07/12/2014
Les artistes contemporains ne sont plus que des animateurs culturels, GO du capitalisme avancé
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« Peu importe qu’ils soient millionnaires ou prolétaires, surcotés ou déclassés, les artistes contemporains ne sont plus que des animateurs culturels, GO du capitalisme avancé, qui gèrent avec d’autres (la chanson pop, le foot business, les "people") les temps libres (morts?) des sociétés post-historiques. Professionnellement parlant, ce sont des agents d’ambiance. Ils chauffent la salle. Dieudo l’électrifie. Naguère, on allait chez les marchands forains voir la femme à barbe à titre de divertissement dominical. Aujourd’hui on va voir en famille des "installations" éphémères, même si elles sont constamment renouvelées. Rien ne les distingue d’un show-room d’Ikea, d’un vie-greniers ou d’un terminal d’aéroport. Elles font partie du mobilier urbain. Il n’y a que les enfants qui s’y reconnaissent. Ils retrouvent un mélange qui leur est familier, fait de mikados géants, de vitrines de Noël, de gagdgets numériques, de formes synthétiques. Quelle différence entre un Miro et un barbouillage d’enfant fixé sur un frigo ? Les aimants et dix millions d’euros. Rien de plus. Tous enfants, tous artistes. »
François-Laurent Balssa, Dieudonné, Molière, et la nullité de l’art contemporain in Eléments, numéro 149
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Une affaire sérieuse
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« Boire ne s'apprend pas : il faut être né avec un foie en acier, et c'est le cas d'Edouard. Néanmoins, il y a quelques trucs : s'enfiler un petit verre d'huile pour graisser les tuyaux avant une beuverie (on me l'a appris à moi aussi : ma mère le tenait d'un vieux prêtre sibérien) et ne pas manger en même temps (on m'a appris le contraire, je livre donc le conseil avec circonspection). Fort des ces dons innés et de cette technique, Edouard peut descendre un litre de vodka à l'heure, à raison d'un grand verre de 250 grammes tous les quart d'heure. Ce talent de société lui permet d'épater jusqu'aux Azéris qui viennent de Bakou vendre des oranges sur le marché et gagner des paris qui lui font de l'argent de poche. Il lui permet aussi de tenir ces marathons d'ivrognerie que les Russes appellent zapoï.
Zapoï est une affaire sérieuse, pas une cuite d'un soir qu'on paye, comme chez nous, d'une gueule de bois le lendemain. Zapoï c'est rester plusieurs jours sans dessoûler, errer d'un lieu à l'autre, monter dans des trains sans savoir où ils vont, confier ses secrets les plus intimes à des rencontres de hasard, oublier tout ce qu'on a dit et fait : une sorte de voyage. »
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Vous êtes immigré et sans domicile ?
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06/12/2014
Des lascars...
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Conformisme
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Vous êtes immigré et sans domicile ?
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05/12/2014
Nous avons tout sauvé
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« Les vraies amours sont toujours déchirantes ; les autres ne sont qu’ennui, plaisir hideux, mensonge et haine. Les vraies amours sont les amours impossibles, nous ne vivrons jamais ce que nous rêvions.
N’importe qui croirait que nous avons tout perdu, mais nous, nous savons que nous avons tout sauvé. »
Jean-René Huguenin, Journal
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Le déprécatoire du vaincu
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« "Je vais me tuer" Il ne savait pas que l’idée qui entrait en lui, c’était l’idée de vengeance. Le suicide, c’est la vengeance antique, éternelle, le déprécatoire du vaincu qui rejette son sang sur le vainqueur. »
Pierre Drieu la Rochelle, Gilles
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La solitude et les femmes
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« Aimant à la fois la solitude et les femmes, il semblait voué aux filles qui ne dérangeaient pas sa solitude. »
Pierre Drieu la Rochelle, Gilles
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Le terreau "culturel" qui recouvre la ville est plus épais et insondable encore
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« À Rome, tout est alluvion, et tout est allusion. Les dépôts matériels des siècles successifs non seulement se recouvrent, mais s’imbriquent, s’entre-pénètrent, se restructurent et se contaminent les uns les autres : on dirait qu’il n’y a pas de tuf originel, pas plus qu’il n’y a de couche réellement primitive dans la géologie de notre sous-sol. Et tout est allusion : le terreau "culturel" qui recouvre la ville est plus épais et insondable encore : le Forum, le Capitole, et tout ce qui s’ensuit, sont ensevelis sous les mots plus encore que sous les terres rapportées. Aucune ville n’a jamais fléchi sous le poids d’un volume aussi écrasant de "Considérations" (principalement sur la grandeur et la décadence). »
Julien Gracq, Autour des sept collines
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Libres de vivre comme ils veulent et que, par surcroît, tous les espoirs, même les plus fous, leur sont permis
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« Il y a surtout une chose qui ne ment pas. C’est la statue de la Liberté, et chacun s’en apperçoit dès qu’il en a fini avec les formalités tatillonnes de l’Immigration. Si elles sont tatillonnes, c’est qu’en effet, une fois cette barrière franchie, vous jouirez, dans le pays le plus vaste et le plus riche de la terre, d’une liberté que rien ne viendra plus entraver. Dès que vous aurez plongé dans la foule, personne, désormais, ne s’occupera de vous, à moins que vous n’enfreignez les lois. J’ai parcouru plus de cinq mille kilomètres et je n’ai apperçu qu’une seule fois une de ces fameuses autos de la police que les films nous montrent invariablement. Jamais une seule ne s’est inquiétée de savoir si j’avais mes papiers, ni d’où je venais, ni où j’allais, ni ce que je comptais faire [...]
Mais demandez-leurs ce qu’ils sont. Ils vous répondent, invariablement, même s’ils sont ici de dix ans à peine: - Américains … Parce qu’ils ont gouté à un genre de vie qui, quoi qu’on dise, tient compte plus qu’aucun autre de la dignité de l’homme. Parce qu’ils sont libres, vraiment libres, dans le sens le plus large du mot, libres de penser, de dire et d’écrire ce qu’ils veulent, libres de vivre comme ils veulent et que, par surcroît, tous les espoirs, même les plus fous, leur sont permis.
Parce qu’enfin, ici, on s’efforce de mettre les découvertes de la science et de ce qu’on appelle le progrès, non à la portée d’un petit nombre, mais à la portée de tous, de sorte que l’Américain se sent, dans le vaste monde, un être privilégié. Peut-on lui en vouloir s’il en conçoit quelque orgueil ? »
Georges Simenon, Des phoques aux cocotiers et aux serpents à sonette - L’Amérique en auto, Bradenton Beach, Floride, 3 novembre 1946
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04/12/2014
Si on réclame un peu de silence, on passe pour un fou
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« Nous marchons jusqu’à Saint-Germain, puis revenons au carrefour de l’Odéon pour aller voir "Hollywood" à l’U. G. C. Comme d’habitude avec le public de ces films commerciaux, des gens, devant et derrière nous, parlent tout haut du début à la fin, sans discontinuer. Pendant le générique il est inutile de songer à protester, car chacun pense alors avoir le droit de faire autant de bruit qu’il le souhaite ; mais même plus tard, si on réclame un peu de silence, on passe pour un fou. D’ailleurs il n’y a que Louis II de Bavière qui ait compris le principe des spectacles. il faut disposer pour soi seul (et pour deux ou trois amis sûrs, si on le souhaite) d’une salle d’opéra, d’une salle de concerts, d’une salle de théâtre et d’une salle de cinéma - on peut à la rigueur, par souci d’économie, réunir ces quatre fonctions en un seul édifice. »
Renaud Camus, Journal de Travers I
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Une société-troupeau
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« L’audiovisuel engendre des comportements grégaires et non, contrairement à une légende, des comportements individuels. Dire que nous vivons dans une société individualiste est un mensonge patent, un leurre extraordinairement faux (...). Nous vivons dans une société-troupeau, comme le comprit et l’anticipa Nietzsche. »
Bernard Stiegler, Aimer, s’aimer, nous aimer. Du 11 septembre au 21 avril
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L’expérience des poètes et des mystiques
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« Déjà, la nuit se perd. Nous ne pouvons même plus savoir ce qu’elle a été. Il n’y a plus en France, sauf en Lozère peut-être, un seul endroit assez éloigné des villes et du faisceau de leurs lumières pour que la nuit y soit encore ce qu’elle a été dans l’expérience des poètes et des mystiques, et pour que les étoiles soient lisibles comme elles l’ont été pour toutes les générations avant nous. La Voie lactée a presque disparu. Dans les cités où vivent la grande majorité d’entre nous, on n’a plus aucune idée de ce que pouvaient être les constellations. Le ciel est lettre morte. Dans un monde sans absence, sans écart avec lui-même, constamment éclairé, sans frontière, sans ailleurs, sans étrangèreté, pareil au même, c’est toute la grande lyrique occidentale, mais universelle aussi bien, qui s’effondre et dont la haute consolation perd avec tout référent toute portée. Tout se passe comme s’il n’y avait pour l’homme, sur la terre, qu’une quantité constante d’humanité ; et plus l’homme est nombreux moins il s’en trouve pour chacun, moins il a lieu, matière, espace et raison d’être homme. »
Renaud Camus, Du sens
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Les lucioles
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« Au début des années soixante, à cause de la pollution atmosphérique et, surtout, à la campagne, à cause de la pollution de l’eau (les fleuves d’azur et les canaux limpides), les lucioles ont commencé à disparaître. Cela a été un phénomène foudroyant et fulgurant. Après quelques années, il n’y avait plus de lucioles. (Aujourd’hui, elles ne sont plus qu’un souvenir déchirant du passé : un homme âgé qui a un tel souvenir ne peut pas retrouver sa propre jeunesse dans les jeunes d’aujourd’hui, et ne peut donc même plus éprouver les beaux regrets de ce qui était autrefois.) »
Pier_Paolo_Pasolini, Ecrits Corsaires
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03/12/2014
On ne peut dire qu’une chose : Je suis seul
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« Je suis allé dans les rues comme un exilé, moi l’homme ordinaire, moi qui ressemble tant, moi qui ressemble trop, à tous. J’ai parcouru les rues, j’ai traversé les places, les yeux fixés sur ce qui m’échappe. J’ai l’air de marcher ; mais il semble que je tombe, de rêve en rêve, de désir en désir... Une porte entr’ouverte, une fenêtre ouverte, d’autres qui s’orangent doucement sur les façades bleuies par le soir, m’angoissent... Une passante me frôle : une femme qui ne me dit rien de ce qu’elle aurait à me dire... C’est à la tragédie d’elle et de moi que je songe. Elle est entrée dans une maison ; elle a disparu ; elle est morte. »
« On ne meurt pas… Chaque être est seul au monde. Cela paraît absurde, contradictoire, d’énoncer une phrase pareille. Et pourtant, il en est ainsi... Mais il y a plusieurs êtres comme moi... Non, on ne peut pas dire cela. Pour dire cela, on se place à côté de la vérité en une sorte d’abstraction. On ne peut dire qu’une chose : Je suis seul. Et c’est pour cela qu’on ne meurt pas. »
Henri Barbusse, L'Enfer
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Une angoisse, une blessure commençante m’étreint les entrailles...
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« Je ne peux pas sortir de ma pensée. Je n’ai pas le droit de le faire sans faute et sans mensonge. Je ne peux pas. J’ai beau essayer de me débattre comme pour m’envoler de moi. Je ne peux pas accorder au monde d’autre réalité que celle de mon imagination. Je crois en moi et je suis seul, puisque je ne peux pas sortir de moi. Comment imaginer sans folie que je puisse sortir de moi-même ? Comment imaginer sans folie que je ne sois pas seul ? »
« Une angoisse, une blessure commençante m’étreint les entrailles... Puis voici qu’un cri monte en moi, un cri lucide, conscient et inoubliable comme un accord sublime de toute la musique : "Non !" »
« Je me suis levé, ce matin, rompu de lassitude. Je suis inquiet ; j’ai une douleur sourde à la face ; mes yeux, alors que je me considérais à la glace, me sont apparus sanguinolents, comme si je regardais à travers du sang. Je marche et je me meus difficilement, à demi paralysé. Je commence à être puni dans ma chair des longues heures où je reste étendu le long de ce mur, la face au trou. Et cela grandit. »
Henri Barbusse, L'Enfer
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Les mignons du Roi Misère
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« Soldats gratuits, héros pour tout le monde et singes parlants, mots qui souffrent, on est nous les mignons du Roi Misère. C’est lui qui nous possède ! Quand on est pas sages, il serre... On a ses doigts autour du cou, toujours, ça gêne pour parler, faut faire bien attention si on tient à pouvoir manger... Pour des riens, il vous étrangle... C’est pas une vie... »
Louis-Ferdinand Céline, Voyage au bout de la nuit
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La civilisation moderne
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« On ne comprend absolument rien à la civilisation moderne si on n’admet pas d’abord qu’elle est une conspiration universelle contre toute espèce de vie intérieure. Hélas ! la liberté n’est pourtant qu’en vous, imbéciles ! »
Georges Bernanos, La France contre les robots
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02/12/2014
Il ne se laissait pas prendre par le courant...
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« Je pense à Camus : j'ai à peine connu Camus. Je lui ai parlé une fois, deux fois. Pourtant, sa mort laisse en moi un vide énorme. Nous avions tellement besoin de ce juste. Il était, tout naturellement, dans la vérité. Il ne se laissait pas prendre par le courant ; il n'était pas une girouette ; il pouvait être un point de repère. »
Eugène Ionesco, Notes et Contre-Notes
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01/12/2014
Tout ce qui en moi était bon s’est mis à vibrer dans mon cœur à ce moment précis
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« Sans échanger un mot on est arrivé à Pacific Palissades, ou les falaises surplombent le mer de très haut. Le vent froid nous faisait dévier, la guimbarde en chancelait. D’en bas montait la fureur de la mer. Au large on voyait des bancs de brouillard ramper lentement vers le littoral comme une armée de fantômes. En dessous de nous les brisants cognaient à poings blancs contre le rivage. Ensuite ils battaient en retraite et revenaient cogner. A chaque retrait la plage se fendait d’un sourire de plus en plus large. On a descendu la route en spirale ; on l’a descendu en seconde. On aurait dit que la chaussée noire transpirait, avec toutes ces langues de brouillard qui la léchaient. L’air était si propre. On respirait ça à pleins poumons et cela faisait rudement du bien. »
« Il était trois heures du matin à peu près. Un matin incomparable : Le bleu et le blanc des étoiles et du ciel étaient comme les couleurs du désert et je me suis arrêté pour les regarder tellement elles étaient douces et émouvantes ; à se demander comment s’était possible, pareille beauté. Pas une seule fronde ne bougeait dans les palmiers sales. On n’entendait pas un bruit.
Tout ce qui en moi était bon s’est mis à vibrer dans mon cœur à ce moment précis. Tout ce que j’avais jamais espéré de l’existence et de son sens profond, obscur. C’était ça, le mutisme absolu, la placidité opaque de la nature complètement indifférente à la grande ville, le désert sous les rues et la chaussée ; et, encerclant ces rues, le désert a qui n’attendait que la mort de la ville pour la recouvrir de ses sables éternels. J’étais soudain investit d’une terrible compréhension, celle du pourquoi des hommes et de leur destin pathétique. Le désert serait toujours là, blanc, patient, comme un animal à attendre que les hommes meurent, que les civilisations s’éteignent et retournent à l’obscurité. Les hommes étaient bien braves, si c’était ça, et j’étais fier d’en faire partie. »
John Fante, Demande à la poussière
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Mourir, c’était la tâche suprême
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« Tout ce qui en moi était bon s’est mis à vibrer dans mon coeur à ce moment précis, tout ce que j’avais jamais espéré de l’existence et de son sens profond, obscur. C’était ça, le mutisme absolu, la placidité opaque de la nature complètement indifférente à la grande ville, le désert sous les rues et la chaussée ; et, encerclant ces rues, le désert qui n’attendait que la mort de la ville pour la recouvrir de ses sables éternels. J’étais soudain investi d’une terrible compréhension, celle du pourquoi des hommes et de leur destin pathétique. Le désert serait toujours là, blanc, patient, comme un animal à attendre que les hommes meurent, que les civilisations, s’éteignent et retournent à l’obscurité. Les hommes étaient bien braves, si c’était ça, et j’étais fier d’en faire partie. Tout le mal de par le monde n’était donc pas mauvais en soi, mais inévitable et bénéfique ; il faisait partie de cette lutte éternelle pour contenir le désert. [...] et ce soir dans cette cité de fenêtres éteintes il s’en trouvait des millions comme lui et comme moi, aussi impossibles à différencier que des brin d’herbe mourante. C’était déjà assez dur comme ça de vivre, mais mourir, c’était la tâche suprême. »
John Fante, Demande à la poussière
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Le premier poème et la première peinture
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« De même, voulez-vous savoir quels ont été le premier poème et la première peinture ? Il est facile de le dire. Ce furent le premier lever du soleil au sortir du chaos, le premier murmure de la mer en s’informant de ses rivages, le premier frémissement des forêts au toucher de la lumière immaculée ; ce fut aussi l’écho de la parole encore vibrante de la création. Voilà la première poésie, le premier tableau dans lesquels a été peint l’Éternel. Nul peuple n’était encore dans le monde, l’idée d’art était déjà complète. »
Edgar Quinet, Génie dans l’Art
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J’ai vu, dans le fond de mon âme, le désespoir naître et croître et déborder
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« Partout, j’ai vu, dans le fond de mon âme, le désespoir naître et croître et déborder jusqu’à enfermer le limon de mes jours et l’algue de mes rives de sa rive infinie. Où es-tu donc, roi des morts ? Pour te chercher, j’use la plante de mes pieds ; j’ai fouillé, comme le vautour, dans la cendre des villes et sous le manteau des morts. La mer ressemble au bleu de ta tunique ; je t’ai cherché dans le creux de la mer. Rome, qui sue le sang, ressemble, avec ses murs, à ta couronne d’épines ; je t’ai cherché dans Rome. Le désert qui blanchit ressemble à ton suaire ; je t’ai cherché dans le désert. J’ai demandé aux femmes qui filent leurs quenouilles, aux enfants qui mangeaient leur pain d’orge sur la porte, aux gardeurs de cavales qui cordaient leur chanvre dans les bois : "l’avez-vous vu passer ?" où es-tu donc, roi des morts ? »
Edgar Quinet, Ahasvérus
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La soif infinie qui me dévore
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« J’aurais besoin de quelque chose de plus réel. Un vague désolant m’entoure ; je suis devenu l’écho de toutes les mélancolies des lieux où je passe. L’herbe fauve, le vent d’hiver, la feuille tombée, tout retentit, tout crie avec désespoir dans mon cœur.
(...) Laissez là, de grâce, ces mots vides. Pour me rendre le repos, c’est une religion nouvelle qu’il me faudrait, où personne n’aurait encore puisé. C’est elle que je cherche. C’est là seulement que je pourrai abreuver la soif infinie qui me dévore. »
Edgar Quinet, Ahasvérus
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