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31/03/2014

Qu’est ce qu’une société disneylandisée ?

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« Ce qu’il y a quand même de fascinant dans tout cela, ce qu’il y a d’attirant presque, ce sont les milles facettes de la bêtise éternelle que le sport incarne : la stupidité du muscle intensif, le crétinisme de la force, la niaiserie de l’exercice méthodique, l’optimisme absurde du dépassement de soi et de la répétition de ce dépassement, la sottise de la performance comme argument. Et j’oubliais l’insanité suprême, le rêve sportif absolu de la grande fraternité des peuples ; laquelle d’ailleurs, sur le terrain, se traduit automatiquement par son contraire radical (c’est Dieu merci,  le destin de toutes les bonnes intentions), c’est à dire le chauvinisme le plus sordide. Cela m’a toujours réjoui, moi d’apprendre la défaite de la France à telle ou telle répugnante compétition internationale, à cause de la tête catastrophée de la plupart de mes concitoyens. Comme atteinte au moral de la nation, comme détérioration de son image, comme déstabilisation de sa réputation, une défaite de l’équipe de France aux cauchemardesques Jeux Olympiques peut avoir son intérêt. Mais que cet intérêt est faible comparé à la tyrannie bienveillante dont le sport, dans la société disneylandisée d’aujourd’hui, est devenu l’un des moteurs essentiels.

Qu’est ce qu’une société disneylandisée ? Peut-être appelée ainsi toute société où les maîtres sont maîtres des attractions et les esclaves spectateurs ou acteurs de celles-ci. N’oublions pas que le mot sport est couplé avec loisir, cet autre vocable antipathique. Qui dit sport dit week-end, dimanches, vacances ; donc familles, communautés, donc renforcement à perpétuité de l’infâme contrat social. Peut-être nommée disneylandienne toute société qui contraint aux loisirs - et qui songerait à se révolter contre une oppression qui ne communique, au fond, que l’ordre de s’amuser ? Qui refuserait les planches à voiles, les skis, , les camping-cars et les autoroutes pour aller dessus ? Et qu’on aille pas non plus me parler de "culture" sportive, encore moins d’ "art" bien entendu ! Aucun tableau de Picasso ne ressemble à un tableau de Rembrandt (même pas à un autre tableau de Picasso), alors qu’un match ressemble toujours à un autre match. C’est toujours le même Tour de France, toujours la même Coupe du monde, toujours les même voitures ridicules sur leurs circuits grondants… »

Philippe Muray, Désaccord parfait

 

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Il n’y avait jamais rien eu qui ressemblât à ma grand-mère

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« Bouleversement de toute ma personne. Dès la première nuit, comme je souffrais d’une crise de fatigue cardiaque, tâchant de dompter ma souffrance, je me baissai avec lenteur et prudence pour me déchausser. Mais à peine eus-je touché le premier bouton de ma bottine, ma poitrine s’enfla, remplie d’une présence inconnue, divine, des sanglots me secouèrent, des larmes ruisselèrent de mes yeux. L’être qui venait à mon secours, qui me sauvait de la détresse de l’âme était celui, qui, plusieurs années auparavant, dans un moment de détresse et de solitude identique, dans un moment où je n’avais plus rien de moi, était entré, et m’avait rendu à moi-même, car il était moi et plus que moi (le contenant qui est plus que le contenu et me l’apportait). Je venais d’apercevoir, dans ma mémoire, penché sur ma fatigue, le visage tendre, préoccupé et déçu de ma grand-mère, telle qu’elle avait été ce premier soir d’arrivée ; le visage de ma grand-mère, non pas de celle que je m’étais étonné et reproché de si eu regretter et qui n’avait d’elle que le nom, mais de ma grand-mère véritable, où pour la première fois depuis les Champs-Elysées où elle avait eu son attaque, je retrouvais dans un souvenir involontaire et complet la réalité vivante. Cette réalité n’existe pas pour nous tant qu’elle n’a pas été recrée par notre pensée (sans cela les hommes qui ont été mêlés à un combat gigantesque seraient tous de grands poètes épiques) ; et ainsi, dans un désir fou de me précipiter dans ses bras, ce n’était qu’à l’instant – plus d’une année après son enterrement –que je venais d’apprendre qu’elle était morte. J’avais souvent parlé d’elle depuis ce moment-là, et aussi pensé à elle, mais sous mes paroles et mes pensées de jeune homme ingrat, égoïste, et cruel, il n’y avait jamais rien eu qui ressemblât à ma grand-mère, parce que, dans ma légèreté, mon amour du plaisir, mon accoutumance à la voir malade, je ne contenais en moi qu’à l’était virtuel le souvenir de ce qu’elle avait été. A n’importe quel moment que nous la considérions, notre âme totale n’a qu’une valeur presque fictive, malgré le nombreux bilan de ces richesses, car tantôt les unes, tantôt les autres sont indisponibles qu’ils s’agisse d’ailleurs de richesses effectives aussi bien que de celles de l’imagination, et pour moi par exemple, tout autant que de l’ancien nom de Guermantes, de celles combien plus graves, du souvenir vrai de ma grand-mère. Car aux troubles de la mémoire sont liées les intermittences du cœur. C’est dans doute l’existence de notre corps, semblable pour nous à un vase où notre spiritualité serait enclose, qui nous induit  à supposer que tous nos biens intérieurs, nos joies passées, toutes nos douleurs sont perpétuellement en notre possession. Peut-être est-il aussi inexact de croire qu’elles s’échappent ou reviennent. En tout cas si elles restent en nous, c’est la plupart du temps dans un domaine inconnu où elles ne sont de nul service pour nous, et où même les plus usuelles sont refoulées par des souvenirs d’ordre différent et qui excluent toute simultanéité avec elles dans la conscience. Mais si le cadre de sensations où elles sont conservées est ressaisi, elles ont à leur tour le même pouvoir d’expulser ce qui est incompatible, d’installer seul en nous, le moi qui les vécut. Or comme celui que je venais subitement de redevenir n’avait pas existé depuis ce soir lointain où ma grand-mère m’avait déshabillé à mon arrivée à Balbec, ce fut tout naturellement, non pas après la journée actuelle que ce moi ignorait, mais – comme s’il y avait dans le temps des séries différentes et parallèles – sans solution de continuité, tout de suite après le premier soir d’autrefois, que j’adhérai à la minute où ma grand-mère s’était penchée vers moi. Le moi que j’étais alors et qui avait disparu si longtemps, était de nouveau si près de moi qu’il me semblait encore entendre les paroles qui avaient immédiatement précédé et qui n’étaient pourtant plus qu’un songe, comme un homme mal éveillé croit percevoir tout près de lui les bruits de son rêve qui s’enfuit. Je n’étais plus que cet être qui cherchait à se réfugier dans les bras de sa grand-mère, à effacer les traces de ses peines en lui donnant des baisers, cet être que j’aurais eu à me figurer, quand j’étais tel ou tel de ceux qui s’étaient succédé en moi depuis quelque temps, autant de difficulté que maintenant il m’eût fallu d’efforts, stériles d’ailleurs, pour ressentir les désirs et les joies de l’un de ceux que, pour un temps du moins, je n’étais plus. Je me rappelais comme, une heure avant le moment où ma grand-mère s’était penchée ainsi, dans sa robe de chambre, vers mes bottines, errant dans la rue étouffante de chaleur, devant le pâtissier, j’avais cru que je ne pourrais jamais dans le besoin que j’avais de l’embrasser, attendre l’heure qu’il me fallut encore passer sans elle. Et maintenant que ce même besoin renaissait, je savais que je pouvais attendre des heures après des heures, qu’elle ne serait plus jamais auprès de moi, je ne faisais que le découvrir parce que je venais, en la sentant pour la première fois vivante, véritable, gonflant mon cœur à le briser, en la retrouvant enfin, d’apprendre que je l’avais perdue pour toujours. Perdue pour toujours ; je ne pouvais comprendre et je m’exerçais à subir la souffrance de cette contradiction : d’une part, une existence, une tendresse, survivantes en moi telles que je les avais connues, c’est à dire faites pour moi, un amour où tout trouvait tellement en moi son complément, son but, sa constante direction, que le génie des grands hommes, tous les génies qui avaient pu exister depuis le commencement du monde  n’eussent pas valu pour ma grand-mère un seul de mes défauts ; et d’autre part, aussitôt que j’avais revécu, comme présente, cette félicité, la sentir traversée par la certitude, s’élançant comme une douleur physique à répétition, d’un néant qui avait effacé mon image de cette tendresse, qui avait détruit cette existence, aboli rétrospectivement notre mutuelle prédestination, fait de ma grand-mère, au moment où je la retrouvais comme dans un miroir, une simple étrangère qu’un hasard a fait passer quelques années auprès de moi, comme cela aurait pu être auprès de tout autre, mais pour qui, avant et âpres, je n’étais rien, je ne serais rien. »

Marcel Proust, Sodome et Gomorrhe

 

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Le mot individualisme est assez malsonnant de nos jours...

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« La tendance moderne vers le socialisme signifie une rupture brutale, non seulement avec le passé récent, mais encore avec toute l’évolution de la civilisation occidentale. On s’en rend compte en considérant cette tendance, non plus seulement dans le cadre du XIXe siècle, mais dans une perspective historique plus vaste. Nous abandonnons rapidement, non seulement les idées de Cobden et de Bright, d’Adam Smith et de Hume, ou même de Locke et de Milton, mais encore une des caractéristiques les plus saillantes de la civilisation occidentale telle qu’elle s’est édifiée sur les fondations posées par le christianisme, par la Grèce et par Rome. Ce qu’on abandonne peu à peu, ce n’est pas simplement le libéralisme du XIXe et du XVIIIe siècle, mais encore l’individualisme fondamental que nous avons hérité d’Erasme, et de Montaigne, de Cicéron et de Tacite, de Périclès et de Thucydide.
Le chef nazi qui a défini la révolution nationale-socialiste comme une Contre-Renaissance ne savait peut-être pas à quel point il disait vrai. Cette révolution a été l’acte essentiel de destruction d’une civilisation que l’homme édifiait depuis l’époque de la Renaissance et qui était avant tout individualiste. Le mot individualisme est assez malsonnant de nos jours, et il a fini par évoquer l’égoïsme. Mais l’individualisme dont nous parlons pour l’opposer au socialisme et à toutes les autres formes de collectivisme n’a pas nécessairement de rapport avec l’égoïsme. Ce n’est que petit à petit qu’il nous sera possible au cours de cet ouvrage d’expliquer le contraste entre les deux principes. En quoi consiste donc cet individualisme dont les éléments, fournis par le christianisme et par l’antiquité classique, ont connu leur premier développement complet lors de la Renaissance et sont ensuite devenus ce que nous appelons la civilisation de l’Europe occidentale ? Respecter l’individu en tant que tel, reconnaître que ses opinions et ses goûts n’appartiennent qu’à lui, dans sa sphère, si étroitement qu’elle soit circonscrite, c’est croire qu’il est désirable que les hommes développent leurs dons et leurs tendances individuels. On a tant usé du mot « liberté » qu’on hésite à l’employer pour définir l’idéal qu’il a représenté depuis la Renaissance. Le mot "tolérance" est peut-être le seul à conserver la pleine signification d’un principe qui, après une longue ascension, a connu depuis peu un rapide déclin et a fini par disparaître complètement avec l’apparition de l’Etat totalitaire.
La transformation progressive d’un système rigidement hiérarchique en un régime où l’homme peut au moins essayer de modeler son destin, où il a l’occasion de connaître plusieurs genres de vie et de choisir entre eux, cette transformation est étroitement liée au développement du commerce. »

 

Friedrich August von Hayek, La Route de la Servitude

 

 

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Déterminer les circonstances qui, au cours des dernières soixante-dix années, ont permis la croissance progressive et enfin la victoire d’une certaine catégorie d’idées

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« Nous ne réussirons jamais dans notre politique avec les Allemands tant que nous ne comprendrons pas le caractère et le développement des idées qui les gouvernent aujourd’hui. La théorie suivant laquelle les Allemands seraient atteints d’un vice congénital n’est guère soutenable et ne fait pas honneur à ceux qui la professent. Elle déshonore les innombrables Anglais qui, au cours des derniers siècles, ont allégrement adopté ce qu’il y avait de meilleur, et aussi le reste, dans la pensée allemande. Elle néglige le fait qu’il y a quatre-vingts uns John Stuart Mill s’est inspiré, pour son essai Sur la Liberté, avant tout de deux Allemands, Goethe et Guillaume de Humboldt. Elle oublie que deux des précurseurs intellectuels les plus importants du nazisme, Thomas Carlyle et Chamberlain, étaient l’un Ecossais et l’autre Anglais.

Sous sa forme la plus vulgaire, cette théorie déshonore ceux qui, en l’adoptant, adoptent en même temps le racisme allemand. Il ne s’agit pas de savoir pourquoi les Allemands sont méchants. Ils n’ont probablement pas plus de méchanceté congénitale qu’aucun autre peuple. Il s’agit de déterminer les circonstances qui, au cours des dernières soixante-dix années, ont permis la croissance progressive et enfin la victoire d’une certaine catégorie d’idées, et de savoir pourquoi cette victoire a fini par donner le pouvoir aux plus méchants d’entre eux. Haïr tout ce qui est allemand, et non pas les idées qui dominent aujourd’hui l’Allemagne, est de plus très dangereux. Cette attitude masque aux yeux de ceux qui la prennent une menace très véritable. Elle n’est bien souvent qu’une manière d’évasion à laquelle recourent ceux qui ne veulent pas reconnaître des tendances qui n’existent pas seulement en Allemagne, et qui hésitent à réexaminer, et au besoin à rejeter, des croyances que nous avons prises chez les Allemands et qui nous abusent tout autant qu’elles abusent les Allemands eux-mêmes. Double danger : car en prétendant que seule la méchanceté allemande est cause du régime nazi, on a un prétexte pour nous imposer les institutions qui ont précisément déterminé cette méchanceté. »

 

Friedrich August von Hayek, La Route de la Servitude

 

 

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30/03/2014

Pornographie sur demande pour nos enfants...

=--=Publié dans la Catégorie "PARENTHÈSE"=--=

 

Planère Stars ça s'appelle... le genre de presse people à la con pour gamin pré-pubère en mal de potins à propos de ses idoles construites à grands coups de marketing savamment orchestrés. Dans les cours des écoles primaires, au lieu de jouer aux billes ou aux gendarmes et aux voleurs, comme au temps jadis, les marmots s'échangent les dernières nouvelles à propos de leurs chanteurs, acteurs et boys band préférés. Les parfums de glace qu'ils préfèrent, leurs peines de coeurs, leurs espoirs pour un monde meilleur... ce genre de connerie qui touchaient, avant, plutôt les adolescents. Mais les temps ont changés... Bob Dylan nous avait prévenus...

 

 

 

Le dernier numéro en date était consacré aux acteurs du soap-opéra "Violetta"... Haut niveau. Le genre de magazine que certains parents achètent à leurs jeunes enfants en soupirant et en se disant que ça leur passera.

Et que trouve-t-on comme publicité dans ces magazines pour enfants pré-adolescents ? Oh, rien ma bonne Dame, rien qui ne soit normal aujourd'hui...

Mais le mieux est que vous alliez voir, par vous-mêmes, les trois liens PDF juste en-dessous et que vous aggrandissiez le visuel... c'est édifiant.

Planète Stars - 1.PDF

Planète Stars - 2.PDF

Planète Stars - 3.PDF

 

Voyez aussi ce lien...

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29/03/2014

L'Islam et ses schémas de pensée involontaires, par Daniel Pipes

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Comment l'Islam façonne-t-il la vie des musulmans ? Les prescriptions religieuses officielles sont à la base d'une structure beaucoup plus large d'habitudes qui donnent aux règles formelles de l'islam une portée aussi inattendue qu'imprévue. Quelques exemples :

Par l'interdiction formelle de la consommation de porc, le Coran a entraîné une disparition presque totale des cochons domestiqués dans les régions à majorité musulmane au profit des moutons et des chèvres. Ces derniers ont provoqué un surpâturage qui a conduit, comme l'a fait remarquer le géographe Xavier de Planhol à un « déboisement catastrophique » qui a été à son tour « une des raisons fondamentales de la nudité particulièrement sensible des pays islamiques méditerranéens ». On remarquera cette progression des injonctions coraniques sur le plan alimentaire jusqu'à la désertification sur de vastes étendues de terres. Le prescrit du texte sacré n'avait pas pour intention de provoquer des dommages écologiques mais c'est ce qui est pourtant arrivé.

L'exigence inaccessible des normes définies par l'islam quant au comportement des gouvernants s'est traduite dans l'histoire par le fait que les dirigeants en place, par leurs nombreux défauts, se sont aliéné leurs sujets musulmans qui ont, en retour, refusé de servir ces dirigeants dans l'administration et l'armée, forçant les gouvernants à rechercher du personnel ailleurs. Avec pour conséquence un déploiement systématique d'esclaves dans l'armée et l'administration, générant ainsi une façon de gouverner qui, apparue au VIIIe siècle, allait durer un millénaire.

 


Les Janissaires de l'empire Ottoman ont été le corps d'esclaves soldats le plus important et détenant le record de longévité.

 

Le sentiment de supériorité musulmane et le mépris pour la foi et la civilisation des autres instillés par la doctrine islamique ont eu deux implications majeures à l'époque contemporaine : ils ont fait des musulmans les groupes les plus rebelles au pouvoir colonial et les ont empêchés de s'inspirer de l'Occident pour se moderniser.

Les textes sacrés de l'islam inculquent également envers les non-musulmans une hostilité qui en retour engendre le sentiment que les non-musulmans nourrissent une hostilité semblable envers les musulmans. À l'époque contemporaine, cette projection a produit une sensibilité certaine aux théories du complot qui ont eu de nombreuses conséquences pratiques. Par exemple, parce que les musulmans sont les seuls à craindre que le vaccin contre la polio rende leurs enfants stériles, la polio est réellement devenue un fléau propre aux musulmans de 26 pays.

Le pèlerinage annuel à la Mecque, le hajj islamique, a commencé au VIIe siècle comme coutume locale avant de devenir un rassemblement international favorisant les échanges de tout type, depuis les idées islamistes et les mouvements politiques (l'Idrissiya en Libye) jusqu'aux produits de luxe (ivoire), aux plantes (caoutchouc vers l'Asie du Sud-Est, riz vers l'Europe) et aux maladies (méningococcies, infections de la peau, diarrhées infectieuses, maladies transmissibles par le sang, infections de l'appareil respiratoire et peut-être aussi le tout nouveau coronavirus MERS-CoV).

 


Le hajj, à l'origine cérémonie locale, s'est mué en événement international témoin de nombreux échanges.

 

D'autres injonctions de l'islam ont aussi des implications involontaires négatives sur la santé. L'impératif de modestie a amené certaines femmes musulmanes à se couvrir entièrement la tête et le corps (niqabs et burqas), ce qui engendre une carence en vitamine D, décourage l'exercice physique et entraîne toute une série de problèmes médicaux, notamment les éruptions, les maladies respiratoires, le rachitisme, l'ostéomalacie et les scléroses multiples.

Le jeûne diurne du Ramadan conduit souvent les musulmans pratiquants à bouger moins et à « se suralimenter lors de la rupture du jeûne, en consommant des repas généralement composés d'aliments lourds, gras et riches en calories », selon le responsable de l'Emirates Diabetes Society. Une enquête menée à Djeddah, en Arabie Saoudite, a montré que 60 pourcent des personnes interrogées disent se trouver en excès de poids au terme du Ramadan.

 


Paradoxalement, le Ramadan est un mois de jeûne mais aussi de suralimentation.

 

La préférence pour les mariages entre cousins germains, qui rappelle les pratiques tribales préislamiques (dans le but de maintenir les richesses au sein de la famille et de bénéficier de la fertilité des filles) a produit en l'espace d'environ cinquante générations une consanguinité largement répandue aux conséquences négatives comme un taux environ deux fois plus élevé de troubles d'ordre génétique tels que la thalassémie, l'anémie à cellules falciformes, l'amyotrophie spinale, le diabète, la surdité, le mutisme et l'autisme.

Par rapport aux femmes, les injonctions concernant le mahram [homme de la parenté avec qui la femme ne peut se marier, NdT] auxquelles s'ajoute un statut social et légal nettement défavorable, ont créé des schémas comportementaux aussi inattendus que l'isolement physique, l'obsession de la virginité, les crimes d'honneur, les mutilations génitales féminines ainsi que l'apartheid du genre (à la mode saoudienne). La polygamie crée une anxiété permanente chez les femmes.

Les orphelins jouissent d'un statut honorable dans la loi islamique (kafala) mais cet honneur étant lié à une structure tribale incompatible avec la société moderne, les orphelins musulmans subissent à l'heure actuelle des discriminations persistantes, même parmi les musulmans vivant en Occident.

Les textes sacrés de l'islam ont fourni une base à partir de laquelle se sont développées d'autres attitudes-types, notamment : fondation de dynasties par conquête et non par renversements internes ; problèmes récurrents de succession dynastique ; pouvoir menant à la richesse et non l'inverse ; quasi-absence de gouvernements à l'échelon municipal ; gestion inadéquate des villes ; lois résultant de décisions de circonstances au lieu de législations officielles ; transferts d'argent fondés sur le hawala et pratique des attentats suicides.

Les schémas de pensée involontaires, parfois appelés [en anglais] Islamicate, changent selon les époques. Certains (comme les esclaves soldats) finissent par disparaître et d'autres (comme la polio) ne font que commencer. Ces schémas demeurent aussi puissants aujourd'hui que par le passé et constituent la clé de compréhension de l'Islam et de la vie musulmane.

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Source : Daniel Pipes

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Crime de lèse-majesté

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Un dessinateur satyrique a été éjecté du Journal Le Monde, après 32 ans de collaboration... pour un dessin qui a déplu à notre grand président... et que voici. 

 


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Oisiveté

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« J’honore l’homme d’action, mais quand même il ne faudrait pas en faire pulluler l’espèce et encore faudrait-il lui laisser le temps de penser un petit peu à ce qu’il va faire. Je trouve que depuis quelque temps le monde est assez encombré de gens débordés de travail et incapables de trouver seulement une petite heure de temps en temps pour penser tranquillement à leur travail ou, mieux encore, à autre chose. Esclave de son travail, quelle affligeante, quelle misérable formule quand les sots en tirent vanité. Si encore il s’agissait d’un travail digne de ce nom. Pour calculer la surface d’un triangle on pourrait croire que le plus gros du travail est fait quand on a multiplié la base par la hauteur ; travail honnête, loyal, sans arrière-pensée, suffisant et nécessaire. Erreur. Le plus gros du travail consiste à réunir les mille conditions légales administratives, sociales, politiques et fiscales qui vous donnent droit à solliciter les trente-six demandes d’autorisation exigées par les différents offices et organismes de contrôle relatifs au calcul superficiel des triangles. Sans parler du comité d’épuration des triangles. Telle est la déchéance diabolique du travail.

Ce qui paraît un très mauvais signe c’est de voir les oisifs entraînés malgré eux dans cette activité fanatique et cette démence universelle de production ; l’équilibre est rompu, la terre n’a plus son compte de fainéants et, même au printemps, trop de bancs publics sont délaissés le long des avenues pleines de gens pressés. Pire encore : vous avez pu noter que, depuis quelques temps, on fait arracher un grand nombre de bancs jadis plantés en hommage aux précieux oisifs. Et je suis sûr que la vitesse moyenne du citadin à pied a augmenté sinistrement en l’espace d’un siècle, même à Paris. Ils ont tous « un travail fou » et finissent par vénérer la folie de leur travail. Voilà ce que c’est d’avoir proclamé à l’étourdie la sainteté du travail au lieu de s’en tenir tout bonnement à la sainteté du dimanche. Peut-être y eut-il un temps, une société où, dans une certaine mesure, le travail pouvait, à la rigueur, être tenu pour honorable et même, dans certains cas exceptionnels, pour sanctifiant. C’est bien fini. La notion de travail commence à sentir fortement le soufre. Et nous voyons clairement aujourd’hui, à la faveur des monstrueuses mystiques d’action et de production, que la vraie dignité de l’homme, c’est l’oisiveté. »

Jacques Perret , La République et ses Peaux-Rouges : chroniques d'Aspects de la France, T.1, 1948-1952 (15 décembre 1950, "Méditons")

 

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28/03/2014

Derrière le Guichet

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« La barricade n’est plus aujourd’hui le grand instrument social et politique, le grand appareil de gouvernement ou de révolution, le grand appareil de discernement Ce n’est plus la barricade aujourd’hui qui discerne, qui sépare en deux le bon peuple de France, les populations du royaume. C’est un beaucoup plus petit appareil, mais infiniment plus répandu, surtout aujourd’hui, qu’on nomme le guichet. Quelques cadres de bois, plus ou moins mobiles, un grillage métallique, plus ou moins fixé, font tous les frais d’un guichet. C’est pourtant avec cela, c’est avec ce peu que l’on gouverne la France très bien. Format bon ordinaire. Au lieu qu’il fallait des tonneaux, et même des barriques, et si j’ai bonne mémoire des omnibus, presque des immeubles, pour faire une barricade. C’est même sans doute pour cette raison que finalement, c’est du moins une des raisons pour lesquelles vraisemblablement il est finalement venu au monde beaucoup plus de guichets qu’il n’y était jamais poussé de barricades.

C’est que c’était peut-être plus facile à faire. Il suffit d’avoir été soi-même acheter des timbres ou payer ses impôts, que nous nommons contributions, et de comprendre un peu, de savoir un peu lire ce que l’on fait, pour avoir soi-même découvert cette vérité de fait élémentaire. Nous n’avons plus aujourd’hui la barricade discriminante. Nous avons le guichet discriminant. Il y a celui qui est derrière le guichet, et celui qui est devant. Celui qui est assis derrière, et ceux qui sont debout devant, ceux qui défilent, devant, comme à la parade, en on ne sait quelle grotesque parade de servitude librement consentie. Là est la grande, la vraie séparation du peuple de France. Et c’est pour cela que les grands débats politiques de ces dernières années et de cette présente ne parviennent point à me passionner. [...]

Tous ces hommes, tous ces partis qui se battent ou qui font semblant de se battre, je les reconnais aisément pour ce qu’ils sont, je les connais depuis longtemps pour un grand, pour un immense, pour un seul parti. Tous ils appartiennent au même grand et unique parti, qui est le parti de ceux qui sont de l’autre côté du guichet, du bon côté, selon eux. Tous ils appartiennent au même grand et seul parti de la bureaucratie. Ceux qui y sont y tiennent. Ceux qui n’y sont plus ne demandent qu’une chose, qui est d’y revenir. Ceux qui n’y sont pas encore ne demandent qu’une chose, qui est d’y venir. [...]

Bureaucrates sur et contre quiconque est de la menue populace : électeurs, ou simplement inscrits, dans l’ordre politique. et, dans l’ordre économique, imposés, nommés contribuables, ouvriers en révolte ou ouvriers résignés, graine d’électeurs, graine de grévistes, et toujours graine de sacrifiés.

 

Ils se battent, entre eux, mais ils ne se battent que derrière le guichet. On ne se battra jamais à travers le guichet, parce qu’alors, ce serait sérieux. »

Charles Péguy, Cahiers de la quinzaine, De la situation faite au parti intellectuel, 6 octobre 1907 

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Homme-Masse étranger à lui-même...

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« Il n'y a pas de liberté sans enracinement et sans volonté.
L'homme libre : tel est l'idéal unique qu'exalte tradionnellement la culture européenne, les poèmes celtes, les légendes germaniques.
Autonome dans ses choix, responsable de ses actes, l'homme libre est le produit des vertus du génie européen.
Or, c'est lui précisément, qui est menacé par la marche des despotismes extérieurs.
Mais aussi, à l'intérieur, par ce que Konrad Lorenz nomme la contagion de l'endoctrinement et Raymond Ruyer la pollution idéologique.
Egalitarisme, uniformisation des modes de vie, bureaucratisation accélérée, économisme totalitaire, sont en train de changer l'homme libre européen en homme-masse étranger à lui-même. »

Louis Pauwels, Le Figaro-Magazine, 8 octobre 1977

 

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Être Jeune

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« La jeunesse n'est pas une période de la vie,
Elle est un état d'esprit, un effet de la volonté,
Une qualité de l'imagination, une intensité émotive,
Une victoire du courage sur la timidité,
Du goût de l'aventure sur l'amour du confort.
On ne devient pas vieux pour avoir vécu un certain nombre d'années :
On devient vieux parce qu'on a déserté son idéal.
Les années rident la peau ; renoncer à son idéal ride l'âme.
Les préoccupations, les doutes, les craintes et les désespoirs sont les ennemis qui, lentement,
nous font pencher vers la terre et devenir poussière avant la mort.
Jeune est celui qui s'étonne et s'émerveille.

Il demande comme l'enfant insatiable : Et après ?

Il défie les événements et trouve de la joie au jeu de la vie.
Vous êtes aussi jeune que votre foi. Aussi vieux que votre doute.
Aussi jeune que votre confiance en vous-même.
Aussi jeune que votre espoir.

Aussi vieux que votre abattement.
Vous resterez jeune tant que vous resterez réceptif.
Réceptif à ce qui est beau, bon et grand.

Réceptif aux messages de la nature, de l'homme et de l'infini.
Si un jour, votre cœur allait être mordu par le pessimisme et rongé par le cynisme, puisse Dieu
avoir pitié de votre âme de vieillard. »

Samuel Ullman

 

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27/03/2014

Junky

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"A mesure qu'on s'intoxique, tout le reste perd de son importance. La vie se résume à peu de chose : la piqûre, l'attente de la suivante, la cachette, l'ordonnance, la seringue et le compte-gouttes. Le camé lui-même croit souvent qu'il mène une vie normale et que la drogue n'est qu'un accident de parcours. Il ne voit pas que tout ce qu'il fait à part de se droguer est machinal. Ce n'est que lorsqu'il a épuisé son stock qu'il prend conscience de ce que la drogue représente pour lui."

 "J'allai à la salle de bain pour me piquer. Je mis beaucoup de temps à trouver une veine. L'aiguille se boucha deux fois et le sang coula le long de mon bras. La came se répandit dans mon corps comme une injonction de mort. Le rêve s'était envolé. Je regardai le sang qui coulait de mon coude au poignet. J'eus soudain pitié de ces veines et de cette chair violée. J'essuyai délicatement le sang sur mon bras."

  William S. Burroughs, Junky

 

 

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Applanissement et mise en esclavage

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"Quand est ce que tout ça a commencé, vous m’avez demandé, ce boulot qu’on fait, comment c’est venu, où, quand ? Et bien, je dirais que le point de départ remonte à un truc appelé la Guerre Civile. Même si le manuel prétend que notre corporation a été fondée plus tôt. Le fait est que nous avons pris de l’importance qu’avec l’apparition de la photographie. Puis du cinéma, au début du vingtième siècle. Radio. Télévision. On a commencé à avoir là des phénomènes de « masse »[…] Et parce que c’étaient des phénomènes de masse, ils se sont simplifiés, poursuivit Beatty. Autrefois les livres n’intéressaient que quelques personnes ici et là, un peu partout. Ils pouvaient se permettre d’être différents. Le monde était vaste ; Mais voilà qui se remplit d’yeux, de coudes, de bouches. Le cinéma et la radio, les magazines, les livres se sont nivelés par le bas, normalisés en une vaste soupe. Vous me suivez ? […]
Imaginez le tableau. L’homme du dix-neuvième siècle avec ses chevaux, ses chiens, ses charrettes : un film au ralenti. Puis au vingtième siècle, on passe en accéléré, livres raccourcis. Condensés, Digest ; Abrégés. Tout est réduit au gag, à la chute[…] Les classiques ramenés à des émissions de radio d’un quart d’heure, puis coupés de nouveau pour ternir en un compte rendu de deux minutes, avant de finir en un résumé de dictionnaire de dix à douze lignes. J’exagère bien sûr. Les dictionnaires servaient de référence. Mais pour bien des gens, Hamlet[…] n’était qu’un digest d’une page dans un ouvrage proclamant : « enfin tous les classiques à votre portée ; ne soyez plus en reste avec vos voisins. » Vous voyez ? De la maternelle à l’université et retour à la maternelle. Vous avez là le parcours intellectuel des cinq derniers siècles ou à peu près.[…] La scolarité est écourtée, la discipline se relâche, la philosophie, l’histoire, les langues sont abandonnées, l’anglais et l’orthographe de plus en plus négligés, et finalement presque ignorés. On vit dans l’immédiat, seul le travail compte, le plaisir c’est pour après. Pourquoi apprendre quoi que ce soit quand il suffit d’appuyer sur des boutons, de faire fonctionner des commutateurs, de serrer des vis et des écrous ?
[…] Le système scolaire produisant de plus en plus de coureurs, sauteurs, pilotes de course, bricoleurs, escamoteurs, aviateurs, nageurs, au lieu de chercheurs, de critiques, de savants, de créateurs, le mot « intellectuel » est bien entendu, devenu l’injure qu’il méritait d’être. On a toujours peur de l’inconnu. Vous vous rappelez sûrement le gosse qui, dans votre classe, était exceptionnellement « brillant », savait toujours bien ses leçons et répondait toujours le premier tandis que les autres, assis là comme des potiches, le haïssaient. Et n’était-ce pas ce brillant sujet que vous choisissiez à la sortie pour vos brimades et vos tortures ? Bien sûr que si. On doit tous être pareils. Nous ne naissons pas libres et égaux, comme le proclame la constitution, on nous rend égaux. Chaque homme doit être l’image de l’autre, comme ça tout le monde est content ; plus de montagnes pour les intimider, leur donner un point de comparaison. Conclusion ! Un livre est un fusil chargé dans la maison d’à côté. Brûlons-le. Déchargeons l’arme[…]
Si vous ne voulez pas qu’un homme se rende malheureux avec de la politique, n’allez pas lui casser la tête en lui proposant deux points de vue sur une question ; proposez-lui-en un seul. Mieux encore, ne lui en proposez aucun. Qu’il oublie jusqu’à l’existence de la guerre. Si le gouvernement est inefficace, pesant, gourmand en matière d’impôt, cela vaut mieux que d’embêter les gens avec ça. La paix, Montag. Proposez des concours où l’on gagne en se souvenant des paroles d’une chanson populaire, du nom de la capitale de tel ou tel état ou de la quantité de maïs récoltée dans l’Iowa l’année précédente. Bourrez les gens de données combustibles, gorgez les de « faits », qu’ils se sentent gavés, mais absolument « brillants » côté information. Ils auront l’impression de penser, ils auront le sentiment du mouvement tout en faisant du sur-place. Et ils seront heureux parce que de tels faits ne changent pas. Ne les engagez pas sur des terrains glissants comme la philosophie ou la sociologie pour relier les choses entre elles. C’est la porte ouverte à la mélancolie. Tout homme capable de démonter un télécran mural et de le remonter, et la plupart des hommes en sont aujourd’hui capables, est plus heureux que celui qui essaie de jouer de la règle à calcul, de mesurer, de mettre l’univers en équations, ce qui ne peut se faire sans que l’homme se sente solitaire et ravalé au rang de la bête. Je le sais, j’ai essayé. Au diable tout ça. Alors place aux clubs et aux soirées entre amis, aux acrobates et aux prestidigitateurs, aux casse-cou, jet cars, motogyres, au sexe et à l’héroïne, à tout ce qui ne suppose que des réflexes automatiques."

Ray Bradbury, Fahrenheit 451

 

 

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Les médias veillent, dormez citoyens

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"La presse aujourd'hui est une armée avec des armes soigneusement choisies, les journalistes ses officiers, les lecteurs ses soldats. Mais, comme dans chaque armée, le soldat obéit aveuglément, et l'objectif de la guerre et les plans d'action changent sans qu'il le sache. Le lecteur ne sait ni n'est censé savoir les buts pour lesquels il est employé, et le rôle qu'il a à jouer. Il n'y a aucune caricature plus effroyable de la liberté de penser. Autrefois, il n'était pas permis de penser librement ; maintenant c'est permis, mais personne n'est plus capable de cela. Maintenant les gens veulent penser seulement ce qu'ils sont censés vouloir penser, et ils considèrent ceci comme la liberté."

Oswald Spengler, Le Déclin de l'Occident

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Un âne à deux pattes

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« - Dieu est grand ! répondit le mendiant. Mais qu’importe les affaires. Il y a tant de joie dans l’existence. Tu ne connais pas l’histoire des élections ?
- Non, je ne lis jamais les journaux.
- Celle-là n’était pas dans les journaux. C’est quelqu’un qui me l’a racontée.
- Alors je t’écoute.
- Eh bien ! Cela s’est passé il y a quelque temps dans un petit village de Basse-Égypte, pendant les élections pour le maire. Quand les employés du gouvernement ouvrirent les ruines, ils s’aperçurent que la majorité des bulletins de vote portaient le nom de Barghout. Les employés du gouvernement ne connaissaient pas ce nom-là ; il n’était sur la liste d’aucun parti. Affolés, ils allèrent aux renseignements et furent sidérés d’apprendre que Barghout était le nom d’un âne très estimé pour sa sagesse dans tout le village. Presque tous les habitants avaient voté pour lui. Qu’est-ce que tu penses de cette histoire ?

Gohar respira avec allégresse ; il était ravi. "Ils sont ignorants et illettrés, pensa-t-il, pourtant ils viennent de faire la chose la plus intelligente que le monde ait connue depuis qu’il y a des élections." Le comportement de ces paysans perdus au fond de leur village était le témoignage réconfortant sans lequel la vie deviendrait impossible. Gohar était anéanti d’admiration. La nature de sa joie était si pénétrante qu’il resta un moment épouvanté à regarder le mendiant. Un milan vint se poser sur la chaussée, à quelques pas d’eux, fureta du bec à la recherche de quelque pourriture, ne trouva rien et reprit son vol.

- Admirable ! s’exclama Gohar. Et comment se termine l’histoire ?
- Certainement il ne fut pas élu. Tu penses bien, un âne à quatre pattes ! Ce qu’ils voulaient, en haut lieu, c’était un âne à deux pattes. »

Albert Cossery, Mendiants et orgueilleux

 

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Let's Talk about Jesus

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Vous chopez un cambrioleur en flagrant délit chez vous... agissez en chrétien !

 


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26/03/2014

La Cage du "divertissement"

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« Parce que le divertissement est une terreur.

Pourquoi est-il terreur ?

Parce qu’il nous désarme totalement. L’absence de sérieux avec lequel la terreur entre en scène fait que nous nous ouvrons imprudemment à elle et nous livrons pieds et poings liés bien plus facilement qu’à la terreur habituelle, celle qui, en uniforme, nous accule et nous fait trembler ; que nous perdons l’envie de résister avant même d’être terrorisés ; que nous assimilons ce qu’on nous a fait ingurgiter avant même de pressentir ce que nous avons ingurgité – et tout cela signifie que nous pouvons être vaincus par le divertissement avant même de commencer à le combattre.

Il n’y a pas que ce qui refuse d’écouter nos prière qui est sans pitié et, partant terroriste ; c’est aussi le cas (tout particulièrement aujourd’hui) de ce qui se présente de façon si anodine et si confortable, de ce qui formule son offre de façon si douce qu’il ne nous vient même plus à l’idée de dire non, d’opposer une résistance ou de demander pitié. Les systèmes dictatoriaux qui dépendent encore de la matraque ou de menaces de liquidation sont lamentablement archaïques ; ils sont en tous cas incomparablement moins néfastes que ceux qui peuvent déjà compter sur le divertissement, ne serait-ce même que sur des chansons sentimentales. Plus aucune des puissances qui nous forment et nous déforment aujourd’hui n’est assez forte pour entrer en concurrence avec le divertissement. La façon dont nous rions, marchons, aimons, parlons, pensons ou ne pensons pas aujourd’hui, la façon dont nous sommes prêts à être victime aujourd’hui, nous l’avons apprise que pour une part des plus insignifiantes de nos parents, de l’école ou de l’Eglise, et presque exclusivement de la radio, des magazines, des films ou de la télévision – bref, du divertissement. Si, à ses débuts, ce dernier n’é été qu’une force concourant à l’éducation parmi d’autres et certainement pas une des plus efficaces, il est rapidement monté en grade et occupe désormais une position monopolistique.

La responsabilité de cette ascension n’est bien sur pas à imputer à notre absence de résistance, mais – je parle ici de façon figurée – à l’absence de résistance du monde. Je veux dire par là qu’aucun des contenus que l’industrie du divertissement souhaite transformer n’a la force de se défendre contre sa transformation en matériau de divertissement reproduit à des millions d’exemplaires.

A cela s’ajoute le fait que cette industrie ressemble à une bête omnivore qui ne fait pas de choix, à un animal qui n’a pas seulement l’appétit de tout, mais aussi le don d’avaler tout cru tout contenu et, après une digestion des plus rapides, de le restituer sous la forme d’un doux excrément. Qu’il s’agisse d’obsèques nationales ou de chimpanzés qui fument, d’un sinistre maritime ou de l’inauguration d’une passerelle, d’une base construite en une nuit ou d’une ville détruite en une nuit, non seulement cette bête de ne heurte jamais à la moindre résistance, mais rien d ce qu’elle mange ne la rend malade. Elle n’a jamais entendu parler de tabous. Tant qu’elle peut avaler, transformer ce qu’elle a avalé, l’excréter et nous proposer ses excréments, peu lui importe ce qui lui tombe dans la gueule. Tout le monde sait que cette industrie ne recule pas devant la possibilité d’avaler une seconde fois ses propres produits et de les éliminer une seconde fois : elle laisse ainsi des romans finir sous forme de pièces radiophoniques et tout un flux de chansons couler éternellement d’elle.

Nous sommes donc désormais soumis à ces livraisons et écoulements permanents. Car, ce que l’animal excrète nous est destiné. Cela est destiné à notre consommation permanente. Pour l’instant, nous avons vu

1. que nous nous tenons ingénument à la disposition de tout ce qui affirme n’être que "divertissement" et

2. qu’il n’y a plus rien qu’on ne puisse nous offrir comme "divertissement".

Ce qui a pour conséquence – et à vrai dire pour conséquence inéluctable – que nous devenons des êtres qui avalent tout et excrètent tout. Du fait qu’elle est lisse et passe bien, nous ne sentons plus la bouchée que nous avalons. Nous ne sentons d’ailleurs même plus que nous avalons. Puisque nous avalons de façon reflexe, nous achevons cette transformation en un clin d’œil. Les temps où ceux qui n’avaient rien à avaler étaient considérés comme de "pauvres diables" sont depuis longtemps révolus. Aujourd’hui, au contraire, les "pauvres diables" sont ceux qui ne peuvent opposer aucune résistance au gavage terroriste, ceux qui, à chaque bouchée qu’ils avalent, doivent également avaler le fait qu’on leur dérobe un peu de leur liberté. Qui ne consomme pas librement consomme de la non-liberté.

Application :

Ceux qui ont décidés à nous soumettre (dans notre cas ceux qui s’intéressent à la technique ou la technique elle-même en tant qu’elle s’intéresse à nous) souhaitent que les victimes qu’ils ont en vue soient aussi peu résistantes et aussi réceptives que possible. Puisque cette "élite au pouvoir" sait maintenant

1. que notre résistance n’est minimale et notre réception optimale que si l’on nous livre des divertissements.

2. qu’il n’y a pas de contenu en mesure de défendre, c'est-à-dire pas de contenu qui ne peut être transformé en matériau de divertissement et nous être servi ainsi, elle commence par camoufler en "divertissement" tout contenu qu’elle souhaite nous voir assimiler. Le "divertissement" est donc l’art à thèse du pouvoir. Il est même son art d’avant-garde à thèse (puisque, grâce à lui, les victimes prévues pour demain et après-demain sont soumises dès aujourd’hui et que la victoire est ainsi assurée avant la lettre). »

Günther ANDERS, L’obsolescence de l’homme

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L'Enfer est pavé de bonnes intentions

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Gilbert Keith Chesterton a dit : « Le pire tyran n'est pas l'homme qui gouverne par la terreur. Le pire est celui qui gouverne par l'amour et en joue comme d'une harpe. »

Gilbert Keith Chesterton était un homme sage et un prophète quand on voit ce qui fait tourner le monde comme il tourne aujourd'hui.

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« Le monde moderne n’est pas méchant ; sous certains aspects, le monde moderne est beaucoup trop bon. Il est plein de vertus désordonnées et décrépites. Quand un certain ordre religieux est ébranlé (comme le fut le christianisme à la Réforme), ce ne sont pas seulement les vices que l’ont met en liberté. Les vices, une fois lâchés, errent à l’aventure et ravagent le monde. Mais les vertus, elles aussi, brisent leur chaînes, et le vagabondage des vertus n’est pas moins forcené et les ruines qu’elles causent sont plus terribles. Le monde moderne est plein d’anciennes vertus chrétiennes devenues folles. Elles sont devenues folles, parce qu’isolées l’une de l’autre et parce qu’elles vagabondent toutes seules. C’est ainsi que nous voyons des savants épris de vérité, mais dont la vérité est impitoyable ; des humanitaires éperdus de pitié mais dont la pitié (je regrette de le dire) est souvent un mensonge. Mr Blatchford attaque le christianisme parce que Mr Blatchford a la monomanie d’une seule vertu chrétienne, d’une charité purement mystique et presque irrationnelle. Il a une idée étrange : c’est qu’il rendra plus facile le pardon des péchés en disant qu’il n’y a pas de péchés. (...)

Or il est un cas beaucoup plus remarquable que cet antagonisme de la vérité et de la pitié, c’est celui de la déformation de l’humilité. (...)

Ce dont nous souffrons aujourd’hui, c’est d’un déplacement vicieux de l’humilité. La modestie a cessé tout rapport avec l’ambition pour entrer en contact intime avec la conviction, ce qui n’aurait jamais du se produire. Un homme peut douter de lui-même, mais non de la vérité, et c’est exactement le contraire qui s’est produit. Aujourd’hui, ce qu’un homme affirme, c’est exactement ce qu’il ne doit pas affirmer, c’est-à-dire lui-même ! Ce dont il doute est précisément ce dont il ne doit pas douter : la Raison Divine. (...)

Le nouveau sceptique est si humble qu’il doute de pouvoir apprendre. Ainsi nous aurions tort de nous presser de dire qu’il n’y a pas d’humilité propre à notre époque. Le vérité est qu’il en existe une, très réelle, mais pratiquement plus morbide que les farouches humiliations de l’ascète. L’ancienne humilité était un aiguillon qui empêchait l’homme de s’arrêter et non pas un clou dans la chaussure qui l’empêche d’avancer, car l’ancienne humilité faisait qu’un homme doutait de son effort et cela le poussait à travailler avec encore plus d’ardeur. Mais la nouvelle humilité fait que l’homme doute de son but, ce qui l’arrête tout à fait.

A tous les coins de rue nous sommes exposés à rencontrer un homme qui profère cette assertion frénétique et blasphématoire : "Je puis me tromper". Chaque jour vous croisez quelqu’un qui vous dit : "Bien entendu, mon opinion n’est peut-être pas la bonne". Or son opinion doit être la bonne, sinon, elle n’est pas son opinion. Nous sommes en train de créer une race d’homme d’une tournure d’esprit trop modeste pour croire à la table de multiplication ! Le danger est de voir des philosophes qui doutent de la pesanteur comme d’une simple fantaisie de leur cerveau. Les railleurs d’autrefois étaient trop orgueilleux pour être convaincus, mais ceux-ci sont trop humbles pour l’être. Les doux posséderont la terre mais les sceptiques modernes ont tant de douceur qu’ils ne veulent même plus réclamer leur héritage. (...)

Le péril, c’est que l’intelligence humaine est libre de se détruire elle-même. De même qu’une génération pourrait empêcher l’existence même de la génération suivante, si tous ceux qui la composent entraient au couvent ou se jetaient dans la mer, ainsi, un petit nombre de penseur peut, jusqu’à un certain point, faire obstacle à la pensée dans l’avenir en enseignant à la génération suivante qu’il n’y a rien de valide dans aucune pensée humaine.

Il est vain de parler de l’antagonisme de la raison et de la foi. La raison est elle même un sujet de foi. C’est un acte de foi de prétendre que nos pensées ont une relation quelconque avec une réalité quelle qu’elle soit. Si vous êtes vraiment un sceptique, vous devrez tôt ou tard vous poser la question : "Pourquoi y aurait-il quelque chose d’exact, même l’observation et la déduction ? Pourquoi la bonne logique ne serait-elle pas aussi trompeuse que la mauvaise ? L’une et l’autre ne sont que des mouvements dans le cerveau d’un singe halluciné ?". Le jeune sceptique dit : "J’ai le droit de penser par moi-même". Mais le vieux sceptique, le sceptique complet dit : "Je n’ai pas le droit de penser par moi-même. Je n’ai pas le droit de penser du tout."

Il y a une pensée qui arrête la pensée, et c’est à celle là qu’il faut faire obstacle. C’est le mal suprême contre lequel toute autorité religieuse a lutté. Ce mal n’apparaît qu’à la fin d’époques décadentes comme la notre...
Car nous pouvons entendre le scepticisme brisant le vieil anneau des autorités et voir au même moment la raison chanceler sur son trône. Si la religion s’en va, la raison s’en va en même temps. Car elles sont toutes les deux de la même espèce primitive et pleine d’autorité. Elles sont toutes les deux des méthodes de preuves qui ne peuvent elles-mêmes être prouvées. Et en détruisant l’idée de l’autorité divine, nous avons presque entièrement détruit l’idée de cette autorité humaine par laquelle nous pouvons résoudre un problème de mathématiques. Avec une corde longue et résistante, nous avons essayé d’enlever sa mitre (la religion) à l’homme pontife et la tête (la raison) a suivi la mitre. 
»

Gilbert Keith Chesterton, Orthodoxie

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Un vieil adage affirme que l'Enfer est pavé de bonnes intentions... ce qui explique que nos chrétiens post-modernes, ou nos drouâdlômistes effarouchés, ne devinent pas que le pire se cache derrière le mieux et attend, patiemment, mais avec détermination, son heure. Le Diable aime se servir du Christ pour parvenir à ses fins.

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1. Ne jugez point, afin que vous ne soyez point jugés.
2. Car on vous jugera du jugement dont vous jugez, et l'on vous mesurera avec la mesure dont vous mesurez.
3. Pourquoi vois-tu la paille qui est dans l'oeil de ton frère, et n'aperçois-tu pas la poutre qui est dans ton oeil ?
4. Ou comment peux-tu dire à ton frère: Laisse-moi ôter une paille de ton oeil, toi qui as une poutre dans le tien ?
5. Hypocrite, ôte premièrement la poutre de ton oeil, et alors tu verras comment ôter la paille de l'oeil de ton frère.
6. Ne donnez pas les choses saintes aux chiens, et ne jetez pas vos perles devant les pourceaux, de peur qu'ils ne les foulent aux pieds, ne se retournent et ne vous déchirent.
7. Demandez, et l'on vous donnera; cherchez, et vous trouverez; frappez, et l'on vous ouvrira.
8. Car quiconque demande reçoit, celui qui cherche trouve, et l'on ouvre à celui qui frappe.
9. Lequel de vous donnera une pierre à son fils, s'il lui demande du pain ?
10. Ou, s'il demande un poisson, lui donnera-t-il un serpent ?
11. Si donc, méchants comme vous l'êtes, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, à combien plus forte raison votre Père qui est dans les cieux donnera-t-il de bonnes choses à ceux qui les lui demandent.
12. Tout ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites-le de même pour eux, car c'est la loi et les prophètes.
13. Entrez par la porte étroite. Car large est la porte, spacieux est le chemin qui mènent à la perdition, et il y en a beaucoup qui entrent par là.
14. Mais étroite est la porte, resserré le chemin qui mènent à la vie, et il y en a peu qui les trouvent.
15. Gardez-vous des faux prophètes. Ils viennent à vous en vêtements de brebis, mais au dedans ce sont des loups ravisseurs.
16. Vous les reconnaîtrez à leurs fruits. Cueille-t-on des raisins sur des épines, ou des figues sur des chardons ?
17. Tout bon arbre porte de bons fruits, mais le mauvais arbre porte de mauvais fruits.
18. Un bon arbre ne peut porter de mauvais fruits, ni un mauvais arbre porter de bons fruits.
19. Tout arbre qui ne porte pas de bons fruits est coupé et jeté au feu.
20. C'est donc à leurs fruits que vous les reconnaîtrez.
21. Ceux qui me disent: Seigneur, Seigneur! n'entreront pas tous dans le royaume des cieux, mais celui-là seul qui fait la volonté de mon Père qui est dans les cieux.
22. Plusieurs me diront en ce jour-là: Seigneur, Seigneur, n'avons-nous pas prophétisé par ton nom ? n'avons-nous pas chassé des démons par ton nom? et n'avons-nous pas fait beaucoup de miracles par ton nom ?
23. Alors je leur dirai ouvertement: Je ne vous ai jamais connus, retirez-vous de moi, vous qui commettez l'iniquité.
24.
C'est pourquoi, quiconque entend ces paroles que je dis et les met en pratique, sera semblable à un homme prudent qui a bâti sa maison sur le roc.
25. La pluie est tombée, les torrents sont venus, les vents ont soufflé et se sont jetés contre cette maison: elle n'est point tombée, parce qu'elle était fondée sur le roc.
26. Mais quiconque entend ces paroles que je dis, et ne les met pas en pratique, sera semblable à un homme insensé qui a bâti sa maison sur le sable.
27. La pluie est tombée, les torrents sont venus, les vents ont soufflé et ont battu cette maison: elle est tombée, et sa ruine a été grande.
28. Après que Jésus eut achevé ces discours, la foule fut frappée de sa doctrine ; 29. car il enseignait comme ayant autorité, et non pas comme leurs scribes.

Sainte Bible, Matthieu - Chapitre 7

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Le Désir

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« Le désir ? Tout le monde, désormais, se propose de m’y inciter, de m’y adapter, de me l’expliquer. Je suis harcelé quotidiennement de conseils, d’injonctions, de slogans, d’images, de bribes médicales ou chimiques, de suggestions surréalistes ou psychanalytiques reprises en publicité. Dans quelle situation suis-je ? À quoi correspond mon sexe ? Est-il normal, déviant, conformiste, audacieux, bien réglé ? Connaît-il vraiment son objet ? N’a-t-il pas l’intention, à mon insu, d’en changer ? Comment l’employer, le soutenir, l’encourager, l’acclimater, l’économiser, l’investir, le dépenser ? La Société du Spectacle a réponse à tout. Journaux, magazines, revues spécialisées, cinéma, télévision, radio, essais bâclés, romans vendus d’avance, c’est incessant, c’est direct, ça cogne. Le désir est une marchandise, c’est même la marchandise des marchandises, vous devez désirer ! Le désir et la science ? Soit. Nos statistiques sont là, nos laboratoires, nos sondages in vitro, versant masculin, versant féminin. Dieu, ce méchant, s’oppose-t-il au désir ? Colloque. Le désir est-il transformé par l’argent ? On ose le dire. Désir et Pouvoir ? Débat du siècle. Désirer avec Freud, sans lui, malgré lui ? Nous en parlons tous les jours. Apprenez à désirer, perfectionnez vos désirs, éclairez davantage cet obscur souci du désir, entrainez-vous au dur désir de durer, voici notre enquête, villes, villages, vacances, voyages organisés, banlieues. Lisez vite nos propos rapportés, nos synthèses philosophiques, nos confidences de stars et de spécialistes. Le désir s’analyse selon l’âge, la profession, les différences affirmées, les perspectives culinaires, l’environnement culturel. L’homme idéal rencontre la femme idéale ? Étrangement, ce couple de l’année est chaque fois formé des deux présentateurs-vedettes de la télévision du soir. Trois sportifs et deux sportives célèbres rassureront d’ailleurs le public sur le bon état dynamique des corps.

Quelqu’un qui, aux deux questions suivantes : Qu’espérez-vous ? Que désirez-vous ? répondrait : « rien », commettrait un délit grave ou passerait pour fou. Le désir ou la dépression, il faut choisir. Désirez ! Délirez ! Voilà l’ordre. « C’est bien ainsi que se présente désormais la vulgarité de la planète spectaculaire. » (Debord)
Le narrateur de La Fête à Venise dit à un moment : « Pour que les esclaves modernes acceptent, et même revendiquent, leur condition, il faut les droguer d’images et de racontars en permanence… Ça ne jouit plus, ou le moins possible : trop dangereux pour l’installation irradiée. Sans cesse excité, sans fin déprimé, tel sera le spectateur du spectacle. Il, ou elle, est une reproduction. Il, ou elle, sera utilisé comme reproduction de reproduction. »

Cette automatisation anonyme et programmée du désir, lequel est, par définition, toujours désir d’autre chose (d’une autre marchandise plus convaincante, plus comblante), fait étrangement de Pavlov le penseur le plus actuel. Stimulus ? Réponse ! L’originalité, ici, sera bannie, de même que l’invention atypique, tordue, vicieuse, joueuse. Tout devant être socialisé à l’extrême, et à chaque instant, la moindre trace de distance, de réflexion, d’incrédulité, d’ironie sera sévèrement jugée. D’interdit, le sexe devient obligatoire, ce qui revient à l’empêcher bien plus efficacement qu’en l’assimilant à l’enfer. Si tout le monde touche à la sexualité, la sexualité se dissout. Si chacun est homosexuel, plus personne ne l’est. Si l’on désire à la fois la loi et la transgression, il n’y a plus ni loi, ni transgression. Si la perversion est la norme, plus de perversion. On entre dans ce que j’ai appelé une perversation généralisée (comme on dit malversation). Ce qui touche au désir devient une valeur d’échange, l’usage est immédiatement rabattu sur l’échange, le désir manifesté ici ou là est donc, tout au plus, un information. Les retardataires du désir doivent le savoir : ils campent sur des positions minées d’avance. Non, il n’y aura pas de retour à la morale, à la religion, à la famille, à l’identité, à l’ordre musclé. Ce qui n’empêche pas qu’il faut toujours les faire craindre, pour accélérer la mise en place du dispositif nouveau. Attention, fascisme ! (Pêle-mêle : le pape, les intégrismes, les nationalismes, les racismes, etc.) La vérité est, d’ailleurs, que les anciennes figures du refoulement peuvent très bien s’accommoder de la surexposition du désir-marchandise, et même encourager ce dernier en en tirant les plus grands profits. Une seule règle : montrer sans relâche à quel point le désir est élémentaire, tout-puissant, naturel, épanouissant, partagé, constant. Cette pseudo-démocratie du désir le rend bête et laid ? Eh oui, sans doute, mais c’est bien la preuve d’un problème en voie de résolution (la pornographie doit être la plus moche et la plus idiote possible, il n’est pas question qu’elle s’exerce aux frontières de la conscience de soi : le sexe n’a pas à rendre intelligent ou à renseigner sur la beauté, il vous rappelle simplement que vous êtes comme les autres). Un magazine branché publiait récemment ma définition : « S., écrivain érotomane. » Ce qui veut dire : on vous pardonne d’être écrivain parce que vous êtes érotomane (et surtout restez-le, on vous a à l’œil). Le contrôle des stéréotypies sexuelles est un impératif du marché des choses comme des corps. Ne vous a-t-on pas déjà dit, autrefois, que vous étiez des « machines désirantes » ? Eh bien, ce que la machine veut, la Technique le peut. Non seulement pour vous, mais pour tous, et dans tous les sens.

Il est donc logique que l’inadmissible soit, de plus en plus, l’expression strictement individuelle du désir. Pour qui vous prenez-vous pour affirmer une singularité dans cette grande unanimité ? Vous êtes bien dans la classe des ceci, des cela ? Vous êtes bien un homme ? Ou une femme ? Ou un peu des deux ? Nous avons les réponses à vos questions, d’ailleurs inutiles. Soyez ce que vous voudrez mais pas vous. L’anesthésie du désir est prévue par son simulacre de satisfaction (les sondages ne sauraient porter sur les variations de jouissance, cela demanderait une élaboration verbale, et c’est l’aphasie qui est recherchée). Là encore, les attardés du vieux monde auront tort de parler de « décadence » (mollesse, désordre, ignorance, affaissement des valeurs). La décadence est depuis longtemps passée, nous vivons au contraire la construction énergique, inlassable, percutante, d’une nouvelle Tyrannie d’ensemble. Son but, qu’il ne faut pas une oreille bien fine pour entendre, est de populariser le désir de mort. Que reste-t-il à vouloir, pour un être humain convaincu de n’être qu’une reproduction de reproduction, sinon s’efface ? Pour lui en donner le goût et la détermination, il conviendra de le maintenir en état constant d’énervement et de frustration. Comme le drogué, on lui révélera son désir pour le transformer en besoin, le tout finissant dans la plus banale des disparitions acceptées comme un soulagement nécessaire. Il y aura donc les Maîtres et les Esclaves, et c’est sans doute la raison pour laquelle on n’a jamais tant parlé de démocratie. D’un côté, la maîtrise des reproductions artificielles ; de l’autre, les numéros artificiellement reproduits. Cette nouvelle donne — qui fait déjà les beaux jours de la biologie — est particulièrement sensible dans le trafic d’art, comme dans l’organisation générale de l’analphabétisme et de l’amnésie historique. Quelqu’un qui ne sait pas lire (ou qui en a été dégoûté) ne peut plus, c’est l’évidence, atteindre son propre désir. Voyant toujours la même scène à la télévision ou au cinéma (dans un feuilleton américain, par exemple, il est rare qu’un baiser ne soit pas immédiatement suivi d’une discussion financière ou d’un coup de revolver), il aura l’impression que désir signifie punition ou dette. En effet, rien de gratuit. Le bien social par excellence sera d’ailleurs, au moment opportun, représenté par l’enfant qui ne peut pas ne pas découler de toute cette intrigue. Argent-Mort-Enfant : telle est la plaisante trinité d’acier de la religion tyrannique. On peut s’amuser, si l’on veut, en remarquant que cela fait AME. Argent, Mort, Enfant. Et, de nouveau : Argent, Mort, Enfant. Le sexe dans ce scénario ? Simple hameçon, voyons.

Supposons que j’apporte à un éditeur d’aujourd’hui le manuscrit d’À la recherche du temps perdu. Il y discernera d’abord, confusément, une pathologie du désir asocial, donc suspect. Outre qu’un tel livre n’est pas susceptible d’atteindre d’emblée une place de choix dans la liste des best-sellers (ce qui, après tout, est la seule façon de prouver son existence), sa volonté manifeste de s’arrêter sur des détails insignifiants, des évènements infimes, des comportements obliques et codés lui donnera une désagréable impression d’anomalie. Les désirs de la narration, inutilement compliqués, s’attachant à des gestes, des parfums, des couleurs, des intonations, lui sembleront, à juste titre, l’expression d’un esprit réfractaire au choc pathétique ou publicitaire. Il est possible que le livre finisse par être publié, mais sans conséquences (ou alors, miracle : il a le Goncourt, tout le monde l’achète et personne ne le lit). Vous me dites que les œuvres de Sade sont en « Pléiade » et que, par conséquent, chacun peut y découvrir, quand il veut, les fondements vertigineux du désir ? Mais du temps que Sade était le Diable, on pouvait encore en parler avec cent amateurs. Aujourd’hui, deux, au grand maximum. Voilà ce qu’on peut appeler le devenir mort de la lettre. La lettre morte est le degré zéro du désir.
Eh oui, le désir humain est du langage, encore du langage, toujours du langage. Sans conversation, équivoques, phrases à double entente, variétés de registre et de vocabulaire, mélange trouble des significations, contrariétés, simulations, allusions, pas de désir, simple fonctionnement. On ne trouvera pas trace de désir (pas plus que de Dieu, d’ailleurs) dans le sous-sol ou le fond des mers, dans les galaxies ou les protons, dans la physique, la chimie, la paléontologie, la gynécologie, la statistique, la sociologie. En revanche, les bibliothèques en sont pleines, les musées en regorgent, la musique ne s’en lasse pas. Et c’est précisément pour cela qu’il est question de confisquer la lecture, la perception distincte, le sens de cette grande Archive. On ne brûle pas les livres, les tableaux, les disques, les partitions ? Non, on les met entre parenthèses, et le blanc se passe directement dans les cerveaux. Tout est disponible, presque rien n’est accessible. Le désir, c’est du langage chargé, potentiel, qui reçoit, ou non, sa réponse. La coïncidence de fantasmes conscients entre deux personnes est aussi improbable, aussi hasardeuse, que l’apparition ou la disparition, il y a des millions d’années, d’une espèce animale à la surface du globe. Le désir est une tentative de littérature (les mots y sont essentiels). Même mal écrite, instinctive, pauvrement obscène, elle vise à s’étendre, à se ramifier, à se complexifier, c’est-à-dire à vaincre l’inhibition comme la censure. On lutte contre son désir parce qu’on ne sait pas le dire. On lui en veut ou on le hait parce qu’il vous met en défaut de formulation. On va même jusqu’à s’en venger parce qu’il ironise sur la lourdeur de celui ou de celle qui l’éprouve. Montre-moi comment tu parles, je te dirai comment tu désires. Si tu ne trouves personne à qui parler (actes compris) le divan t’attend (c’est toujours mieux que le suicide ou la dépression brutale, tellement à la mode). Le désir est un projet de contre-société permanent. Ils sont peut-être en cours d’organisation, les nouveaux acteurs de ce terrible blasphème : rien pour la Société, tout pour nous. Ils passeront entre eux des contrats bizarres. Ils auront leurs signes de reconnaissance, leurs discrétions, leurs fausses indiscrétions. Des romans les décrivent peut-être déjà, qui échappent, comme par magie, à la police du Spectacle. Ils sont plus proches de la logique impeccable de l’amour courtois que des clichés indéfiniment ressassés de l’AME. Ils se désirent parce qu’ils se parlent tout en se touchant, dans une langue incompréhensible ou qui ferait dresser les cheveux sur la tête des fonctionnaires de l’illusion. Ils ne sont pas achetables, pas récupérables. De telles sociétés de plaisir ont, paraît-il, existé au dix-huitième siècle : l’Empire les pourchassa sans trêve, on n’a sur elles que peu de renseignements. Il semble qu’en ce temps-là les femmes n’hésitaient pas à exister pour elles-mêmes, avant de devenir la population privilégiée de la grande manipulation économique de masse. L’une de ces sociétés mystérieusement antisociales s’appelait : Société du Moment. C’est la grâce que je me souhaite. »

Philippe Sollers, La Guerre du Goût (1994)

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Casanova intégral

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Enfin ! Enfin une édition en un seul volume des deux mille pages des Mémoires de Casanova, l’équivalent d’À la recherche du temps perdu, huit millions de signes, et quels signes ! Enfin un seul bloc de féerie qui méritait d’être aménagé, soit, mais pas censuré ! L’affaire est complexe, mais finalement assez simple. Casanova (mort en 1798) écrivait un français souvent maladroit. Le manuscrit se retrouve en Allemagne, il est d’abord traduit en allemand. Puis, en 1826, publication en « bon français » mais avec atténuations, voilages, additions intempestives. Le manuscrit original, lui, attend 1960 ( !) pour être connu. D’où, maintenant, nécessité d’adopter un principe unique d’édition : lisibilité de la mise au point grammaticale, et intercalation entre crochets, dans le récit, des points de censure. Voilà qui est fait, et bien fait. Le résultat est proprement fabuleux.
Jean Laforgue, le professeur français qui a « mis en forme » les Mémoires, ou plutôt l’Histoire de ma vie, est un excellent exemple de goût scrupuleux et de refoulement laïque. C’est tout le dix-neuvième siècle qui s’exprime à travers lui et qui vient ainsi, fasciné, sérieux, s’allonger avec ferveur sur le divan de Casanova. Laforgue connaît bien sa langue, mais il ne faudrait pas qu’en se dévoilant beaucoup grâce à un autre elle en dise trop. Voici sa première intervention : « Quant aux femmes, j’ai toujours trouvé suave l’odeur de celles que j’ai aimées. » Casanova, pourtant, a écrit : « J’ai toujours trouvé que celle que j’aimais sentait bon, et plus sa transpiration était forte, plus elle me semblait suave. » Cette répression de la transpiration est tout un programme. De même, pour la nourriture. Casanova ne cache pas ce qu’il appelle ses « gros goûts » : gibier, rougets, foie d’anguille, crabes, huîtres, fromage décomposés, le tout arrosé de champagne, de bourgognes, de graves. Laforgue préférera le plus souvent parler de « soupers délicieux ». Casanova se décrit-il en mouvement, pieds nus, la nuit, pour ne pas faire de bruit ? Laforgue, immédiatement, prend froid, et met à son héros des « pantoufles légères ». Nous assistons ainsi, par petites touches, ou parfois par paragraphes entiers, à l’habillage supportable du corps qui hante les imaginations coupables et déprimées depuis la disparition du dix-huitième siècle. Le corps trop cru, trop présent, trop en relief, voilà le danger. L’aventure d’un corps singulier, non collectivisable, ses gestes, ses initiatives, ses postures, déclenchent une inquiétude permanente (Baudelaire et Flaubert en ont su quelque chose, sans parler des péripéties souterraines du texte de Sade). Certes, Laforgue est globalement honnête : il sait qu’il participe à un explosif littéraire (succès garanti), il aime son modèle, il l’admire. Mais il ne peut s’empêcher d’intervenir, et c’est cela qui est pour nous si passionnant. Car Laforgue est un bien-pensant toujours actuel. Le mot « jésuite », par exemple, le fait frémir, il en rajoute dans le sarcasme, là où Casanova se contente de l’ironie. Le souvenir de la monarchie est une blessure ouverte. Comment concilier le fait que Casanova est ouvertement hostile à la Terreur et regrette, après tout, l’Ancien Régime, avec ses aventures subversives qui, donc, devaient aller dans le bon sens, celui de l’histoire ? On laissera passer l’apologie de Louis XV(« Louis XV avait la plus belle tête qu’il soit possible de voir, et il la portait avec autant de grâce que de majesté »), mais on supprimera la diatribe contre le peuple français qui a massacré sa noblesse, ce peuple qui, comme l’a dit Voltaire, est « le plus abominable de tous » et qui ressemble à un « caméléon qui prend toutes les couleurs et est susceptible de tout ce qu’un chef peut lui faire faire en bon ou en mauvais ». Les odeurs, la nourriture, les opinions politiques : cela se surveille. Si Casanova écrit le « bas peuple de Paris », on lui fera dire le « bon peuple ». Mais ce sont évidemment les précisions de désir sexuel qui sont les plus épineuses. À propos d’une femme qui vient de tomber, Laforgue écrit que Casanova « répare d’une main chaste le désordre que la chute avait occasionné à sa toilette ». Qu’en termes galants ces choses-là sont dites. Casanova, lui, est allé « baisser vite ses jupes qui avaient étalé à ma vue toutes ses merveilles secrètes ». Pas de main chaste, on le voit, mais un prompt regard. Laforgue « craint le mariage comme le feu ». Est-ce pour ne pas choquer Mme Laforgue qu’il ne reproduit pas la phrase de Casanova : « Je crains le mariage plus que la mort » ? Plus abruptement, il ne faut pas montrer deux des principales héroïnes, M.M. et C.C. (les deux amies de l’une des périodes les plus heureuses de la vie de Casanova, dans son casino de Venise) dans une séquence comme celle-ci : « Elles commencèrent leurs travaux avec une fureur pareille à celle de deux tigresses qui paraissaient vouloir se dévorer. » En tout cas, pas question d’imprimer ceci : « Nous nous sommes trouvés tous les trois du même sexe dans tous les trios que nous exécutâmes. » Après une orgie, il paraît naturel à Laforgue de faire ressentir à Casanova du « dégoût ». Rien de tel. Si Casanova écrit : « Sûr d’une pleine jouissance à la fin du jour, je me livrai à toute ma gaieté naturelle », Laforgue corrige : « Sûr d’être heureux... »
Une femme, pour Laforgue, ne saurait être représentée couchée sur le dos en train de se « manuéliser ». Non : elle sera « dans l’acte de se faire illusion ». Voilà, en effet, comment une main reste chaste. De même on dira « onanisme » là où Casanova emploie ce mot merveilleux : « manustupration ». On évitera des notations sur le « féroce viscère qui […] donne des convulsions à celle-ci, fait devenir folle celle-là, fait devenir l’autre dévote ». Casanova aime les femmes : il les décrit comme il les aime. Laforgue les respecte : c’est un féministe qui les craint. Pas question non plus que Casanova parle de taches suspectes sur sa culotte : on lui nettoie ça. En revanche, on le dotera, de temps en temps, de formules morales. La correction en arrive parfois au ravissement. M.M (« cette femme religieuse, esprit fort, libertine et joueuse, admirable en tout ce qu’elle faisait ») envoie une lettre d’amour à son Casanova. Version Laforgue : « Je lance mille baisers qui se perdent dans l’air. » Casanova (et c’est tellement plus beau) : « Je baise l’air, croyant que tu y es. »
D’où vient, cependant, l’enchantement constant à lire, même dans la version Laforgue, ces Mille et Une Nuits d’Occident ? C’est qu’il s’agit simplement d’un des plus beaux romans de tous les temps, racontant une performance alchimique dont chacun rêve mais que peu atteignent : faire de sa vie un roman. Si les romans servent à imaginer les vies qu’on n’a pas eues, Casanova, lui, peut affirmer tranquillement : « Ma vie est ma matière, ma matière est ma vie. » Et quelle matière ! « En me rappelant les plaisirs que j’ai eus, je les renouvelle, j’en jouis une seconde fois, et je ris de peines que j’ai endurées et que je ne sens plus. Membre de l’univers, je parle à l’air, et je me figure rendre compte de ma gestion, come un maître d’hôtel le rend à son maître avant de disparaître. » (Notez que Casanova ne dit pas que le maître doit disparaître.) Il s’est organisé une fête de tous les instants, rien ne l’empêche, rien ne le contraint, ses maladies mêmes et ses fiascos l’intéressent ou l’amusent ; et toujours, partout, à l’improviste, des femmes sont là pour rentrer dans son tourbillon magnétique. Comme par hasard, ce sont souvent des sœurs, des amies, quand cela ne va pas jusqu’à la mère et la fille. « Je n’ai jamais pu concevoir comment un père pouvait aimer tendrement sa charmante fille sans avoir du moins une fois couché avec elle. Cette impuissance de conception m’a toujours convaincu, et me convainc encore avec plus de force aujourd’hui, que mon esprit et ma matière ne font qu’une seule substance. » Formidable déclaration d’inceste revendiqué (et d’ailleurs pratiqué et raconté, lors d’une nuit fameuse, à Naples). Il faut insister : « Les incestes, sujets éternels des tragédies grecques, au lieu de me faire pleurer, me font rire. » Voilà de quoi troubler ou scandaliser à jamais toutes les sociétés, quelles qu’elles soient. Les aventures de Casanova, l’aimantation qu’elles dégagent, viennent sans doute de cette « substance » qui le constitue. À cause d’elle, et de la détestation de la mort qu’elle entraine, les portes s’ouvrent, les ennemis disparaissent, les hasards heureux se multiplient, les évasions de prison sont possibles, les parties de jeu tournent bien, la folie est utilisée et vaincue, la raison (ou du moins une certaine raison supérieure) triomphe. L’histoire « magique » avec la marquise d’Urfé (qui attend de Casanova, super-sorcier, d’être transformée en homme) est une des plus ahurissantes jamais vécues. Charlatan, Casanova ? Sans doute, quand il le faut, mais charlatan qui s’avoue, précisant chaque fois la vraie cause des crédulités (comme Freud, au fond, mais en plus comique).

Il rencontre des stars ? Pas de problèmes. Voltaire ? On lui récite l’Arioste, on le fait pleurer. Rousseau ? Manque de charme, ne sait pas rire. Frédéric de Prusse ? Saute d’un sujet à un autre, n’écoute pas les réponses qu’on lui fait. Catherine de Russie ? On voyage avec elle. Le cardinal de Bernis ? C’est un ami de débauche, à Venise. Le pape ? Il vous donne la même décoration qu’à Mozart, en passant. À propos de pape, la métaphysique de Casanova a encore de quoi surprendre. Il commence ainsi l’Histoire de ma vie : « La doctrine des stoïciens et de toute autre secte sur la force du destin est une chimère de l’imagination qui tient à l’athéisme. Je suis non seulement monothéiste, mais chrétien fortifié par la philosophie, qui n’a jamais rien gâté. » La Providence, dit-il encore, l’a toujours exaucé dans ses prières. « Le désespoir tue ; la prière le fait disparaître et, quand l’homme a prié, il éprouve de la confiance et il agit. » Casanova en train de prier : quel tableau ! Étonnante profession de foi, en tout cas, pour l’homme qui jette en même temps à la face de ses semblables cette phrase destinée à être comprise par ceux qui « à force de demeurer dans le feu sont devenus salamandres » : « Rien ne pourra faire que je ne me sois amusé. »

Casanova est présent. C’est nous qui avons dérivé loin de lui et, de toute évidence, dans une impasse fatale. Un jour, à Paris, il est à l’Opéra, dans une loge voisine de celle de Mme de Pompadour. La bonne société s’amuse de son français approximatif, par exemple qu’il dise ne pas avoir froid chez lui parce que ses fenêtres sont bien « calfoutrées ». Il intrigue, on lui demande d’où il vient : « de Venise ». Mme de Pompadour : « De Venise ? Vous venez vraiment de là-bas ? » Casanova : « Venise n’est pas là-bas, madame, mais là-haut. » Cette réflexion insolente frappe les spectateurs. Le soir même, Paris est à lui.

Philippe Sollers, La Guerre du Goût (1994)

 

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L'Europe prête à agir en Ukraine

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25/03/2014

Comment fonctionne le Gouvernement...

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L'heure du remaniement a sonné...

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Radicalité poutinienne...

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La mort n'est rien

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La mort n'est rien,
je suis seulement passé, dans la pièce à côté.

Je suis moi. Vous êtes vous.
Ce que j'étais pour vous, je le suis toujours.

Donnez-moi le nom que vous m'avez toujours donné,
parlez-moi comme vous l'avez toujours fait.
N'employez pas un ton différent,
ne prenez pas un air solennel ou triste.
Continuez à rire de ce qui nous faisait rire ensemble.

Priez, souriez,
pensez à moi,
priez pour moi.

Que mon nom soit prononcé à la maison
comme il l'a toujours été,
sans emphase d'aucune sorte,
sans une trace d'ombre.

La vie signifie tout ce qu'elle a toujours été.
Le fil n'est pas coupé.
Pourquoi serais-je hors de vos pensées,
simplement parce que je suis hors de votre vue ?
Je ne suis pas loin, juste de l'autre côté du chemin.

Charles Péguy

 

Charles Péguy, lieutenant au 276e RI, à Villeroy (Seine-et-Marne) le 5 septembre 1914 et alors qu'il entraînait ses hommes en criant "Tirez, tirez, nom de...", est tué d'une balle en pleine tête. Maurice Barrès écrira à propos de Péguy : "Le voilà entré parmi les héros de la pensée française. Son sacrifice multiplie la valeur de son oeuvre. Honneur au maître Charles Péguy. Il passe devant tous ses émules. Ci-gît la gloire des jeunes lettres françaises. Mais plus qu'une perte, c'est une menace; plus qu'un mort, un exemple, une parole de vie, un ferment. La Renaissance française tirera parti de l'oeuvre de Péguy."

 

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