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15/12/2014

Aimer...

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« Être aimé plus que l'on aime est une des croix de la vie. Parce que cela vous contraint soit à feindre un sentiment de retour qu'on éprouve pas, soit à faire souffrir par sa froideur et ses rebuts. De toute façon une contrainte (et un homme comme moi ne peut pas se sentir contraint, sous peine de devenir malfaisant), et de toute façon de la souffrance. Bossuet écrit fortement : "On fait un tort irréparable à la personne qu'on aime trop." C'est presque ce que j'ai écrit moi-même : "Vouloir aimer sans être aimé, c'est faire plus de mal que de bien". La conséquence est dans La Rochefoucault : "Nous sommes plus près d'aimer ceux qui nous haïssent, que ceux qui nous aiment plus que nous ne voulons." Et votre serviteur de conclure : on ne devrait jamais dire à quelqu'un qu'on l'aime, sans lui en demander pardon. »

Henry de Montherlant, Les jeunes filles

 

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11/12/2014

Les rejetons les plus nuls de la bourgeoisie

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« Cette baisse de niveau n'est nullement la rançon d'une démocratisation. Je dirais même que, s'il y avait eu démocratisation, le niveau du secondaire aurait monté. Car la démocratisation, en puisant dans la totalité du réservoir humain national, déterminerait une sélection plus rigoureuse, ferait émerger, à la fois en chiffres absolus et en chiffres relatifs, un plus grand nombre d'élèves brillants et donc améliorerait la qualité des études. La prétendue incompatibilité du littéraire et du scientifique n'existe, à cet âge des débutants, que dans la médiocrité. Et, au cours des récentes années, on n'a pas démocratisé l'enseignement, on l'a facilité. On ne l'a pas ouvert aux fils les plus doués du prolétariat, on l'a abaissé au niveau des rejetons les plus nuls de la bourgeoisie. »

Jean-François Revel, La cabale des dévots (1962 !!!)

 

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Je me gorgeais de cette ivresse de la terre

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« La guerre me fit entrer dans une plus irréparable extravagance que celle que j’avais connue jusque-là. Dorénavant, me semblait-il, cette extravagance ferait des cercles de plus en plus vastes.  Toute époque est une aventure. Je suis un aventurier. Bonne époque pour moi que mon époque. Je connaissais déjà les courses d’autos, la cocaïne, l’alpinisme. Je trouvais dans cette campagne désolée, abstraite, le sport d’abîme que je flairais depuis longtemps. 

Patrouilles, guerre de mines, camaraderie bestiale et farouche, gloire sordide. 

Je me gorgeais de cette ivresse de la terre ; c’était une gésine frénétique ininterrompue dans les râles, les jurons, la peur qui lave les boyaux. Ce qui exultait depuis longtemps dans ma jeunesse, enfin je le distinguais entièrement dans mes poings aussi nettement que mes dix doigts. 
Les races hurlaient leur génie altéré.

  La violence des hommes : ils ne sont nés que pour la guerre, comme les femmes ne sont faites que pour les enfants. Tout le reste est détail tardif de l’imagination qui a déjà lancé son premier jet. J’ai senti alors un absolu de chair crue, j’ai touché le fond et j’ai étreint la certitude. Il ne fallait pas sortir de la forêt : l’homme est un animal dégénéré, nostalgique. 
De cette fureur du sang sortit ce qui en sort à coup sûr, un élan mystique qui, nourri de l’essentiel de la chair, rompit toutes les attaches de cette chair et me jeta, pure palpitation, pur esprit, dans l’extrême de l’exil jusqu’à Dieu.
  Tout d’un coup, je saisis un sentiment obscur qui avait transparu dans ma vie à de brefs instants : en visitant un monastère sauvage, dans un refuge alpin ; au fond d’une banlieue de Berlin, un soir, en songeant à Spinoza dans son échoppe. Je découvris la solitude, ma terrible arrière-pensée. »

Pierre Drieu la Rochelle, Le jeune européen

 

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10/12/2014

Pasolini et son "mythe"

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« J’aime beaucoup Pasolini mais son "mythe" m’ennuie un peu. Les petites frappes de banlieue, les prostitués, les coups, le sang, les coups de couteau ne me disent rien qui vaille et ne jouissent à mes yeux d’aucun prestige, surtout pas érotique. »

Renaud Camus, Journal romain

 

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L’homosexualité

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« L’homosexualité n’a rien à voir avec le mal. Elle n’est pas une provocation. Elle n’a aucune raison de se vautrer dans la fange, dans la pisse et dans la merde pour épater la galerie. Elle doit cesser de ne se considérer, éternellement, que par rapport aux avanies dont elle est l’objet, en réaction. Elle est agressée, elle se défend : rien de plus juste. Mais elle n’est nullement, par essence, une agression. Il faut qu’elle commence à s’envisager positivement, pour ce qu’elle est. Elle est, tout simplement. Elle est du côté du plaisir, de la joie, de l’amusement, de l’affection, et tant pis, lâchons le mot, de l’amour. Elle a ses héros et elle a ses saints, qui sont souvent très ennuyeux. Elle a ses salauds, ses imbéciles, ses profiteurs et ses petites pestes. Elle a ses bons gars, ses camarades, ses nuits d'été, ses fenêtres ouvertes, ses courses, ses rires, ses voix qui résonnent sous les voûtes et ses subites mélancolies. »

Renaud Camus, Notes achriennes

 

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09/12/2014

Cette hyperbole sans espoir

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« Et ton théâtre fut. Tu ne consentis pas à attendre que cette vie, presque sans réalité dans l’espace, condensée par le poids des siècles en fines gouttelettes, fût décelée par les autres arts, qu’elle fût peu à peu rendue visible au petit nombre et que peu à peu ceux-là qui communieraient dans cette connaissance, finissent par désirer de se voir ensemble confirmer ces rumeurs augustes, dans la parabole de la scène ouverte sous leurs yeux. Non, tu ne voulus pas attendre si longtemps.
Ah ! et où ensuite, où ensuite ? Ton cœur te chasse hors de toi-même, ton cœur te poursuit, et tu es déjà presque hors de toi, et tu ne peux plus. Comme un scarabée sur lequel on a marché, tu coules hors de toi-même et ton peu de dureté ou d’élasticité n’a plus de sens. »

« Désespéré comme tu finis par être, toi-même dont la route est mal dessinée sur les cartes. Comme une fêlure elle traverse le ciel, cette hyperbole sans espoir, qui ne s’incline qu’une seule fois vers nous et s’en éloigne de nouveau terrifiée. Que t’importait qu’une femme restât ou partît, que le vertige saisît quelqu’un et la folie quelqu’autre, que les morts fussent vivants et que les vivants pussent sembler morts ; que t’importait tout cela ? Tout cela était si naturel pour toi ; tu le franchissais, comme on traverse un vestibule, sans t’arrêter. »

Rainer Maria Rilke, Les Cahiers de Malte Laurids Brigge

 

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Comme un cadran sans aiguilles

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« Je suis couché dans mon lit, à mon cinquième étage, et mon jour que rien n’interrompt, est comme un cadran sans aiguilles. De même qu’une chose qui était longtemps perdue, se retrouve un matin à sa place, ménagée et bonne, presque plus neuve qu’au jour de la perte, comme si elle avait été confiée aux soins de quelqu’un, – de même se retrouvent ça et là sur la couverture de mon lit des choses perdues de mon enfance et qui sont comme neuves. Toutes les peurs oubliées sont de nouveau là. »

« Mais dehors, dehors tout est sans mesure. Et lorsque le niveau monte au dehors, il s’élève aussi en toi, non pas dans les vases qui sont en partie en ton pouvoir, ou dans le flegme de tes organes les plus impassibles : mais il croît dans les vaisseaux capillaires, aspiré vers en haut jusque dans les derniers embranchements de ton existence infiniment ramifiée. C’est là qu’il monte, c’est là qu’il déborde de toi, plus haut que ta respiration, et, dernier recours, tu te réfugies comme sur la pointe de ton haleine.
Tu étais là, et ces choses à peine mesurables : un sentiment qui montait d’un demi-degré, l’angle de réfraction d’une volonté aggravée d’un poids à peine sensible, cet angle que tu devais lire de tout près, le léger obscurcissement d’une goutte de désir et cette ombre d’un changement de couleur dans un atome de confiance, – cela, il fallut que tu l’établisses et que tu le retinsses ; car c’est en de tels phénomènes qu’était à présent la vie, notre vie, qui s’était glissée en nous, qui s’était retirée vers l’intérieur. »

Rainer Maria Rilke, Les Cahiers de Malte Laurids Brigge

 

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Le réel

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« Je m’étonne quelquefois de la facilité avec laquelle j’abandonne tout ce que j’attendais, pour le réel, même lorsqu’il est pire. »

« J’ai succombé à ces tentations et il en est résulté certaines transformations, sinon de mon caractère, du moins de ma conception générale de la vie, et dans tous les cas de ma vie elle-même. Une compréhension très différente de toutes choses s’est formée en moi sous ces influences ; certaines différences existent qui me séparent des hommes plus que toutes mes expériences antérieures. Un monde transformé. »

Rainer Maria Rilke, Les Cahiers de Malte Laurids Brigge

 

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Le moindre mouvement, et déjà le regard plonge au delà des choses connues et amies

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« Voici que tu t’es repris en toi, que tu te sens prendre fin dans tes mains et que, d’un mouvement mal précisé, tu retraces de temps en temps le contour de ton visage. Et il n’y a presque pas d’espace en toi ; et tu te calmes presque à la pensée qu’il est impossible que quelque chose de trop grand puisse se tenir dans cette étroitesse ; et que l’inouï même doit devenir intérieur et s’adapter aux circonstances. »

« Les hommes voudraient pouvoir en oublier beaucoup ; leur sommeil lime doucement ces sillons du cerveau, mais des rêves le repoussent et en retracent le dessin. Et ils s’éveillent, haletants, et laissent se fondre dans l’obscurité la lueur d’une chandelle, et boivent comme de l’eau sucrée cette demi-clarté à peine calmante. Car, hélas, sur quelle arête se tient cette sécurité ? Le moindre mouvement, et déjà le regard plonge au delà des choses connues et amies, et le contour, tout à l’heure consolateur, se précise comme un rebord de terreur. »

Rainer Maria Rilke, Les Cahiers de Malte Laurids Brigge

 

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Le temps des hommes libres était terminé

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« Il fuma quatre pipes en silence, se gorgeant de fumée noire, puis passa le bambou à Julien. Enfin apaisé, il parla. Ses phrases étaient entrecoupées de longs silences :

     - Je crois savoir, Julien, pourquoi Résengier est revenu en Indochine.

     - Il se faisait suer en France, sa femme était laide, ses gosses l’empêchaient de dormir.

     - Il a compris que le temps des hommes libres était terminé, en Europe comme en Asie, qu’il faudra vivre entassés les uns sur les autres, sans pouvoir bouger le coude pour ne pas l’entrer dans le ventre du voisin, ni le pied pour ne pas écraser son orteil... le monde des ruminants avec des enclos à l’infini, et des barrières et des censures et des casernes et des gendarmes. Alors il est revenu... »

Jean Lartéguy, Le mal jaune

 

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Les journalistes

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« Le bruit d’une époque disparaît. Il n’y a que son silence qui reste. Comment les journalistes feraient-ils pour le comprendre, eux qui couvrent le silence, eux qui le prennent pour le vide. »

Jean Cocteau, Journal 1942-1945

 

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08/12/2014

Le carrousel de la charité

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« Le carrousel de la charité, cent avions attendant leur tour d’atterrir sous le ciel plombé de l’équateur. La curée ! Un morceau de choix de bons sentiments. Une pièce montée d’altruisme. Un chef-d’œuvre de pâtisserie humanitaire, fourrée d’antiracisme à la crème, nappé d’égalitarisme sucré, lardé de remords à la vanille, avec cette inscription gracieuse festonnée en guirlandes de caramel : mea culpa ! Un gâteau particulièrement écœurant. Chacun voulut être le premier à y mordre. »

Jean Raspail, Le Camp des Saints

 

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Un intense sentiment de culpabilité a continué de le gouverner jusqu’à sa mort

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« Tout en se professant athée, Pasolini a reçu de sa mère profondément catholique une imprégnation religieuse qui va le marquer à jamais. (...) Certains voient en Pasolini un homosexuel affranchi, qui a revendiqué sa différence. Il n’en est rien. Nulle part dans son œuvre, ni dans ses livres ni dans ses films, il ne s’est déclaré ouvertement. Au contraire, un intense sentiment de culpabilité a continué de le gouverner jusqu’à sa mort. Aucune honte chez lui, assurément ; un penchant audacieux à la provocation ; mais provoquer, c’est encore respecter le pouvoir qui énonce l’interdit. La conscience du péché, le défi à la loi parcourent tous ses poèmes et leur donnent un accent où la fierté se mêle à la douleur, par une contradiction inexplicable sans cette composante chrétienne ou christique. (...) Pendant vingt-cinq ans, selon Moravia, de son arrivée à Rome à sa mort, il est allé draguer à la gare centrale de Roma Termini, dans le milieu le plus dur, le plus dangereux des prostitués de la capitale italienne. Pratique à haut risque, qui expose à se faire voler, rosser – ou tuer. (...) Ces diverses circonstances montrent avec éclat comment Pasolini a besoin de se punir des libertés qu’il s’accorde. Au plaisir doit être mêlé le châtiment. Pas d’éros moins libre que celui qui a besoin de se rouler dans les ordures, pas de volupté moins affranchie de l’interdit que celle qui prend pour décor un lugubre environnement de masures et de détritus. »

Dominique Fernandez, Préface aux "Poèmes de jeunesse" de Pasolini

 

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07/12/2014

Un rêve collectif

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« Nous entrons dans une époque où la vie n’est qu’un rêve collectif. Les hommes mènent des destinées parallèles ; chacun ne pense qu’à son individu mais il ne trouve plus pour nourrir cet individu qu’une panade commune, un brouet de plus en plus délayé. Regardez dans un cinéma cette foule qui baigne dans une ombre égale. Ce poisson vient battre, comme dans un aquarium, contre la paroi lumineuse de l’écran, la seule issue pour tous ces égoïsmes, noyés, asphyxiés. L’individu exaspéré, exténué va mourir, et de lui va naître un communisme liquide, inévitable. »

« Il n’y a plus de pierre ; elle coûte trop cher. Cette civilisation, ruinée par de vagues largesses, ne peut rien s’offrir de solide. »

Pierre Drieu la Rochelle, Le Jeune Européen

 

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Un nouvel astre de clarté,

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« Parfois se lève et monte aux horizons de l’esprit un nouvel astre de clarté, frappant aux yeux qui ne trouvent pas le sommeil, tocsin d’une annonciation, signal d’un tournant des mondes, comme jadis pour les rois mages venus d’Orient. Et les étoiles alentour se noient en son brasier de feu, les statures des faux dieux éclatent en tessons d’argile, et de nouveau toute forme forgée se fond en mille fourneaux ardents, pour être refondue en des valeurs nouvelles. »

Ernst Jünger, La guerre comme expérience intérieure

 

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Les artistes contemporains ne sont plus que des animateurs culturels, GO du capitalisme avancé

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« Peu importe qu’ils soient millionnaires ou prolétaires, surcotés ou déclassés, les artistes contemporains ne sont plus que des animateurs culturels, GO du capitalisme avancé, qui gèrent avec d’autres (la chanson pop, le foot business, les "people") les temps libres (morts?) des sociétés post-historiques. Professionnellement parlant, ce sont des agents d’ambiance. Ils chauffent la salle. Dieudo l’électrifie. Naguère, on allait chez les marchands forains voir la femme à barbe à titre de divertissement dominical. Aujourd’hui on va voir en famille des "installations" éphémères, même si elles sont constamment renouvelées. Rien ne les distingue d’un show-room d’Ikea, d’un vie-greniers ou d’un terminal d’aéroport. Elles font partie du mobilier urbain. Il n’y a que les enfants qui s’y reconnaissent. Ils retrouvent un mélange qui leur est familier, fait de mikados géants, de vitrines de Noël, de gagdgets numériques, de formes synthétiques. Quelle différence entre un Miro et un barbouillage d’enfant fixé sur un frigo ? Les aimants et dix millions d’euros. Rien de plus. Tous enfants, tous artistes. »

François-Laurent Balssa, Dieudonné, Molière, et la nullité de l’art contemporain in Eléments, numéro 149

 

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Une affaire sérieuse

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« Boire ne s'apprend pas : il faut être né avec un foie en acier, et c'est le cas d'Edouard. Néanmoins, il y a quelques trucs : s'enfiler un petit verre d'huile pour graisser les tuyaux avant une beuverie (on me l'a appris à moi aussi : ma mère le tenait d'un vieux prêtre sibérien) et ne pas manger en même temps (on m'a appris le contraire, je livre donc le conseil avec circonspection). Fort des ces dons innés et de cette technique, Edouard peut descendre un litre de vodka à l'heure, à raison d'un grand verre de 250 grammes tous les quart d'heure. Ce talent de société lui permet d'épater jusqu'aux Azéris qui viennent de Bakou vendre des oranges sur le marché et gagner des paris qui lui font de l'argent de poche. Il lui permet aussi de tenir ces marathons d'ivrognerie que les Russes appellent zapoï.
Zapoï est une affaire sérieuse, pas une cuite d'un soir qu'on paye, comme chez nous, d'une gueule de bois le lendemain. Zapoï c'est rester plusieurs jours sans dessoûler, errer d'un lieu à l'autre, monter dans des trains sans savoir où ils vont, confier ses secrets les plus intimes à des rencontres de hasard, oublier tout ce qu'on a dit et fait : une sorte de voyage. »

Emmanuel Carrère, Limonov

 

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05/12/2014

Nous avons tout sauvé

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« Les vraies amours sont toujours déchirantes ; les autres ne sont qu’ennui, plaisir hideux, mensonge et haine. Les vraies amours sont les amours impossibles, nous ne vivrons jamais ce que nous rêvions.
N’importe qui croirait que nous avons tout perdu, mais nous, nous savons que nous avons tout sauvé. »

Jean-René Huguenin, Journal

 

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Le déprécatoire du vaincu

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« "Je vais me tuer" Il ne savait pas que l’idée qui entrait en lui, c’était l’idée de vengeance. Le suicide, c’est la vengeance antique, éternelle, le déprécatoire du vaincu qui rejette son sang sur le vainqueur. »

Pierre Drieu la Rochelle, Gilles

 

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La solitude et les femmes

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« Aimant à la fois la solitude et les femmes, il semblait voué aux filles qui ne dérangeaient pas sa solitude. »

Pierre Drieu la Rochelle, Gilles

 

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Le terreau "culturel" qui recouvre la ville est plus épais et insondable encore

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« À Rome, tout est alluvion, et tout est allusion. Les dépôts matériels des siècles successifs non seulement se recouvrent, mais s’imbriquent, s’entre-pénètrent, se restructurent et se contaminent les uns les autres : on dirait qu’il n’y a pas de tuf originel, pas plus qu’il n’y a de couche réellement primitive dans la géologie de notre sous-sol. Et tout est allusion : le terreau "culturel" qui recouvre la ville est plus épais et insondable encore : le Forum, le Capitole, et tout ce qui s’ensuit, sont ensevelis sous les mots plus encore que sous les terres rapportées. Aucune ville n’a jamais fléchi sous le poids d’un volume aussi écrasant de "Considérations" (principalement sur la grandeur et la décadence). »

Julien Gracq, Autour des sept collines

 

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Libres de vivre comme ils veulent et que, par surcroît, tous les espoirs, même les plus fous, leur sont permis

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« Il y a surtout une chose qui ne ment pas. C’est la statue de la Liberté, et chacun s’en apperçoit dès qu’il en a fini avec les formalités tatillonnes de l’Immigration. Si elles sont tatillonnes, c’est qu’en effet, une fois cette barrière franchie, vous jouirez, dans le pays le plus vaste et le plus riche de la terre, d’une liberté que rien ne viendra plus entraver. Dès que vous aurez plongé dans la foule, personne, désormais, ne s’occupera de vous, à moins que vous n’enfreignez les lois. J’ai parcouru plus de cinq mille kilomètres et je n’ai apperçu qu’une seule fois une de ces fameuses autos de la police que les films nous montrent invariablement. Jamais une seule ne s’est inquiétée de savoir si j’avais mes papiers, ni d’où je venais, ni où j’allais, ni ce que je comptais faire [...]
Mais demandez-leurs ce qu’ils sont. Ils vous répondent, invariablement, même s’ils sont ici de dix ans à peine: - Américains … Parce qu’ils ont gouté à un genre de vie qui, quoi qu’on dise, tient compte plus qu’aucun autre de la dignité de l’homme. Parce qu’ils sont libres, vraiment libres, dans le sens le plus large du mot, libres de penser, de dire et d’écrire ce qu’ils veulent, libres de vivre comme ils veulent et que, par surcroît, tous les espoirs, même les plus fous, leur sont permis.
Parce qu’enfin, ici, on s’efforce de mettre les découvertes de la science et de ce qu’on appelle le progrès, non à la portée d’un petit nombre, mais à la portée de tous, de sorte que l’Américain se sent, dans le vaste monde, un être privilégié. Peut-on lui en vouloir s’il en conçoit quelque orgueil ? »

Georges Simenon, Des phoques aux cocotiers et aux serpents à sonette - L’Amérique en auto, Bradenton Beach, Floride, 3 novembre 1946

 

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04/12/2014

Si on réclame un peu de silence, on passe pour un fou

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« Nous marchons jusqu’à Saint-Germain, puis revenons au carrefour de l’Odéon pour aller voir "Hollywood" à l’U. G. C. Comme d’habitude avec le public de ces films commerciaux, des gens, devant et derrière nous, parlent tout haut du début à la fin, sans discontinuer. Pendant le générique il est inutile de songer à protester, car chacun pense alors avoir le droit de faire autant de bruit qu’il le souhaite ; mais même plus tard, si on réclame un peu de silence, on passe pour un fou. D’ailleurs il n’y a que Louis II de Bavière qui ait compris le principe des spectacles. il faut disposer pour soi seul (et pour deux ou trois amis sûrs, si on le souhaite) d’une salle d’opéra, d’une salle de concerts, d’une salle de théâtre et d’une salle de cinéma - on peut à la rigueur, par souci d’économie, réunir ces quatre fonctions en un seul édifice. »

Renaud Camus, Journal de Travers I

 

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Une société-troupeau

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« L’audiovisuel engendre des comportements grégaires et non, contrairement à une légende, des comportements individuels. Dire que nous vivons dans une société individualiste est un mensonge patent, un leurre extraordinairement faux (...). Nous vivons dans une société-troupeau, comme le comprit et l’anticipa Nietzsche. »

Bernard Stiegler, Aimer, s’aimer, nous aimer. Du 11 septembre au 21 avril

 

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L’expérience des poètes et des mystiques

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« Déjà, la nuit se perd. Nous ne pouvons même plus savoir ce qu’elle a été. Il n’y a plus en France, sauf en Lozère peut-être, un seul endroit assez éloigné des villes et du faisceau de leurs lumières pour que la nuit y soit encore ce qu’elle a été dans l’expérience des poètes et des mystiques, et pour que les étoiles soient lisibles comme elles l’ont été pour toutes les générations avant nous. La Voie lactée a presque disparu. Dans les cités où vivent la grande majorité d’entre nous, on n’a plus aucune idée de ce que pouvaient être les constellations. Le ciel est lettre morte. Dans un monde sans absence, sans écart avec lui-même, constamment éclairé, sans frontière, sans ailleurs, sans étrangèreté, pareil au même, c’est toute la grande lyrique occidentale, mais universelle aussi bien, qui s’effondre et dont la haute consolation perd avec tout référent toute portée. Tout se passe comme s’il n’y avait pour l’homme, sur la terre, qu’une quantité constante d’humanité ; et plus l’homme est nombreux moins il s’en trouve pour chacun, moins il a lieu, matière, espace et raison d’être homme. »

Renaud Camus, Du sens

 

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