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03/12/2006

Aurore - III

=--=Publié dans la Catégorie "Ecriture en Acte"=--=

"Le bonheur, quel qu'il soit, apporte air, lumière et liberté de mouvement." Friedrich Nietzsche (Aurore)

"Ce qu’ils sont ? Des civilisés cultivés qui passent leur vie à tirer des conclusions de leurs actes au lieu d’accorder leurs actes à leurs pensées." Antonin Artaud




Comment assumer le paradoxe d’attaquer la sphère culturelle elle-même, alors que précisément, de par mes centres d’intérêts j’évolue en son sein ? C’est que je rejette sa réalité présente. C’est que je considère qu’elle s’enfonce dans la boue des petits drames personnels qui n’ont pas grand intérêts. C’est que le Réalité qu’elle est nous masque le Réel de l’Être.

C’est que j’opposerai toujours, et je prends date, la maussade Réalité merdique à la Joie de l’Être réel.

J’assume ce paradoxe parce qu’il demeure quelque chose qui clame que la Culture demeure un centre de significations multiples dans une société sans la moindre signification. La Culture est vide. L’Être est devenu vide car porté par une existence vide. Mais il nous faut bien partir de quelque part pour oser, de nos jours, prétendre à la réinvention du monde et de la Vie.

Pour que ce monde en vienne à étendre un souffle neuf dans le ciel, vers le ciel, vers les étoiles, il faut faire émerger un projet collectif qui s’arrime avec détermination à toutes les apparences de la réalité, du vécu et les transcende en allant au point sensible du Réel. Le peuple réapprendra la colère si nous lui faisons apparaître l’écart horrible qu’il y a entre ce que pourrait être la Vie et sa pauvreté sanglante et misérable actuelle.

L’Art « muséifié » doit disparaître. L’Art doit baiser avec la Vie. Ici et Maintenant. Tous les jours. À chaque instant.

Le progrès rationaliste dont on nous rabat les oreilles depuis plus de deux siècles, à droite pour glorifier la libre entreprise garante de ce progrès, à gauche pour nous promettre des lendemains qui chantent, un temps des cerises à venir, ce progrès rationaliste est une fausse monnaie. La seule chose qui importe est de parvenir à aménager et arranger le milieu qui nous influence et nous détermine. Ce principe ne peut être que « religieux » et ouvert. L’accueil. L’Affirmation de soi sans menace morale asphyxiante. J’ai bien écris le mot « religieux » entre guillemets afin que l’esprit perspicace puisse exercer son entendement.

Le monde ne peut être dominé que Collectivement. Nullement par une Collectivisation Stalinienne. Que l’esprit perspicace exerce son entendement. Ce n’est que ce principe Collectif qui fait apparaître l’INDIVIDU. Dans une sphère néo-libérale, les individus ne sont que de sinistres vampires en quête de la dose quotidienne de sang d’autrui par l’intermédiaire de ce que le pouvoir économique et le pouvoir politique (désormais assujetti à l’économique) leurs dispensent avec parcimonie pour qu’ils se tiennent tranquilles. Ainsi, les individus vont et viennent au petit bonheur la chance, dans ce bordel immense et organisé, leurs émois, leurs troubles, leurs désarrois s’annihilent mutuellement et consolident le milieu qui érige leur dégoût, leur lassitude, leur morosité, leur angoissant tracas. Nous ne parviendrons à ruiner et détruire les clauses et modalités de cette société angoissante désormais dépourvue d’angoisse (Heidegger) qu’en mettant en scène des Jeux, des Joies et des Jouissances supérieures. La présence Humaine ne pourrait, alors, qu’être authentiquement et pleinement présente.

L’implication Collective de la domination de ce monde doit être Hiérarchisée selon un schéma naturel et humaniste. N’en déplaise aux coupeurs de têtes. Robespierre et Saint-Just ne sont pas mes héros.

L’égalité en termes de droits et de devoirs se doit d’être parfaitement appliquée puisque, selon ce que signifia un Montaigne souriant, chaque homme est un miroir pour son prochain. Même le cannibale. Il est évident que dans le déploiement de l’application de ce postulat certains et certaines se distingueront. Les prétendants ne sont pas légion.

Lorsque le Peuple se veut Souverain, en dépit de l’Individu, c’est signe de décadence.
Lorsque l’Individu se veut Souverain, en dépit du Peuple, c’est signe de décadence également.
Le 20ème Siècle nous l’aura magistralement montré. Le terme « Magistralement » n’est pas utilisé ici à la légère, mais pleinement mesuré.

Encore une fois : l’à-venir et donc… l’Avenir est à la synthèse et donc… au dépassement de ce qui a été, est et pourrait advenir.

Consciemment, à 40 ans passés, je me considère en pleine possession de ma jeunesse. Je suis le fervent défenseur de la Force de la Jeunesse. Mais je me refuse, du plus profond de mon être, à être assimilé et comparé à ce qu’on a coutume d’appeler « la jeunesse ». C’est une façon bien mise, soignée, politiquement correcte, faussement tirée à quatre épingles pour juguler le fond du problème, en s’efforçant même de l’enterrer, en lui conférant ce déséquilibre imputé à la faculté d’une saison appelée à passer ou aux caprices des transformations socio-biologiques. Ponce Pilate sut si bien se laver les mains. Car la jeunesse d’aujourd’hui, comme définitivement abrutie par le manège de la consommation et de l’angoisse de la production, suffoque, selon l’effigie de ses aînés, dans la quête balbutiante, le flottement existentiel, l’incertitude, la méfiance et le soupçon… et l’égoïsme cynique.

Depuis la chute originelle, l’exil, nous sommes entrés dans le piège de la reproduction, pieds et poings liés. Nœuds de toutes parts.

Ainsi on patauge à chercher là où Picasso et Cocteau trouvaient.

Voilà pourquoi, bien qu’à portée de la main, nous avons ce sentiment inéluctable de ne rien trouver de ce que nous cherchons. Et, de fait, nous acceptons cette lamentable servitude volontaire, cette nausée quotidienne, sans rien trouver à y redire. Pire ! Si jamais quelqu’un se distingue en possession du cri salvateur, nous savons le lapider. Amen.

La complicité du mensonge présent est générale.

Entrevoyant la Vérité les adversaires se présentent toujours à l’heure, en temps et en lieu.

Il y a quelque chose d’atrocement comique d’entendre parler de « Révolution » par les temps qui courent. Le terme prend un poids ridicule, infime, négligeable. C’est, bien entendu, dû aux mauvaises expériences passées qui ont eu le culot de se réclamer d’un esprit Révolutionnaire, mais c’est tout autant dû aux tentatives qui étaient à deux doigts de réussir de fonder une élancée autre de la Vie, un possible aux multiples possibles, et aux erreurs commises par les acteurs des mouvements en question.

L’Ordre ne veut pas être dérangé. L’Ordre est profond. Il vient de loin.

1789, 1848, 1871, 1917, 1936, 1968 n’ont pas eu lieu. Ce ne sont plus que des dates dans les livres d’Histoire qui veulent nous persuader que quelque chose ce serait passé et nous élabore des schémas représentatifs qui finissent par nous maintenir en laisse. De fait, le mouvement Révolutionnaire en tant que tel a été démantelé dés la prise de pouvoir des pseudo-révolutionnaires que tout le monde connaît afin qu’aucune nouvelle Situation ne puisse voir le jour. Geler la situation dans ce qu’elle est, une sorte d’Artefact condensé des humeurs et des ressentiments profonds, voilà ce qui fait le lot de l’Humanité en tous lieux et à toutes époques.

C’est bien l’Armée Rouge Communiste de Trotsky qui extermina les Cosaques Anarchistes d’Ukraine de Makhno le Rebelle.

Nous voici ainsi, largués de droite, ou largués de gauche, apolitiques, croyants ou athés, agnostiques cyniques ou saints par compassion, étalés dans la fange putride de la résignation qui ne fait plus de nous des hommes, mais de pauvres hères qui subsistons métaphysiquement et physiquement du mieux que nous pouvons, cherchant sans cesse un juste moyen pour nous laver notre conscience de toute la merde que nous y étalons nous-mêmes de nos mains soumises avec la précision requise. Big Brother and Big Mother are watching us.

Il faut supprimer toutes velléités de chamboulement, de désordres, de fantaisies créatrices dans une société quelle qu’elle soit. Que la Société se nomme démocratique, théocratique, fasciste, ou ce que vous voulez. Mais, dés que les conditions nécessaires sont réunies pour affirmer pleinement les arguments du pouvoir régnant, dés que les outils sont en place et en synergie adéquate pour que la ruine s’élabore de l’avant se consolidant jusque dans nos veines et nos réseaux nerveux tellement l’hypnose en place est drastique, aussitôt sont réunies les conditions et les possibilités d’une transformation totale du monde au sein duquel nous vivons. Le pouvoir ne le sait que trop. Être absolument Moderne ne lui suffit pas. Par des moyens modernes il se doit de préserver la morgue de sa vieille domination éternelle, poussiéreuse et antique, même s’il change d’appellations au cours des temps. Suprématie du même empire infernal depuis toujours.

Si le « Révolutionnaire » de nos jours est ridicule, le citoyen moyen (c’est-à-dire à peu près tout le monde) l’est tout autant lorsqu’on passe sous microscope et qu’on étudie au scalpel les divers aspects de son accord soumis, de son consentement, de son agrément au pouvoir en place qui lui accommode son cadre de vie selon des desiderata totalement inhumains.

La Révolution est enrayée lorsque les tee-shirts prolifèrent avec les portraits de Bob Marley ou du « Che ». Beaux biens de consommations. Mais de même, la seule perspective révolutionnaire (ou tout du moins nommée ainsi) qui se propage comme une rumeur constante et un sacerdoce nouveau est le publicitaire porté à son paroxysme constant. Si la chair des philosophes du 18ème Siècle est devenue bien triste, le paroxysme publicitaire nous entraîne dans le vertige de sa jouissance mortuaire toujours recommencée. Et pendant que cette « révolution » là est en avancée constante, les tentatives Révolutionnaires avortées sont désignées comme responsables de biens des massacres (authentiques, bien sûr), les pages se sont écrites dans le sang, bien-sûr, les échecs sont encadrés en gros, pour sûr, pour sûr, le chien que je suis peut aboyer autant qu’il veut, la caravane des marchands de serpents et de potions magiques passe. La Révolution (qui pourtant n’a pas eu lieu) est responsable d’aliénations nouvelles.

« La lucidité, elle se tient dans mon froc ! » gueulait Léo Ferré.

Les marchandises et la marchandisation progressive de la Vie dans son ensemble s’étalent comme de multiples fêtes invariables. Et, comme à un concert joyeux, nous levons les bras vers le Veau d’Or croyant les lever vers le Ciel. Nous approuvons. Les moindres nuances et les moindres détails de la marchandise constamment changeante sont portés au pinacle de l’idolâtrie par l’hystérisation de notre désir.

De véritable projet Révolutionnaire qui exprimerait les éventualités, cas et hypothèses, les occasions et opportunités, les moyens et les potentialités d’un changement du monde et de la Vie, il n’y en a point. Tout du moins, il n’y a pas de projet nodal. Quelques particules libres, ça et là, sillonnent les antres, les recoins et les sphères de la Réalité et de ses Ravages. Quelques consciences sursautent à l’occasion. Une nouvelle toile se doit d’être tissée. Comprenne qui pourra.

Les seuls critères sur lesquels une contestation totale et authentique, susceptible d’être libératrice pour l’Être en nous, se doit d’être fondée, se doit de naître sur le rejet de la Société et de ce qu’elle implique dans son ensemble. Une transmutation de nos valeurs, une transvaluation de nos notions de bien, de mal, de juste doit apparaître. Bien qu’aux liaisons floues, aux contours imprécis, des tentatives de la transmutation en question apparaissent ça et là, je le disais.

Tout amendement « progressiste », toute « amélioration », tout « perfectionnement » de certaines situations néfastes, accueilli avec la joie désormais commune des masses soumises, dans le soulagement démocratique mutuel, même s’il contribue en certaines circonstances à atténuer des douleurs et des difficultés sociales, sera, au final, voué à parfaire une seule chose : le conditionnement que le système propage à notre encontre pour nous contenir. C’est précisément cela qu’il nous faut investir, bousculer, retourner, invertir, désarçonner, détruire, jeter à bas, mettre sans dessus dessous, culbuter, chambarder, RÉVOLUTIONNER.

Les villes contiennent à la fois leurs larbins et leurs futurs dynamiteurs.

En même temps que la Rébellion se trouvait intégrée aux jeux néfastes du Pouvoir Marchand Dominant, cette haute conscience s’emparait de moi comme une très Sainte nécessité. J’avais 17,18 ans et je déclarais la guerre au monde entier. Je n’ai toujours pas quitté ces sentiers étroits malgré les paradoxes de mon existence de travailleur huilé pour les rouages de la grande machine qui me dévore comme tout le monde.

« It's a big machine, it's a big machine
We're all slaves to a big machine
It's a big machine, it's a big machine
We're all slaves to a big machine
All tied up to a big machine
I got houses
Got cars
I got a wife
I got kids
Got money in the bank

Get away without borders
I'm a slave, New World Order
I guess I chose to be
I guess I chose to be
I guess I chose to be
I guess I chose to be

Hope I teach my son how to be a man
Now before he hits 35
Comic book lives don't really have any real life do they now »
chante Scott Weiland avec Velvet Revolver.

Je suis un Moderne. Oui. Je refuse de croire que je puisse faire partie de cette engeance dite « post-moderne » qui s’illusionne à vouloir précipiter le temps dans un gouffre inexistant, en proclamant que désormais l’Homme est sur la juste voie, que la fin de l’Histoire est là ou très proche. Sont mes ennemis ceux qui veulent me faire prendre des vessies pour des lanternes avec de douceureuses voix me dictant que tout va pour le mieux et de mieux en mieux (Bien-sûr, Voyons !), que des réformes apporteront la Joie et la Jouissance. Ce n’est qu’un contrôle de plus, une maîtrise supplémentaire, un renforcement des conditions d’exploitation de l’homme par l’homme. L’exploitation de l’Humanité par quelques hommes. Quelques vampires suprêmes nous transformant en vampires mineurs.

Je suis loin d’avoir le seul apanage, le seul privilège, l’exclusivité de l’intellect, de la pensée, de l’entendement, de la clairvoyance. Mais je veux me targuer de m’efforcer d’utiliser mon intelligence selon une noble destination. Je peux donner le sentiment, une fois de plus, d’étaler mes mots selon mes humeurs pathologiques, et pourtant… chaque phrase est soupesée et orientée du mieux que je peux le faire, conformément à mes modestes moyens.

La première des critiques Révolutionnaire que je puisse faire à l’égard de la Révolution est de proclamer que le problème de l’Homme n’est guère Social. Le Social n’est qu’un symptôme, une conséquence, de l’Absence de Spiritualité, du manque d’esprit en ce Néant où nous pataugeons. Et les églises en sont largement responsables, de par leurs bigoteries, leurs aveuglements. Certes, on peut voir encore quelques yeux briller d’une flamme singulière dans l’enclos de la Foi que suggèrent les diverses prêtrises. Mais il manque l’Amour et son Intellect. Il y a beaucoup de Foi et d’Espérance. Mais cela ne suffit pas. Car comme le précisait l’apôtre Paul, même si j’ai la Foi et l’Espérance, si je n’ai l’Amour, je ne suis Rien.

Sans une utilisation de notre intellect correcte et adaptée aux situations et, plus particulièrement, à la situation générale dans laquelle nous nous trouvons, nous ne pouvons avoir accès aux idées et pensées audacieuses, d’avant-garde, futuristes que par bouts épars grotesques, ridicules, primaires, simplistes et sommaires. Ce sont précisément ces idées et ces pensées qui peuvent nous permettre de comprendre et saisir notre temps pour d’autant mieux le contester et le transformer radicalement.

"Dans un monde totalitaire, les artistes meurent et leur disparition signe et avalise l’avènement des publicistes, des propagandistes et autres metteurs en scène de vérités nécessaires au grégarisme du moment." Michel Onfray

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Bande son du moment : "Collideoscope" par Living Colour

Lecture du moment : ...pas de lecture particulière... butinages divers...

Citation du jour : « L'esclave est un serviteur qui ne discute point et se soumet à tout sans murmure. Quelquefois il assassine son maître mais il ne lui résiste jamais. » Alexis de Tocqueville (De la démocratie en Amérique)

Humeur du moment : Concentré face à la fatigue

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02/12/2006

Aurore - II

=--=Publié dans la Catégorie "Ecriture en Acte"=--=

Beaucoup de surface et de superficialité en notre époque malade. Le paraître plutôt que l’Être.
Les Machines finiront par nous soumettre à leurs puces, conducteurs et micro-processeurs ! La profondeur ? Au diable ! Ou plutôt laissons-la au bon dieu. Le Diable a des atouts que la divinité n’a pas : la platitude et le nombrilisme ! Justement.

Il y a un manque d’idées dans chaque sphère de notre vie. Les actes Culturels, Politiques, Spirituels sonnent creux ! Il suffit de jeter une oreille à la production musicale, d’échanger quelques propos avec ses collègues de travail, de suivre le journal de 20h00 pendant un petit quart d’heure, de regarder une vitrine de librairie, de considérer une cité HLM et sa conception concentrationnaire.
Ou alors, on peut prendre ce postulat à revers ! Les idées fusent de toutes parts, mais elles fusent précisément dans le but de nous soumettre, de nous concentrer pour une surveillance plus accrue, de nous empêcher d’avoir des idées en contrepoids. De partout les acronymes et novlangues de spécialistes explosent ! Curieuse contre-initiation mise en place pour contre carrer toute initiation à la Vie ! Il nous faut être sollicités. Encerclés de sollicitations. S’il est une idée, c’est celle-là ! Et la rétention d’information se doit d’être agréablement ciblée et présentée comme festive, branchée, câblée, « in ». Soyez festifs, branchés, câblés et « in »… et peut-être aurez-vous accès à la compréhension du Vide organisé et construit pour vous néantiser la matière grise et vous rassurer pendant que le système se rassure ! Car les techniciens ont cette intelligence protectrice qui consiste à jouer le jeu des techniciens qui les comprennent. Les spécialistes pour les spécialistes. Du coup, le commun des mortels détourne la tête de l’essentiel, s’enivre de valses stupides pour se distraire et en oublier qu’il est mortel, car… c’est trop compliqué ! Ça ne le concerne pas ! C’est une affaire pour ceux qui adoptent une posture. De là découle tout ce conformisme puant et craintif, ce manque d’imagination qui fait croire que ce qui est bon et utile est pris en main par les instances qui conviennent. Pour en venir à comprendre la Crise Mondiale en cours, il conviendrait de faire preuve d’inventivité, de fantaisie et d’inspiration pour pouvoir concevoir, enfin, la carence et la privation, le déficit et la pénurie de l’ESSENTIEL. Penser, imaginer, peser, former tout ce qui est manquant, occulté, prohibé et néanmoins concevable au 21ème Siècle. Ô Champs du Possible. Champs des Possibles.

Dans de telles conditions, je ne peux que comprendre les rapports que j’entretiens avec mes contemporains encadrés et nourris par une génération d’intellectuels « intellectualistes », prout-prout, frileux et tout juste attachés à quelques valeurs sorties de 1789 (qui n’a pas eu lieu) et mythifiées en idéal idéel, n’ayant aucun rapport concret et direct avec l’Incarnation Vitale de la Vie. Impuissants et bandeurs mous ! Pas de concession avec ces enfoirés qui ne souhaitent secrètement que défendre leur bout de gras !

Il y aurait de la purge à faire dans la presque totalité des intellectuels qui se permettent de se satisfaire de leur propre pensée creuse de penseurs emplis d’eux-mêmes. S’il y a des nombrilistes à trouver… ils sont plutôt à chercher par là. Moi j’écris sereinement à la lueur de mon écran, la nuit quand tous les chats sont gris. Je sais des solutions au monde basées sur l’Amour et le regard en l’Autre. Mais ces solutions ne peuvent passer que par le phénomène de la jurisprudence (Deleuze) non l’idéel noumène Kantien des « droits de l’homme ». Il faut de l’Action et du mouvement, des décisions… même pour ériger l’oisiveté de Cossery au niveau du grand Art. Nos intellectuels et nos « Zartistes » s’agréent eux-même de ce qui leur semble être leur génie (tout droit sorti de leur petit drame psycho-socio-familial personnel) et ils se doigtent le nombril les uns et les autres dans une délectation d’Impuissants. Ensuite ils pensent briller en parlant de l’Impuissance de la pensée à laquelle ils se soumettent. Et ils brillent en effet : entre eux.

Car, l’aliénation consiste bien, pour être pleinement appliquée et efficiente, à parvenir constamment à séparer notre pensée de notre conscience. La pensée ne doit pas parvenir à être consciente d’elle-même, encore moins à inscrire sa trajectoire dans le désir d’une Cible !

Oui, il nous faut quelques mutineries dans chaque lieu de l’Être. Des séditions dans les spécialités, les matières de l’esprit, les disciplines. Et il faut unir les connaissances et les tendre vers le Savoir. Car toutes les séparations, les Catégories : feu de paille et guerres de chapelles. Mensonges.

Mensonge.

Les hauts fonctionnaires qui privilégient les résultats en ne tenant compte que des aspects techniques au détriment des aspects humain, qui prévoient compétition, lutte, rivalité et organisation totale… il nous faut des armes pour les révoquer : il nous faut dire et porter le Verbe aux quatre coins des sens et significations… la Communication doit être abrasive et totale. Si la communication est abrasive et totale, la fête qui en découlera ne sera pas chienlit. Ce sera un don mutuel que les hommes de bonne volonté se feront en riant.

Potlatch.

Et que l’on ne vienne pas me dire sur un air niais que, ça y-est, la communication totale est là. Car la communication d’aujourd’hui ne consiste en rien d’autre qu’à précipiter le temps dans les tâches, interventions, transactions financières, expéditions, besognes qui soumettent le monde. Accélérer le processus de construction du Golem qui désagrège l’ancien monde en même temps que le bon sens. Spectateurs, nous nous grattons les couilles en baillant devant les affiches de publicités et les écrans de contrôle qui nous divertissent.

Augmenter la vitesse de mise en application des actions, voilà tout ce qui compte dans la communication… Comptes bancaires, objectifs à atteindre, loisirs sous surveillance, rires de plage, viande malade maquillée en viande saine. Œil présent au monde mais absent à soi.

La communication n’a de sens que dans l’action commune, le partage et l’échange, comme jadis, autour du feu de camp dans le désert. Les plus saisissantes exubérances de l’étroitesse d’esprit, de la fermeture d’esprit, de l’intolérance sont connexes à la surabondance de Passivité générale. Un texte se présente, un texte simple sans prétention aucune : son auteur est systématiquement taxé de nombriliste… par les nombrilistes eux-mêmes.

Or, moi, j’écris la nuit quand tous les chats sont gris, à la lueur de mon écran… et je dis, qu’à nouveau il nous faut porter sur les choses et les faits un regard sévère et juge qui soit Historique. Car l’Histoire n’est pas finie et elle ne finira jamais.

Mon utilisation d’Internet contient à la fois le refus et l’acceptation de ce média. La communication de demain se devra d’être quantique : elle contiendra son refus, sa contradiction. Le saisissable et l’Insaisissable. La contradiction contiendra l’apport essentiel et le « Oui ». Ainsi le refus et la contradiction deviennent communication abrasive et Totale. Projet Positif. Un Projet Positif contient sa propre sévérité à l’encontre de sa propre voie. Seule compte la qualité de la danse. Le vrai Pouvoir c’est la qualité.

Les sarcasmes de mes contemporains ne sont qu’une négativité balbutiante. Le Drame est qu’ils mènent la danse.

«Lorsque je suis venu auprès des hommes, je les ai trouvés assis sur une vieille présomption. Depuis longtemps ils croyaient tous savoir ce qui est bien et ce qui est mal pour l'homme...

C'est là aussi que j'ai ramassé sur ma route le mot de surhumain, et cette doctrine: l'homme est quelque chose qui doit être surmonté...»
Friedrich Nietzsche (Ainsi parlait Zarathoustra)

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Bande son du moment : "Rock Garden" par Ty Tabor

Lecture du moment : ...pas de lecture particulière... butinages divers...

Citation du jour : «Les Français veulent l'égalité, et quand ils ne la trouvent pas dans la liberté, ils la souhaitent dans l'esclavage.» Alexis de Tocqueville (L'Ancien Régime et la Révolution)

Humeur du moment : Serein... souriant

14:15 Publié dans Écriture en Acte | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : 31-Ecriture en Acte : Aurore - II | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

01/12/2006

Aurore

=--=Publié dans la Catégorie "Ecriture en Acte"=--=

«Vous avez remarqué que, devant cette détresse propagandisée, je ne marche pas une seconde. Tout le monde me demande depuis longtemps comment j'ai eu conscience de ce qui est en train de se passer comme ère crépusculaire. À quoi je réponds que je ne vois pas le sens de cette question, puisque pour moi c'est l'aurore. Aurore est un beau titre de Nietzsche, qui a placé en exergue de ce livre, vous vous en souvenez, une phrase du Rig-Veda : "Combien d'aurores n'ont pas encore lui." Et comme je suis en 118, [ ... de la nouvelle ère, selon l'auteur...] je vois devant moi une splendide aurore, qui ne peut pas ne pas annoncer midi. Mais quand je dis ça, c'est comme si je tenais un propos délirant. L'embêtant, c'est que c'est le crépusculaire qui délire.» Philippe Sollers (L'Évangile de Nietzsche, entretiens avec Vincent Roy)


Nous sommes emportés par une singulière entreprise provoquée par nous, mais qui nous dépasse de loin : L’appropriation précise et scientifique de la nature par les hommes.

Même si nous pouvons constater les soubresauts de la nature... ondes de chocs et scissions multiples... nous ne pouvons remettre en cause cette appropriation violente en cours ; les seuls arguments Sociaux, Philosophiques, Politiques, Spirituels qui comptent ne peuvent et ne doivent se tenir qu'à partir de cette situation unique, car le seul point d'achoppement qui détermine le comportement Humain (trop Humain), la seule question qui demeure au centre de la pensée et de l’action, à présent, post-modernes, c’est l’utilisation et l'exploitation possible de la "subdivision" de la nature.

Par sa "Servitude Volontaire" l'Homme est un animal surprenant qui s'adapte au pire... définitivement... mais... on peut toujours trouver des ressources pour survivre longtemps... très longtemps... très très longtemps... Vivre est une autre histoire.

Ces victoires, ces succès, ces triomphes emphatiques ne sont pas les nôtres... par Dionysos... notre Victoire sera la fête. Le Temps retrouvé ! Celui de Proust ! Celui des Cerises bien-sûr... celui d'un Drapeau Noir... pour Sûr... celui d'une Majestueuse Fleur de Lys... à l'évidence ! Mais méfiance... ce ne sera ni le Drapeau Anarchiste, bien que Pirate... ni le Royaume de la Monarchie, bien que Royal ! L'Invention et le souffle ! Le Sourire de Dieu si vous voulez... Le Mot Majestueux ! Le Verbe ? Que Dieu m'entende... s'il existe !!!

L'Avenir Révolutionnaire est à la Synthèse Salvatrice ! Elle est à inventer, à découvrir, à formuler. Tout le reste : chapelles et feux de paille.

Il faut des Racines Profondes, retrouvées et arrosées pour se projeter dans un avenir que personne ne soupçonne.

La Liberté des facultés intellectuelles, Psychiques et Corporelles est bien l'unique substance interne et matière première que n’a pas encore éprouvé notre époque pragmatique... sauf au travers du Consumérisme ! Balivernes et Hypnoses ! Le Libertaire, Libertin, Souverain et Unique, Seigneurial et Rebelle est... absent ! Il se cache !

Le Monde tend à l'Unisson vers l'Unité dans toutes les Sphères de son Incarnation tentaculaire.

L'Unité du monde transparaît, aussi, dans l'Unité des conditions de l'Asphyxie générale... de la suffocation, du halètement maladif, du harcèlement, de la sollicitation constante, de l'asservissement, de la domination, de l'esclavage (doux ou brutal), des soumissions et mortifications, de la Tyrannie oppressive directe ou masquée !

Sa crise, perçue de manière diffuse, est cependant unitaire aussi. Faisceaux d'énergies encore scindés mais aptes à coopérer lorsque le paroxysme l'exigera ! L'Histoire suivra son cours ! Et le Fascisme Fasciste ou déguisé en "Démocrassouillardise" ne passera pas !

L'Aliénation est bien cette contrainte qui dépossède l'Homme de lui-même, de son "Soi" essentiel, de sa Liberté Fondatrice et Souveraine, de ses aptitudes à la découverte et à l'épanouissement.

Désormais, aux quatre coins du Monde, cette Indivisibilité fondamentale de la démence organisée se transcrit et se représente en discriminations, en démembrements, en illogismes, en inspections maniaques. Demain : la pupille de l'œil ainsi que les empreintes digitales feront office de carte d'identité, de carte bancaire, de "Carte Vitale"... en attendant les implants !

Contrôler l’art et la pensée est un front précis de l'entreprise Toxique de la répression. Ce Contrôle rejoint symptomatiquement le planning plus général de l'autorité, de la mainmise, de l'influence, de l'emprise exercés sur nos vies.

Or, les idéologies s’effritent et, par doses toujours plus massives, au fur et à mesure qu'elles s'émiettent, elles se doivent de sauver la façade et d'appliquer le plan au plus près de la lettre : orchestrer chaque élément de la vie. De notre Vie.

Le Monde techno-scientifique nous a libérés de nos frontières spatio-temporelles ancestrales. Nations ? Régions ? À présent la mesure est Mondiale. Unité ?

Mais la raison d'être de ce Monde techno-scientifique est de nous diviser, de nous dresser les uns contre les autres selon un sens qui nous échappe encore de façon claire et voyante, selon des bifurcations permanentes, de subtils poisons, une cohérence interne dissimulée qui s'exaltent en concepts et notions absurdes et démentes. Bonifications débiles ! La Chienlit et autres défilés de "roller-communities", gay pride et techno-parade exhalant leurs pestilences névrotiques, Martyrs et dévots croyants aux yeux gorgés de sang se fouettant avec ivresse. Thanatos ! Fétide !

En vérité je vous le dis et le signe des deux mains : 1789, 1871, 1968 n'ont jamais eu lieu ! Nous sommes en retard sur les postulats de Diderot, Voltaire, Montesquieu, Proudhon, Stirner, Debord... Ils nous précèdent. Nous nous traînons derrière eux comme de tristes pantins lobotomisés !

Nous avons préféré Robespierre, Napoléon, Thiers... Pompidou ! Et nous sommes encore et toujours au 19ème Siècle ! Mental Bourgeois délétère en notre douce Chiraquie !

L'Unité de nos affres et espoirs a de curieux contrecoups. L’étranger, à présent, précisément de par la subtile séparation mise en place sous couvert d'Unité Festive, nous entoure de partout, au moment précis où nous devenons de plus en plus étrangers à notre monde. Étrangers les uns aux autres. Étrangers à nous-même. Étrangers à ce Monde au sein duquel nous vivons pour produire et consommer et reproduire ce qui convient. L'altérité n’est plus au-delà de la frontière, derrière la limite, sur un autre continent, elle est là, derrière la porte, constituée en sanguinaire férocité justement par sa participation obligée à la même perpétration des crimes culturels et mentaux hiérarchisés.

L’humanisme, qui ose se prétendre tel, qui soutient ce Gigantesque "Barnum" est l'antithèse pathologique de l’homme, le contraire de son énergie vitale et de son désir d'être-au-monde ! Nous en sommes là : Les "droits de l'hommisme" et l’humanisme de la marchandisation de notre souffle ! La Volonté Démoniaque d'une Cordialité de la marchandise pour l’homme qu’elle parasite afin de lui apporter la Liberté de s'emparer, enfin, d'elle... douce Marchandise mystérieuse et inaccessible... enfin accessible !

Les hommes diminués en objets, rouages, courroies développent les expressions d'une conscience de bête, d'animal. Et les objets issus de la Matrice acquièrent de plus en plus des qualités presque humaines.

Les "Tamagoshis" n'étaient qu'un test.

Le maître des marionnettes sourit...

Les révoltes ne sont que de banales apparences. Des "pets de lapin", dirait Henry Miller écartelé aux Tropiques ! La Contestation Générale est bel et bien ORGANISÉE pour nous proposer des instants de purges. Soupapes sécuritaires !

Ce monde dominant s'IMPÉRIALISE et s'autoproclame comme définitif, la Mondialisation/Globalisation Carnassière s'étaye sur un Socle qui clame l'enrichissement, le progrès, le développement, la libre entreprise, l'approfondissement de sa sphère nombriliste, cannibale et sado-masochiste. La Mondialisation/Globalisation oeuvre à l'étirement, au déploiement, à l’extension infinie de son modèle Unique et irremplaçable. Dieu... Veau d'Or... Marchands dans le Temple ! Légion !

L'Intelligibilité, la Lisibilité de ce monde (Golem des temps nouveaux suspendu dans l'Espace) ne peut s'édifier que sur le Litige, la Révolte Authentique qui n'a de sens et de réalité (face au Virtuel) qu’en tant que remise en question radicale de la tentaculaire totalité.

Beaucoup sont appelés... peu sont élus... pour comprendre ce qui se trame ici.

"Au-delà du Nord, de la glace, de la mort - notre vie, notre bonheur... Nous avons trouvé l'issue de ces milliers d'années de labyrinthe." Friedrich Nietzsche
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Bande son du moment : "Live in Belgrade" par Vlatko Stefanovski et Miroslav Tadic

Lecture du moment : ...pas de lecture particulière... butinages divers...

Citation du jour : «Qui cherche dans la liberté autre chose qu'elle-même est fait pour servir.» Alexis de Tocqueville (L'Ancien Régime et la Révolution)

Humeur du moment : Détendu

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25/11/2006

Conserver les yeux ouverts... sur la lumière.

=--=Publié dans la Catégorie "Ô Mort... Ô Mort..."=--=

Nous nous souviendrons, un jour, de ces états. Le Corps aura ses exigences. Il demandera des comptes à grands coups de « qu’en dis tu vieil abruti ou vieille garce ? », et nous n’aurons plus que nos spasmes pour éprouver une mémoire enfouie refaisant quelque peu surface selon sa convenance. Des chansons liées à des situations, des phrases marquantes, des mots perdus, des non-dits, des souffrances éteintes. Belles cicatrices. Nous nous souviendrons comme des enfants nostalgiques et il nous faudra faire face au flux et, relevant la tête, regarder devant plutôt que derrière.

À Vencane (Ventchané), en Serbie, s'est déroulé la liturgie pour les 40 jours de la mort de ma petite mamie, puis pour les six mois. En Avril prochain ce sera l'année complète cloturant le deuil. Les Rituels organisent tout, inquiètent, finissent par apaiser. J’allume souvent un cierge. Le cierge, là, se consumant lentement à mes côtés, c’est un peu de ma grand-mère qui est là, de sa lumière, de son amour, de toute cette tendresse que je n’ai jamais reçu de personne d’autre avec autant de délicatesse en même temps que de gratuité.

« La lumière est douce et il plaît aux yeux de voir le soleil. » (L’Ecclésiaste, 11,7)

Le feu de chaque cierge est l’expression d’une prière silencieuse montant vers Dieu. À partir du moyen-âge on voit s'élaborer progressivement une symbolique de la lumière lors des cérémonies chrétiennes. La joyeuse lumière vivifiante du matin de Pâques. La lumière rappelle la résurrection de Jésus qui est « la lumière véritable qui éclaire tout homme » (Jean1,9). Une lampe allumée près du tabernacle (ce petit coffre fermant à clef, placé sur l’autel ou à proximité, et abritant les hosties consacrées) en signale la présence lumineuse.

Maintenir allumées chez soi en permanence des lampes ou bougies devant des icônes du christ, des Saints ou de Marie est une habitude très ancienne par laquelle on symbolise la prière de tous ceux qui vivent dans le foyer en question ainsi que leur volonté de vivre sous l’attention de Dieu.

Jésus a dit : « Je suis la lumière du monde », aussi c’est une manière pour nous de dire, à notre tour : « Seigneur éclaire-nous d’avantage afin que nous ne nous écartions pas de ta voie. Seigneur, Dieu Unique, en t’offrant cette lumière, nous t'offrons l'amour, la persévérance et la ténacité, l’abnégation et le don de soi de tous ceux et celles qui nous ont orientés vers toi. Tu donnes la lumière et à présent elle te revient, car tout vient de toi. »

À la nuit tombante, il peut nous sembler que nous passons au royaume des ténèbres. Mais la lumière, en resurgissant à chaque aube, nous éveille à un jour nouveau, elle prend part à l’Esprit Saint de Dieu, à son action créatrice, à ses miracles, à la vie, au salut, à la connaissance.
La lumière, dés la Genèse, apparaît comme ce qui fait être et advenir les choses, comme si la Lumière mettait de l’Ordre au sein du « tohu bohu ». Par la suite, la Lumière se propage continuellement, tout au long du récit Saint, comme un Principe à la fois bienfaisant et joyeux qui réjouit le cœur du juste face aux épreuves.
Lorsque, à l’aurore, la lumière perce la nuit, la menant progressivement vers l’éclat du matin, elle fait émerger les aspects cachés, clarifie et détaille l’envergure et la mesure du monde, sa consistance, sa substance, ses couleurs, ses chatoiements, sa brillance. Tout est, soudainement, déplacement, course, évolution, mouvement et vie. Tout se prépare à accueillir l'homme, comme aux premiers matins du monde. C’est une signification spirituelle par laquelle nous nous trouvons conviés chaque matin à refaire l'expérience de l’éveil d’Adam. Pauvres de nous. Pauvre de moi.
Mais la Lumière, évoquée ici, n’est pas celle du soleil, ni de la lune. Elle est Souveraine en comparaison aux luminaires du jour et de la nuit. Souveraine par la grâce du Souverain de l’univers, elle est sa juste esclave émancipatrice. Elle est l’habit de Dieu, le miroitement de sa Majesté et de sa Gloire. Elle l’escorte et le suit. Les Psaumes l’attestent. De même, l’ancienne Alliance indique que la Loi et la Connaissance sont la lumière du peuple de Yahvé. Aux temps messianiques, Dieu lui-même sera la lumière de son peuple, sa tente sera plantée au milieu des hommes. Les ténèbres n’auront plus aucune emprise sur les élus. À son tour, par la nouvelle Alliance, Jésus affirme : « Je suis la lumière du monde, qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres mais aura la lumière de vie. » (Jean 8,12)

Les chrétiens, par le miracle de la lumière pascale, deviennent eux-mêmes « lumière du monde » et leur devoir est désormais de « briller comme des foyers de lumière dans ce monde ». La lettre aux Philippiens dit : « Vous deviendrez inaccusables et limpides – enfants de Dieu sans défaut parmi une génération qui sinue et qui se tord, dans laquelle vous brillez comme des astres dans l’univers. Vous tenez bon au langage de vie », ou selon une autre traduction : « afin que vous soyez irréprochables et purs, des enfants de Dieu irrépréhensibles au milieu d'une génération perverse et corrompue, parmi laquelle vous brillez comme des flambeaux dans le monde, portant la parole de vie » (Philippiens 2,15-16)

Chez les Égyptiens de l’antiquité, à la mort du corps physique, 40 jours sont nécessaires pour que l'âme soit totalement délivrée. Le corps dit « éthérique » met 40 jours, selon la tradition, pour se délayer dans l'univers. Tant que les atomes, corpuscules, molécules, particules qui le composent n'ont pas réintégré l’athanor, le creuset de la nature, la conscience du défunt demeure attachée, selon les cas plus ou moins intimement, au monde de son incarnation. Ainsi une cérémonie religieuse était célébrée 40 jours après un décès afin de faciliter la délivrance définitive de la conscience du défunt.

Cependant il ne faut pas intervertir ce qu'on appelle l'énergie « éthérique » avec le corps « éthérique ». L’énergie « éthérique » s’est complètement retirée du physique dans les trois jours qui suivent le décès.

Curieuses résonances avec la mort du Christ et sa résurrection au troisième jour avant sa montée auprès de son Père le quarantième.

Ces choses que j'évoque ne sont pas des professions de Foi. Je me construis comme je peux. J’avance à tâtons dans le Labyrinthe. Mon pouls est calme. Je souris même sans me forcer. Le Corps d’une femme dans la lumière feutrée se repose après l’amour. Son épiderme, subtilement, palpite. Le duvet sur sa peau chante. La croupe appelle. Paupières muettes. Souffle serein. Je considère l’écran du I-Mac sans émotion vive. Un verre de Sauternes. Une bouffée de tabac. Des pensées tranquilles. La Conscience de la menace, c’est tout. Tout autour de ce Jardin à l’écart, dans cette chambre calme, le Monde entier gronde comme un dragon pourrissant.

Sans perdre de vue la Ténèbres, conserver les yeux ouverts... sur la lumière.

« Une fois que l’esprit a assigné sa place à la mort, il guérit, en un sens supérieur de ce terme : il reconnaît en sa vie un chemin qui reçoit tout son sens. C’est dans l’univers, non dans l’individu, qu’elle a son domaine. Là, la mort est sa servante, et non sa souveraine. » Ernst Junger

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Bande son du moment : "Come What(ever) May" par Stone Sour

Lecture du moment : ...pas de lecture particulière... butinages divers...

Citation du jour : « C'était à la fois d'une grande simplicité, et très solennel. L'authentique solennité des moments qui se clouent à la voûte du ciel, ces moments où tout s'efface devant le surgissement de rituels antiques, que l'on croyait oubliés, mais qui sont restés d'autant plus vivants dans les profondeurs de notre mémoire.» Maurice G. Dantec (Grande Jonction)

Humeur du moment : Brave

24/11/2006

La Mort, Psaume à la Vie.

=--=Publié dans la Catégorie "Ô Mort... Ô Mort..."=--=

La Mort est en tout, dans chaque chose que plus personne n’ose regarder en face. La Mort est l’essentielle question de toute notre vie. Elle est le sillon à partir du quel nous nous devrions de semer le moindre de nos actes, notre pensée la plus profonde pour l’encercler, notre pensée la plus plate pour la fuir, notre souffle le plus inquiet ou le plus serein. Pourquoi ô pourquoi pleurer autant ma pauvre mère, ne savais-tu pas que cela finirait ainsi ? La Mort ? La vie ne nous parle que de cela. Abordez n’importe quel sujet, vous verrez poindre la mort ; évoquez la foi et l’espérance, le vide existentiel : la Mort. À quoi bon parler de la douleur, la maladie, vous parlez de la mort sans prononcer son nom. Lamartine et son lac et son temps qui lui échappe ? La Mort. Vous avez le souci de votre apparence ? La Mort. Et même quand vous faites un crédit pour votre maison, sur 20 ans… mon Dieu, où serais-je dans 20 ans ? La Mort est là, tapie à attendre, organisant sa percée secrète. La mort est la composante qui demeure quand tout a été dit, ou qu’il n’y a plus rien à dire, où qu’on ne semble plus ou pas être en mesure de dire quoi que ce soit. La Mort est ce qui fini par poser, toujours, la question finale tout en se proposant d’être le portail qui mène à la réponse. La Naissance d’un enfant ? La Mort. Tout s’articule autour de la mort mais, dans notre société, notre culture décadente, notre culture de mort, justement, par contrecoup, par ricochet, à mots couverts, par langage codé et insinuation, lexique elliptique. Toute notre existence est une épiphanie de la mort allégorique et silencieuse.

Parler de la Mort ouvertement devrait être le début d’un Psaume à la Vie.

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Bande son du moment : Futures compositions et idées diverses pour mon groupe VENICE

Lecture du moment : ...pas de lecture particulière... butinages divers...

Citation du jour : « La mort d'un homme peut être l'occasion ou jamais pour un groupe de se souder pour de bon, de se matérialiser en tant qu'entité vivante, avec toutes ses contradictions.
La mort, en ce sens, peut être créatrice, il suffit de la regarder bien droit dans les yeux.»
Maurice G. Dantec (Grande Jonction)

Humeur du moment : Vif

23/11/2006

Regarder notre future mort en face nous rend Libre.

=--=Publié dans la Catégorie "Ô Mort... Ô Mort..."=--=

Tôt ou tard on fini par crever.

La poussière nous accueille comme il se doit.

Chacun le sait mais poursuit sa danse funeste.

C’est banal que tout cela.

On a l’outrecuidance de croire que notre disparition future ne nous concerne guère. « Qui vivra verra. » Il est facile même de dire « on » verra. Ce « on » ne s’applique à personne en particulier. Mais ça nous enlève un poids considérable. Chacun étant soumis aux affaires d’une bien angoissante absence d’angoisse, il ne faut pas nous sentir happés par des questions concrètes. Les petits soucis à la petite semaine qui nous dispensent de la préoccupation essentielle : la Mort. Il ne faut pas, cependant, que la méditation fondamentale nous dispense de mener à bien l’action sociale qui est la nôtre. L’action sociale… autant dire : l’agitation… nous interdit de penser notre propre disparition. C’est notre convenance. Mortels, nous nous empêchons de regarder en face ce fait irrévocable : nous mourrons, nous y allons clairement, vers notre fin, mais à reculons, les yeux bandés, le cerveau éteint, les neurones absents. Car l’Angoisse vraie est bien celle-là : nous sommes au monde pour mourir. Refuser de considérer cela c’est refuser de considérer l’essentielle question. La penser c’est contribuer à se penser soi-même. Nous pensant nous-mêmes de la sorte nous réintégrons le cercle en spirale ascendante qui est notre couronne cachée. Nous rendons à l’existence sa signification faisant sens. Nous dominons, alors, notre couardise, notre peur de nain post-moderne, nous rejoignons la voie de la Liberté d’être au monde pour mourir. C’est la seule vraie angoisse que nous nous devons de surmonter car elle monte de notre propre abîme. Dés notre venue au monde la Mort peut nous cueillir. Il n’y a pas d’age pour mourir. « Tu nais seul, tu meurs seul, entre les deux tu as des faits divers, arrange-toi avec »disait Léo Ferré. Penser sa Mort c’est contribuer à fonder son individualité. C’est d’autant plus vrai que notre Mort personnelle est, vraiment, une affaire impossible à répartir, à associer à qui que ce soit. Ce que nous éprouverons à cet instant précis ne pourra être donné à qui que ce soit. Les Maîtres Bouddhistes eux-mêmes, clamant en être revenus, en Tanathonautes expérimentés, ne nous laissent que des descriptions imagées qui fertilisent notre imagination de mythes supplémentaires.
Concrètement, tout décès est isolé, même si nous sommes entourés par nos très proches. Tout décès est stupéfiant, inouï, exclusif… d’exception.

La Liberté consiste à se savoir, sans cesse, promis à la disparition, au cadavre futur qui s’élabore déjà en nous et à pourchasser tout ce qui nous intime l’ordre de nous détourner de ce fait.

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Bande son du moment : "Frances the mute" par The Mars Volta

Lecture du moment : ...pas de lecture particulière... butinages divers...

Citation du jour : « Ne sais-tu pas que la source de toutes les misères de l'homme, ce n'est pas la mort, mais la crainte de la mort ?» Épictète

Humeur du moment : Paisible

22/11/2006

Allumons un cierge... ça va aller. (II)

=--=Publié dans la Catégorie "Ô Mort... Ô Mort..."=--=

De nombreux témoignages, dès l'antiquité chrétienne, attestent de la présence de cierges allumés dans les cérémoniaux de la liturgie naissante. Ils accompagnent le prêche qui proclame l'Evangile, ils annoncent la cérémonie de l'Eucharistie au Nom du Christ, précédant le ministère de celui qui va accomplir la liturgie ; ils se consument sur l'autel et indiquent, symboliquement, la présence de la Lumière ; ce sont comme des sourires confiants dans les ténèbres appelant à la liesse spirituelle, à l’enchantement durant les cérémonies qui conviennent. Au cours des cérémoniaux d'introduction à la communauté chrétienne d’un nouveau venu, un cierge allumé est remis au converti après avoir été allumé au cierge pascal. Signe d’adoration et de prières, l’usage du cierge est bientôt suivi par l’usage d’une lampe brûlant sur l’autel pour indiquer une présence. On allume des cierges durant les veillées au mort afin de montrer le respect envers le corps d'un baptisé. Les cierges allumés nous rappellent le sens de la vigilance. Quand ils accompagnent une procession, un pèlerinage, ils participent à l’avancée sur le chemin de la Foi. Le cierge pascal représente le Christ ressuscité.

L’existence, selon le mot de Heidegger, je crois, c’est bien être « hors de », ex-sistere. On se projette avec fureur vers cette abstraction qu’est l’être sensé nous précéder et nous inviter à la conquête de soi et du monde. Mais nous n’y parvenons pas, même lorsque Socialement la vie nous sourit. Alors, nous nous projetons vers les probables soupirs de satisfactions ou de larmes, vers les sentiers concevables, le vraisemblable de notre triste incarnation. C’est dans cette projection seulement que les choses semblent devenir significatives. Nous nous voilons l’être qui, bien que semblant purement idéel est bel et bien accessible par la chair incarnée. Là se poursuit la course anxieuse, l’embarras angoissant de notre cathédrale ambulante. La correspondance ne s’obtient pas, l’accord ne sonne pas, le recoupement n’a pas lieu. « Soi » est ailleurs, dans un virtuel qui nous accable. Seul le phantasme vaut son pesant de néfastes croyances.

Allumons un cierge... ça va aller.

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Bande son du moment : "De-loused in the Comatorium" par The Mars Volta

Lecture du moment : ...pas de lecture particulière... butinages divers...

Citation du jour : « Si la mort n'est pensable ni avant, ni pendant, ni après, quand pourrons-nous la penser ?» Vladimir JANKÉLÉVITCH (La Mort)

Humeur du moment : Clairvoyant et joyeux... détaché.

21/11/2006

Allumons un cierge... ça va aller.

=--=Publié dans la Catégorie "Ô Mort... Ô Mort..."=--=

Ma fille ne parle pas de ma grand-mère. Mais son regard triste en dit long. Mon fils, par contre, a une connaissance de la chose instinctive et plus subtile qu’il n’y paraît avec ses 10 ans. Plus on est jeune plus on est proche du mystère de la non-existence dont nous fûmes tirés, ce qui permet une approche bien plus évidente quant à une méditation concernant notre condition éphémère.

Ma grand-mère maternelle est morte le 7 Avril dernier. Après une longue agonie et des antécédents, relatifs à sa santé, très lourds. Je pense à elle tous les jours. Ma petite mamie à l’odeur de miel. Ses bras tendres autour de moi, petit. La consolation incarnée.

L’Homme n’est rien d’autre qu’une claire et limpide hypothèse non encore parvenue à son potentiel enfoui. Ce potentiel se doit d’être toujours élargi et augmenté. Ces possibles enfermés dans le cœur de l’inconsciente demeure de l’Être ne peuvent se révéler que dans une accointance avec sa future mort. Mortels, nous sommes confrontés à cette capacité incapacitante qui est susceptible de nous révéler à nous-mêmes de notre vivant, si toutefois nous sommes capable de l’assumer comme un possible de chaque instant. Dés notre conception la Mort s’affirme comme probable, comme… incontournable.

Je revois comme dans un film, alors que ma grand-mère flotte dans un coma irréversible, son homéopathe affirmant que sa fin est proche. Il suggère d’allumer des bougies et de rendre la pièce où elle dort à la fois vivante et paisible. Et ma mère s’exécutant. Et moi, la soutenant du mieux que ma vie d’homme me le permet. Ce mot, de mémoire, d’André Malraux, affirmant qu’il faut soixante années pour faire un homme et qu’ensuite il n’est plus bon qu’à mourir. C’est comme une injustice. Mais c’est une logique implacable. Ma petite mamie, mon petit écureuil espiègle qui s’est brisé, mon joli papillon d’amour qui s’est brûlé. Son Corps ne souffre plus. Mais je n’ai plus d’enfance, elle semble partie avec elle. Me restent les souvenirs qui m’asphyxient. Je parle de ce que je ressens, là, maintenant. Demain, après-demain, ça ira mieux bien-sûr. Depuis le 24 décembre 2005, au matin, son agonie silencieuse m’a laissé sans voix. Elle a duré jusqu’au matin du 7 Avril 2006, vers 00h15. J’ai pu trouver de la force pour tenir debout. J’ai une épouse et deux enfants, tous trois beaux et admirables et aimés par mon cœur, mon âme, tout mon être. C’est très précisément cet amour que m’a légué ma petite mamie qui, pour moi, sentait et sentira toujours le miel, que je leur donne et transmets.

Ma mère effondrée. J’ai peur pour elle. Elle me dit : « C’est terrible de se retrouver orpheline. » Ses larmes continuelles, ses sanglots qui lui fracassent la gorge, lui coupent sa respiration, son hystérie Slave, mon Dieu, comme j’y suis sensible, mais en même temps tellement détaché de ce pathos. Nous ne pouvons rien y faire. C’est dans la nature des choses de naître pour mourir. Ma mère tu mourras un jour et je devrais t’enterrer, c’est d’une logique implacable, à moins que la Vie en décide autrement et que je ne parte avant toi.

Allumons un cierge, ça va aller.

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Bande son du moment : "Above & Below" par Leon Parker

Lecture du moment : ...pas de lecture particulière... butinages divers...

Citation du jour : « La jouissance sans contrepartie est l'arme absolue de l'émancipation individuelle.» Raoul Vaneigem (Le Livre des Plaisirs)

Humeur du moment : Combatif et Jouisseur...

20/11/2006

Chacun son deuil... mais la Mort n'est pas démocrassouillarde...

=--=Publié dans la Catégorie "Ô Mort... Ô Mort..."=--=

Je vais rarement sur les tombes des quelques personnes qui comptent. Elles sont si loin de moi. En Serbie. Mais une fois là-bas, je ne fais que participer aux rituels préexistants. Que faire d’autre ?
Je me souviens avoir lu un long poème en français à la mort de mon grand-père maternel. C’était un long poème de ma composition, sans aucun doute de mauvaise qualité. Mais c’était mon exorcisme à moi. Ma sainte nécessité. Que Dieu me pardonne, on se soigne comme on peut. Les gens étaient restés bouche bée. Les serbes sont durs et rustiques. Quand ils ne veulent pas comprendre quelque chose il ne faut pas leur imposer quoi que ce soit. Il est préférable de se marrer et de boire cul sec un verre de Slivotits en prenant les choses telles qu’elles sont. Ma mère n’avait pas apprécié. Mais j’ai lu mon poème jusqu’au bout parce que c’était important pour moi. C’était mon instant à moi devant le cadavre de mon papi. Et il était beau mon papi. Vivant comme mort. Il me fallait créer ce lien, l’inscrire, le nouer en cet instant pour ne jamais le défaire. Et je ne l’ai jamais défais depuis. C’était il y a 22 ans.

Prévenus du décès, ma mère s’est organisée en 24 heures comme elle sait le faire, moi étant, alors, en proie à une profonde dérive existentielle qui semblait ne pas vouloir s’achever. Nous avons pris la route, ma mère, moi, ma tante et un cousin. Et sur l’autoroute je me suis abîmé en une longue errance dans mes souvenirs d’enfance, tandis que ma mère tenait le volant avec cette détermination qui est la sienne en fixant le goudron qui se déployait devant elle. Arrivés nous nous sommes soumis au protocole culturel et c’est le trou noir dans ma tête. Mais je me souviens bien d’avoir lu mon poème. On a besoin de détails, comme ça, qui participent à une sorte de fondation du souvenir. C’est comme les pierres tombales. Le marbre ça résiste au temps, ça persévère.

Même en lisant le Hagakuré et en méditant longuement dessus on ne peut qu’avoir une approche de l’expérience du mourir et non de la Mort en tant que telle. Les grands maîtres du Bouddhisme, disent y avoir été et en être revenus. Décidément, la méditation est un acte surprenant.

Le mourir exerce sur nous tous une séduction de premier ordre. Les jeux vidéos violents nous le montrent sans cesse, les films Hollywoodiens, les romans misérabilistes, les actualités. C’est une piètre manière de purger le vrai fond du problème qui est bel et bien la Mort elle même.

Songeant au Hagakuré, j’en viens même à remettre en cause ce qu’on a généralement l’habitude de dire en clamant : « Il y a une justice : au moins sommes-nous tous égaux dans la Mort. » Je ne le crois pas un seul instant. Nous ne sommes égaux ni dans le mourir ni dans la Mort. Comment comparer de manière équivalente le sacrifice d’un guerrier au suicide d’un lâche ? Je n’y parviens pas. À chaque individu sa mort. C’est qu’on tient à tout prix à nous égaliser de notre vivant comme de notre mort. Cela rajoute du cafouillage au désordre ambiant et cela autorise les dérapages symboliques les plus absurdes.

Il y a une injustice dans la vie et même dans la mort, là est la vérité.

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Bande son du moment : "The Servant" par The Servant

Lecture du moment : ...pas de lecture particulière... butinages divers...

Citation du jour : « L'expression "mort naturelle" est charmante. Elle laisse supposer qu'il existe une mort surnaturelle, voire une mort contre nature.» Gabriel Matzneff

Humeur du moment : Pensif

19/11/2006

La pourriture ou le feu ?

=--=Publié dans la Catégorie "Ô Mort... Ô Mort..."=--=

Jusqu’à peu je ne m’imaginais que brûlé après mon décès. La peur de revenir à moi dans le fond du trou. De n’être pas tout à fait mort. L’angoisse d’être là, de le savoir et de n’avoir plus qu’à crever une seconde fois, en étouffant. Aussi je me disais : « Hop ! Au crématorium et on en parle plus ! On passe à autre chose. » Mais, finalement, instinctivement cette démarche me semble être sujet à caution. Il y a là-dedans quelque chose d’équivoque. Comme un mépris de soi supplémentaire jusque dans la Mort. En même temps la tentation Hindouiste et Bouddhiste me parle aussi. J’ai le cul entre deux chaises. Je ne cesse de citer ce mot de Nietzsche :« Le corps, cette raison supérieure. » Justement, peut-être faut-il être en mesure de laisser le cadavre à son destin de décomposition et de réaménagement en rapport à sa réalité nouvelle. Y songer.

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Bande son du moment : "Degradation Trip" par Jerry Cantrell

Lecture du moment : ...pas de lecture particulière... butinages divers...

Citation du jour : "Mourir en combattant, c'est la mort détruisant la mort. Mourir en tremblant, c'est payer servilement à la mort le tribut de sa vie." William Shakespeare (La vie et la mort du roi Richard II)

Humeur du moment : Fatigué

13/11/2006

Penser la Mort avant qu'elle ne nous pense.

=--=Publié dans la Catégorie "Ô Mort... Ô Mort..."=--=

Je songe à mes grands-parents maternels, à mon père, à mes amis partis et je leur parle. Je ne sais pas s’ils m’entendent. Et autant le dire tout de suite, ça n’a aucune importance. Je me rassure sans doute. Et ça fonctionne très bien. Je me rapproche d’eux. Je leur fais part de mes regrets. Ma tristesse. J’espère qu’ils sont, à présent, hors d’atteinte, en paix, qu’ils ont trouvé l’asile du sommeil ou de la béatitude. Allez savoir, chers lecteurs. Mais j’en tire un suc, de ces instants intimes. Une méditation concentrée et concentrique. Un Vortex qui aspire et inspire.

La Mort, à bien y songer, n'est qu'un simple détail... c'est un éclair... puis le calme de la nuit sans souffrance... ou alors la Lumière Glorieuse de Dieu. Seule barrière psychologique conséquente : la souffrance. Alors c'est là-dessus que je m’abîme et me rétabli dans la méditation. Sur la Souffrance. En tenant, par exemple, le HAGAKURÉ de Jôchô Yamamoto (1659-1719). Bonne petite introduction : Ghost Dog, la Voie du Samouraï, film de Jim Jarmusch sorti en 1999. « Le Japon moderne et l'éthique Samouraï » de Yukio Mishima (commentaire du Livre de Jôchô Yamamoto) est à conseillé d'avantage. Jôchô Yamamoto. Samouraï et Bouddhiste. La Paix intérieure passe par une connaissance profonde de la Guerre. Et plus clairement de « La Voie du Guerrier ». Le sens de la dévotion envers l'Amour et le sacrifice envers la Communauté. Quand il faut. Quand on doit. J'ai toujours été Pacifique. Jamais PACIFISTE ! Que l'esprit perspicace exerce son entendement. Le Pacifisme je le laisse aux Rebatet, Brasillach et autres Drieu ou Céline. Plumes flamboyantes, mais corruption existentielle et politique. Pacifistes, donc, collaborateurs. Je ne mange pas de ce pain là. Ceux qui ne sont pas prêts à se positionner, à franchir le cap... qu'ils fassent de la littérature sans casser les couilles. Peut-être ai-je parlé trop vite, Drieu s’est positionné et a franchi le cap. Même Malraux, son « frère en Dostoïevski et Nietzsche », n’a été en mesure de l’arracher à son destin. Le salaud s'est purifié par un suicide lumineux.

J’assure, qu'en cet instant, tout le reste n'est que du putain de blah-blah-blah... pour se rassurer et se donner bonne conscience. Dieu n'aime pas la violence... mais Dieu déteste encore plus les tièdes.

Et ce que je nomme Dieu, ici, n'est pas ce que vous croyez... démerdez-vous... vous êtes grands, majeurs et vaccinés... et je ne suis pas spécialiste en Théologie.

L’Être authentiquement libre est un Être pour la Mort. Un Être pour la Mort est un Être réellement vivant. La Mort ne le surprendra pas plus que ça lorsqu’elle se saisira de lui. Penser la Mort et penser en fonction d’elle c’est la précéder, la surclasser, la surpasser, par la pensée au moins. Ça nous fraye un chemin dans l’existence. On sait alors véritablement ce que mourir signifie et implique. Le sens du sacrifice n’en est que plus appuyé. On imagine alors avec une grande clairvoyance dans quels cas on pourrait être amené à se conformer à, à obéir à la situation d’une abnégation de soi, d’un renoncement à la vie pour un sacrifice propitiatoire de sa personne en gardant sa raison comme une couronne. En vérité, la Mort nous escorte toute la vie durant en tant qu’élément nécessaire de tous ses instants. Elle est indiscutablement liée à l’essence de ce que nous sommes.

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Bande son du moment : "The Great Depression" par Blindside

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Humeur du moment : Pensif

11/11/2006

Ne Chantez pas la Mort

=--=Publié dans la Catégorie "Ô Mort... Ô Mort..."=--=

La Mort ? Mieux vaut, donc, n’en pas parler. C’est un sujet pour les poètes maudits, les médecins et les croque-morts, les veufs et les veuves dont nous ne sommes pas. Rappelez-vous la chanson de Jean-Roger Caussimon, chantée par Léo Ferré :

« Ne chantez pas la Mort, c'est un sujet morbide
Le mot seul jette un froid, aussitôt qu'il est dit
Les gens du show-business vous prédiront le bide
C'est un sujet tabou... Pour poète maudit
La Mort... La Mort...
Je la chante et, dès lors, miracle des voyelles
Il semble que la Mort est la sœur de l'amour
La Mort qui nous attend, l'amour que l'on appelle
Et si lui ne vient pas, elle viendra toujours
La Mort... La Mort...

La mienne n'aura pas, comme dans le Larousse
Un squelette, un linceul, dans la main une faux
Mais, fille de vingt ans à chevelure rousse
En voile de mariée, elle aura ce qu'il faut
La Mort... La Mort...
De grands yeux d'océan, la voix d'une ingénue
Un sourire d'enfant sur des lèvres carmin
Douce, elle apaisera sur sa poitrine nue
Mes paupières brûlées, ma gueule en parchemin
La Mort... La Mort...

Requiem de Mozart et non Danse Macabre
Pauvre valse musette au musée de Saint-Saëns !
La Mort c'est la beauté, c'est l'éclair vif du sabre
C'est le doux penthotal de l'esprit et des sens
La Mort... La Mort...
Et n'allez pas confondre et l'effet et la cause
La Mort est délivrance, elle sait que le Temps
Quotidiennement nous vole quelque chose
La poignée de cheveux et l'ivoire des dents
La Mort... La Mort...

Elle est Euthanasie, la suprême infirmière
Elle survient, à temps, pour arrêter ce jeu
Près du soldat blessé dans la boue des rizières
Chez le vieillard glacé dans la chambre sans feu
La Mort... La Mort...
Le Temps, c'est le tic-tac monstrueux de la montre
La Mort, c'est l'infini dans son éternité
Mais qu'advient-il de ceux qui vont à sa rencontre ?
Comme on gagne sa vie, nous faut-il mériter
La Mort... La Mort...

La Mort ?... »



Les médias passent leurs temps (ou plutôt ce temps qu’ils nous volent par l’hypnose) à la représenter, la Mort. Massacres ,viols et tueries sont orchestrés et esthétisés sans cesse au Cinéma. Arnold Schwarzenegger, cyborg blessé, froid et impassible, en sueur, lignes de cambouis sur la joue, considère ses victimes en se remontant ses burnes bioniques juste après avoir soufflé dans son canon tout chaud qu’il tient comme sa queue. La petite fille reluque ça en contenant son émotion libidinale. Le petit garçon jouit. Alors, discrètement, on prévoit une assurance obsèques. Quoi que nous observions ou entreprenions, la perte de la compréhension du langage et de son utilisation est monumentale : on déblatère des conneries, on brasse du vent, sans savoir de quoi on jacte. On est à côté de la plaque.

La Vie, bientôt, ne sera conçue et amenée au monde que par des procédés et procédures d’ordre techno-scientifiques. Logique qu’alors le problème de la Mort se déplace vers une sphère uniquement pratique. Les Religions traditionnelles tombant dans l’oubli, on tente, au petit bonheur la chance, de combler le vide du questionnement. Le terme n’est pas approprié car, en vérité, de questionnement il n’y en a même plus. Pascal, à son époque, le notait déjà avec une angoisse évidente et depuis La mort de Dieu postulée par Nietzsche les choses ne se sont guère arrangées. La Mort n’est plus concrétisée. Elle ne s’accomplit plus. Elle devrait être une préparation de toute une vie mais ce principe ne s’accorde plus aux penchants et profits de notre temps. La Mort est devenue insignifiante et totalement impersonnelle. La Mort est devenue quelque chose de foncièrement bateau. Même les soi-disant Kamikazes qui se font exploser à la queue le leu ont fini par banaliser le sacrifice personnel pour une cause. Il y a beaucoup de haine de soi dans tout ce processus. Bientôt les Djihadistes seront remplacés par leurs clones qui pourront en remettre une couche dans l’angoisse, le sang et l’horreur.

« Quand nous considérons la technique comme quelque chose de neutre, c'est alors que nous lui sommes livrés de la pire façon : car cette conception, qui jouit aujourd'hui d'une faveur toute particulière, nous rend complètement aveugles en face de l'essence de la technique. »

Martin Heidegger, La question de la technique (1953)


« L'essence de la technique, je la vois dans ce que j'appelle le Gestell. […] Le règne du Gestell (" arraisonnement ") signifie ceci : l'homme subit le contrôle, la demande et l'injonction d'une puissance qui se manifeste dans l'essence de la technique et qu'il ne domine pas lui-même. Nous amener à voir cela, la pensée ne prétend faire plus. La philosophie est à bout. »

Martin Heidegger, interrogé par "Der Spiegel". Réponses et questions sur l'histoire et la politique

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Bande son du moment : "Grand Canyon & Mississippi Suites" par Ferde Grofé

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Humeur du moment : Joyeux

10/11/2006

Et si tu vivais un peu, ami mortel ?

=--=Publié dans la Catégorie "Ô Mort... Ô Mort..."=--=

Si, par malheur, vous devenez l’élu d’une Conscience Supérieure, si Eros remporte dans votre fibre la partie au terme de multiples guerres, à la force de votre sabre, soyez alors persuadés que vous mourrez comme un Être-Humain. Car Philosopher consiste bien à apprendre à mourir. Mais je dis « par malheur » car, alors, d’autres épreuves vous attendent : fiel et ressentiment à votre encontre. Voilà ce qu’évoque un éveillé au milieu des mort-vivants.

L’animal s’éteignant ne meurt pas. C’est une pile qui se décharge. Nous, pourvus de notre application civilisée, de notre sens moral, de nos affligeants espoirs culturels post-modernes, nous tendons, malgré tout, de plus en plus à périr comme une bête. C’est ce qui nous rend la mort d’un animal tellement émouvante, non que nous nous sentions émus d’appartenir, comme jadis nos ancêtres troglodytes, au même règne vivant, mais bien parce que la débandade est présente dans chacun de nos actes et, plus particulièrement, dans celui qui consiste à méditer notre propre mort face à face. Nos rites, nos cérémoniaux toujours recommencés et réinventés ne sont devenus, avec le temps, que des fuites bien vaines qui ne nous rendent qu’un peu plus asphyxiés par nos névroses familiales.

Car l’Humain est une nature pour la Mort, un individu pour la Mort, c’est son affaire première. C’est même la seule grande affaire qui vaille la peine d’être considérée et ça lui est intolérable. Mais c’est ainsi.

Ferme ta gueule. À quoi bon faire cette tronche de déterré, précisément.

Valsez cher ami et passons à l’essentiel. Oui, Vivons un peu bordel !

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Bande son du moment : "The Prodigy, Their Law - The Singles, 1990-2005" par The Prodigy

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Humeur du moment : Fatigué

08/11/2006

Mourir comme un Rat

=--=Publié dans la Catégorie "Ô Mort... Ô Mort..."=--=

Parce que la Mort c’est, comme la Vie, une affaire entre soi et son Corps. Mais on n’ose plus la danse, la caresse, la jouissance sans entrave. La jouissance sans entrave mais sous l’éclairage de la raison. Une Éthique.

On flirte mal, comme des puceaux, des vierges mal excitées. On flirte et on s’branle vite fait mal fait. Vous me direz, ça purge tout de même et la purge ça rassure pour quelques heures. Mais, en attendant, c’est nous tous, sans aucune exception, qui nous faisons enculer par le diable, le sympathique curé ou son alter ego intégriste, par le mufti de mes deux ou le Pape, par « Act Up » ou « les Chiennes de garde ». La sexualité larguée d’une époque qui ne sait pas qui elle est. Qui peut se regarder soi-même avec une conviction appréciable et se dire : « Tu es beau ou belle, je t’aime, sans emphase mais je t’aime, tu me portes et me supportes, nous sommes la fine fleur de notre propre équipe, moi, moi-même et Je. Oui, je t’aime vraiment, sans limites d’aimer mais sans exagérer, avec une modération réjouie, badine et vive, sémillante comme le chant lumineux des oiseaux à l’aurore. » ???

Thanatos nous fait danser, selon son bon vouloir, une danse sans finesse. Thanatos aime inspirer tout juste la survie. Lourde, indigeste, oppressante. Une survie soumise. Si Eros parvient à surnager de la ténèbres de ce dernier : que de désastres ! Mais d’entrée, la lutte est disproportionnée. Le limon de millénaires de morale, accablante, émasculatrice. Le vomi et la merde des abysses. Ne croyez pas, avec une naïveté réactionnaire, que jadis c’était mieux. C’était juste une autre forme. Point. Tenir le coup en serrant les dents et en taisant sa souffrance, c’est tout ce qu’on a jamais tenté. Se faufiler comme un rat. Mourir comme un rat.

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Bande son du moment : "Symphonie n°: 9" par Dvorak

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Humeur du moment : Calme

07/11/2006

La Mort se joue de nos sexes...

=--=Publié dans la Catégorie "Ô Mort... Ô Mort..."=--=

La petite fille prenant conscience qu’elle n’a pas de pénis jalouse le petit garçon. Mais le petit garçon jalouse la petite fille de ne pas pouvoir donner la vie, aussi décide-t-il de donner la Mort. Ses jeux le montrent bien en cow-boy ou voyou débonnaire, pirate des caraïbes ou partisan dans le maquis de son imaginaire intemporel. Et la terre tourne. Car la Mort n’a pas lieu à la fin de notre vie. Notre décès n’est qu’un rendez-vous culminant, un paroxysme. La Mort a court de notre vivant et, ce, dés notre cri premier. Car la Mort nique Eros, c’est bien connu. Quel couple que celui-là ! On le sait mais on baisse les yeux et on scrute notre vide, on tente une parade pour ne pas regarder la réalité dans le blanc cadavérique de ses yeux. On préfère l’agonie de notre lourdeur, de nos transgressions, nos impardonnables fautes. Le démon doit bien se marrer. Il se fend la gueule avec nos corps dénués d’enchantements et de magie incarnée.

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Bande son du moment : "Mezzanine" par Massive Attack

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Humeur du moment : Triste

05/11/2006

Dés le premier souffle, la Mort est présente...

=--=Publié dans la Catégorie "Ô Mort... Ô Mort..."=--=

La marche purifie. On est en route vers Soi. L’Avancée, dés le premier souffle qui déchire et brûle les poumons. Face contre jour, joue contre pluie, bouche affrontant les vents. Sourire. Et l’Avancée est mortelle. Dés le départ. Dés la naissance nous sommes disponibles pour la Mort. Le tout est de ne pas attendre la Mort pour être, enfin, disponibles pour la Vie. Mais il faut marcher. Il faut marcher avant le saut final. Nous sommes tous produits pour la Mort.

Mon prénom est Nebojsa. Lire : Néboïcha. « Qui n’a pas peur », « Audacieux » ça veut dire… en Serbe. On peut toujours faire des effets de style et se dire qu’une partie de mon destin fut scellée par ce prénom. C’est la section militaire dont mon père était responsable alors qu’il effectuait son service obligatoire, dans la Yougoslavie de feu Maréchal Tito, qui a décidé que je serai appelé ainsi. Mon daron les a fait voter. C’est-y pas romanesque ?! Une dizaine d’hommes, des Tziganes, des voyous, des Albanais. Et mon père qui avait atterri là-dedans. La seule fois où il m’en a parlé c’était pour me dire qu’il y régnait une forte unité et fraternité, bien plus que dans les autres groupes de soldats qui lorgnaient vers son groupe à lui avec quelque mépris. Me dire que mon prénom a eu quelque importance dans mon parcours d’être humain, mes prises de positions c’est même plus que romanesque… c’est Romantique dans le Noble sens du terme. Mais, à bien y réfléchir, ce genre de principe identitaire et personnaliste n’a que peu de poids face au Verbe et à ce que celui-ci implique. Or, je suis un nomade des territoires intérieurs, un possédé nomade du Verbe. Un nomade apte à la Mort.

Depuis le 11 Avril 1984, il ne se passe pas une journée sans que je ne pense à la Mort et, en premier lieu, à ma mort prochaine. Et avant le décès de mon grand-père maternel, j’avais étudié, au lycée, Montaigne et son « Philosopher c’est apprendre à mourir ». Si on ne considère la Mort comme faisant partie du processus même de la pensée, de la Vie, on ne peut être apte à vivre véritablement. Il n’est point question de considérer juste ce fait : nous sommes mortels. Cela n’est pas suffisant. Il faut assiéger et s’emparer de la pensée qui est intrinsèque à la Mort, celle-là même qui nous fait nous demander si nous ne sommes pas pensés par elle.

Mort, Fondation de la Vie.

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Bande son du moment : "Minimum-maximum" par Kraftwerk

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Humeur du moment : Inquiétude

29/08/2006

Vivre et Écrire...

=--=Publié dans la Catégorie "Humeurs Littéraires"=--=


Écrire pour dire quelque chose qui va plus loin que moi.
La Vision brûle les yeux quand ouverts sur la fissure ils s’effraient à contempler le néant et l’infini.

Je ne désire convertir personne à rien. Si je parviens juste à insuffler un peu d’air vivifiant dans les écoutilles mon cœur en sera comblé comme celui d’un mystique.

Car je vois essentiellement la déchirure en l’Être de l’Homme. L’Être en l’Homme divisé et subdivisé. Anéanti d’avance à peine éclos au monde.

Si, lecteur, tu n’as pas la foi je ne t’en veux guère, moi-même suis sujet aux affres de mon agnosticisme, un pied dans le « Oui », un pied dans le « Non ». Je n’ai pas encore la pertinence d’avoir à choisir entre la bouche d’un revolver et le pied de la croix. Je dois être béni sans même m’en douter.
Car la Foi sauve. Homme si tu es humble et de condition faible, la prière te couronne, ta vie s’en trouve Sanctifiée, et te voilà tenant sur tes jambes, « bipède à station verticale », tes pleurs et tes rires ayant soudain un sens pour faire un pied de nez dépourvu d’orgueil, un pied de nez confiant et espiègle aux angoisses de ton Incarnation. Une lecture de « L’Antéchrist » de Nietzsche le montre très bien et l’éloge qu’il y fait du Christ ne laisse pas indifférent.

Mais si la foi ne t’a pas choisi comme creuset à son feu Christique, qu’est-ce qui te permettra de combattre ton démon et d’assumer pleinement toutes les contradictions initiatiques qu’il te soumettra, puisque c’est bien de cela qu’il s’agit ?
La guerre qui se livre entre les sens et la raison depuis Moïse abrège la licence et empêche l’Homme d’accéder à un plaisir immédiat. C’est que, Françoise Dolto l’a bien évoqué dans son « Evangile au risque de la psychanalyse », l’Homme (anthropomorphisateur par excellence) se plaît à projeter sur la transcendance toutes ses tares les plus abjectes. Se faire exploser au cri d’Allah akhbar semble être une sinécure à nos temps sombres. Pourtant une lecture raisonnable de la Bible ou du Coran peut apporter le sourire sans interdire l’érection. Les mille femmes du roi Salomon dansent les danses des mille et une nuits. Mais cette guerre des sens empêche l’Homme tout autant de renoncer à ce plaisir que d’accéder à la vérité, tout du moins à sa vérité intérieure pure. Il lui faut passer son âme, son corps (mais c’est là la même chose) au haut degré de l’athanor purificateur, afin de parvenir à s’y retrouver parmi les quatre personnes qu’il est et que nous sommes tous. La personne que nous croyons être, la personne que nous voudrions être, la personne que les autres voient en nous et la personne que nous sommes vraiment. Pour cet acte qui demande une vie entière, seul un regard intransigeant porté à la réalité autorise le dépassement de cette insatisfaction fondamentale.
De plus, coincés dans la basse-cour généralisée (car notre démocrassoullardise nous permet d’avoir un avis sur tout, une opinion sur tout et donc, forcément, d’exprimer notre grande lumière … ce que nous ne manquons jamais de faire) nous ne savons pas si nous devons nous boucher les oreilles en hurlant ou monter le volume de la chaîne hi-fi ( notre époque technologique a quelques avantages) pour noyer le brouhaha lénifiant ambiant dans un silence d’une autre dimension, celui de Mozart ou de Bach.
Le jeu social, minable, édulcoré, mort d’avance, rictus vulgaire, nous abruti par sa prétention à nous distraire et les différentes philosophies qui ont court n’indiquent que les échelons divers du nihilisme dans toute sa glauque splendeur. Les uns se prennent pour Dieu, persuadés que le ciel est vide et que c’est à eux de le remplir, les autres n’ont aucune certitude en rien, mais tous sont excessifs car sans Dieu et sans certitude tout devient possible … surtout le pire. Orgueil scientiste et progressiste d’un côté. Existentialisme morbide et désespéré de l’autre.
Loin de tout manichéisme, homme, si tu n’as pas la foi, considère l’Homme dans son ensemble. N’épargne rien ni personne. Grandeur et décadence. « Requiem » de Mozart et Shoah. C’est une pâte particulière à pétrir, n’est-ce pas ? Il faut prendre acte du partage constitutif de la nature humaine, cette dualité née de l’exil de la chute selon les Saintes Ecritures.

Mais encore faudrait-il, pour regarder bien en face la monstrueuse réalité, ne pas détourner la tête et consentir à sa sphère. Or, partout, où que nous tournions la tête, notre attention est happée par le veau d’or et ses hordes. Images. Flashs. Affiches. Radios. Magazines. Publicités constantes. Propagandes débilitantes. Discothèques. Techno-parades. Gay-prides. La plage à Paris. Commémorations diverses. Communautarismes larvés. Ordinateurs qui crépitent. Play-stations. Mangas. Télé-réalité totalement irréelle. Reportages télévisés bidonnés. Politiciens en voie de décomposition qui poursuivent, néanmoins, leur exécrable règne. Bon peuple, bas peuple, triste peuple qui s’offusque, qui manifeste, fini par se réjouir. Peuple inexistant. Spectateurs et, éventuellement, figurants, mais, en tout cas, hypnotisés et consentants à la servitude, volontaires pour la viande hachée. Pseudo littérature sur les étalages comme des yaourts. Films d’avant-garde pornographiques avec gros plans sur le sang qui gicle, gros plans sur les visages crispés, gros plans sur la famille souriante, gros plans sur les poitrines opulentes et les culs redondants, gros plans sur la bienséance du bien qui finit toujours par triompher (à Hollywood), et, même s’il perd (cinéma européen) ce n’est que pour mieux asseoir sa sémantique supériorité.
Car quand on interdit avec une telle violence doucereuse mais efficiente à la pensée de s’abandonner à elle-même, elle n’est plus en mesure de découvrir l’inanité et la vanité de l’existence. Nombreux sont les obstacles qui empêchent la pensée d’embarquer sur le « Bateau ivre ».

Un égoïsme sans nom s’empare d’à peu près tout le monde. Un amour de soi (qui n’en n’est pas un en vérité) fait son office selon des valeurs inversées que depuis l’auteur de Zarathoustra celui qui veut bien s’en donner la peine connaît. L’homme en venant à ne concentrer toute son attention que sur lui-même fera réfléchir le miroir selon les modalités qui lui conviennent. La menace engloutissante du néant ne lui apparaîtra nullement. L’imagination nous fait prendre des vessies pour des lanternes. « L’imagination au pouvoir » clamait un beau slogan de mai 1968. Eh bien nous y sommes ! Elle est bel et bien au pouvoir l’imagination, mais lorsque les bulldozers de la bêtise lui sont passés dessus (comme je le disais plus haut), elle est pieça, raplapla, ramolie. Pauvre de sa propre absence elle nous fait croire tout et n’importe quoi et attribue à tout et n’importe qui des qualités inexistantes. Ainsi meublons-nous de manière fictive le vide de notre condition post-moderne.
A présent, un égoïste imbu de lui-même et plein d’imagination sait toujours se divertir … à sa juste mesure, bien entendu. En compagnie d’autres égoïstes emplis d’imagination aussi. Et tous ces égoïstes exorcisent quotidiennement la mort qu’ils savent, pourtant, inévitable. Au sens étymologique, se divertissant ils « se détournent de quelque chose ». De quoi ? d’eux-mêmes bien sûr ! Un jeu. Un hobby. Un travail personnel qu’on souhaitait accomplir et nous voilà accaparés par notre envie de tenir, de gagner, de s’exprimer, de réussir. Une collection de pins ou de carte téléphoniques ? Une maquette de bateau pirate ? Une tour Eiffel de deux mètres de haut avec des allumettes ? Un puzzle ? Franchir les nouvelles étapes du dernier jeu sur PC ? Aller danser ensemble ? Ça vous dit ? Surtout ne pas invoquer ni même évoquer le silence, le calme, le repos.

« Mon enfant, ma sœur,
Songe à la douceur
D'aller là-bas vivre ensemble !
Aimer à loisir,
Aimer et mourir
Au pays qui te ressemble !
Les soleils mouillés
De ces ciels brouillés
Pour mon esprit ont les charmes
Si mystérieux
De tes traîtres yeux,
Brillant à travers leurs larmes.

Là, tout n'est qu'ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.

Des meubles luisants,
Polis par les ans,
Décoreraient notre chambre ;
Les plus rares fleurs
Mêlant leurs odeurs
Aux vagues senteurs de l'ambre,
Les riches plafonds,
Les miroirs profonds,
La splendeur orientale,
Tout y parlerait
À l'âme en secret
Sa douce langue natale.

Là, tout n'est qu'ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.

Vois sur ces canaux
Dormir ces vaisseaux
Dont l'humeur est vagabonde ;
C'est pour assouvir
Ton moindre désir
Qu'ils viennent du bout du monde.
- Les soleils couchants
Revêtent les champs,
Les canaux, la ville entière,
D'hyacinthe et d'or ;
Le monde s'endort
Dans une chaude lumière.

Là, tout n'est qu'ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté. »


« Les Fleurs du Mal » sont un Souverain Bien.




Ces choses-là sont insupportables puisqu’elles permettent la réflexion, l’introspection (même gauche) et les tourments qui s’en suivent.

Ecrire pour dire quelque chose qui va plus loin que moi. Envers et contre tout, seul contre tous. Écrire consiste à faire émerger la vérité qui est toujours l’effleurement de la réalité par le logos et la représentation qui en découle, le discours qui en jaillit. C’est là la seule préoccupation qui compte, l’essentielle exigence. Même passée au prisme personnel, la vérité émerge vraiment lorsqu’elle touche à l’universel par ce qu’elle ose affirmer en perturbant le grand sommeil. Car la vérité, toujours, affirme. Elle se définit par sa permanence et, de ce fait, ne se confond pas avec la relativité et l’inconstance des opinions humaines. Si la condition humaine est toujours à peindre, si les subterfuges qui voilent cette condition sont à démasquer, écrire consiste aussi à plonger dans la fange non pour s’en vanter mais bien parce que la grandeur de l’être humain (qui le distingue de tout autre animal) se trouve dans cette capacité à méditer sur ses actes et sa condition si misérable soit-elle.

Noblesse et bassesse. Cathédrales et génocides. Entre l’ange et la bête nous nous frayons tant bien que mal, notre sinueux chemin. Jungle épaisse. Machette sanglante. Mygales, serpents, et hyènes. Et derrière la rivière, les marais, les lianes, les ronces jonchées de cadavres … soudain … la clairière ensoleillée et le temple.

Si tu crois en Dieu, lecteur, tu surmonteras les contradictions, sinon … seul le mouvement, la chasse (plus que le gibier ou la cible), l’avancée te permettront de vivre ton paradoxe.

Tu peux parier ou non sur l’issue, peu importe, mais il te faut rire et danser au-dessus du volcan.
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Bande son du moment : « Home (2006)» par The Gathering

Lecture du moment : … Pas de Lecture…

Citation du jour : « Ne pas railler, ne pas déplorer, ne pas maudire, mais comprendre. » Baruch SPINOZA


Humeur du moment : Combatif

12/06/2006

Salves du départ (10 Larmes sur Svetlana – II)

=--=Publié dans la Catégorie "Humeurs Littéraires..."=--=

 

Une fois partie, Svetlana me hanta comme une revenante de par delà mon au-delà.

Déjà, au sortir de nos Noces consommées, consumées et éteintes, j’avais senti une fatigue dans mes jambes, une fatigue dans mes hémisphères cérébraux, une fatigue dans ma queue, bien que je ne l’eusse que très peu baisée. Par moments je lui donnais l’Impression que j’allais me dissoudre dans les airs. Ses jambes à elle tremblaient. Elle fumait cigarette sur cigarette et me faisait trinquer avec des flûtes à Champagne qu’elle remplissait à ras bord de sang. Puis, repus, tout contre moi, elle me contait son expérience incestueuse sans vraiment me dire grand-chose. Je cherchais à lui arracher les derniers mots suspendus aux commissures de ses lèvres : mission impossible. Penchée sur moi elle souriait d’un sourire de démone perdue. J’inventais des fleuves qui m’emporteraient à la dérive loin d’elle. Mais dés qu’elle fila au loin, elle me hanta…


2-

Curieux comme elle chercha à me tromper dans sa tromperie initiale. Un jeune con de passage servit de bouc émissaire, mais tombé amoureux, lui aussi, il morfla à son tour. Son mec officiel sentait des cornes lui pousser, mais il ne voulait pas la perdre. Il faisait l’autruche en serrant les dents. Svetlana s’amusait comme un succube. Légion, en elle, avait allumé un feu de camp. Il me fallait, cependant, être là selon sa convenance. Par petites bribes discrètes, elle avait monté un mur de cailloux, de graviers, grès, quartz, sable, fer, bois, tout autour de moi. Elle m’en avait même enfoncé dans la gorge. Mon estomac s’habitue à tout. Mon cœur aussi, faut croire. Elle mettait sa joue contre l’épiderme de mon ventre et observait mes veines imploser une à une en autant de meurtrissures sous-cutanées qu’il semblait y avoir d’étoiles. Elle en était satisfaite.


3-

Mais un jour, après m’avoir gavé par ce régime féroce, elle dut me sentir prêt et armée d’un pic et d’un marteau, elle pris la décision de faire émerger enfin de mon cadavre vivant l’œuvre dont elle seule possédait le secret dans le cachot intérieur de ses simulacres. J’attendais, offert, bouche entrouverte, la décision du bel amour. Elle tentait des approches, puis reculait, laissant les choses en suspend… comme pour les prolonger un peu. Son burin n’eut jamais raison de moi.

4-

Elle prolongea, finalement, notre calvaire à tous les deux. C’était bien plus rassurant que de tenter toute forme d’apothéose. Mais elle me pressait tout de même les couilles bien fort pour en tirer un vin qu’elle seule s’autorisait à, non pas boire, mais à savourer.

Mon épouse me voyait dépérir mais ne prenait aucune disposition. Je lui avais demandé de me laisser couler. Je voulais « aller au bout de cette histoire de fous ». Sobrement, avec classe, elle laissa faire. Elle prit quelques distances tout en me surveillant du coin de l’œil. Des chasseurs lui tournaient autour, elle n’allait pas se priver.


5-

C’est alors que Svetlana, puis mon épouse, s’amusèrent à me dévorer à tour de rôle. Elles se faisaient toujours belles. Une femme est une femme. Ne cherchez pas à comprendre. Leurs Rituels sont, finalement, très raffinés. Elles ne se concertaient jamais, bien qu’elles fussent (avec le temps) devenues les meilleures amies du monde. Mais invariablement, quand cela leur convenait, elles se lovaient autour de moi comme des bracelets païens et, déployant leurs mâchoires, mordaient en moi comme dans un rôti saignant et juteux, l’écume aux lèvres. Le jour Svetlana. La nuit ma femme. Je portais mes membres avec moi tant bien que mal.


6-

L’idéal bonheur eut été de me transformer en doudou, en nounours, afin de me garder avec elles dans leur sac, ou dans un tiroir, ou dans le bac à linge sale pour pouvoir me refiler l’une à l’autre et faire de moi ce qui leur aurait convenu. Se repaître de ma fibre, me sucer et me mâchouiller. Me passer à la machine à laver. Me repasser. Me suspendre sur la corde à linge.

C’est dire quel Chaos était notre vie à tous.




7-

Svetlana, absente, je pensais à elle. Je me faisais des mises en scènes sans déchirures, sans accrocs, avec que des douceurs et des délicatesses. De la courtoisie et des caresses. Des mots fondants. Des regards appuyés. Je guettais des appels téléphoniques fantasmés, je ne recevais (occasionnellement) que des SMS débiles sans le moindre intérêt si ce n’était celui de constater toujours un peu d’avantage à quel point elle était dérangée d’être au monde. Et je continuais d’aimer la rencontre brutale de jadis, vomissant de plus en plus la maladresse de ses calculs. C’est que j’en avais plus qu’assez d’être un morceau d’acier chauffé à blanc et translucide, malléable comme de la guimauve entre ses doigts de sorcière. Après tout je n’étais pas un psychiatre.


8-

Je sais que je suis enroulé en elle comme un souvenir éteint qui se remémore à son Corps quand les conditions sont réunies. Vestige refaisant surface du fond de son lac noir. Je suis son fantôme, malgré moi. Elle est mon démon que j’exorcise peu à peu. Elle n’a pas eu raison de moi. Elle n’a eu raison que d’elle-même. Puisqu’elle s’est empressée à jouir de me dévorer ainsi, mille bribes de mon Incarnation, répandues en elle, phalanges et muscles, nerfs et ongles, cheveux et sperme, l’habitent et l’oppressent. Je n’y puis rien. Je tente juste de poursuivre ma route par mes chemins de traverses.

9-

Svetlana, la mal-nommée, qui a enterré sa luminosité derrière sa merde sombre. Sa lumière calfeutrée par ses immondices et ses excréments tenaces. Svetlana qui m’aurait volontiers plié en quatre avant de me mettre en boîte, dans un crissement de papier-cadeau, pour me déposer au pied de son sapin et s’extasier toute seule de se faire ce cadeau. Svetlana, mon amour mort, ma plaie.

10-

Si je pouvais te purifier, d’un peu d’argile te faire renaître, même pas pour moi, pauvre égoïste, mais pour la beauté de ton envol. Purifier ton sang, ta salive. Délier les nœuds qui affirment ton mal-être. Te façonner non à mon image mais à ton image. Délester vers le large tout ce qui te ronge de l’intérieur à grands coups de griffes et de crocs acérés. Te faire tendre tes muscles pour des danses d’extases qui te rempliraient le trou vide du centre de ton Être.

Ne plus sombrer dans le sommeil.

Te reposer, enfin, sur un talus vif de verdure.

Pascal Quignard, dans « Le sexe et l’effroi » écrit : « Quand Auguste réorganisa le monde romain sous la forme de l’empire, l’érotisme joyeux, anthropomorphe et précis des Grecs se transforma en mélancolie effrayée.
Des visages de femmes remplis de peur, le regard latéral, fixent un angle mort.
Le mot phallus n’existe pas. Les Romains appelaient fascinus ce que les Grecs appelaient phallos. Dans le monde humain, comme dans le règne animal, fasciner contraint celui qui voit à ne plus détacher son regard. Il est immobilisé sur place, sans volonté, dans l’effroi. »



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Bande son du moment : « Pearl Jam (2006)» par Pearl Jam

Lecture du moment : « Paideia, la formation de l’homme grec » de Werner Jaeger

Citation du jour :
« il cherche le paradis perdu
dans les nouvelles jungles de l’ordre

il prie pour une mort violente
et elle lui sera accordée »
Zbigniew HERBERT (Monsieur Cogito et autres poèmes)


Humeur du moment : Laborieux

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06/06/2006

Dévoré... (10 Larmes sur Svetlana)

=--=Publié dans la Catégorie "Humeurs Littéraires..."=--=

 

Dés ma première approche de sa personne, elle eut ce mot, joignant le geste à la parole : « Je te pompe, j’emmagasine. » Joueuse, elle faisait allusion aux références littéraires et philosophiques que je lui jetais sur la table. « Je te pompe ! » Elle ne croyait pas si bien dire. « Je te pompe et je te dévore tout cru ! » aurait mieux convenu à tout ce qui allait suivre.

Très vite je l’aimais, de cette force que connaissent uniquement les dernières passions. Mais assez rapidement mes mains, mes jambes, mon cou, ma tête, à tour de rôles ou simultanément, se mettaient à trembler pour une raison inconnue qui ne m’apparaîtrait que plus tard. Palpitations de l’estomac et des entrailles. Comme dans les cartoons de Tex Avery, je me brisais en mille petits morceaux : craquement des os et déchirure de la chair. Je tressaillais. Mes vaisseaux sanguins apparaissaient sous ma peau blanche comme sous la viande d’un être gothique Hollywoodien. Au sol gisaient mes ongles, mes cheveux, ma lymphe. Elle s’y roulait très vite et se délectait de mes sucs charnels. C’était sa Joie. Puis elle tenta de me coudre des fils un peu partout afin de me transformer en marionnette. Orgasme assuré pour elle. Je me laissais faire avec l’Ivresse adéquate, pauvre fou…

2-

Elle élaborait des rituels sensés m’ensorceler. Mots répétitifs. Mouvement de la main. Signe de la tête. Mais le cercle qu’elle traçait autour de moi ne m’empêchait pas, parfois, de m’enfuir… pas pour longtemps. Je revenais bien vite dés qu’elle agitait le collier de circonstance qu’elle avait placé autour de mon cou et qu'elle manipulait à distance.

Elle aimait bander ses muscles, faire valoir sa force et me décrocher une pierre pour une lapidation selon sa convenance. Elle visait généralement le bas du ventre, les dents aussi… la pomme d’Adam et les couilles. Je tombais, recroquevillé sur moi-même, sans me plaindre. Alors elle venait, me caressait d’une main, tandis que de l’autre elle tenait la paille par laquelle elle aspirait toute ma sève pour s’en repaître. Ça sifflait entre ses dents comme les spasmes jouissifs des lèvres d'un Vampire.

3-

Si je fondais vers elle avec un sourire amoureux, des bras velues d’araignées, que je prenais pour des bras sensuels, lianes charnelles, lui sortaient de ses manches et pénétraient ma bouche, écorchant mes lèvres au passage, caressant mes vêtements, fouillant dans ma graisse et y pondant ses œufs néfastes. Puis, m’ayant injecté son venin, elle se délectait des fièvres qui m’assiégeaient.

4-

Elle m’aimait avec une force inouïe.
Elle m’aimait si fort que ses mains frêles parvenaient à faire craquer mes os contre elle. Elle m’arrachait cheveux, testicules, dents et poils de cul. Yeux exorbités. Elle savourait que je ne sois que l’ombre de moi-même. Elle savourait de me ramener au niveau de l’ombre qu’elle était elle-même depuis si longtemps. Son péché mignon, tout de même, c’était de me vider le crâne à la petite cuillère. Elle suçait, absorbait et je me laissais faire. Sa jouissance était mienne aussi. J’appelais ça de l’Amour. Elle souriait confiante. Mes sourires à moi me déformaient la bouche. Elle se régalait de mes grimaces pendant qu’elle mâchait mes tétons. Elle songeait à m’enterrer bien vite, de préférence dans une fosse commune.

5-

Elle faisait en sorte de me montrer à quel point elle en chiait pour vivre. Finalement ma rencontre qui « comptait tellement » n’avait pas changé grand-chose à son angoisse sournoise. Elle n’entendait pas mes mots, couverts qu’ils étaient par ses maux à elle. Mais je l’aimais d’amour, vous dis je… pauvre fou. Ce n’était qu’une furonculose parmi tant d’autres : le manège sanglant des couples malades qui tournoient au rythme des maladies atrabilaires.
Il est vrai, par moments elle faisait l’effort d’accoucher d’une photo ou d'une sculpture. « Je te prendrais bien en photo, tout nu » me dit-elle un jour qu’elle avait fait l’acquisition d’un appareil de haute gamme. « Pourquoi foutre ? » pensais-je, « Pour éterniser la loque que je suis devenu ? Se complaire à montrer mes lambeaux de chair à ses poufs de copines dont elle me disait le plus grand bien en privé ? C’est-à-dire : le plus grand mal. S’investir en tant qu’ârtisteuh dans la pitoyable représentation de ce que notre histoire était devenue en l’espace de six petits mois ? » Je la regardais en disant « non » mais le cœur soumis et offert. Elle détournait toujours le regard du mien, comme une esclave recouverte du litham et guettant l’instant propice pour regarder sans être vue. Mais l’esclave c’était moi. Je gisais à ses pieds sans que cela ne l’inquiète. Elle me consolait pourtant : « Je suis là. Je serai toujours là pour toi. Tu m’as ouvert les yeux. Tu m’as accueillie. » Et plein d’autres balivernes. Oubliant de joindre les actes salvateurs au poids sidéral de ses mots malades.


6-

On baisait vite et très mal. Ici, sur le canapé. Là, à même le sol. Là, contre le mur, ses deux jambes autour de ma taille. Urgence et larmes. Sans prémices. Sa chatte mouillait toujours. Sa chatte dégoulinait. Elle m’avouait : « c’est qu’avec toi que ça me fait ça. » Je me disais : « C’est toujours ça de gagner. » Ma viande remplissait sa viande. Jusqu’à l’étouffement de la culpabilité. Ni son homme ni ma femme ne savaient rien. Je m’en moquais. J’étais devenu fou d’amour et de douleur. Ou plutôt : j’étais devenu fou de ce que je croyais être de l’amour et qui n’était, en fait, que de la douleur. Je demeurais pris dans la masse de tout ce qu’elle pouvait dégager comme vibrations mauvaises. Je croyais, au tout début, avoir la force de tenir tête à sa malédiction. Je croyais. Rapidement je ne crû plus en rien. Elle pouvait, comme elle en avait vite pris l’habitude, me planter quinze aiguilles dans mes paupières et m’aspirer les yeux, se nourrir de mes orbites et de ma bite même (qu’elle n’a, cependant, jamais sucée... c'est bien dommage), je m’en foutais.


7-
Parfois, soudainement,elle me déchirait en lambeaux. Une véritable boucherie. Puis nous passions deux heures au téléphone pour qu'elle puisse rapiécer le tout. Je ressemblais au monstre de Frankenstein sauf que toutes les pièces rapiécées étaient les miennes. Mais entre temps, elle avait joui d’extraire de dessous mon épiderme sa dose de graisse sacrificielle, mon sel et mon sucre, mes bouts d’os avec lesquels elle jouait aux osselets en me narguant, avant de finir par s’en faire des colliers agrémentés de quelques unes de mes tripes remplies de merde.


8-

Nos noces adultérines, avant que d'être sanglantes, ne durèrent pas longtemps. Six petits mois qui brûlèrent d’un feu créateur avant de sombrer dans le chaos de la destruction qui acquiesce et à laquelle nous acquiesçâmes. Ses seins me donnaient les forces nécessaires à nos errances nihilistes. Mais la nuit elle venait sucer mon sang et s’en délecter comme une goule.

C’est qu’elle cherchait à me sculpter selon son bon plaisir. Et cela dura plusieurs années. Je fus patient et même… déterminé dans ma patience…pauvre fou.

9-

L’aimant, je la couvrais de cadeaux. Des livres et des disques, essentiellement. J’écrivais pour elle. L’inspiration se saisissait de moi à la moindre vue de sa silhouette. Je pensais à elle dix minutes et dix poèmes surgissaient. Elle sentait combien cela l’étouffait. J’aurai dû lui cracher à la gueule, l’assommer d’une claque d’homme et la sodomiser à sec. Mais ma main était tendre. Ma retenue persévérante. Je la laissais m’assaisonner selon son bon goût et me faire rôtir à petit feu. C’était bien l’odeur de ma chair qui emplissait la pièce et me mettait même l’eau à la bouche. Je me laissais porter par sa stature grecque vers l’autel sanglant où son couteau de marbre noir étincelait dans l’or des boucliers.


10-


Elle me plantait dans ses champs comme 100 000 graines fertiles, puis pissait sur mes jeunes pousses avant de me moissonner sous une lune noire. Un matin je me réveillais dans un ruisseau d’eau et de cendres, le Corps éreinté par une et mille guerres psychiques. Front, tempes, paumes et flanc transpercés, pieds meurtris comme le Christ, sauf que je n’étais le sauveur que de moi-même.

Elle avait disparu, avec ses amulettes et son orgueil pathologique.

Je tombais sur ce fait : l’hébreu ancien s’écrivait sans voyelles. Les maîtres se devaient de retenir les voyelles et de les transmettre aux disciples avec la plus sérieuse des déterminations. Étrange, tout de même, ces deux mots : Sainteté et Prostituée. Les deux mots s’écrivaient de la même manière : "QDShH". Mais Sainteté se prononçait « QeDouShaH » et Prostituée « QeDeShaH ».

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Bande son du moment : « Operation Mindcrime II» par Queensrÿche

Lecture du moment : « Paideia, la formation de l’homme grec » de Werner Jaeger

Citation du jour :

« Tant de livres de dictionnaires
d’encyclopédies obèses
mais personne auprès de qui prendre conseil

on a étudié le soleil
la lune les étoiles
on m’a perdu

mon âme
refuse la consolation
du savoir

aussi chemine-t-elle de nuit
sur les traces des pères »
Zbigniew HERBERT (Monsieur Cogito et autres poèmes)


Humeur du moment : Fatigué

23/05/2006

L'époque a le souffle court... morne bandaison...

=--=Publié dans la Catégorie "Humeurs Littéraires"=--=


Mardi 23 Mai 2006

Le Nihilisme est la donnée fondamentale qui caractérise le siècle qui vient de s’achever et celui qui commence. Nietzsche l’a très bien décrit. Le scepticisme est profond, total, absolu, illimité, inconditionnel. Il semble même achevé tellement il occupe toutes les sphères de la société. Il s’est adapté aux frasques spectaculaires : il manie avec machiavélisme l’art du masque et des subterfuges. La négation est intégrale, entière et complète envers toute échelle de valeurs. Ordre, encadrement,commandement, autorité, gradation, tout cela n’inspire qu’horreur et soubresauts anti-fascistes ! Une Nausée toute Sartrienne s’empare d’à peu près tout le monde. Thanatos se branle devant tant de morbidité exaltée.

Éros à moi !

Éros, ce dieu du vieux Panthéon grec est l'une des énergies prédominantes qui asservissent le Cosmos avant l’apparition des immortels et des hommes. Son influence et son emprise s'étendent à toute la création : animaux, hommes, végétaux, minéraux, liquides, vents et fluides divers, souffles, atomes et particules s’entrechoquant dans leur valse créative. Éros accorde et combine, allie, raccorde et mélange, assemble, associe et fusionne. Virtuosité de l’attraction mise en scène qui contracte les événements entre eux et les choses entre elles, les recrutent pour des batailles vastes ou éphémères qui accouchent de l’Être. Il convient de ne pas le confondre avec Cupidon, création romaine, ou avec le dieu Amour, encore moins avec la déesse Aphrodite. Cupidon, Amour ou Aphrodite sont des émanations incarnées d’Éros qui, avant même de figurer parmi les Dieux, participait, évanescent et abstrait, à l’élaboration souterraine du désir qui confronte, joint, lie, détruit en même que créé, unissant, pliant, approchant et jouissant en suscitant l’infini des mondes. Les grecs de l’Antiquité le disait être né du Chaos Originel. Né avant les nés. Curieusement pour nos mœurs démocratiques, sachez que les guerriers de l’Antique Sparte lui offraient des sacrifices avant une bataille. Les corps se marient si bien dans le sexe ou dans l’horreur. Peut-être…mais tout, alors, prend sens.



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Bande son du moment : « Stadium Arcadium » des Red Hot Chili Peppers et tous les albums du groupe King’s X

Lecture du moment : « Paideia, la formation de l’homme grec » de Werner Jaeger

Citation du jour : « Les épines que j'ai recueillies viennent de l'arbre que j'ai planté. » Byron


Humeur du moment : Dépité

09/05/2006

Mutation constante

=--=Publié dans la Catégorie "Humeurs Littéraires"=--=


La mutation est constante. Le Corps la clame à chaque mouvement. Car je n’ai pas de chair en ma possession, Je SUIS Chair et c’est elle qui me soutient, me porte et me rend exalté d’Être, simplement. La crainte, le désir, le souffle, la souffrance. Ô Caresse.

L’Initiation commence dans le creuset secret de la matière.

Les 4 éléments fondent le cinquième.

Le cinquième détermine les 4 autres.

Le cinquième élément est le Centre de l’Être en équilibre propitiatoire constant éprouvant les 4 autres.




De la boue le Glèbeux fut tiré comme un spasme dansant.

Nous étions de peu inférieurs aux anges, ai-je lu.

C’est bien le Démon, en vérité, qui affirme, séducteur, « vous serez comme des dieux… », le privilège vivant est d’être de Chair… mais de Chair légère, or son Invitation veut faire pourrir ce que nous sommes dans une vulgaire pseudo-désincarnation très lourde.

Qui donc sait lire ?

Être fils d’Adam est si dur chemin de Croix.





Le vent et le feu affermissent le songe vivant que je suis. Je m’efforce d’Être. Difficile appréciation. Une goûte de sang sur la pierre.




Dire le flamboiement des atomes, des particules élémentaires et de leur mystérieuse et Chevaleresque danse. Juste au croisement où se retrouvent les éléments pour la mixture d’amour. Les constantes chatteries. Nous sommes là, ami lecteur, amie lectrice, et l’oublions si souvent. Le Temple garde ses portes fermées.




Aimer vient de loin. C’est une constante inscrite dans la matière même.





Matière portant le feu serein qui se ravive par le chatoyant épiderme. Paysages défilant à même la peau. Effluves du Nil. Effluves électriques et parfumés. Aimantation surnaturelle. La Raison n’a pas, ici, droit de cité. Océan dernier où l’abandon prime. La petite Mort joyeuse. L’œil de feu.




Dans l’eau, le centre ne se situe plus. Le Jeu éteint le « Je ». Flotte mon ange incarné. Vagues de perdition et de retrouvailles. Tu y trouveras ce qui te convient.




Mais sois là. Ici. À présent. Dans l’âtre de ton cercle sans limites.

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Bande son du moment : Divers morceaux du Groupe ELEVEN

Lecture du moment : « Paideia, la formation de l’homme grec » de Werner Jaeger

Citation du jour : « Le monde n'a pas besoin qu'on y mette de l'ordre ; le monde est ordre, incarné. C'est à nous de nous harmoniser avec cet ordre. » Henry Miller

Humeur du moment : Méditatif

03/05/2006

Pourquoi plaindre toujours Prométhée et jamais le vautour ?

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=

 

« Pourquoi plaindre toujours Prométhée et jamais le vautour? L'acharnement de cet oiseau de proie, avec le foie pour seul plat de résistance, sa fidélité à la douleur d'autrui, ont pourtant quelque chose de troublant comme un amour. »

Natalie Clifford Barney, Nouvelles pensées de l'amazone

 

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01/05/2006

Sens dessus dessous

=--=Publié dans la Catégorie "Humeurs Littéraires..."=--=

 

L’intime floraison, cachée par cent mille désastres. Ses dessous remuants. Les défaire c’est une affaire. Je parle de ses dessous, me comprenez-vous ? Là où son souffle recherche avec une nihiliste constance le cache-cache qui lui semble salvateur. La surface est limpide, pourtant, un œil exercé ne s’y laisse pas prendre. Les masques sont de mauvaise facture et elle les porte si mal. La surface ne devient profondeur que lorsqu’on affirme une élection de dandy. Ce n’est pas son cas. Elle fait l’autruche et son rire est presque toujours nerveux. L’apparence peut, en certaines occasions, se retourner comme un gant, selon la pensée du jour et les affres du moment, et révéler le point nodal de la douleur aiguë qui se dissimule et se terre dans le constant brouillon du réseau nerveux.



Elle les brode, ses dessous, les fabule, les invente, cherche à donner le change, se trompe elle-même en nous trompant nous, s’auto persuade du bien fondé de ses déterminations, se mène elle-même en bateau, mystifie ses fausses dorures et ses leurres avec emphase, s’abuse en nous jouant du pipeau, se berne en mettant ses convictions en berne (c’est qu’elles ont le teint pâle ses convictions). Mais je suis un vieux d’la vieille. Je ne suis pas dupe. Trop d’heures de vols et de multiples atterrissages forcés.



Les dessous se dégrafent et s’enlèvent pour des palpations palpitantes. Ses dessous à elle ne s’enlèvent pas. Même nue, elle les conserve comme une barrière de marbre épais et ce marbre a la masse de sa désolante affection. Mille ans de dérives tripales. Il lui faudrait, pourtant, tailler dans le vif de sa merde et purger ses impures souffrances. Ne pas se tromper sur sa coulisse c’est reconnaître un peu la fumée qui y divague. Il faut faire poindre et percer à jour. Il faut se souvenir, sinon, le Corps finit par commémorer ce qui lui importe malgré nous. L’Inconscient est Roi.

J’ai dégrafé ses dessous, au sens propre, au sens figuré, voilà ce qui n’est jamais passé pour sa raison encore trop adolescente. J’ai fini par la laisser batailler seule avec ses dessous inassumés, qu’elle se démerde avec comme elle peut.

Pourtant, naïf, parfois, j’ai rêvé de la dénuder jusqu’à sa moelle intime, avec mes caresses, ma langue, en fait : mes mots. La débarrasser de ses maux. Illuminer ses obscures cavernes où mille fantômes l’assaillent quand elle s’y perd. Mais elle tient tête, ne me laisse deviner que l’essentielle flétrissure et referme les portails d’ivoires. Déséquilibrée.

Ses dessous sont sales et sens dessus dessous, sens déçu dessus dessous et dans les moindres alvéoles disparates de ses recoins, surtout le matin quand elle les veut affriolants. Elle entretient leur souillure en détournant la tête de ce qu’elle se devrait de regarder bien en face, dans l’orbite faisandée des cadavres exquis qui, eux, la contemple sans cesse. C’est son antinomie qu’elle conteste. Son absurde paradoxe. Elle se refuse, c’est simple et clair, à connaître la cause, le mobile, la raison, l’explication, la justification première, le lieu du contraire/inverse/opposé de son contresens vivant et incarné qui la somme de se soumettre. Ses démons se pouffent de tant de cachotteries, tandis que, croyant avoir réglé son mystère, elle réajuste ses dessous devant les miroirs de ses illusions multiples. Il suffirait d’un geste, certes douloureux, pour déboutonner le corset trop serré qui maintient et étaye le mirage de son être, l’intime hallucination de ce qu’elle croit et envisage avec une innocence très coupable. Après… elle n’aurait plus qu’à déployer ses ailes. Mais elle préfère tripatouiller sa dentelle sensible et demeurer sans cible. Faux-monnayeur va. Le bidonnage a triste figure. Si elle savait que c’est sous le voile de tous les dessous qu’elle se devrait d’aller saisir les perspectives du dessus, les contenus signifiants, les sentiments signifiés. Elle préfère, pauvre d’elle, avec son âme fragile et douce comme de la soie, chiffonner son bas de Soi.
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Bande son du moment : Baroque Bordello : « Via » et « Paranoiac Songs »

Lecture du moment : « Paideia, la formation de l’homme grec » de Werner Jaeger

Citation du jour : « Illusions : affecter d'en avoir eu beaucoup. Se plaindre de ce qu'on les a perdues. » Gustave Flaubert, Dictionnaire des idées reçues

Humeur du moment : Serein et posé.

29/03/2006

Crépuscule/Aurore...

=--=Publié dans la Catégorie "Humeurs Littéraires"=--=



Dansez encore un peu. Vous vivez les derniers instants d’une Civilisation.

Pour lutter contre la morosité ambiante il faut apprendre à rire. Comment ? Vous ne savez pas rire ! Je ne puis rien pour vous.

Demain : le déluge et la fin de la plainte après les grincements de dents.

Un pied dans la merde et l’autre dans l’avancée. Je porte tout ça joyeusement. Je suis un pessimiste joyeux.

Endurer l’adversité sans baisser sa garde ni perdre courage et s’en remettre à Dieu ou aux dieux. Ce Principe est le même que celui des Taoïstes qui s’en remettent à la Voie et laissent venir à eux les évènements, conjuguent juste par le non-agir antique avec les éléments. C’est là l’Action véritable qui n’est pas volontarisme ni affirmation égotiste, ni volonté de volonté.

Sinon : étirements… Souffle… Prière… Attente… et whisky.

Difficile dépassement des habitudes reçues et des stabilités contractuelles.
S’aménager une ligne de fuite perspectiviste qui permettra une vision horizontale.
Juste lever la tête vers le ciel est trop simple, trop facile : abandon en soi.
Vision horizontale pour retrouver la verticalité adéquate.

La Tradition est, chez moi, une stratégie en même temps qu’un amour.

L’Institution… pourriture… se sclérose, raison de plus de chercher les zones érogènes du langage, les indices d’une possibilité de jugement fondé sur la clarté… l’avis débordant du Langage… la Vie débordante du Langage…

Sentir la rose avant que de prendre le sabre.



Mourir n’est qu’un détail quand on y songe…

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Bande son du moment : King Size « White Lies, White Beats » (2002)

Lecture du moment : « Paideia, la formation de l’homme grec » de Werner Jaeger

Citation du jour : « La foi n’est pas une opinion. » Henri Guillemain

Humeur du moment : toujours en retraite…

27/03/2006

L'Amour...

=--=Publié dans la Catégorie "Humeurs Littéraires"=--=



Très souvent je vomis sur l’Amour. Je n’aime pas ce que l’on nomme ainsi. Cela n’y ressemble pas. C’est de la comédie névrotique. « Quand je vois un couple, je change de trottoir ! » gueulait Léo Ferré. Et pourtant,
l’Homme se complait à l’appeler ainsi. « Amour. Amour. Amour. » L’Homme se complait à s’y vautrer comme un porc dans la boue. Entêtante Cécité de l’âme et du Corps. Aberration. Égarements. Folie. Aussi : blocage, censure, inhibition. Parfois : suicide. Connerie. Des infamies s’organisent dans l’ombre. Assassinats, homicides. Forfaits d’égocentriques. « Amour. Amour. Amour. » Crétineries en tout genres. Et on a la sottise audacieuse : on nomme cela « l’Amour » ! On clame la fusion. On attache sa moitié comme une proie prise au piège. Comme un gibier consentant, soumis. C’est le coût à débourser. Faites-vous une raison. Tout le monde vit ainsi : papa, maman, mamie, papi et les voisins aussi. Re-schématisez le schéma. Abaissez votre couenne en la raidissant comme il se doit. C’est tout ce qu’on attend de vous !
L’Amour ce n’est pas ça. L’Amour jaillit de rencontres qui redéploient constamment le désir vers des sphères nouvelles. Il n’y a pas de larmes. Ou alors elles sont de joie.

Même la bible affirme en 1 Corinthiens 13 : 4,8 :

« L'amour est longanime et bon. L'amour n'est pas jaloux, il ne se vante pas, ne se gonfle pas d'orgueil, ne se conduit pas avec indécence, ne cherche pas son propre intérêt, ne s'irrite pas. Il ne tient pas compte du mal subi. Il ne se réjouit pas de l'injustice, mais se réjouit avec la vérité. Il supporte tout, espère tout, endure tout. L'amour ne passe jamais. »

La morale est perverse et castratrice. Aussi destructrice que la luxure qu’elle prétend circonscrire et contenir.
La morale se drape toujours d’un très vaste bien fantasmé.
Les morales monothéistes en cours ont scellé les livres Saints à leur convenance en projetant sur Dieu la floraison morbide de l’hystérie humaine trop humaine. Cela a donné d’innombrables contempteurs du corps voyant le diable derrière chaque érection.
Il faut se tracer un chemin de souffre et de feu dans la jungle des fièvres humaines pour préserver son Amour intact, celui qui rafraîchit à l’eau et enivre de vin, donne le goût du miel et non l’aigreur dévastatrice du cyanure.
Le couronnement de l’Amour donne sens à toute la Vie. Merveille des merveilles, cela donne sens au monde entier. Le Corps se doit d’exulter des hosannas à n’en plus finir. L’Incarnation s’élève et le sang trace un fleuve de rythmes que seuls les amants comprennent. Les amants savent pourquoi et pour qui ils existent. Leur voyage toujours recommencé est un délice des sens, des idées et des pensées, des épidermes qui se cherchent dans le silence crépusculaire, dans l’apparence transpercée de l’aurore où émergent déjà les vestiges oubliés de l’avenir.

« Le désir fait sortir de soi. Il fait sortir de l'ici de l'espace. Il fait sortir de l'"idem" du corps séxué. Deux fragments de temps polarisent tout à coup, soulevant la relation en extase. Dans les deux cas la polarité se renforce au point de faire axe. Cet Axe et cette tension orientent. Le désir se tend et brise le mur du temps par une soudaine réciprocité (car le temps, étant irréversibilité, se brise dans la réversion soudaine de lui-même). Chaque pôle s'accroît si étrangement. C'est le "co-ire" sexuel. "Ire" veut dire en latin "aller". Aimer consiste en une co-errance d'un instant. » Pascal QUIGNARD (ABÎMES)

Par l’Amour, un monde vient au monde à chaque fois par le sourire de Dieu, et ce Dieu est inconnu, ce Dieu est si proche et si lointain, mais ce Dieu est très bien connu des amants qui s’aiment librement d’un spasme serein. Ils ne le formulent pas autrement qu’avec leurs caresses, avec leurs mots, avec leurs yeux. L’Amour authentique est succession de paradoxes, n’en soyez pas surpris. Ouvert, il ne demande pas de comptes, ne réclame rien que la joie d’être aimé et d’aimer en retour. L’Amour écrit les amants dans l’histoire du monde. La trame de la réalité les accueille dans son mystère de nuit nacrée. C’est l’autre qui nous accouche de nous-même.

L’Autre a mille et une faces tout comme l’Amour a mille et un visages. Le faux amour, lui, n’en a qu’un seul, celui de la possessivité tourmentée qui torture. Parce qu’est multiple l’Amour, il expérimente et cherche à rayonner. Il peut butiner et papillonner tant que l’Autre n’est pas un objet mais une histoire qui donne le sourire ou apporte l’inquiétude. Son origine est l’origine de toutes choses. Son origine est l’origine de tout désir voulant venir au monde. Son émanation est une danse de l’Être, un chant de l’Être, un envol de l’Être toujours recommencés. C’est pour ça que l’Amour est subversif, violent, novateur, insurrectionnel, libérateur. L’Amour ne remplace aucune personne par une autre personne. L’Amour autorise d’aimer et d’être aimé par toutes les personnes qui conviennent avec le cœur, avec le Corps, cette raison supérieure (Nietzsche), avec l’athanor de l’intelligence. L’Amour libère et sacre chaque instant de notre vie. L’Amour est une extension de soi vers les autres.

« Des mets exquis, du bon vin, la compagnie de personnes choisies et, surtout, bien affectueuses, constituent une alimentation qui élève un homme bien portant au plus haut degré de perfection. » Giacomo CASANOVA


La raison seule ne peut être en mesure d’édifier l’existence et elle ne détermine le corps qu’avec modération. L'amour fonde véritablement notre être par la Folie Lumineuse. L’autre nous invite, en vérité, à être libre en éprouvant les antinomies, les incohérences d'une liberté bien différente d'une liberté uniquement morale, d’une dépendance (puisque l’Amour nous lie aussi) ou d'une indépendance relative. L’Amour fait rompre le pain en douce compagnie. L’Amour fait déployer nos ailes.

Si vous ne déployez pas vos ailes, ce n’est pas de l’Amour.

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Bande son du moment : Placebo "Meds" (2006)
Lecture du moment : Paideia, la formation de l'homme grec, de Werner Jaeger

Citations du jour : « Ainsi j'arrive, moi aussi, à ce principe dans ce qui touche aux hautes spéculations philosophiques : tous les gens mariés sont suspects. » Friedrich Nietzsche

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« Pour comprendre qu’être jaloux charnellement est une idiotie, il faut avoir été libertin. » Cesare Pavese


Humeur du moment : En retraite