Mais les textes qui l'annoncent sont inspirés ; l'avenir est donc crédité, l'aube sera claire !
Et les yeux baissés, les mains jointes, ardemment il pria.
Des Hermies se leva et fit quelques pas dans la pièce.
- Tout cela est fort bien, grogna-t-il ; mais ce siècle se fiche absolument du Christ en gloire ; il contamine le surnaturel et vomit l'au delà. Alors, comment espérer en l'avenir, comment s'imaginer qu'ils seront propres, les gosses issus des fétides bourgeois de ce sale temps ? élevés de la sorte, je me demande ce qu'ils feront dans la vie, ceux-là ?
- Ils feront, comme leurs pères, comme leurs mères, répondit Durtal ; ils s'empliront les tripes et ils se vidangeront l'âme par le bas-ventre !"
___________________________________________________________
"Il se leva pour aller ouvrir la porte, car la sonnette tintait; il revint avec une lettre apportée par le concierge.
Il l'ouvrit. Qu'est-ce que c'est que cela ? Fit-il étonné, lisant :
"Monsieur,
"Je ne suis ni une aventurière, ni une femme d'esprit se grisant de causeries comme d'autres de liqueurs et de parfums, ni une chercheuse d'aventures. Je suis encore moins une vulgaire curieuse tenant à constater si un auteur a le physique de son oeuvre, ni rien enfin de ce que vous fournirait le champ des suppositions possibles. La vérité c'est que je viens de lire votre dernier roman..."
- Elle y a mis le temps, car voilà plus d'une année qu'il a paru, murmura Durtal.
"... douloureux comme les battements d'une âme qu'on emprisonne... "
- Ah zut ! - passons les compliments ; ils portent à faux du reste, comme toujours !
"... Et maintenant, monsieur, bien que je pense qu'il y ait infailliblement folie et bêtise à vouloir réaliser un désir, voulez-vous qu'une de vos soeurs en lassitude vous rencontre, un soir, à l'endroit que vous désignerez, après quoi, nous retournerons, chacun, dans notre intérieur, dans l'intérieur des gens destinés à tomber parce qu'ils ne sont pas placés dans l'alignement. Adieu, monsieur, soyez assuré que je vous tiens pour quelqu'un dans ce siècle de sous effacés.
"Ignorant si ce billet aura une réponse, je m'abstiens de me faire connaître. Ce soir, une bonne passera chez votre concierge, et demandera s'il y a une réponse au nom de Mme Maubel."
- Hum! fit Durtal, en repliant la lettre. Je la connais, celle-là; ce doit être une de ces très anciennes dames qui placent des lots oubliés de caresses, des warrants d'âme! Quarante-cinq ans, pour le moins; sa clientèle se compose ou de petits jeunes gens toujours satisfaits, s'ils ne payent point, ou de gens de lettres, peu difficiles à contenter, car la laideur des maîtresses, dans ce monde-là, est proverbiale! - A moins que ce ne soit une simple mystification; - mais de qui? Et dans quel but? Puisque je ne connais plus maintenant personne!
Dans tous les cas, il n'y a qu'à ne pas répondre.
Mais, malgré lui, il rouvrit cette lettre. Voyons, qu'est-ce que je risque? Se dit-il; si cette dame veut me vendre un trop vieux coeur, rien ne m'oblige à l'acquérir; j'en serai quitte pour aller à un rendez-vous.
Oui, mais où le lui fixer ce rendez-vous? Ici, non; une fois chez moi, l'affaire se complique, car il est plus difficile de mettre une femme à la porte que de la lâcher dans un coin de rue. [...]nous résoudrons cette question-là, plus tard, après sa réponse. Et il écrivit une lettre dans laquelle il parlait, lui aussi, de sa lassitude d'âme, déclarait cette entrevue inutile, car il n'attendait plus rien, ici-bas, d'heureux.
Je vais ajouter que je suis souffrant, cela fait toujours bien et puis ça peut excuser, au besoin, des défaillances, se dit-il, en roulant une cigarette.
Là, ça y est; - ce n'est pas bien encourageant pour elle... oh! Et puis... Voyons, quoi encore? - Eh! Pour éviter le futur crampon, je ne ferai pas mal de lui laisser entendre aussi qu'une liaison sérieuse et soutenue avec moi n'est pas, pour des raisons de famille, possible, et en voilà assez pour une fois...
Il plia sa lettre et griffonna l'adresse.
Puis il la tint entre ses doigts et réfléchit. Décidément c'est une bêtise de répondre; est-ce qu'on sait? Est-ce qu'on peut prévoir dans quels guêpiers mènent ces entreprises? Il savait pourtant bien que, quelle qu'elle soit, la femme est un haras de chagrins et d'ennuis. Si elle est bonne, elle est souvent par trop bête, ou alors elle n'a pas de santé ou bien encore elle est désolamment féconde, dès qu'on la touche. Si elle est mauvaise, l'on peut s'attendre, en plus, à tous les déboires, à tous les soucis, à toutes les hontes. Ah! quoi qu'on fasse, on écope!
Il se régurgita les souvenirs féminins de sa jeunesse, se rappela les attentes et les mensonges, les carottes et les cocuages, l'impitoyable saleté d'âme des femmes encore jeunes! Non, décidément, ce n'est plus de mon âge, ces choses-là. - Oh! et puis, pour ce que j'ai besoin maintenant des femmes!
Mais, malgré tout, cette inconnue l'intéressait. Qui sait? Elle est peut-être jolie? Elle est peut-être aussi, par extraordinaire, pas trop rosse; rien ne coûte de vérifier. Et il relut la lettre. Il n'y a pas de fautes d'orthographe; - l'écriture n'est point commerciale; les idées sur mon livre sont médiocres, mais, dame, on ne peut pas lui demander de s'y connaître! - ça sent discrètement l'héliotrope, reprit-il, en flairant l'enveloppe.
Eh! Au petit bonheur! Et en descendant pour déjeuner, il déposa sa réponse chez le concierge."
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Y'a pas à dire... psychologie au scalpel et bonheur du très Saint Verbe.
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C'était ma lecture du Jour... je m'en retourne à mes larmes d'Or...
15:35 Publié dans Lectures | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : 59-lectures : joris-karl huysmans | |
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10/02/2007
La Guerre des sexes depuis Adam et Eve ?
=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=
« Elles cherchent un maître sur lequel régner » Lacan
« Qui oserait rappeler l’évidence démontrée il y a déjà vingt-cinq ou trente ans par Foucault que non seulement la guerre des races ne s’est pas éteinte avec l’émergence des guerres nationales, ou de la "lutte des classes", mais qu’elles ne cessent au contraire toutes ensemble de s’élaborer sans cesse dans l’infernal creuset des âmes humaines livrées à elles-mêmes, et aux mauvais picrates intellectuels du XXème siècle, contaminant peu à peu toutes les structures de la société-monde, jusqu’à nous promettre l’éclatement prochain d’une guerre des sexes comme horizon terminal, au milieu des destructions de la guerre civile planétaire ? » Maurice G. Dantec, Laboratoire de catastrophe générale (Le théâtre des opérations 2000-2001), Gallimard, 2001, p. 284-285
À lire l'excellent article, dense et bien écrit, du Grain de Sable d'où j'ai tiré ces deux citations...Cliquez là : La Guerre des sexes ou L’Histoire comme scène de ménage
C'était ma lecture du jour...
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09/02/2007
Miracle ?
=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=
" Voyons un peu par exemple, cette oreille si ordinaire. Nous avons tous appris à l'école qu'elle est divisée en trois parties, l'oreille externe, l'oreille moyenne et l'oreille interne. L'oreille externe commence par le pavillon, qui recueille les ondes sonores, et se termine par le tympan. Or il est commun qu'avec l'âge, le tympan et tout ce qui le suit deviennent moins sensibles.
Toute la machinerie de l'oreille a donc besoin de recueillir des portions d'ondes plus importantes pour être mise en action. C'est ce besoin qui fait à certains d'entre vous mettre la main en cornet autour du pavillon. Vous ne l'avez jamais fait ? Hélas, hélas, ça viendra... Or, un éminent médecin me disait dernièrement qu'après de multiples observations il pouvait affirmer que chez les vieillards, les oreilles grandissent.
Depuis qu'il me l'a dit, j'ai regardé les vieux. Regardez à votre tour, c'est vrai. C'est surtout visible chez les gens très âgés. Certains ont des pavillons considérables. De vraies feuilles de laitues. Passons du pavillon au tympan. Nous vivons dans un tel vacarme que nous ne pouvons plus jouir de sa sensibilité exquise. Il est sans arrêt assailli par une macédoine de bruits permanents qui le maintiennent en vibration perpétuelle. Et nos nerfs auditifs, pour nous défendre, mettent une sourdine à la réception, un coup de gomme général. Mais au départ, la sensibilité du tympan est telle (je cite ici textuellement P. Danysz dans Science et Avenir de juillet 1961) « qu'il peut pour certaines fréquences [...] réagir (selon le Dr Bekesy) à des vibrations dont l'amplitude est inférieure à un milliardième de millimètre, soit le dixième du diamètre d'un atome d'hydrogène. Ainsi, dans le silence absolu, notre oreille pourrait entendre s'entrechoquer les molécules d'air agitées par le mouvement brownien ! ».
Pas mal... C'est encore mieux plus loin. Pénétrons.
L'onde qui fait vibrer le tympan lui a été transmise par le milieu dans lequel nous vivons : l'air. Mais le corps de l'homme, apparemment solide, est en réalité liquide. Un homme de 80 kilos contient environ 50 litres d'eau. La vibration, pour être assimilée par l'organisme humain, devra donc passer du milieu gazeux au milieu liquide. Ce faisant, elle risque de subir au passage un coup de frein. L'oreille moyenne va fournir la solution à ce problème.
L'oreille externe est en plein air. L'oreille interne est une boîte close pleine d'eau. Placée entre les deux, l'oreille moyenne va transmettre la vibration de l'une à l'autre par l'entremise de trois os minuscules, le marteau, l'enclume et l'étrier.
Le marteau est solidaire du tympan et vibre avec lui.
Il communique ses mouvements à l'enclume, qui les passe à l'étrier.
L'étrier fait vibrer une membrane élastique sur laquelle il s'appuie, et qui ferme une fenêtre pratiquée dans la boîte en os de l'oreille interne.
Les trois os intercalaires sont si miraculeusement astucieux dans leur forme, leur équilibre, leur architecture, leur agencement et les rapports de leurs dimensions, que l'onde transmise par eux du tympan à l'oreille interne se trouve en même temps amplifiée dans la proportion de 1 à 22...
Ajoutons que pour éviter les surpressions et les dépressions dans cette oreille moyenne fermée par deux membranes vibrantes, un canal de dérivation a été percé à travers chair et os : c'est la trompe d'Eustache, en relation avec l'atmosphère extérieure par la bouche. Ainsi la pression reste-t-elle toujours la même à l'intérieur et à l'extérieur de l'oreille.
Pas mal...
C'est encore mieux plus loin. Enfonçons-nous dans l'oreille interne. Jusqu'ici tout était très simple. Nous pouvions admirer le génie artisanal qui avait confectionné chaque osselet selon une forme minutieusement parfaite et les avait assemblés au moyen de muscles et ligaments minuscules dans un équilibre fonctionnel exact. Mais il nous était facile de comprendre comment les trois os faisaient ce qu'ils avaient à faire. Dans l'oreille interne cela devient extrêmement ardu. Nous passons de l'atelier d'horloger au laboratoire électronique. Et c'est bien peu dire. Car toutes les sciences doivent être sollicitées pour éclairer ce qui se passe ici.
Nous ne sommes pas assez savants, ni vous ni moi, pour tout analyser. D'ailleurs, les plus savants eux-mêmes...
Nous allons jeter, dans cette étrange caverne, un simple regard de profane. Un regard candide. Le regard de quelqu'un qui ne prétend pas savoir pourquoi quand on lui a expliqué comment.
Nous négligerons les canaux semi-circulaires, qui sont situés dans l'oreille interne mais n'interviennent pas dans le fonctionnement de l'ouïe. Du moins à ce que nous savons. Il y a sans doute une raison profonde pour qu'ils se trouvent là et non ailleurs, mais nous ne la connaissons pas. Nous savons seulement qu'ils sont le siège, le centre del'équilibre. Ils sont trois, assemblés, chacun en forme de demi-cercle, chacun perpendiculaire aux deux autres, chacun placé dans une des trois dimensions.
Qu'ils viennent à être lésés, par blessure ou maladie, et l'homme vertical ne peut plus se tenir debout. Même couché de tout son long, les yeux fermés, il ne se sent plus en équilibre. Il ne sait plus ce que sont la stabilité, la sécurité, le repos. De tous côtés le sollicitent des chutes abominables, et il ne peut se cramponner à rien car son univers bascule dans les trois dimensions.
Un homme peut devenir sourd, aveugle, muet, manchot, cul-de-jatte, cardiaque, tuberculeux, châtré et rester un homme.
Il peut sombrer dans le coma et continuer à faire partie, passivement, de notre univers, comme un caillou. Mais privé de ses canaux semi-circulaires, il est rejeté hors du monde, dont la loi première, la condition de constitution, est l'équilibre. Il n'est plus qu'un fragment de conscience du chaos.
Si ces canaux se trouvent dans l'oreille interne, c'est peut-être à cause de leur extrême importance. L'oreille interne est en effet l'emplacement le mieux protégé du corps. C'est une petite boîte solide dans la grande boîte solide du crâne. Le crâne qui doit protéger les oreilles et le cerveau est de forme à peu près sphérique.
La sphère est la forme la plus apte à rejeter les coups vers la tangente et résister aux chocs.
Abandonnons ces mystérieux canaux, ces trois gyroscopes immobiles qui sont en quelque sorte le nœud de communication entre l'équilibre universel et celui de l'individu, et reprenons la vibration où nous l'avons laissée : entrant par la fenêtre de l'oreille interne. Derrière la membrane vibrante qui ferme cette fenêtre se trouve le labyrinthe où la vibration va poursuivre son chemin. Ce labyrinthe a la forme d'un coquillage enroulé, une sorte de colimaçon pointu, dont la base est tournée vers la fenêtre et la pointe enfoncée vers l'intérieur de la tête. Mais les coquillages terrestres ou marins, tels que nous les connaissons, se composent d'une seule cavité s'enroulant sur elle-même. Ici, il y en a trois, trois conduites s'enroulant ensemble de la base jusqu'à la pointe où deux d'entre elles communiquent. La troisième, qu'on a baptisée le limaçon, est hermétiquement close : mais elle est séparée de la deuxième, tout le long de ses spires, par une membrane vibrante - encore une ! Dans le limaçon, derrière la membrane vibrante enroulée le long des spires, sont disposées environ vingt-cinq mille " cellules auditives ". Chaque cellule est hérissée de cils vibratiles à une de ses extrémités. Son autre extrémité se prolonge par un filet nerveux. Ces filets nerveux réunis en faisceaux formeront le nerf auditif chargé de porter au cerveau le message de l'oreille.
Que se passe-t-il dans ce labyrinthe ? En gros, quand la fenêtre se met à vibrer, le liquide qu'il contient transmet les vibrations aux cellules nerveuses, qui les transforment en influx nerveux et dirigent celui-ci vers le cerveau par le nerf auditif. Mais pourquoi cette forme colimaçonnesque ?
Imaginons que les cellules nerveuses soient disposées directement derrière la membrane plane de la fenêtre. Imaginons aussi que vous soyez en train de marcher dans la forêt de Chambord par une nuit de printemps. Votre oreille reçoit le chant d'amour du rossignol, le frisson du vent dans les feuilles nouvelles, le bruit de vos pas sur les brindilles, le bramement du cerf, les incongruités sonores du récepteur TV dans la maison du garde, le chœur des grenouilles, un solo de Caravelle qui passe là-haut, un ruisseau qui mouille son lit, un sanglier effrayé qui troue un fourré, un vélomoteur à dix kilomètres...
Votre oreille reçoit tout cela en même temps.
Si vos cellules auditives se trouvaient disposées toutes sur le même plan derrière la membrane de la fenêtre, elles seraient toutes sollicitées à la fois et votre cerveau recevrait tous les sons mélangés, percevrait une bouillie de bruits impossibles à séparer les uns des autres et à identifier. Le monde sonore ne serait rien d'autre pour vous qu'un ronflement perpétuel dont les seules modifications seraient les variations d'intensité.
Le labyrinthe de l'oreille interne se charge de transformer cette bouillie, ce magma de vibrations en un ensemble sonore où chaque son sera individualisé. Au cerveau ensuite d'identifier et de choisir.
Il y a autant de différence entre ce qui parvient à l'oreille interne par sa fenêtre élastique et ce qui en sort par son nerf auditif qu'entre un gâchis de couleurs passées au mixer et un tableau composé avec les mêmes couleurs.
Comment le labyrinthe procède-t-il à l'analyse de cette purée vibrante ?
Il est difficile de le savoir, car pour voir ce qui se passe dans une oreille, il faut l'ouvrir et, à partir du moment où on l'ouvre, il est bien évident qu'il ne s'y passe plus rien. En tous les cas, plus rien de normal.
Les expérimentations boiteuses qu'on a pu faire ont donné quelques indications. A la logique de bâtir des hypothèses...
La vibration totale s'engage dans une conduite dont le diamètre diminue constamment, selon une courbe logarithmique qui comblerait d'aise Salvador Dali. Chacune des vibrations partielles qui la composent traversera donc, à un certain passage de son trajet, une portion de labyrinthe d'un diamètre qui correspond à sa longueur d'onde particulière et qui lui permettra de faire entrer en résonance, à ce diamètre, là seulement et par cette longueur d'onde seulement, le dispositif d'audition. A cet endroit-là seulement, les cils des cellules auditives se mettent à vibrer, pour ce son-là seulement. Il en est ainsi pour chacune des longueurs d'onde qui composent la vibration complexe entrée par la fenêtre. Tout le long de l'enroulement hélicoïdal, chaque groupe de cellules va pêcher la longueur d'onde qui le concerne. Quand il arrivera au bout du labyrinthe, le magma sonore aura été complètement analysé.
C'est une hypothèse. Les lois de la mécanique et de l'acoustique nous permettent de la trouver plausible. Les expériences faites dans des conditions non satisfaisantes semblent la confirmer - la membrane du limaçon vibre en effet d'une façon sélective - et l'infirmer : la membrane vibre dans les spires les plus étroites pour les sons graves et dans les spires les plus larges pour les sons aigus. L'acoustique nous inclinerait à nous satisfaire du phénomène contraire. Nous pouvons seulement en conclure que nous ne comprenons pas ce qui se passe exactement, mais que ce qui se passe est effectivement fonction des longueurs d'onde d'une part et de l'enroulement hélicoïdal des trois conduites d'autre part. Mais la longueur d'onde ne suffit pas à définir un son. Au concert, ou devant votre électrophone, votre oreille est parfaitement capable de discerner une même note jouée par le piano, le violon ou la flûte. Ce sont pourtant les mêmes cellules, de la même portion hélicoïdale, qui vont être émues par le même do des trois instruments. Qui fait alors la différence ?
Il est probable que ce sont les cils vibratiles. Ce qui se passe à leur niveau est un phénomène qu'on a pu constater mais non expliquer. Il en est ainsi chaque fois qu'on se trouve devant les manifestations de base de l'électricité et de la vie : quand un cil se met à vibrer, un micro-courant électrique prend naissance dans sa substance, se propage dans la cellule auditive dont il est le prolongement et, de là, par le filet nerveux et le nerf auditif, gagne le cerveau.
Or, aucun de ces cils n'est absolument pareil à un autre dans son diamètre, sa longueur et la disposition de ses molécules.
Il est donc possible que chacun d'eux ou chaque molécule de chacun d'eux soit plus ou moins sensible à telles ou telles caractéristiques de la vibration qui n'ont rien à voir avec la longueur d'onde, mais qui constituent le timbre du piano ou de la trompette.
Chaque molécule de chaque cil envoyant à la cellule un micro-courant différemment modulé, celle-ci en fait la synthèse, en tire la résultante, et l'expédie vers le cerveau, par son fil spécial. Les 25 000 fils spéciaux issus des 25 000 cellules apportent en même temps au cerveau chacun son micro-courant qui diffère des 25 000 autres par son micro-voltage, sa micro-intensité, sa micro-énergie, sa micro-modulation et sans doute par d'autres micro-particularités dont nous n'avons pas la moindre idée.
Le cerveau reçoit les 25 000 signaux électriques et les transforme, par un processus qu'il ne semble pas que nous puissions jamais élucider, en sensation auditive. La bouillie vibratoire recueillie par le pavillon, reçue par le tympan, amplifiée par les osselets, analysée par le labyrinthe, codée par le limaçon, acheminée par le câble auditif, traduite par le cortex cervical est devenue une mosaïque sonore construite, claire, profonde et colorée; le cerf et la grenouille, et le soupir du vent, sont entrés dans votre tête et vous les avez reconnus.
Voilà ce qui se passe dans l'oreille. Du moins à peu près. J'ai beaucoup simplifié ce que nous connaissons. Et nous ne connaissons pas tout.
Et ce que j'ai supposé est peut-être inexact. Mais si nous connaissions tout, avec exactitude, nous aurions sans doute encore plus de raisons de nous sentir étreints par l'émerveillement, et par l'angoisse de l'inconnu.
Qui a conçu l'oreille ?
Il faut être singulièrement facile à contenter pour accepter de voir dans la simplicité harmonieuse de son aménagement général, le raffinement de ses détails, la diversité de son fonctionnement mécanique, acoustique, électrique, chimique, séreux, sanguin, conjonctif, osseux, musculaire, nerveux, liquide, solide, gazeux, et nous en oublions, et nous en ignorons, et dans la coordination immédiate et parfaite de cette multiple subtilité, le résultat chanceux de mutations hasardeuses.
Nous admettons volontiers le système de la sélection du mieux armé et du mieux adapté. L'animé qui avait une oreille a survécu à celui qui n'en avait pas. D'accord. Mais qui a donné son oreille à celui qui l'avait ?
Ce n'est pas si simple, dit-on. Il y a eu d'abord une cellule qui était vaguement sensible aux vibrations, puis...
D'accord.
Mais comment cette cellule vaguement sensible a-t-elle transformé cette vibration en une sensation auditive ? Comment s'est-elle adjoint d'autres cellules ? Comment se sont-elles fait pousser des cils sélectifs, se sont-elles enfermées dans le limaçon, le limaçon dans le labyrinthe ? Comment se sont-elles fait précéder d'un système amplificateur ? Comment ont-elles fait émerger et fleurir le pavillon ? Comment ? comment ? comment ? Qui a voulu ces perfectionnements successifs ?
Est-ce l'individu ?
Si c'était possible, tous les hommes se seraient depuis longtemps fait pousser des ailes et des yeux derrière la tête.
Est-ce l'espèce ? La matière vivante elle-même ?
Qui ?
L'oreille ne s'est pas faite par l'invraisemblable hasard de millions de mutations favorables.
L'oreille est un ensemble conçu, architecturé, organisé. Le hasard ne conçoit pas, n'ajuste pas, n'organise pas. Le hasard ne fait que de la bouillie.
Même si on tient compte du facteur temps, on ne peut pas accepter l'explication du hasard. Je connais l'argument du singe et de la machine à écrire : si on place un singe devant une machine à écrire et qu'il tape au hasard sur le clavier pendant l'éternité, comme il tapera une infinité de combinaisons de lettres, il finira par taper le texte de la Bible.
Je n'accepte pas cet argument. Il est faux. Il confond la quantité et la qualité. Le singe ne tapera pas la Bible, pas même La Cigale et la Fourmi. Il tapera pendant l'éternité un cafouillis lettriste, jusqu'à la fin des temps.
Vous pouvez lancer un dé pendant l'éternité, vous n'obtiendrez jamais une série de 1000 six. Or il faudrait une accumulation de mutations favorables autrement extraordinaire qu'une série de 1000 six pour fabriquer une oreille, ou une marguerite ou un petit chat.
Mais d'où viennent l'oreille et la marguerite ?
IL Y A QUELQU'UN !...
Il y a quelqu'un sous le lit, dans l'armoire ! Il y a quelqu'un dans notre vie, dans notre chair. Quelqu'un qui nous a faits et qui fait de nous ce qu'il veut."
René Barjavel
La faim du Tigre
Michel-Ange : La Création d'Adam, fresque de la Chapelle Sixtine.
00:20 Publié dans Lectures | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : 57-lectures : miracle ? (barjavel) | |
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