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20/12/2014

Au fond des lointains inaccessibles

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« Habituellement une émotion très forte éprouvée dans un rêve en brise les fils impalpables, et c’est fini : on s’éveille ; la trame fragile, une fois rompue, flotte un instant, puis retombe, s’évanouit d’autant plus vite que l’esprit — s’efforce davantage à la retenir, — disparaît, comme une gaze déchirée dans le vide, qu’on voudrait poursuivre et que le vent emporte au fond des lointains inaccessibles. Mais non, cette fois, je ne m’éveillai pas et le rêve continua, en s’éteignant ; le rêve se prolongea en traînée mourante. »

Pierre Loti, Le livre de la pitié et de la mort

 

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L’insondable abîme

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« Je voudrais connaître une langue à part, dans laquelle pourraient s’écrire les visions de mes sommeils. Quand j’essaie avec les mots ordinaires, je n’arrive qu’à construire une sorte de récit gauche et lourd, à travers lequel ceux qui me lisent ne doivent assurément rien voir ; moi seul, je puis distinguer encore, derrière l’à peu près de ces mots accumulés, l’insondable abîme. »

Pierre Loti, Le livre de la pitié et de la mort

 

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Quand le vent enfle sa voix et que la nuit s'annonce peu sûre...

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« En mer, il y a beaucoup de ces soirs-là, quand de vilaines nuées livides traînent sur l’horizon où la lumière baisse, quand le vent enfle sa voix et que la nuit s’annonce peu sûre. Alors, à se sentir isolé au milieu des eaux infinies, on se sent pris d’une vague angoisse que les crépuscules ne donneraient jamais sur terre, même dans les lieux les plus funèbres. »

Pierre Loti, Le livre de la pitié et de la mort

 

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18/12/2014

Ce système à la fois un et plural

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« Au signe de Napoléon correspond le fait de l'établissement d'un régime nouveau dans notre vieux pays. L'Empereur, le Premier Consul consolida l'esprit de la révolution qui, sans lui, se serait vraisemblablement évanoui comme un mauvais rêve. L'énergie violente et la ruse profonde de ce vaste génie parvinrent à rendre possible et durable un système d'administration qu'il n'est pas exagéré d'appeler contre nature. Avant lui, avant la Révolution qui l'engendra et qu'à son tour il régénéra, la France était gouvernée par un seul ; mais elle était réglée, elle était administrée par la diversité des coutumes et des lois particulières à chacune des communautés qui la composaient.

La monarchie introduisait un minimum d'ordre général qui était nécessaire ; et, de temps à autre, elle y ajoutait, à dose variable, ce qui convenait pour chaque moment. Cette monarchie administrative créait donc de l'autorité uniforme sans opérer une destruction trop forte des particularités du passé. Chaque partie s'étant organisée à sa guise avait son contingent de franchises et d'autonomies naturelles réclamées par le territoire et la race ; configuration du présent, mouvements du passé.

Familles, ateliers, paroisses, bourgs, villages, compagnies, provinces, corps et ordres d'État, c'étaient des unités vivaces, entre lesquelles l'égalité était nulle, mais qui jouissaient de libertés magnifiques. Cela n'allait pas sans froissements ni abus. Mais contre les abus et les froissements, il y avait une échelle de recours naturels et d'appels constants qui aboutissaient aux officiers du roi, à ses Conseils, au roi lui-même.

Ainsi les individus étaient-ils entourés de solides communautés qui les encadraient ; la vigueur de ces cadres, parfois trop raides, tenait à ce qu'il fallait y contenir des personnalités singulièrement énergiques et originales. L'excès possible en était, à son tour, tempéré par l'existence et le développement d'une police, d'une justice, d'une magistrature d'État, qui, intéressées au maintien des cadres, l'étaient plus encore à la protection des êtres qui y vivaient.

On n'écrira rien d'excessif en disant que ce système à la fois un et plural, comportant un degré élevé de vitalité sociale et de défenses personnelles, était susceptible de perfectionnements indéfinis.

Il pouvait même se perfectionner en dehors de la volonté de progrès qui anime parfois les hommes, par le jeu de la ventilation et des sélections de l'histoire.

Un règne, une génération, un siècle pouvaient donner l'avantage au contrôle royal, sous l'empire de nécessités telles que grandes guerres ou de vives secousses intérieures. Un autre âge, un autre régime pouvaient faire pencher la balance du côté des organisations génitrices et tutélaires. Sans atteindre la perfection, qui n'est pas de ce monde, on pouvait raisonnablement compter sur la durée du double élément de cette harmonie.

La maladie révolutionnaire survint. Elle eût pu n'être qu'une crise vite effacée. Encore une fois, le génie, la violence, la passion et la volonté du commandement napoléoniens firent insérer dans les faits et courir dans l'usage une théorie, un système, une vue de l'esprit à laquelle les choses se pliaient mal. La France en est restée estropiée et tout étiolée. »

Charles Maurras, Napoléon avec la France ou contre la France ?

 

 

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17/12/2014

Apôtre armé, botté, de la Démocratie.

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« Napoléon ne se conçoit en termes dignes de lui qu'en dehors du cadre de cet intérêt français ou européen d'où il est nécessaire de le juger sévèrement. Comment parler, pour un fléau de Dieu, de vertu ou d'humanité, de patriotisme ou de droit national ? Il le faut voir comme une manière de libre force cosmique, à qui les jeux de la destruction et de la construction importaient dans leur mode, non dans leur résultat. Sorte de missionnaire du Chaos paternel. Apôtre armé, botté, de la Démocratie.

Dans une intéressante étude donnée jadis à la Revue de la semaine, sur "Napoléon et l'empire de la mer", Lacour-Gayet a rapporté qu'un des officiers détaché à Corfou de l'armée d'Italie avait fondé un club constitutionnel à l'usage duquel il rédigeait des raisonnements égalitaires dans le goût de celui-ci : "À l'entrée et à la sortie de la vie, nous sommes égaux. C'est bien la peine de disputer de l'intervalle !" L'intervalle, c'est la vie. Philosophiquement, la Vie est peu de chose. C'est la seule chose qu'on ne puisse pas négliger dans la Politique.

Mais la démocratie la néglige, parce qu'elle est étrangère à cette politique-là. Le philosophe de Corfou avait raison à son point de vue. La démocratie, c'est le cimetière. Unus interitus hominum et jumentorum, disait le moraliste hébreu (*).

En couchant au tombeau des millions d'hommes, en tarissant les sources naturelles de l'existence, en organisant une conception de la vie civile strictement individualiste et égalitaire, en préparant au dehors et au dedans toutes les conditions d'une petite France, en aboutissant, après vingt ans de luttes, à la rapetisser en fait, ce grand homme d'action aura parfaitement illustré le cercle dans lequel est appelée à tourner cette doctrine de suicide national et social qu'épanouissent Rousseau et Robespierre : la politique de la Mort. »

Charles Maurras, Napoléon avec la France ou contre la France ?

 

Note (*) : Tiré de l'Ecclésiaste, 3 : 19 :

Idcirco unus interitus est hominis et jumentorum, et aequa utriusque conditio. Sicut moritur homo, sic et illa moriuntur.
« Car le sort des hommes est identique à celui des bêtes ; ainsi que les uns meurent, les autres meurent de la même façon. »

 

 

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La centralisation administrative, la division départementale

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« C’est au régime consulaire, aux institutions de l’an VIII, qu’elle doit le double fléau de la centralisation et de la dépopulation, ce ralentissement de la vie locale, qui anémia l’esprit civique, ce morcellement des foyers qui tarit nos familles et tua dans leurs germes des millions d’individus, Français possibles, Français à naître et qui ne sont point nés parce que les conditions de l’être leur étaient refusées par ce code de lois dont parlait Renan, fait pour un citoyen idéal "naissant enfant trouvé et mourant célibataire".

Aucun Français ne devrait parler ni écrire de Napoléon sans se représenter que les pires violences faites au corps et à l’âme de la patrie par la Constituante et la Convention (soit la centralisation administrative, soit la division départementale) n’ont pu durer que grâce à l’énergique main du Premier Consul.

Une politique générale qui, ayant gagné ses batailles, perd ses guerres et qui finalement paralyse un pays, le dépeuple, donne à ses plus redoutables voisins les moyens de grandir et de prospérer à ses dépens, ne mérite d'autres fleurs ni couronnes que les guirlandes mortuaires qu'on dépose sur les tombeaux. Des Français peuvent continuer d'avoir la fièvre au seul nom de Napoléon. La France, qu'il a laissée plus petite qu'il ne la reçut, doit se dire qu'en dernière analyse ce sublime esprit fonctionna au rebours de nos intérêts. »

Charles Maurras, Napoléon avec la France ou contre la France ?

 

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Ce peuple avait vieilli...

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« Les français avaient fait des églises et ils ne pouvaient plus les refaire ni rien de semblable : toute l’aventure de la vie était dans ce fait, la terrible nécessité de la mort. Ce peuple avait vieilli, l’homme vieillit.
Pour faire une église, dans le calcul, la raison de l’architecture, il y avait l’audace, le risque, l’affirmation créatrice de la foi. Il y avait l’arbre et à côté l’église. L’homme avait répondu par l’église au défi. Maintenant on ne faisait plus que des bâtiments administratifs ou des boîtes à loyer et des chalets de nécessité, ou de rares monuments qui répétaient faiblement les allures, les styles du temps de la jeunesse et de la création, du temps de l’amour répandu.
Il y avait eu la raison française, ce jaillissement passionné, orgueilleux, furieux du XIIe siècle des épopées, des cathédrales, des philosophies chrétiennes, de la sculpture, des vitraux, des enluminures, des croisades. Les Français avaient été des soldats, des moines, des architectes, des peintres, des poètes, des maris et des pères. Ils avaient fait des enfants, ils avaient construit, ils avaient tué, ils avaient fait tuer. Ils s’étaient sacrifiés et avaient sacrifié.
Maintenant cela finissait. Ici, et en Europe. »

Pierre Drieu la Rochelle, Gilles

 

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16/12/2014

La haine du principe monarchique

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« La haine du principe monarchique va si loin, de nos jours, qu’on veut faire chanter à quatre voix des parties de solo. »

Sören Kierkegaard, Journal - (30 Décembre 1837)

 

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Les propo­si­tions les plus démen­tielles se mêlent aux vérités les plus lumineuses

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« Trois années de guerre ont apporté bien des mod­i­fi­ca­tions dans le monde. Mais voici qui est peut-être la plus grande de ces mod­i­fi­ca­tions: trois années de guerre nous ont ren­dus sen­si­bles au monde. Nous sen­tons le monde. Avant, nous nous con­tentions de le penser. […]
L’universalité de la pen­sée s’est con­crétisée, ou du moins elle tend à se con­cré­tiser. Néces­saire­ment, quelque chose s’écroule, en nous, et chez les autres. Un cli­mat moral nou­veau s’est créé : tout y est mou­vant, insta­ble, flu­ide. Mais les néces­sités du moment sont pres­santes, et c’est pourquoi ce flu­ide a ten­dance à stag­ner, ce qui n’est pas autre chose qu’une aven­ture spir­ituelle tend à devenir un état de choses défini­tif. La stim­u­la­tion à penser est prise pour une pen­sée accom­plie, ce qui n’est que vel­léité est pris pour une volonté claire et con­crète. Il en résulte le chaos, la con­fu­sion des langues; et les propo­si­tions les plus démen­tielles se mêlent aux vérités les plus lumineuses.

C’est ainsi que nous payons le prix de notre légèreté d’hier, de notre manque de pro­fondeur. Désac­cou­tumés de l’usage de la pen­sée, sat­is­faits de vivre au jour le jour, nous nous trou­vons aujourd’hui désar­més con­tre la bour­rasque. Nous avions mécan­isé la vie, nous nous étions mécan­isés nous-mêmes. Nous nous con­tentions de peu. La con­quête d’un brin de vérité nous rem­plis­sait d’autant de joie que si nous avions con­quis la vérité tout entière. Nous fuyions les efforts, il nous sem­blait inutile de for­muler des hypothèses loin­taines et de leur trou­ver une solution, ne serait-ce que pro­vi­soire­ment. Nous étions des mys­tiques qui s’ignoraient. Tan­tôt nous don­nions trop d’importance à la réal­ité de l’instant, aux événe­ments, tan­tôt nous ne leur en don­nions aucune. Nous viv­ions dans l’abstraction, soit parce que nous fai­sions l’essentiel de notre vie d’un événe­ment, de la réal­ité, soit parce que nous man­quions com­plète­ment de sens his­torique et ne savions pas voir que l’avenir plonge ses racines dans le présent et dans le passé, et que, si les hommes et les juge­ments des hommes peu­vent procéder par bonds, doivent procéder par bonds, ce n’est pas le cas de la matière, de la réal­ité économique et morale.

[…] Une crise spir­ituelle énorme a été sus­citée. Des besoins dont on n’avait jamais entendu par­ler sont nés chez ceux qui, jusqu’à hier, n’avaient ressenti d’autre besoin que celui de vivre et de se nour­rir. Et cela pré­cisé­ment (comme on pou­vait, du reste, le prévoir) au moment historique où s’est pro­duite la plus grande destruc­tion de biens que l’histoire ait jamais con­nue, de ces biens qui sont seuls à pou­voir sat­is­faire la plus grande par­tie de ces besoins.

Les nou­velles pub­li­ca­tions, les nou­velles revues, ne me don­nent, ne peu­vent me don­ner, aucune des sat­is­fac­tions que je cherche. Ce n’est pas, du reste, une rai­son pour me décourager. Les sat­is­fac­tions, c’est en moi-même que je dois les chercher, au plus pro­fond de ma con­science, en ce seul endroit où peu­vent s’ordonner tous les con­flits, tous les trou­bles sus­cités par les stim­u­la­tions extérieures. Ces livres ne sont pas autre chose pour moi que des stim­u­la­tions, des occa­sions pour penser, pour creuser en moi-même, pour retrou­ver en moi-même les raisons profondes de mon exis­tence, de ma par­tic­i­pa­tion à la vie du monde. […]

L’erreur, le mal, c’était en nous qu’ils étaient, dans notre ama­teurisme, dans la légèreté de notre vie ; ils étaient dans les mœurs poli­tiques générales, à la per­ver­sion desquelles nous par­tici­p­i­ons incon­sciem­ment. Les for­mules, les pro­grammes, restaient extérieurs, restaient let­tre morte pour trop d’entre nous, nous ne les viv­ions pas avec inten­sité et avec fer­veur ; ils ne vibraient pas dans chaque acte de notre vie, dans chaque instant de notre pen­sée. Changer les for­mules ne veut rien dire. Ce qu’il faut, c’est que nous nous chan­gions nous-mêmes, que change notre méth­ode d’action. Nous sommes empoi­son­nés par une éduca­tion réformiste qui a détruit la pen­sée, qui a enlisé la pen­sée, le juge­ment con­tin­gent, occa­sion­nel, la pen­sée éter­nelle qui se renou­velle con­tin­uelle­ment tout en se main­tenant inchangée.



Nous sommes des révo­lutionnaires en action alors que nous sommes des réformistes en pen­sée : nous agis­sons bien, et nous raisonnons mal. »

Anto­nio Gram­sci, Pourquoi je hais l’indifférence

 

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15/12/2014

Notre personnalité sociale est une création de la pensée des autres

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« J’aurais voulu ne pas penser aux heures d’angoisse que je passerais ce soir seul dans ma chambre sans pouvoir m’endormir; je tâchais de me persuader qu’elles n’avaient aucune importance, puisque je les aurais oubliées demain matin, de m’attacher à des idées d’avenir qui auraient dû me conduire comme sur un pont au delà de l’abîme prochain qui m’effrayait. »

« Notre personnalité sociale est une création de la pensée des autres. Même l’acte si simple que nous appelons "voir une personne que nous connaissons" est en partie un acte intellectuel. Nous remplissons l’apparence physique de l’être que nous voyons, de toutes les notions que nous avons sur lui et dans l’aspect total que nous nous représentons... »

« Cette attention des maniaques qui s’efforcent de ne pas penser à autre chose pendant qu’ils ferment une porte, pour pouvoir, quand l’incertitude maladive leur revient, lui opposer victorieusement le souvenir du moment où ils l’ont fermée. »

Marcel Proust, Du côté de chez Swann

 

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Infidèle physiquement

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« J’ai toujours été infidèle physiquement, et profondément attaché par le cœur. J’ai peu de cœur, mais ce peu est d’acier. »

Paul Morand, Journal Inutile, Tome 1

 

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Aimer...

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« Être aimé plus que l'on aime est une des croix de la vie. Parce que cela vous contraint soit à feindre un sentiment de retour qu'on éprouve pas, soit à faire souffrir par sa froideur et ses rebuts. De toute façon une contrainte (et un homme comme moi ne peut pas se sentir contraint, sous peine de devenir malfaisant), et de toute façon de la souffrance. Bossuet écrit fortement : "On fait un tort irréparable à la personne qu'on aime trop." C'est presque ce que j'ai écrit moi-même : "Vouloir aimer sans être aimé, c'est faire plus de mal que de bien". La conséquence est dans La Rochefoucault : "Nous sommes plus près d'aimer ceux qui nous haïssent, que ceux qui nous aiment plus que nous ne voulons." Et votre serviteur de conclure : on ne devrait jamais dire à quelqu'un qu'on l'aime, sans lui en demander pardon. »

Henry de Montherlant, Les jeunes filles

 

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11/12/2014

Les rejetons les plus nuls de la bourgeoisie

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« Cette baisse de niveau n'est nullement la rançon d'une démocratisation. Je dirais même que, s'il y avait eu démocratisation, le niveau du secondaire aurait monté. Car la démocratisation, en puisant dans la totalité du réservoir humain national, déterminerait une sélection plus rigoureuse, ferait émerger, à la fois en chiffres absolus et en chiffres relatifs, un plus grand nombre d'élèves brillants et donc améliorerait la qualité des études. La prétendue incompatibilité du littéraire et du scientifique n'existe, à cet âge des débutants, que dans la médiocrité. Et, au cours des récentes années, on n'a pas démocratisé l'enseignement, on l'a facilité. On ne l'a pas ouvert aux fils les plus doués du prolétariat, on l'a abaissé au niveau des rejetons les plus nuls de la bourgeoisie. »

Jean-François Revel, La cabale des dévots (1962 !!!)

 

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Je me gorgeais de cette ivresse de la terre

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« La guerre me fit entrer dans une plus irréparable extravagance que celle que j’avais connue jusque-là. Dorénavant, me semblait-il, cette extravagance ferait des cercles de plus en plus vastes.  Toute époque est une aventure. Je suis un aventurier. Bonne époque pour moi que mon époque. Je connaissais déjà les courses d’autos, la cocaïne, l’alpinisme. Je trouvais dans cette campagne désolée, abstraite, le sport d’abîme que je flairais depuis longtemps. 

Patrouilles, guerre de mines, camaraderie bestiale et farouche, gloire sordide. 

Je me gorgeais de cette ivresse de la terre ; c’était une gésine frénétique ininterrompue dans les râles, les jurons, la peur qui lave les boyaux. Ce qui exultait depuis longtemps dans ma jeunesse, enfin je le distinguais entièrement dans mes poings aussi nettement que mes dix doigts. 
Les races hurlaient leur génie altéré.

  La violence des hommes : ils ne sont nés que pour la guerre, comme les femmes ne sont faites que pour les enfants. Tout le reste est détail tardif de l’imagination qui a déjà lancé son premier jet. J’ai senti alors un absolu de chair crue, j’ai touché le fond et j’ai étreint la certitude. Il ne fallait pas sortir de la forêt : l’homme est un animal dégénéré, nostalgique. 
De cette fureur du sang sortit ce qui en sort à coup sûr, un élan mystique qui, nourri de l’essentiel de la chair, rompit toutes les attaches de cette chair et me jeta, pure palpitation, pur esprit, dans l’extrême de l’exil jusqu’à Dieu.
  Tout d’un coup, je saisis un sentiment obscur qui avait transparu dans ma vie à de brefs instants : en visitant un monastère sauvage, dans un refuge alpin ; au fond d’une banlieue de Berlin, un soir, en songeant à Spinoza dans son échoppe. Je découvris la solitude, ma terrible arrière-pensée. »

Pierre Drieu la Rochelle, Le jeune européen

 

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10/12/2014

Pasolini et son "mythe"

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« J’aime beaucoup Pasolini mais son "mythe" m’ennuie un peu. Les petites frappes de banlieue, les prostitués, les coups, le sang, les coups de couteau ne me disent rien qui vaille et ne jouissent à mes yeux d’aucun prestige, surtout pas érotique. »

Renaud Camus, Journal romain

 

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L’homosexualité

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« L’homosexualité n’a rien à voir avec le mal. Elle n’est pas une provocation. Elle n’a aucune raison de se vautrer dans la fange, dans la pisse et dans la merde pour épater la galerie. Elle doit cesser de ne se considérer, éternellement, que par rapport aux avanies dont elle est l’objet, en réaction. Elle est agressée, elle se défend : rien de plus juste. Mais elle n’est nullement, par essence, une agression. Il faut qu’elle commence à s’envisager positivement, pour ce qu’elle est. Elle est, tout simplement. Elle est du côté du plaisir, de la joie, de l’amusement, de l’affection, et tant pis, lâchons le mot, de l’amour. Elle a ses héros et elle a ses saints, qui sont souvent très ennuyeux. Elle a ses salauds, ses imbéciles, ses profiteurs et ses petites pestes. Elle a ses bons gars, ses camarades, ses nuits d'été, ses fenêtres ouvertes, ses courses, ses rires, ses voix qui résonnent sous les voûtes et ses subites mélancolies. »

Renaud Camus, Notes achriennes

 

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09/12/2014

Cette hyperbole sans espoir

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« Et ton théâtre fut. Tu ne consentis pas à attendre que cette vie, presque sans réalité dans l’espace, condensée par le poids des siècles en fines gouttelettes, fût décelée par les autres arts, qu’elle fût peu à peu rendue visible au petit nombre et que peu à peu ceux-là qui communieraient dans cette connaissance, finissent par désirer de se voir ensemble confirmer ces rumeurs augustes, dans la parabole de la scène ouverte sous leurs yeux. Non, tu ne voulus pas attendre si longtemps.
Ah ! et où ensuite, où ensuite ? Ton cœur te chasse hors de toi-même, ton cœur te poursuit, et tu es déjà presque hors de toi, et tu ne peux plus. Comme un scarabée sur lequel on a marché, tu coules hors de toi-même et ton peu de dureté ou d’élasticité n’a plus de sens. »

« Désespéré comme tu finis par être, toi-même dont la route est mal dessinée sur les cartes. Comme une fêlure elle traverse le ciel, cette hyperbole sans espoir, qui ne s’incline qu’une seule fois vers nous et s’en éloigne de nouveau terrifiée. Que t’importait qu’une femme restât ou partît, que le vertige saisît quelqu’un et la folie quelqu’autre, que les morts fussent vivants et que les vivants pussent sembler morts ; que t’importait tout cela ? Tout cela était si naturel pour toi ; tu le franchissais, comme on traverse un vestibule, sans t’arrêter. »

Rainer Maria Rilke, Les Cahiers de Malte Laurids Brigge

 

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Comme un cadran sans aiguilles

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« Je suis couché dans mon lit, à mon cinquième étage, et mon jour que rien n’interrompt, est comme un cadran sans aiguilles. De même qu’une chose qui était longtemps perdue, se retrouve un matin à sa place, ménagée et bonne, presque plus neuve qu’au jour de la perte, comme si elle avait été confiée aux soins de quelqu’un, – de même se retrouvent ça et là sur la couverture de mon lit des choses perdues de mon enfance et qui sont comme neuves. Toutes les peurs oubliées sont de nouveau là. »

« Mais dehors, dehors tout est sans mesure. Et lorsque le niveau monte au dehors, il s’élève aussi en toi, non pas dans les vases qui sont en partie en ton pouvoir, ou dans le flegme de tes organes les plus impassibles : mais il croît dans les vaisseaux capillaires, aspiré vers en haut jusque dans les derniers embranchements de ton existence infiniment ramifiée. C’est là qu’il monte, c’est là qu’il déborde de toi, plus haut que ta respiration, et, dernier recours, tu te réfugies comme sur la pointe de ton haleine.
Tu étais là, et ces choses à peine mesurables : un sentiment qui montait d’un demi-degré, l’angle de réfraction d’une volonté aggravée d’un poids à peine sensible, cet angle que tu devais lire de tout près, le léger obscurcissement d’une goutte de désir et cette ombre d’un changement de couleur dans un atome de confiance, – cela, il fallut que tu l’établisses et que tu le retinsses ; car c’est en de tels phénomènes qu’était à présent la vie, notre vie, qui s’était glissée en nous, qui s’était retirée vers l’intérieur. »

Rainer Maria Rilke, Les Cahiers de Malte Laurids Brigge

 

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Le réel

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« Je m’étonne quelquefois de la facilité avec laquelle j’abandonne tout ce que j’attendais, pour le réel, même lorsqu’il est pire. »

« J’ai succombé à ces tentations et il en est résulté certaines transformations, sinon de mon caractère, du moins de ma conception générale de la vie, et dans tous les cas de ma vie elle-même. Une compréhension très différente de toutes choses s’est formée en moi sous ces influences ; certaines différences existent qui me séparent des hommes plus que toutes mes expériences antérieures. Un monde transformé. »

Rainer Maria Rilke, Les Cahiers de Malte Laurids Brigge

 

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Le moindre mouvement, et déjà le regard plonge au delà des choses connues et amies

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« Voici que tu t’es repris en toi, que tu te sens prendre fin dans tes mains et que, d’un mouvement mal précisé, tu retraces de temps en temps le contour de ton visage. Et il n’y a presque pas d’espace en toi ; et tu te calmes presque à la pensée qu’il est impossible que quelque chose de trop grand puisse se tenir dans cette étroitesse ; et que l’inouï même doit devenir intérieur et s’adapter aux circonstances. »

« Les hommes voudraient pouvoir en oublier beaucoup ; leur sommeil lime doucement ces sillons du cerveau, mais des rêves le repoussent et en retracent le dessin. Et ils s’éveillent, haletants, et laissent se fondre dans l’obscurité la lueur d’une chandelle, et boivent comme de l’eau sucrée cette demi-clarté à peine calmante. Car, hélas, sur quelle arête se tient cette sécurité ? Le moindre mouvement, et déjà le regard plonge au delà des choses connues et amies, et le contour, tout à l’heure consolateur, se précise comme un rebord de terreur. »

Rainer Maria Rilke, Les Cahiers de Malte Laurids Brigge

 

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Le temps des hommes libres était terminé

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« Il fuma quatre pipes en silence, se gorgeant de fumée noire, puis passa le bambou à Julien. Enfin apaisé, il parla. Ses phrases étaient entrecoupées de longs silences :

     - Je crois savoir, Julien, pourquoi Résengier est revenu en Indochine.

     - Il se faisait suer en France, sa femme était laide, ses gosses l’empêchaient de dormir.

     - Il a compris que le temps des hommes libres était terminé, en Europe comme en Asie, qu’il faudra vivre entassés les uns sur les autres, sans pouvoir bouger le coude pour ne pas l’entrer dans le ventre du voisin, ni le pied pour ne pas écraser son orteil... le monde des ruminants avec des enclos à l’infini, et des barrières et des censures et des casernes et des gendarmes. Alors il est revenu... »

Jean Lartéguy, Le mal jaune

 

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Les journalistes

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« Le bruit d’une époque disparaît. Il n’y a que son silence qui reste. Comment les journalistes feraient-ils pour le comprendre, eux qui couvrent le silence, eux qui le prennent pour le vide. »

Jean Cocteau, Journal 1942-1945

 

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08/12/2014

Le carrousel de la charité

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« Le carrousel de la charité, cent avions attendant leur tour d’atterrir sous le ciel plombé de l’équateur. La curée ! Un morceau de choix de bons sentiments. Une pièce montée d’altruisme. Un chef-d’œuvre de pâtisserie humanitaire, fourrée d’antiracisme à la crème, nappé d’égalitarisme sucré, lardé de remords à la vanille, avec cette inscription gracieuse festonnée en guirlandes de caramel : mea culpa ! Un gâteau particulièrement écœurant. Chacun voulut être le premier à y mordre. »

Jean Raspail, Le Camp des Saints

 

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Un intense sentiment de culpabilité a continué de le gouverner jusqu’à sa mort

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« Tout en se professant athée, Pasolini a reçu de sa mère profondément catholique une imprégnation religieuse qui va le marquer à jamais. (...) Certains voient en Pasolini un homosexuel affranchi, qui a revendiqué sa différence. Il n’en est rien. Nulle part dans son œuvre, ni dans ses livres ni dans ses films, il ne s’est déclaré ouvertement. Au contraire, un intense sentiment de culpabilité a continué de le gouverner jusqu’à sa mort. Aucune honte chez lui, assurément ; un penchant audacieux à la provocation ; mais provoquer, c’est encore respecter le pouvoir qui énonce l’interdit. La conscience du péché, le défi à la loi parcourent tous ses poèmes et leur donnent un accent où la fierté se mêle à la douleur, par une contradiction inexplicable sans cette composante chrétienne ou christique. (...) Pendant vingt-cinq ans, selon Moravia, de son arrivée à Rome à sa mort, il est allé draguer à la gare centrale de Roma Termini, dans le milieu le plus dur, le plus dangereux des prostitués de la capitale italienne. Pratique à haut risque, qui expose à se faire voler, rosser – ou tuer. (...) Ces diverses circonstances montrent avec éclat comment Pasolini a besoin de se punir des libertés qu’il s’accorde. Au plaisir doit être mêlé le châtiment. Pas d’éros moins libre que celui qui a besoin de se rouler dans les ordures, pas de volupté moins affranchie de l’interdit que celle qui prend pour décor un lugubre environnement de masures et de détritus. »

Dominique Fernandez, Préface aux "Poèmes de jeunesse" de Pasolini

 

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07/12/2014

Un rêve collectif

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« Nous entrons dans une époque où la vie n’est qu’un rêve collectif. Les hommes mènent des destinées parallèles ; chacun ne pense qu’à son individu mais il ne trouve plus pour nourrir cet individu qu’une panade commune, un brouet de plus en plus délayé. Regardez dans un cinéma cette foule qui baigne dans une ombre égale. Ce poisson vient battre, comme dans un aquarium, contre la paroi lumineuse de l’écran, la seule issue pour tous ces égoïsmes, noyés, asphyxiés. L’individu exaspéré, exténué va mourir, et de lui va naître un communisme liquide, inévitable. »

« Il n’y a plus de pierre ; elle coûte trop cher. Cette civilisation, ruinée par de vagues largesses, ne peut rien s’offrir de solide. »

Pierre Drieu la Rochelle, Le Jeune Européen

 

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