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19/01/2015

La mort avec les hommes libres

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« Et comme tout haut exemple nous convie à le suivre, je fis le serment devant cette tête, de préférer à jamais la solitude et la mort avec les hommes libres au triomphe parmi les esclaves. »

Ernst Jünger, Sur les falaises de marbre

 

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La lutte pour ne pas mourir et la lutte pour vivre

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« Il y a une profonde différence entre la lutte pour ne pas mourir, et la lutte pour vivre. Les hommes qui luttent pour ne pas mourir gardent leur dignité, la défendent jalousement, tous, hommes, femmes, enfants, avec une farouche obstination. Les hommes ne baissaient pas la tête. Ils s’enfuyaient sur les montagnes, dans les bois, ils vivaient dans les cavernes, luttaient comme des loups contre les envahisseurs. Ils luttaient pour ne pas mourir. C’était une lutte noble, digne, loyale. Les femmes ne vendaient pas leur corps au marché noir pour s’acheter du rouge à lèvres, des bas de soie, des cigarettes ou du pain. Elles enduraient la faim, mais ne se vendaient pas. Elles ne vendaient pas leurs hommes à l’ennemi. Elles préféraient voir leurs enfants mourir de faim, plutôt que de se vendre, plutôt que de vendre leurs hommes. Seules les prostituées se vendaient à l’ennemi. Avant la libération, les peuples d’Europe souffraient avec une merveilleuse dignité. Ils luttaient le front haut. Ils luttaient pour ne pas mourir. Et les hommes, quand ils luttent pour ne pas mourir, s’accrochent avec la force du désespoir à tout ce qui constitue la partie vivante, éternelle, de la vie humaine, l’essence, l’élément le plus noble et le plus pur de la vie: la dignité, la fierté, la liberté de leur conscience. Ils luttent pour sauver leur âme.
Mais, après la libération, les hommes avaient dû lutter pour vivre. C’est une chose humiliante, horrible, c’est une nécessité honteuse que de lutter pour vivre, pour sauver sa peau. Ce n’est plus la lutte contre l’esclavage, la lutte pour la liberté, pour la dignité humaine, pour l’honneur. C’est la lutte contre la faim. C’est la lutte pour un morceau de pain, pour un peu de feu, pour une guenille avec laquelle couvrir ses enfants, pour un peu de paille sur quoi s’étendre. Quand les hommes luttent pour vivre, tout, même un pot vide, un mégot, un écorce d’orange, une croûte de pain sec ramassée dans les ordures, un os rongé, tout a pour eux une valeur décisive. Les hommes sont capables de n’importe quelle lâcheté, pour vivre: de toutes les infamies, de tous les crimes, pour vivre. Pour une croûte de pain chacun de nous est prêt à vendre sa femme, ses filles, à souiller sa propre mère, à sacrifier ses frères et ses amis, à se prostituer à un autre homme. Il est prêt à s’agenouiller, à se traîner par terre, à lécher les souliers de celui qui peut lui donner à manger, à essuyer en souriant les crachats sur sa joue: et son sourire est humble, doux, son regard plein d’une espérance famélique et bestiale, d’une espérance merveilleuse. »

Curzio Malaparte, La peau

 

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18/01/2015

J’aime ce pays

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« J’aime ce pays, et j’aime y vivre parce que j’y ai mes racines, ces profondes et délicates racines, qui attachent un homme à la terre où sont nés et morts ses aïeux, qui l’attachent à ce qu’on pense et à ce qu’on mange, aux usages comme aux nourritures, aux locutions locales, aux intonations des paysans, aux odeurs du sol, des villages et de l’air lui-même. »

Guy de Maupassant, Le Horla

 

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Un monde que j’écarte de moi

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« Je suis indigné par le peu que je vois, le peu que je lis, le peu que j’entends du monde extérieur. Un monde que j’écarte de moi le plus possible, sinon je vivrais dans un dégoût perpétuel. »

Henry de Montherlant, Entretien au Journal "Matulu" - mars 1971

 

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L’émotion en Allemagne est guerrière et islamique

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« Nous ne savons pas si Hitler est sur le point de fonder un nouvel islam. Il est d’ores et déjà sur la voie ; il ressemble à Mahomet. L’émotion en Allemagne est islamique, guerrière et islamique. Ils sont tous ivres d’un dieu farouche. »

Carl Gustav Jung, La vie symbolique (1939)

 

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La religion d'Hitler

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« La religion d'Hitler est la plus proche qui soit de l'islamisme, réaliste, terrestre, promettant le maximum de récompenses dans cette vie, mais avec ce Walhalla façon musulmane avec lequel les Allemands méritoires peuvent entrer et continuer à goûter le plaisir. Comme l'islamisme, elle prêche la vertu de l'épée. »

Carl Gustav Jung, Rencontres et interviews (1936)

 

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Le début de la tyrannie

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Il répugne à se voir tel qu’il est

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« L’hypocrite est avant tout un malheureux qui convient imprudemment de son attitude envers autrui avant d’avoir eu le courage de se définir soi-même exactement, car il répugne à se voir tel qu’il est ; il se cherche une sincérité, sacrifie à cette impossible gageure des avantages certains, et finit par se duper. Pour mentir utilement, avec efficace et sécurité plénière, il faut connaître son mensonge et s’exercer à l’aimer. »

Georges Bernanos, L’Imposture

 

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La vraie valeur n’a jamais rien à craindre de ces mises à l’épreuve par le sarcasme et la parodie, par le défi et par l’acide

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« La seule obligation sacrée que j'attribue à l'art ou à la littérature, c'est la recherche des "vraies" valeurs. Je crois qu'il n'y a rien de plus important pour un écrivain, dans la mesure où il se soucie de la vérité. Or, seuls le manque de respect, L’ironie, la moquerie, la provocation même, peuvent mettre les valeurs à l’épreuve, les décrasser et dégager celles qui méritent d’être respectées. Une telle attitude -- et c'est peut-être ce qu'il y a de plus admirable dans l'histoire de la littérature -- est pour moi incompatible avec toute adhésion politique à part entière. La vraie valeur n’a jamais rien à craindre de ces mises à l’épreuve par le sarcasme et la parodie, par le défi et par l’acide, et toute personnalité politique qui a de la stature et de l’authenticité sort indemne de ces agressions. La vraie morale n’a rien à redouter de la pornographie –- pas plus que les hommes politiques, qui ne sont pas des faux-monnayeurs, de "Charlie hebdo", du "Canard Enchaîné", de Daumier ou de Jean Yanne. Bien au contraire : s’ils sont "vrais", cette mise à l’épreuve par l’acide leur est toujours favorable. La dignité n’est pas quelque chose qui interdit l’irrespect : elle a au contraire besoin de cet acide pour révéler son authenticité. »

Romain Gary, La Nuit sera Calme

 

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16/01/2015

Facho

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« A force d'être traité de fasciste, j'ai envie de me présenter ainsi : moi, Dominique de Roux, déjà pendu à Nuremberg. »

Dominique de Roux, Immédiatement

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Kevin et Enzo

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« Mais à partir des années 1970, lorsque les premiers enfants de l’immigration maghrébine débarquèrent en France ou naquirent dans l’Hexagone, l’esprit public avait beaucoup changé. L’heure était à l’épanouissement individuel, à la liberté personnelle qui se niche dans les moindre détails et ne supporte plus la moindre contrainte ; à l’ouverture vers le monde ; à la haine ou au moins au mépris pour tout ce qui incarne la France. Le choix du prénom devint un signe politique ou en tout cas militant. Les Bretons bretonnisèrent sans honte, les Juifs plongèrent à pleines brassées dans le Torah, bientôt ; certains d’entre eux abandonnèrent même les textes sacrés pour se plonger dans les registres de l’état-civil israélien, révélant ainsi une "Alyah" dans les têtes qui précédait parfois une installation en Terre promise ; les passionnés de séries télévisées s’américanisèrent ; au retour d’un séjour enchanteur au Maroc ou en Thaïlande , on donnait à son enfant un prénom arabe ou asiatique sans rien comprendre de la symbolique culturelle de ces patronymes. Mais ces choix individuels – qui se croyaient libres de toute influence – se révélèrent encombrés d’arrière-pensées sociales et identitaires. Kevin et Enzo devinrent les prénoms des classes sociales défrancisées tandis que Louis, Pierre et Paul, les anciens prénoms traditionnels, s’embourgeoisèrent. »

Eric Zemmour, Le suicide français

 

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C'était une revanche inouïe sur le sexe fort

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« L’égalitarisme avait répandu son venin. Le culturalisme absolu avait fait son œuvre. Puisque les femmes n’avaient pas réussi à devenir des hommes comme les autres, il fallait que les hommes devinssent des femmes comme les autres. La libido virile, reposant sur la brutale pulsion et la mise à distance, goguenarde ou farouche, par le caractère ou par l’argent, du monde des sentiments, fut criminalisée. On déclara la guerre à la sexualité masculine faite de violence ou de domination. On confondit les violences faites aux femmes – qui relèvent du Code pénal- et les complexités de la vie intime. On négligea, contesta, méprisa l’avertissement pourtant si pertinent de Stendhal : "Au premier grain de passion, il y a le premier grain de fiasco." L’homosexualité féminine devint à la mode ; Mylène Farmer chanta la gloire des amours saphiques ; les journaux féminins déculpabilisèrent leurs lectrices rétives.
C’était une revanche inouïe contre le sexe fort, mais aussi contre les premières féministes qui auraient détesté cet univers mièvre, sentimental, féminin qu’elles abhorraient, auquel elles s’étaient arrachées, et qu’elles croyaient avoir éradiqué. Les précieuses ridicules avaient vaincu les femmes savantes. »

Eric Zemmour, Le suicide français

 

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15/01/2015

La forme perdue des siècles

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« L’Église a, seule, recueilli l’art, la forme perdue des siècles ; elle a immobilisé, jusque dans la vile reproduction moderne, le contour des orfèvreries, gardé le charme des calices élancés comme des pétunias, des ciboires aux flancs purs ; préservé, même dans l’aluminium, dans les faux émaux, dans les verres colorés, la grâce des façons d’antan. En somme, la plupart des objets précieux, classés au musée de Cluny, et échappés par miracle à l’immonde sauvagerie des sans−culottes, proviennent des anciennes abbayes de France ; de même que l’Église a préservé de la barbarie, au moyen âge, la philosophie, l’histoire et les lettres, de même elle a sauvé l’art plastique, amené jusqu’à nos jours ces merveilleux modèles de tissus, de joailleries que les fabricants de choses saintes gâtent le plus qu’ils peuvent, sans en pouvoir toutefois altérer la forme initiale. »

Joris-Karl Huysmans, A rebours

 

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Les horreurs que nous venons de voir

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« Les horreurs que nous venons de voir, et celles pires que nous verrons bientôt, ne sont nullement le signe que le nombre des révoltés, des insoumis, des indomptables, augmente dans le monde, mais bien plutôt que croît sans cesse, avec une rapidité stupéfiante, le nombre des obéissants, des dociles, des hommes, qui, selon l’expression fameuse de l’avant-dernière guerre, "ne cherchaient pas à comprendre." [...] "Le Gouvernement m’a donné une situation, et je ne peux naturellement pas risquer de perdre cette situation, sans parler de ma petite retraite future. Allons ! ouste ! Il ne faut pas chercher à comprendre." »

Georges Bernanos, La France contre les robots

 

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Lésions profondes et purulentes

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« La France est gravement malade, de lésions profondes et purulentes. Ceux qui cherchent à les dissimuler, pour quelque raison que ce soit, sont des criminels. »

Lucien Rebatet, Les Décombres

 

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13/01/2015

Le murmure de quelques livres

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« Je viens de passer plus de trois mois sur les routes de Grèce, de Belgique et du Danemark. Trois mois loin de mes livres. En rentrant chez moi j’ai été presque aussi content de les retrouver que de revoir mes proches. Je ne sais plus quel écrivain disait que lorsqu’il passait devant ses livres, il les entendait chuchoter. Tant de mots compressés dans tant de pages et traduisant tant de pensées et recelant tant de sens finissaient par émettre un brouhaha, un froissement presque audible. Je me suis approché de mes rayonnages pour y capter le murmure de quelques livres. »

Sylvain Tesson, Géographie de l’instant

 

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Une aspiration à la moyenne

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« Le bourgeoisisme lui-même, en tant qu’état humain qui subsiste à perpétuité, n’est pas autre chose qu’une aspiration à la moyenne entre les innombrables extrêmes et antipodes de l’humanité. Prenons pour exemple une de ces paires de contrastes telle que le saint et le débauché, et notre comparaison deviendra immédiatement intelligible. L’homme a la possibilité de s’abandonner entièrement à l’esprit, à la tentative de pénétration du divin, à l’idéal de la sainteté. Il a également la possibilité inverse de s’abandonner entièrement à la vie de l’instinct, aux convoitises de ses sens, et de concentrer tout son désir sur le gain de la jouissance immédiate. La première voie mène à la sainteté, au martyre de l’esprit, à l’absorption en Dieu. La seconde mène à la débauche, au martyre des sens, à l’absorption en la putrescence. Le bourgeois, lui, cherche à garder le milieu modéré entre ces deux extrêmes. Jamais il ne s’absorbera, de s’abandonnera ni à la luxure ni à l’ascétisme ; jamais il de sera un martyr, jamais il ne consentira à son abolition : son idéal, tout opposé, est la conservation du moi ; il n’aspire ni à la sainteté, ni à son contraire, il ne supporte pas l’absolu, il veut bien servir Dieu, mais aussi le plaisir ; il tient à être vertueux, mais en même temps à avoir ses aises. Bref, il cherche à s’installer entre les extrêmes, dans la zone tempérée, sans orage ni tempêtes violentes, et il y réussit, mais au dépens de cette intensité de vie et de sentiment que donne une existence orientée vers l’extrême et l’absolu. On ne peut vivre intensément qu’aux dépens du moi. Le bourgeois, précisément, n’apprécie rien autant que le moi (un moi qui n’existe, il est vrai, qu’à l’état rudimentaire). Ainsi, au détriment de l’intensité, il obtient la conservation et la sécurité ; au lieu de la folie en Dieu, il récolte la tranquillité de la conscience ; au lieu de la volupté, le confort ; au lieu de la liberté, l’aisance ; au lieu de l’ardeur mortelle, une température agréable. Le bourgeois, de par sa nature, est un être doué d’une faible vitalité, craintif, effrayé de tout abandon, facile à gouverner. C’est pourquoi, à la place de la puissance, il a mis la majorité ; à la place de la force, la loi ; à la place de la responsabilité, le droit de vote. »

Hermann Hesse, Le loup des steppes

 

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Jusqu’à l’instant où la chambre se remplira de cendres

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« La vie est un grand Hymne de Jouissance.
Mon âme éblouie de ténèbres vibre comme une Corde de Guitare en contemplant la Bien-aimée. Demain nous serons déjà des étrangers l’un pour l’autre, mais à présent je ne vis que pour toi, pour le clair jardin sublime qu’est ton corps nimbé de Tendresse.
Nous rêverons ensemble tant que murmurera cette nuit foisonnante jusqu’à l’instant où la chambre se remplira de cendres, et nous brisera le joug d’un jour nouveau et les réverbères se pendront aux carrefours… Ton Front surgit dans la pénombre comme une aurore. Ton front est le miroir bruni qui thésaurise l’ivoire de toutes les nouvelles lunes. Ton front est le drapeau d’ivoire qui doucement ondoiera, disant ta reddition et ma victoire.
O Bien-aimée, nos baisers incendieront la nuit.
Et laisse ouverte la Fenêtre, car je veux convier l’Univers à mes Noces ; je veux que l’Air, la Mer, les Eaux et les Arbres jouissent de tes chairs astrales, jouissent du fébrile bref Festin de ta beauté et de ma force.
A présent mon palais est un joug rouge sous la rouge flamme de la ta langue… L’obscurité se remplit d’aurores.
A présent ton corps, délicieusement, comme une étoile, tremble dans mes bras.
Déjà toutes les ténèbres se sont endormies. »

Jorge Luis Borges, Parenthèse passionnelle, in "Rythmes rouges"

 

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La libre détermination d’Alexandre tranchant l’immobilité du nœud gordien

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« Méditant sur l’âme européenne dans ce qui la distingue de l’Orient proche ou lointain, Ernst Jünger a isolé comme révélatrice la libre détermination d’Alexandre tranchant l’immobilité du nœud gordien. Si l’Asie épouse les énergies du monde, l’Europe est tentée de s’en emparer pour les soumettre à sa volonté. L’une est associée à la force apparemment tranquille de l’eau, l’autre à celle du feu. En Occident, l’éthique et la philosophie n’échappent jamais à la volonté. L’une et l’autre ne sont pas seulement des chemins vers la sagesse, mais une construction de soi par l’exercice du corps, de l’âme et de l’esprit, comme dans un gymnase, ce lieu de l’éducation grecque qui a perduré jusqu’à nous malgré ses altérations. Il n’est donc pas surprenant que l’histoire, théâtre de la volonté, ait été une invention européenne. »

Dominique Venner, Histoire et tradition des Européens

 

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Tout historien des pratiques monétaires et financières dans les sociétés médiévales constate que le prêt à intérêt se pratiquait partout, par tous

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« L’homme du Moyen-Âge vivait donc accablé d’une religiosité aveugle, de superstitions ridicules, qui lui interdisaient tout libre arbitre et coulaient la société dans un étroit carcan d’obligations et de  tabous. Telle est l’idée communément admise et soutenue, depuis très longtemps, par toutes sortes d’ouvrages très sérieux. Preuve en serait, parmi tant d’autres, l’interdiction et la "condamnation" de l’usure, (...),  le schéma pouvait s’inscrire d’une manière simpliste et les auteurs, plus soucieux d’énoncer des principes généraux que de cerner des réalités d’approche parfois difficile, en ont tiré les conclusions que l’on sait : l’Eglise défendait, personne n’osait et les bons chrétiens se sont donc, de bon gré, par conviction ou par peur des pénitences et même des feux de l’Enfer, abstenus de pratiquer les prêts d’argent et même toute pratique comptable ou scripturaire qui impliquait un profit de ce genre. (...) Seuls les Juifs, placés hors de cette loi commune, marginaux, étrangers, méprisés et détestés de ce fait, pouvaient se risquer à pratiquer l’usure.

(...)

Ce fut la thèse soutenue, sans preuves à l’appui mais très satisfaisante pour l’esprit, par Werner Sombart, dans les années 1900-1930, thèse complètement démantelée depuis par des innombrables travaux, non de philosophes de l’Histoire mais de véritables chercheurs et, cependant, toujours à l’honneur, toujours inspiratrice de discours et de manuels. (...) Il y  a tant à dire sur ces naïvetés que l’on ne sait par où commencer. Tout est faux et à reprendre à la simple lecture des documents, lecture qui, évidemment, ressort d’une autre démarche intellectuelle que la spéculation.
Quelques évidences tout d’abord : les rappels de l’interdiction de l’usure, rappels précis, circonstanciés, adaptés à chaque pratique, certes furent très fréquents, constamment renouvelés, édictés non seulement par l’Église elle-même à différents degrés de la hiérarchie, mais tout autant par le gouvernement princier ou municipal. Cependant, la multiplication des règlements et interdictions n’est, en aucun cas, que les hommes s’y pliaient et que ces pratiques du prêt n’avaient pas cours ; tout au contraire, c’est le signe de graves résistances et désobéissances, et donc de la permanence des pratiques usuraires. Une abondante production réglementaire montre clairement que les infractions demeuraient nombreuses et que les hommes tenaient peu compte des interdictions.

(...)

Tout historien des pratiques monétaires et financières dans les sociétés médiévales, tant urbaines que rurales, constate que le prêt à intérêt se pratiquait partout, par tous, sous différentes manières et parfois vraiment à petit prix.

(...)

Les communautés juives n’étaient pas forcément exclues, nettement séparées, cantonnées dans une juiverie (le mot de ghetto n’apparaît que plus tard), dans un quartier fermé, en tous cas soigneusement isolé. (...) D’autre part, les Israélites n’étaient pas seulement prêteurs sur gages ; loin de là (...) Sur le plan des affaires, les prêteurs juifs ne se retranchaient pas de la bonne société chrétienne. Ils collaboraient souvent avec  les financiers de la ville ou de simples bourgeois en quête de bons investissements. »

Jacques Heers, Le Moyen-Âge, une imposture

 

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09/01/2015

Un tel aveuglement n'avait rien d'historiquement inédit

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« Un tel aveuglement n'avait rien d'historiquement inédit : on aurait pu retrouver le même chez les intellectuels, politiciens et journalistes des années 1930, unanimement persuadés qu'Hitler "finirait par revenir à la raison". Il est probablement impossible, pour des gens ayant vécu et prospéré dans un système social donné, d'imaginer le point de vue de ceux qui, n'ayant jamais rien eu à attendre de ce système, envisagent sa destruction sans frayeur particulière. »

Michel Houellebecq, Soumission

 

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06/01/2015

L’ère des don Juan est révolue

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« Don Juan était un conquérant. Et avec des majuscules, même. Un Grand Conquérant. Mais, je vous le demande, comment voulez-vous être un conquérant dans un territoire où personne ne vous résiste, où tout est possible et où tout est permis ? L’ère des don Juan est révolue. L’actuel descendant de don Juan ne conquiert plus, il ne fait que collectionner. Au personnage du Grand Conquérant a succédé le personnage du Grand Collectionneur, seulement le Collectionneur n’a absolument rien de commun avec don Juan. Don Juan était un personnage de tragédie. Il était marqué par la faute. Il péchait gaiement et se moquait de Dieu. C’était un blasphémateur et il a fini en enfer.
Don Juan portait sur ses épaules un fardeau tragique dont le Grand Collectionneur n’a pas la moindre idée, car dans son univers toute pesanteur est sans poids. Les blocs de pierre se sont changés en duvet. Dans le monde du Conquérant, un regard comptait ce que comptent, dans le monde du Collectionneur, dix années de l’amour physique le plus assidu.
Don Juan était un maître, tandis que le Collectionneur est un esclave. Don Juan transgressait effrontément les conventions et les lois. Le Grand Collectionneur ne fait qu’appliquer docilement, à la sueur de son front, la convention et la loi, car collectionner fait désormais partie des bonnes manières et du bon ton, collectionner est presque considéré comme un devoir.

[…]

Le Grand Collectionneur n’a rien de commun avec la tragédie ni avec le drame. L’érotisme, qui était le germe des catastrophes, est devenu, grâce à lui, une chose pareille à un petit-déjeuner ou à un dîner, à la philatélie, au ping-pong, ou à une course dans les magasins. Le Collectionneur a fait entrer l’érotisme dans la ronde de la banalité. Il en a fait les coulisses et les planches d’une scène où le vrai drame n’aura jamais lieu. »

Milan Kundera, Risibles amours

 

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05/01/2015

Le politique rampe

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« Nul besoin d’avoir un grand sens de l’État ni un sens excessif de votre dignité pour ne pas voir sans malaise, côté à côte, au Grand Journal, le président du Conseil constitutionnel et le président de l’Assemblée nationale se tortiller sur leur chaise pour se faire applaudir par des gamins fonctionnant au sifflet. Embarrassés, patauds, piquant des fards devant une Bimbo, humiliés par les lazzi d’un trio de montreurs d’ours auxquels ne manquent plus que la chambrière et le cerceau pour mettre leurs invités à quatre pattes et les faire sauter au travers (prochaine étape). Le politique ne se cabre même plus, il rampe. »

Régis Debray, Rêverie de gauche

 

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03/01/2015

La réalité, qui a une existence objective, massive, tangible et terrifiante

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« La hiérarchie des besoins est inscrite dans la réalité même. Pour s’en convaincre, il suffit de vivre un de ces malheurs qui s’abattent sur les collectivités humaines, que ce soit une guerre, un régime de terreur ou une catastrophe naturelle. Remplir un ventre affamé est alors plus important que de satisfaire un palais délicat et l’acte de bonté le plus simple à l’égard d’autrui acquiert plus d’importance que n’importe quel raffinement de l’esprit. Le destin d’une ville, d’un pays devient le centre d’intérêt de tout le monde ; en revanche, le nombre des suicides provoqués par un amour déçu ou des troubles psychiques baisse soudain sensiblement. Il s’ensuit une grande simplification de tout et on se demande pourquoi on prenait tellement à cœur des choses qui semblent désormais n’avoir plus aucun poids. Et, bien sûr, l’attitude envers le langage change, elle aussi. Il retrouve sa fonction la plus simple, celle d’un instrument qui sert à un usage précis : ce qui veut dire que personne ne doute que le langage est fait pour nommer la réalité, qui a une existence objective, massive, tangible et terrifiante par son caractère concret. »

Czeslaw Milosz, Témoignage de la poésie

 

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31/12/2014

Un homme en proie au problème total...

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« Mais enfin, la beauté, c'est tout ce qui nous est donné et je ne pardonnerai jamais à mes amis ni à moi de n'avoir pas tout fait pour être moins laids. »

« Je me constitue une liberté qui ressemble à une rente viagère. »

« Je ne veux renoncer à rien. »

« Alors le cri certain tourne à n'être qu'une fanfaronnade malsaine, digne d'un sectaire de ruisseau, fasciste ou communiste. »

« Après tout, je ne suis pas qu'un écrivain, je suis un homme en proie au problème total. Toute cette écriture, toute cette tunique de signes qui s'accroche à mes reins, c'est votre tourment à tous, c'est votre vieille conscience fatiguée, exsangue. »

« Après tout, je ne suis pas qu'un écrivain, je suis un homme en proie au problème total. Toute cette écriture, toute cette tunique de signes qui s'accroche à mes reins, c'est votre tourment à tous, c'est votre vieille conscience fatiguée, exsangue.
(...)
Et cet adieu, comme j'ai envie de le prolonger, de le répéter, car produire des formes, c'est toute la passion de l'homme. »

« Que le chant de ma paresse emporte la rumeur de mes derniers soucis. »

Pierre Drieu la Rochelle, Le Jeune Européen

 

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