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23/12/2014

Les anciens temps magiques ont disparu

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« Départ de Saint-Michel; mais peut être y reviendrons-nous. Les douces prairies me resteront en mémoire, avec leurs haies d’aubépine; dans les taillis encore nus, on voyait les boules vertes des guis et de sombres nids de pie. Parmi leurs feuilles sèches fleurissaient déjà le lupin et la violette, et l’ortie poussait ses feuilles vertes. Le pays est vallonné; çà et là de grandes fermes s’y cachent, avec leurs écuries et leurs granges. Les toits d’ardoise luisants émergent de sa profondeur, comme des miroirs. Pensé à la vue de ces métairies : les anciens temps magiques ont disparu, pourtant il nous reste encore des clefs pour leur redonner vie. Mais viennent ensuite des degrés où l’homme perd jusqu’au souvenir du Bien et du Vrai. Il ignore alors les sources de son malheur. »

Ernst Jünger, Premier Journal Parisien

 

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Un peu de cette grandiose sauvagerie dont notre civilisation dégénérée avait le plus besoin

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« Ainsi, le retour des loups intervenait précisément à l’heure où le système économique qui avait commandé leur extermination se mettait sérieusement à vaciller, et le lieutenant y voyait un symbole et un espoir. L’homme, affranchi du sauvage, avait cru pouvoir se libérer de toute contrainte naturelle, allant jusqu’à accepter le mariage des homosexuels et leur “paternité”, avant de se persuader que la différence entre un homme et une femme n’était qu’une donnée culturelle. Le retour du loup offrait un peu de cette grandiose sauvagerie dont notre civilisation dégénérée avait le plus besoin. Cela valait bien quelques moutons stupides, payés par la collectivité, sacrifiés en offrande formidable hôte des forêts de notre vieille Europe. »

Olivier Maulin, Gueule de bois

 

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Il n’y a pas moyen d’échapper à cette illu­sion d’une cap­tiv­ité inévitable

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« Si, du moins, on pou­vait se per­suader que le temps n’existe pas, qu’il n’y a aucune dif­férence entre une minute et plusieurs heures, entre un jour et trois cents jours, et qu’on est ainsi de plain-pied partout ! Ce qui fait tant souf­frir, c’est la lim­ite et la lim­ite suc­cé­dant toujours à la lim­ite. Notre âme cap­tive dans un étroit espace n’en sort que pour être enfer­mée dans un autre espace non moins exigu, de manière que toute la vie n’est qu’une série de cachots étouf­fants désignés par les noms des diverses frac­tions de la durée, jusqu’à la mort qui sera, dit-on, l’élargissement défini­tif. Nous avons beau faire, il n’y a pas moyen d’échapper à cette illu­sion d’une cap­tiv­ité inévitable con­sti­tuée suc­ces­sive­ment par toutes les phases de notre vie qui est elle-même une illu­sion. »

Léon Bloy, Médi­ta­tions d’un soli­taire

 

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22/12/2014

Nos douleurs sont une île déserte

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« Chaque homme est seul et tous se fichent de tous et nos douleurs sont une île déserte. Ce n’est pas une raison pour ne pas se consoler, ce soir, dans les bruits finissants de la rue, se consoler, ce soir, avec des mots. Oh, le pauvre perdu qui, devant sa table, se console avec des mots, devant sa table et le téléphone décroché, car il a peur du dehors, et le soir, si le téléphone est décroché, il se sent tout roi et défendu contre les méchants du dehors, si vite méchants, méchants pour rien.

Quel étrange petit bonheur, triste et boitillant mais doux comme un péché ou une boisson clandestine, quel bonheur tout de même d’écrire en ce moment, seuil dans mon royaume et loin des salauds. Qui sont les salauds ? Ce n’est pas moi qui vous le dirai. Je ne veux pas d’histoires avec les gens du dehors. Je ne veux pas qu’on vienne troubler ma fausse paix et m’empêcher d’écrire quelques pages par dizaines ou centaines selon que ce cœur de moi qui est mon destin décidera. J’ai résolu notamment de dire à tous les peintres qu’ils ont du génie, sans ça ils vous mordent. Et, d’une manière générale, je dis à chacun que chacun est charmant. Telles sont mes mœurs diurnes. Mais dans mes nuits et mes aubes je n’en pense pas moins.

Somptueuse, toi, ma plume d’or, va sur la feuille, va au hasard tandis que j’ai quelque jeunesse encore, va ton lent cheminement irrégulier, hésitant comme en rêve, cheminement gauche mais commandé. Va, je t’aime, ma seule consolation, va sur les pages où tristement je me complais et dont le strabisme morosement me délecte. Oui, les mots, ma patrie, les mots, ça console et ça venge. Mais ils ne me rendront pas ma mère. Si remplis de sanguin passé battant aux tempes et tout odorants qu’ils puissent être, les mots que j’écris ne me rendront pas ma mère morte. Sujet interdit dans la nuit. Arrière, image de ma mère vivante lorsque je la vis pour la dernière fois en France, arrière, maternel fantôme. »

Albert Cohen, Le livre de a mère

 

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21/12/2014

Le philistinisme cultivé

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« La caractéristique du philistinisme cultivé a toujours été le mépris des loisirs et du divertissement sous une forme ou une autre, parce que aucune "valeur" n’en pouvait être tirée. La vérité est que nous nous trouvons tous engagés dans le besoin de loisirs et de divertissement sous une forme ou sous une autre, parce que nous sommes assujettis au grand cycle de la vie ; et c’est pure hypocrisie ou snobisme social que de nier pour nous le pouvoir de divertissement et d’amusement des choses, exactement les mêmes, qui font le divertissement et le loisir de nos compagnons humains. Pour autant que la survie de la culture est en question, elle est certainement moins menacée par ceux qui remplissent leur temps vide au moyen des loisirs que par ceux qui le remplissent avec quelques gadgets éducatifs au bonheur la chance, en vue d’améliorer leur position sociale. Et pour autant que la productivité artistique est en question, il ne devrait pas être plus difficile de résister aux massives tentations de la culture de masse, qu’il n’y avait de difficulté à éviter les tentations plus sophistiquées et les bruits plus insidieux des snobs cultivés dans la société raffinée. »

Hannah Arendt, La crise de la culture

 

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Un adolescent que les disciplines modernes exaspèrent

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« Au fait, que diable voulez-vous que puisse rêver, aujourd’hui, un adolescent que les disciplines modernes exaspèrent et que l’abjection commerciale fait vomir ? Les croisades ne sont plus, ni les nobles aventures lointaines d’aucune sorte. Le globe entier est devenu raisonnable et on est assuré de rencontrer un excrément anglais à toutes les intersections de l’infini. Il ne reste plus que l’Art. Un art proscrit, il est vrai, méprisé, subalternisé, famélique, fugitif, guenilleux et catacombal. Mais, quand même, c’est l’unique refuge pour quelques âmes altissimes condamnées à traîner leur souffrante carcasse dans les charogneux carrefours du monde. »

Léon Bloy, Le Désespéré

 

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Drieu, il s’est trompé, mais il était sincère, il l’a prouvé...

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« J’ai vu des auteurs qui, avant la guerre appelaient le fascisme de tous leurs vœux, frappés de stérilité dans le moment même que les Nazis les comblaient d’honneurs. Je pense surtout à Drieu la Rochelle : il s’est trompé, mais il était sincère, il l’a prouvé. Il avait accepté de diriger une revue inspirée. Les premiers mois il admonestait, chapitrait, sermonnait ses compatriotes. Personne ne lui répondit : c’est parce qu’on n’était plus libre de le faire. Il en témoigna de l’humeur, il ne sentait plus ses lecteurs. Il se montra plus pressant mais aucun signe ne vint lui prouver qu’il avait été compris. Aucun signe de haine, ni de colère non plus : rien. Il parut désorienté, en proie à une agitation grandissante, il se plaignit amèrement aux Allemands ; ses articles étaient superbes, ils devinrent aigres ; le moment arriva où il se frappa la poitrine : nul écho, sauf chez des journalistes vendus qu’il méprisait. Il offrit sa démission, la reprit, parla encore, toujours dans le désert. Finalement il se tût, bâillonné par le silence des autres. Il avait réclamé leur asservissement mais, dans sa tête folle, il avait dû l’imaginer volontaire, libre encore ; il vint ; l’homme en lui s’en félicita bien haut, mais l’écrivain ne put le supporter. Au même moment d’autres, qui furent heureusement le plus grand nombre, comprenaient que la liberté d’écrire implique la liberté du citoyen. On n’écrit pas pour des esclaves. L’art de la prose est solidaire du seul régime où la prose garde un sens : la démocratie. Quand l’une est menacée, l’autre l’est aussi. Et ce n’est pas assez que de les défendre par la plume. Un jour vient où la plume est contrainte de s’arrêter et il faut alors que l’écrivain prenne les armes. Ainsi de quelque façon que vous y soyez venu, quelles que soient les opinions que vous ayez professées, la littérature vous jette dans la bataille ; écrire c’est une certaine façon de vouloir la liberté ; si vous avez commencé, de gré ou de force vous êtes engagé. »

Jean-Paul Sartre, Les épées

 

Comme chacun le sait (laissez-moi rêver deux secondes) Sartre a pris les armes... en se faisant éditer chez Gallimard en pleine occupation... en faisant jouer ses pièces qui passaient la censure, non sans un coup de main de Drieu la Rochelle via ses connaissances gestapistes... C'est ce qui s'appelle cracher dans la soupe. 

Pendant ce temps-là, Albert Camus, lui, risquait sa peau. 

 

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Savoureuse solitude

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« Voluptés du labeur ! La journée avec le troupeau est finie. Le pain a été gagné. Le bon ouvrier des mots a endossé les vieux habits du vrai travail, il ouvre son col, il retrousse ses manches. Sous la lampe sage et fidèle, seul surgit des ombres l’établi : les livres en piles bousculées, le papier vierge et net, la théière, la miche de seigle, les pipes, les cigarettes étalées, vingt petites cartouches blanches pour le plus fort du combat. Huit heures devant soi jusqu’au terme de la nuit, vaste et appétissante tranche de temps, huit heures où l’on ajoutera peut-être une phrase, une page même à la littérature française. La mansarde est chaude. Les autres sont à leurs femmes, à la musique, aux spectacles. Mais l’écrivain à sa tâche peut mépriser les plus nobles plaisirs. Savoureuse solitude, apprêts délectables. »

Lucien Rebatet, Les deux étendards

 

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I am Free

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Quelque chose de plus vaste que la joie

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« Mais quelque chose est là qu’on oubliait, quelque chose de plus vaste que la joie, et qui marque à coups sourds son existence indéracinable. On le pressentait, on l’entend, on le sent. Le balancier va marteler les rêves, s’imposer parmi les illusions, insensible aux tendres caresses contraires, et chaque choc pénètre comme un clou. »

« J’ai vu des hommes, des groupes, des gestes, des figures. J’ai vu briller dans le crépuscule les yeux tremblants d’êtres profonds comme des puits. J’ai vu la bouche qui, dans un épanouissement de gloire, disait : "Je suis plus sensible que les autres, moi !" »

Henri Barbusse, L’Enfer

 

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L’aveu de leur honteuse misère

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« J’ai vu la lutte d’aimer et de se faire comprendre : le refus mutuel des deux interlocuteurs et la mêlée de deux amants, les amants au sourire contagieux, qui ne sont amants que de nom, qui se creusent de baisers, qui s’étreignent plaie à plaie pour se guérir, qui n’ont entre eux aucun attachement, et qui, malgré leur rayonnante extase hors de l’ombre, sont aussi étrangers que la lune et le soleil. J’ai entendu ceux qui ne trouvent un peu de paix que dans l’aveu de leur honteuse misère, et les figures qui ont pleuré, pâles, avec les yeux comme des roses. »

Henri Barbusse, L’Enfer

 

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L’immensité de chacun de nous...

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« Je me souviens, je me souviens, comme on appellerait au secours... Un jalon, une borne, où la sainte inquiétude se pose : l’importance d’un être humain parmi les choses, cette importance que j’ai mis toute ma vie à comprendre... L’immensité de chacun de nous : premier grand signe dans le noir. »

Henri Barbusse, L’Enfer

 

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20/12/2014

Au fond des lointains inaccessibles

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« Habituellement une émotion très forte éprouvée dans un rêve en brise les fils impalpables, et c’est fini : on s’éveille ; la trame fragile, une fois rompue, flotte un instant, puis retombe, s’évanouit d’autant plus vite que l’esprit — s’efforce davantage à la retenir, — disparaît, comme une gaze déchirée dans le vide, qu’on voudrait poursuivre et que le vent emporte au fond des lointains inaccessibles. Mais non, cette fois, je ne m’éveillai pas et le rêve continua, en s’éteignant ; le rêve se prolongea en traînée mourante. »

Pierre Loti, Le livre de la pitié et de la mort

 

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L’insondable abîme

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« Je voudrais connaître une langue à part, dans laquelle pourraient s’écrire les visions de mes sommeils. Quand j’essaie avec les mots ordinaires, je n’arrive qu’à construire une sorte de récit gauche et lourd, à travers lequel ceux qui me lisent ne doivent assurément rien voir ; moi seul, je puis distinguer encore, derrière l’à peu près de ces mots accumulés, l’insondable abîme. »

Pierre Loti, Le livre de la pitié et de la mort

 

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Quand le vent enfle sa voix et que la nuit s'annonce peu sûre...

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« En mer, il y a beaucoup de ces soirs-là, quand de vilaines nuées livides traînent sur l’horizon où la lumière baisse, quand le vent enfle sa voix et que la nuit s’annonce peu sûre. Alors, à se sentir isolé au milieu des eaux infinies, on se sent pris d’une vague angoisse que les crépuscules ne donneraient jamais sur terre, même dans les lieux les plus funèbres. »

Pierre Loti, Le livre de la pitié et de la mort

 

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18/12/2014

Ce système à la fois un et plural

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« Au signe de Napoléon correspond le fait de l'établissement d'un régime nouveau dans notre vieux pays. L'Empereur, le Premier Consul consolida l'esprit de la révolution qui, sans lui, se serait vraisemblablement évanoui comme un mauvais rêve. L'énergie violente et la ruse profonde de ce vaste génie parvinrent à rendre possible et durable un système d'administration qu'il n'est pas exagéré d'appeler contre nature. Avant lui, avant la Révolution qui l'engendra et qu'à son tour il régénéra, la France était gouvernée par un seul ; mais elle était réglée, elle était administrée par la diversité des coutumes et des lois particulières à chacune des communautés qui la composaient.

La monarchie introduisait un minimum d'ordre général qui était nécessaire ; et, de temps à autre, elle y ajoutait, à dose variable, ce qui convenait pour chaque moment. Cette monarchie administrative créait donc de l'autorité uniforme sans opérer une destruction trop forte des particularités du passé. Chaque partie s'étant organisée à sa guise avait son contingent de franchises et d'autonomies naturelles réclamées par le territoire et la race ; configuration du présent, mouvements du passé.

Familles, ateliers, paroisses, bourgs, villages, compagnies, provinces, corps et ordres d'État, c'étaient des unités vivaces, entre lesquelles l'égalité était nulle, mais qui jouissaient de libertés magnifiques. Cela n'allait pas sans froissements ni abus. Mais contre les abus et les froissements, il y avait une échelle de recours naturels et d'appels constants qui aboutissaient aux officiers du roi, à ses Conseils, au roi lui-même.

Ainsi les individus étaient-ils entourés de solides communautés qui les encadraient ; la vigueur de ces cadres, parfois trop raides, tenait à ce qu'il fallait y contenir des personnalités singulièrement énergiques et originales. L'excès possible en était, à son tour, tempéré par l'existence et le développement d'une police, d'une justice, d'une magistrature d'État, qui, intéressées au maintien des cadres, l'étaient plus encore à la protection des êtres qui y vivaient.

On n'écrira rien d'excessif en disant que ce système à la fois un et plural, comportant un degré élevé de vitalité sociale et de défenses personnelles, était susceptible de perfectionnements indéfinis.

Il pouvait même se perfectionner en dehors de la volonté de progrès qui anime parfois les hommes, par le jeu de la ventilation et des sélections de l'histoire.

Un règne, une génération, un siècle pouvaient donner l'avantage au contrôle royal, sous l'empire de nécessités telles que grandes guerres ou de vives secousses intérieures. Un autre âge, un autre régime pouvaient faire pencher la balance du côté des organisations génitrices et tutélaires. Sans atteindre la perfection, qui n'est pas de ce monde, on pouvait raisonnablement compter sur la durée du double élément de cette harmonie.

La maladie révolutionnaire survint. Elle eût pu n'être qu'une crise vite effacée. Encore une fois, le génie, la violence, la passion et la volonté du commandement napoléoniens firent insérer dans les faits et courir dans l'usage une théorie, un système, une vue de l'esprit à laquelle les choses se pliaient mal. La France en est restée estropiée et tout étiolée. »

Charles Maurras, Napoléon avec la France ou contre la France ?

 

 

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17/12/2014

Apôtre armé, botté, de la Démocratie.

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« Napoléon ne se conçoit en termes dignes de lui qu'en dehors du cadre de cet intérêt français ou européen d'où il est nécessaire de le juger sévèrement. Comment parler, pour un fléau de Dieu, de vertu ou d'humanité, de patriotisme ou de droit national ? Il le faut voir comme une manière de libre force cosmique, à qui les jeux de la destruction et de la construction importaient dans leur mode, non dans leur résultat. Sorte de missionnaire du Chaos paternel. Apôtre armé, botté, de la Démocratie.

Dans une intéressante étude donnée jadis à la Revue de la semaine, sur "Napoléon et l'empire de la mer", Lacour-Gayet a rapporté qu'un des officiers détaché à Corfou de l'armée d'Italie avait fondé un club constitutionnel à l'usage duquel il rédigeait des raisonnements égalitaires dans le goût de celui-ci : "À l'entrée et à la sortie de la vie, nous sommes égaux. C'est bien la peine de disputer de l'intervalle !" L'intervalle, c'est la vie. Philosophiquement, la Vie est peu de chose. C'est la seule chose qu'on ne puisse pas négliger dans la Politique.

Mais la démocratie la néglige, parce qu'elle est étrangère à cette politique-là. Le philosophe de Corfou avait raison à son point de vue. La démocratie, c'est le cimetière. Unus interitus hominum et jumentorum, disait le moraliste hébreu (*).

En couchant au tombeau des millions d'hommes, en tarissant les sources naturelles de l'existence, en organisant une conception de la vie civile strictement individualiste et égalitaire, en préparant au dehors et au dedans toutes les conditions d'une petite France, en aboutissant, après vingt ans de luttes, à la rapetisser en fait, ce grand homme d'action aura parfaitement illustré le cercle dans lequel est appelée à tourner cette doctrine de suicide national et social qu'épanouissent Rousseau et Robespierre : la politique de la Mort. »

Charles Maurras, Napoléon avec la France ou contre la France ?

 

Note (*) : Tiré de l'Ecclésiaste, 3 : 19 :

Idcirco unus interitus est hominis et jumentorum, et aequa utriusque conditio. Sicut moritur homo, sic et illa moriuntur.
« Car le sort des hommes est identique à celui des bêtes ; ainsi que les uns meurent, les autres meurent de la même façon. »

 

 

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La centralisation administrative, la division départementale

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« C’est au régime consulaire, aux institutions de l’an VIII, qu’elle doit le double fléau de la centralisation et de la dépopulation, ce ralentissement de la vie locale, qui anémia l’esprit civique, ce morcellement des foyers qui tarit nos familles et tua dans leurs germes des millions d’individus, Français possibles, Français à naître et qui ne sont point nés parce que les conditions de l’être leur étaient refusées par ce code de lois dont parlait Renan, fait pour un citoyen idéal "naissant enfant trouvé et mourant célibataire".

Aucun Français ne devrait parler ni écrire de Napoléon sans se représenter que les pires violences faites au corps et à l’âme de la patrie par la Constituante et la Convention (soit la centralisation administrative, soit la division départementale) n’ont pu durer que grâce à l’énergique main du Premier Consul.

Une politique générale qui, ayant gagné ses batailles, perd ses guerres et qui finalement paralyse un pays, le dépeuple, donne à ses plus redoutables voisins les moyens de grandir et de prospérer à ses dépens, ne mérite d'autres fleurs ni couronnes que les guirlandes mortuaires qu'on dépose sur les tombeaux. Des Français peuvent continuer d'avoir la fièvre au seul nom de Napoléon. La France, qu'il a laissée plus petite qu'il ne la reçut, doit se dire qu'en dernière analyse ce sublime esprit fonctionna au rebours de nos intérêts. »

Charles Maurras, Napoléon avec la France ou contre la France ?

 

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Ce peuple avait vieilli...

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« Les français avaient fait des églises et ils ne pouvaient plus les refaire ni rien de semblable : toute l’aventure de la vie était dans ce fait, la terrible nécessité de la mort. Ce peuple avait vieilli, l’homme vieillit.
Pour faire une église, dans le calcul, la raison de l’architecture, il y avait l’audace, le risque, l’affirmation créatrice de la foi. Il y avait l’arbre et à côté l’église. L’homme avait répondu par l’église au défi. Maintenant on ne faisait plus que des bâtiments administratifs ou des boîtes à loyer et des chalets de nécessité, ou de rares monuments qui répétaient faiblement les allures, les styles du temps de la jeunesse et de la création, du temps de l’amour répandu.
Il y avait eu la raison française, ce jaillissement passionné, orgueilleux, furieux du XIIe siècle des épopées, des cathédrales, des philosophies chrétiennes, de la sculpture, des vitraux, des enluminures, des croisades. Les Français avaient été des soldats, des moines, des architectes, des peintres, des poètes, des maris et des pères. Ils avaient fait des enfants, ils avaient construit, ils avaient tué, ils avaient fait tuer. Ils s’étaient sacrifiés et avaient sacrifié.
Maintenant cela finissait. Ici, et en Europe. »

Pierre Drieu la Rochelle, Gilles

 

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16/12/2014

La haine du principe monarchique

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« La haine du principe monarchique va si loin, de nos jours, qu’on veut faire chanter à quatre voix des parties de solo. »

Sören Kierkegaard, Journal - (30 Décembre 1837)

 

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Les propo­si­tions les plus démen­tielles se mêlent aux vérités les plus lumineuses

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« Trois années de guerre ont apporté bien des mod­i­fi­ca­tions dans le monde. Mais voici qui est peut-être la plus grande de ces mod­i­fi­ca­tions: trois années de guerre nous ont ren­dus sen­si­bles au monde. Nous sen­tons le monde. Avant, nous nous con­tentions de le penser. […]
L’universalité de la pen­sée s’est con­crétisée, ou du moins elle tend à se con­cré­tiser. Néces­saire­ment, quelque chose s’écroule, en nous, et chez les autres. Un cli­mat moral nou­veau s’est créé : tout y est mou­vant, insta­ble, flu­ide. Mais les néces­sités du moment sont pres­santes, et c’est pourquoi ce flu­ide a ten­dance à stag­ner, ce qui n’est pas autre chose qu’une aven­ture spir­ituelle tend à devenir un état de choses défini­tif. La stim­u­la­tion à penser est prise pour une pen­sée accom­plie, ce qui n’est que vel­léité est pris pour une volonté claire et con­crète. Il en résulte le chaos, la con­fu­sion des langues; et les propo­si­tions les plus démen­tielles se mêlent aux vérités les plus lumineuses.

C’est ainsi que nous payons le prix de notre légèreté d’hier, de notre manque de pro­fondeur. Désac­cou­tumés de l’usage de la pen­sée, sat­is­faits de vivre au jour le jour, nous nous trou­vons aujourd’hui désar­més con­tre la bour­rasque. Nous avions mécan­isé la vie, nous nous étions mécan­isés nous-mêmes. Nous nous con­tentions de peu. La con­quête d’un brin de vérité nous rem­plis­sait d’autant de joie que si nous avions con­quis la vérité tout entière. Nous fuyions les efforts, il nous sem­blait inutile de for­muler des hypothèses loin­taines et de leur trou­ver une solution, ne serait-ce que pro­vi­soire­ment. Nous étions des mys­tiques qui s’ignoraient. Tan­tôt nous don­nions trop d’importance à la réal­ité de l’instant, aux événe­ments, tan­tôt nous ne leur en don­nions aucune. Nous viv­ions dans l’abstraction, soit parce que nous fai­sions l’essentiel de notre vie d’un événe­ment, de la réal­ité, soit parce que nous man­quions com­plète­ment de sens his­torique et ne savions pas voir que l’avenir plonge ses racines dans le présent et dans le passé, et que, si les hommes et les juge­ments des hommes peu­vent procéder par bonds, doivent procéder par bonds, ce n’est pas le cas de la matière, de la réal­ité économique et morale.

[…] Une crise spir­ituelle énorme a été sus­citée. Des besoins dont on n’avait jamais entendu par­ler sont nés chez ceux qui, jusqu’à hier, n’avaient ressenti d’autre besoin que celui de vivre et de se nour­rir. Et cela pré­cisé­ment (comme on pou­vait, du reste, le prévoir) au moment historique où s’est pro­duite la plus grande destruc­tion de biens que l’histoire ait jamais con­nue, de ces biens qui sont seuls à pou­voir sat­is­faire la plus grande par­tie de ces besoins.

Les nou­velles pub­li­ca­tions, les nou­velles revues, ne me don­nent, ne peu­vent me don­ner, aucune des sat­is­fac­tions que je cherche. Ce n’est pas, du reste, une rai­son pour me décourager. Les sat­is­fac­tions, c’est en moi-même que je dois les chercher, au plus pro­fond de ma con­science, en ce seul endroit où peu­vent s’ordonner tous les con­flits, tous les trou­bles sus­cités par les stim­u­la­tions extérieures. Ces livres ne sont pas autre chose pour moi que des stim­u­la­tions, des occa­sions pour penser, pour creuser en moi-même, pour retrou­ver en moi-même les raisons profondes de mon exis­tence, de ma par­tic­i­pa­tion à la vie du monde. […]

L’erreur, le mal, c’était en nous qu’ils étaient, dans notre ama­teurisme, dans la légèreté de notre vie ; ils étaient dans les mœurs poli­tiques générales, à la per­ver­sion desquelles nous par­tici­p­i­ons incon­sciem­ment. Les for­mules, les pro­grammes, restaient extérieurs, restaient let­tre morte pour trop d’entre nous, nous ne les viv­ions pas avec inten­sité et avec fer­veur ; ils ne vibraient pas dans chaque acte de notre vie, dans chaque instant de notre pen­sée. Changer les for­mules ne veut rien dire. Ce qu’il faut, c’est que nous nous chan­gions nous-mêmes, que change notre méth­ode d’action. Nous sommes empoi­son­nés par une éduca­tion réformiste qui a détruit la pen­sée, qui a enlisé la pen­sée, le juge­ment con­tin­gent, occa­sion­nel, la pen­sée éter­nelle qui se renou­velle con­tin­uelle­ment tout en se main­tenant inchangée.



Nous sommes des révo­lutionnaires en action alors que nous sommes des réformistes en pen­sée : nous agis­sons bien, et nous raisonnons mal. »

Anto­nio Gram­sci, Pourquoi je hais l’indifférence

 

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15/12/2014

Notre personnalité sociale est une création de la pensée des autres

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« J’aurais voulu ne pas penser aux heures d’angoisse que je passerais ce soir seul dans ma chambre sans pouvoir m’endormir; je tâchais de me persuader qu’elles n’avaient aucune importance, puisque je les aurais oubliées demain matin, de m’attacher à des idées d’avenir qui auraient dû me conduire comme sur un pont au delà de l’abîme prochain qui m’effrayait. »

« Notre personnalité sociale est une création de la pensée des autres. Même l’acte si simple que nous appelons "voir une personne que nous connaissons" est en partie un acte intellectuel. Nous remplissons l’apparence physique de l’être que nous voyons, de toutes les notions que nous avons sur lui et dans l’aspect total que nous nous représentons... »

« Cette attention des maniaques qui s’efforcent de ne pas penser à autre chose pendant qu’ils ferment une porte, pour pouvoir, quand l’incertitude maladive leur revient, lui opposer victorieusement le souvenir du moment où ils l’ont fermée. »

Marcel Proust, Du côté de chez Swann

 

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Infidèle physiquement

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« J’ai toujours été infidèle physiquement, et profondément attaché par le cœur. J’ai peu de cœur, mais ce peu est d’acier. »

Paul Morand, Journal Inutile, Tome 1

 

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Aimer...

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« Être aimé plus que l'on aime est une des croix de la vie. Parce que cela vous contraint soit à feindre un sentiment de retour qu'on éprouve pas, soit à faire souffrir par sa froideur et ses rebuts. De toute façon une contrainte (et un homme comme moi ne peut pas se sentir contraint, sous peine de devenir malfaisant), et de toute façon de la souffrance. Bossuet écrit fortement : "On fait un tort irréparable à la personne qu'on aime trop." C'est presque ce que j'ai écrit moi-même : "Vouloir aimer sans être aimé, c'est faire plus de mal que de bien". La conséquence est dans La Rochefoucault : "Nous sommes plus près d'aimer ceux qui nous haïssent, que ceux qui nous aiment plus que nous ne voulons." Et votre serviteur de conclure : on ne devrait jamais dire à quelqu'un qu'on l'aime, sans lui en demander pardon. »

Henry de Montherlant, Les jeunes filles

 

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11/12/2014

Les rejetons les plus nuls de la bourgeoisie

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« Cette baisse de niveau n'est nullement la rançon d'une démocratisation. Je dirais même que, s'il y avait eu démocratisation, le niveau du secondaire aurait monté. Car la démocratisation, en puisant dans la totalité du réservoir humain national, déterminerait une sélection plus rigoureuse, ferait émerger, à la fois en chiffres absolus et en chiffres relatifs, un plus grand nombre d'élèves brillants et donc améliorerait la qualité des études. La prétendue incompatibilité du littéraire et du scientifique n'existe, à cet âge des débutants, que dans la médiocrité. Et, au cours des récentes années, on n'a pas démocratisé l'enseignement, on l'a facilité. On ne l'a pas ouvert aux fils les plus doués du prolétariat, on l'a abaissé au niveau des rejetons les plus nuls de la bourgeoisie. »

Jean-François Revel, La cabale des dévots (1962 !!!)

 

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