14/04/2014
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13/04/2014
Ils n’avaient pas de paupières
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« Tout à coup je m’aperçus avec horreur qu’ils n’avaient pas de paupières. J’avais déjà vu des soldats sans paupières, sous le hall de la gare de Minsk, quelques jours plus tôt, à mon retour de Smolensk. Le froid terrible cet hiver-là avait produit les cas les plus étranges. Des milliers et des milliers de soldats avaient perdu les membres; le gel avait fait tomber par milliers et par milliers des oreilles, des nez, des doigts, des organes génitaux. Beaucoup avaient perdu tous leurs cheveux. On avait vu des soldats devenir chauves en une nuit, d’autres perdre leurs cheveux par plaque, comme des teigneux. Beaucoup avaient perdu les paupières. Brûlée par le froid, la paupière se détachait comme un morceau de peau morte. J’observais avec horreur, à Varsovie, les yeux de ces pauvres soldats du Café Europeiski, cette pupille qui se dilatait et se resserrait au milieu d’un œil écarquillé et fixe, dans un vain effort fait pour éviter la lumière. Je pensais que ces malheureux dormaient les yeux grands ouverts dans le noir, que leur paupière était la nuit, que c’était, les yeux écarquillés et fixes, qu’ils traversaient le jour pour s’en venir à la rencontre de la nuit; qu’ils s’asseyaient au soleil en attendant que l’ombre nocturne descendît sur leurs yeux comme une paupière, que leur destin, c’était la folie, que, seule, la folie donnerait un peu d’ombre à leurs yeux sans paupières. »
Curzio Malaparte, Kaputt
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L'argent des autres...
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Le besoin de surpasser la nature
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« Quant au noir artificiel qui cerne l’oeil et au rouge qui marque la partie supérieure, bien que l’usage en soit tiré du même principe, du besoin de surpasser la nature, le résultat est fait pour satisfaire à un besoin tout opposé. Le rouge et le noir représentent la vie, une vie surnaturelle et excessive ; ce cadre noir rend le regard plus profond et plus singulier, donne à l’oeil une apparence plus décidée de fenêtre ouverte sur l’infini ; le rouge, qui enflamme la pommette, augmente encore la clarté de la prunelle, et ajoute à un beau visage féminin la passion mystérieuse de la prêtresse. »
Charles Baudelaire, Eloge du maquillage
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À une heure du matin
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« ENFIN ! seul ! On n'entend plus que le roulement de quelques fiacres attardés et éreintés. Pendant quelques heures, nous posséderons le silence, sinon le repos. Enfin! la tyrannie de la face humaine a disparu, et je ne souffrirai plus que par moi-même. Enfin ! il m'est donc permis de me délasser dans un bain de ténèbres! D'abord, un double tour à la serrure. Il me semble que ce tour de clef augmentera ma solitude et fortifiera les barricades qui me séparent actuellement du monde. Horrible vie ! Horrible ville !
Récapitulons la journée : avoir vu plusieurs hommes de lettres, dont l'un m'a demandé si l'on pouvait aller en Russie par voie de terre (il prenait sans doute la Russie pour une île) ; avoir disputé généreusement contre le directeur d'une revue, qui à chaque objection répondait : "C'est ici le parti des honnêtes gens", ce qui implique que tous les autres journaux sont rédigés par des coquins ; avoir salué une vingtaine de personnes, dont quinze me sont inconnues ; avoir distribué des poignées de main dans la même proportion, et cela sans avoir pris la précaution d'acheter des gants ; être monté pour tuer le temps, pendant une averse, chez une sauteuse qui m'a prié de lui dessiner un costume de Vénustre ; avoir fait ma cour à un directeur de théâtre, qui m'a dit en me congédiant : "- Vous feriez peut-être bien de vous adresser à Z... ; c'est le plus lourd, le plus sot et le plus célèbre de tous mes auteurs, avec lui vous pourriez peut-être aboutir à quelque chose. Voyez-le, et puis nous verrons" ; m'être vanté (pourquoi ?) de plusieurs vilaines actions que je n'ai jamais commises, et avoir lâchement nié quelques autres méfaits que j'ai accomplis avec joie, délit de fanfaronnade, crime de respect humain ; avoir refusé à un ami un service facile, et donné une recommandation écrite à un parfait drôle ; ouf ! est-ce bien fini ?
Mécontent de tous et mécontent de moi, je voudrais bien me racheter et m'enorgueillir un peu dans le silence et la solitude de la nuit. Âmes de ceux que j'ai aimés, âmes de ceux que j'ai chantés, fortifiez-moi, soutenez-moi, éloignez de moi le mensonge et les vapeurs corruptrices du monde, et vous, Seigneur mon Dieu ! accordez-moi la grâce de produire quelques beaux vers qui me prouvent à moi-même que je ne suis pas le dernier des hommes, que je ne suis pas inférieur à ceux que je méprise ! »
Charles Baudelaire, Le Spleen de Paris ou Petits poèmes en prose
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Les allocs des autres...
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11/04/2014
Un rapport obsessionnel au corps, à la chair, au sexe
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« Le Voile, c’est un rapport obsessionnel au corps, à la chair, au sexe. Le voile, c’est le contrôle de la sexualité des femmes. Ne soyons pas assez naïfs pour croire que le Hijab serait acceptable, voire progressiste alors que la Burqa serait rétrograde et inacceptable. La différence entre les deux ne tient qu’à la taille du tissu. La signification reste la même : la manifestation archaïque de l’oppression et de la soumission des femmes. Ces femmes prétendent qu’elles se voilent pour ne pas attirer le regard des hommes et réveiller leurs pulsions. Cette conception qui considère la femme comme une "tentatrice inassouvie" et l’homme comme un "perpétuel prédateur" est totalement infantile et primaire.
Je n’ai pas honte d’être née femme. Je n’ai pas à m’en excuser. Je n’ai pas à m’en cacher. Les Islamistes rendent les femmes coupables de leurs désirs, de leurs misères et de leurs frustrations sexuelles. Ce sont des malades du sexe. La haine et la soumission des femmes cristallisent leur idéologie. Il ne peut y avoir des femmes libres et émancipées dans un Etat islamique, ni d’hommes d’ailleurs. Engels avait raison de dire que "le degré d’émancipation de la femme est la mesure du degré d’émancipation générale".
Il n’y a que dans les pays qui chosifient les femmes que la chair devient l’objet de fantasmes permanents, que la misère sexuelle s’installe et que des névroses et démences collectives se développent, allant même jusqu’à autoriser le "mariage provisoire" ou "mariage de plaisir", véritable couverture religieuse à la prostitution. »
Djemila Benhabib, Ma vie à contre-Coran
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10/04/2014
Imbus des mêmes droits, les peuples courront aux mêmes buts
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« C’est la même clarté indépendante des sentiments nationaux qui nous manifeste qu’une des misères du monde tient aux ambitions indignes du patriotisme germain à qui l’égalitarisme international a tourné la tête. Ce dogme de l’égalité des nations est la cause de l’anarchie européenne. On multiplie l’égoïsme et les jalousies quand on donne des noms divins aux vulgaires passions de la nature et de l’histoire.
Ainsi divinisés et sacrés, supposés égaux, identiques pour tous les peuples, les patriotismes voudront apparaître de plus en plus irréductibles. Ils seront estimés plus purs à proportion qu’ils se montreront plus farouches. Ils le diront et le croiront, et il s’en suivra de leur part une difficulté croissante à entrer dans aucune considération ni combinaison internationale modérée ou sensée. Mais aussi qu’arrivera-t-il ? On verra s’aggraver ce qu’a vu la planète depuis la Révolution : imbus des mêmes droits, les peuples courront aux mêmes buts, afficheront les mêmes visées et se rueront aux mêmes tueries, pour les mêmes mirages. »
Charles Maurras, Le Pape, la guerre et la paix (1917)
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Il n’eût fallu que quelques circonstances favorables pour que les bretons de France fussent devenus protestants, comme leurs frères les Gallois d’Angleterre
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« La religion est la forme sous laquelle les races celtiques dissimulent leur soif d’idéal ; mais l’on se trompe tout à fait quand on croit que la religion est pour elles une chaîne, un assujettissement. Aucune race n’a le sentiment religieux plus indépendant. Ce n’est qu’à partir du XIIe siècle, et par suite de l’appui que les Normands de France donnèrent au siège de Rome, que le christianisme breton fut entraîné bien nettement dans le courant de la catholicité. Il n’eût fallu que quelques circonstances favorables pour que les bretons de France fussent devenus protestants, comme leurs frères les Gallois d’Angleterre. Au XVIIe siècle, notre Bretagne française fut tout à fait conquise par les habitudes jésuitiques et le genre de piété du reste du monde. Jusque-là, la religion y avait eu un cachet absolument à part.
C’est surtout par le culte des saints qu’elle était caractérisée. Entre tant de particularités que la Bretagne possède en propre, l’hagiographie locale est sûrement la plus singulière. Quand on visite à pied le pays, une chose frappe au premier coup d’œil. Les églises paroissiales, où se fait le culte du dimanche, ne diffèrent pas essentiellement de celles des autres pays. Que si l’on parcourt la campagne, au contraire, on rencontre souvent dans une seule paroisse jusqu’à dix et quinze chapelles, petites maisonnettes n’ayant le plus souvent qu’une porte et une fenêtre, et dédiées à un saint dont on n’a jamais entendu parler dans le reste de la chrétienté. Ces saints locaux, que l’on compte par centaines, sont tous du Ve ou du VIe siècle, c’est-à-dire de l’époque de l’émigration ; ce sont des personnages ayant pour la plupart réellement existé, mais que la légende a entourés du plus brillant réseau de fables. Ces fables, d’une naïveté sans pareille, vrai trésor de mythologie celtique et d’imaginations populaires, n’ont jamais été complètement écrites. Les recueils édifiants faits par les bénédictins et les jésuites, même le naïf et curieux écrit d’Albert Legrand, dominicain de Morlaix, n’en présentent qu’une faible partie. Loin d’encourager ces vieilles dévotions populaires, le clergé ne fait que les tolérer ; s’il le pouvait, il les supprimerait. Il sent bien que c’est là le reste d’un autre monde, d’un monde peu orthodoxe. On vient, une fois par an, dire la messe dans ces chapelles ; les saints auxquels elles sont dédiées sont trop maîtres du pays pour qu’on songe à les chasser ; mais on ne parle guère d’eux à la paroisse. Le clergé laisse le peuple visiter ces petits sanctuaires selon les rites antiques, y venir demander la guérison de telle ou telle maladie, y pratiquer ses cultes bizarres ; il feint de l’ignorer. Où donc est caché le trésor de ces vieilles histoires ? Dans la mémoire du peuple. »
Ernest Renan, Souvenirs d'enfance et de jeunesse
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Un poète ne se conquiert pas sur l'informe, mais sur les formes qu'il admire
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« Rimbaud ne commence pas par écrire du Rimbaud informe mais du Banville ; de même, si nous changeons le nom de Banville pour Mallarmé, Baudelaire, Nerval, Victor Hugo. Un poète ne se conquiert pas sur l'informe, mais sur les formes qu'il admire. Un romancier aussi. […] La création n'est pas le prix d'une victoire sur la vie, mais sur le monde de l'écrit dont il est habité. »
André Malraux, L'homme précaire et la littérature
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Les maisons sont attaquées à coups de hache, on y met le feu
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« Les rues de Sétif sont encore en proie au massacre que déjà des émissaires gagnent le bled en taxi pour y annoncer le déclenchement de la révolte. A Sillègue, un musulman avertit à temps l’adjoint spécial qui va prendre son revolver. L’émeute éclate partout dans la localité et les habitants n’ont qu’une ressource : se barricader chez eux. Le pillage commence. Les maisons sont attaquées à coups de hache, on y met le feu. L’affaire dure des heures. Trois morts sont découverts, affreusement mutilés. Des femmes sont violées.
Sur la route, près d’El-Ouricia, l’abbé Navaro, aumônier militaire, circule à motocyclette. Une balle de revolver le fait tomber. Horriblement mutilé, il succombe à ses blessures. Aux Amouchas, l’administrateur Rousseau et son adjoint, ainsi qu’un gérant de ferme, sont assassinés.
A Ain-Abessa, un millier de musulmans attaquent le village. A Lafayette, les émeutiers envahissent les maisons particulières, les pillent. Les habitants se défendent comme ils peuvent, parfois aidés par leurs employés musulmans. On compte trois morts parmi les Israélites, dont un garçon de 15 ans, Roland Lévy. Seul chez ses parents, il a entendu des coups de feu et s’est réfugié chez la domestique de sa mère, une Mauresque qui l’a roulé dans un pardessus et caché sous une table. Les émeutiers se sont présentés. Ils ont fouillé minutieusement tous les endroits où pouvaient se cacher des Français. La Mauresque qui leur barrait la route a été brutalement frappée. Deux hommes ont découvert l’enfant, et, malgré ses cris, l’ont tué de deux coups de fusil...
Au centre de colonisation de Périgotville on comptera 14 morts dont deux tirailleurs français, Hartman et Poissonnet. 40 fusils, 10000 cartouches sont volés au bordj administratif !
Voici un rapport officiel : "…Un des forcenés, un tailleur de Périgotville, Ben Mihoub Raoues, mettant en joue le receveur des postes avec un fusil volé à la commune, l’abattit froidement, malgré les supplications de Mme Sambin qui, un bébé dans les bras, tentait, mais en vain, d’apitoyer le bandit. La cave était pleine d’émeutiers, la malheureuse mère ne put voir ce qui se passait un peu plus loin, mais soudain elle entendit cinq coups de feu. C’était son fils Pierre, âgé de 11 ans, qui tombait sous les balles d’un autre assassin, Guerfi Mohammed.
Bien qu’atteint de 5 projectiles à la poitrine, l’enfant eut la force de se traîner chez un voisin et de dénoncer celui qui avait tiré sur lui. Il le connaissait bien, c’était l’écrivain public du village qu’il voyait chaque jour devant la poste." (Acte d’accusation des assaillants du bureau de poste de Périgotville.)
Le village de Chevreul a été fondé en 1898. Les terres y sont de bonne qualité. Quatre gendarmes à cheval veillent sur l’ordre. Ici, on ignore les événements de Sétif et on danse pour fêter la Victoire. Aux premières heures du 9 mai, on entend des coups de feu, des jets de pierres sur les maisons. Quelques habitants organisent une patrouille mais ne découvrent rien. Au petit jour, lors d’une deuxième ronde, ils constatent, près d’une maison cantonnière, que les fils téléphoniques sont coupés.
Entendant arriver les émeutiers, M. Grousset, sa femme et sa fille tentent de se réfugier dans l’habitation d’un de leurs ouvriers musulmans. Ils n’y parviennent pas et se cachent dans un bosquet où ils sont découverts. M. Grousset, qui est sans arme, supplie qu’on épargne les siens. On lui lie les mains, on l’assomme à coups de bâton, on l’achève à coups de feu. Les deux femmes sont violées par une centaine d’hommes et ramenées chez elles avant d’être achevées à leur tour.
A 7 heures du matin, plus de 3000 musulmans se précipitent sur Chevreul et assiègent la gendarmerie. Il n’y a que 12 hommes armés à l’intérieur, y compris les gendarmes. La porte est enfoncée, le vestibule envahi. Femmes et enfants se réfugient au premier étage. C’est presque le corps à corps. Soudain, on ne sait pour quelle raison, les assiégeants se retirent. Puis ils reviennent apportant du fourrage, ils répandent de l’essence dessus et y mettent le feu. De la gendarmerie on entend les hurlements des Français qui n’ont pas pu se mettre à l’abri, les you-you des femmes musulmanes qui excitent les émeutiers. A la chapelle les statues sont décapitées, l’autel saccagé. Une femme de 83 ans est violée... »
Claude Paillat, Le guêpier
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09/04/2014
Les manquements de la conscience humaine, privée de sa dimension divine
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« Les manquements de la conscience humaine, privée de sa dimension divine, ont constitué un facteur déterminant dans tous les grands crimes de ce siècle. Le premier a été la Première Guerre mondiale, puisqu’une bonne partie de notre situation actuelle en découle. Cette guerre (…) a eut lieu quand l’Europe, débordante de santé et de richesse, est tombée dans une folie d’automutilation qui ne pouvait que ruiner sa force pour un siècle ou plus, et peut-être pour toujours. La seule explication possible à ce phénomène est une éclipse spirituelle chez les dirigeants de l’Europe, qui avaient perdu la conscience d’une Suprême Puissance au dessus de leur tête (…). Seule la perte de cette intuition supérieure émanant de Dieu a pu permettre à l’Occident d’accepter calmement, après la Première Guerre mondiale, l’agonie prolongée de la Russie, mise en pièces par une bande de cannibales (…). L’Occident n’a pas compris que c’était en fait le commencement d’un processus durable qui annonçait un désastre pour le monde entier. »
Alexandre Soljénitsyne, Men have forgotten God, National Review, juillet 1983
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Les piliers de l'ordre bourgeois
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« De nombreux militants de gauche s'insurgent encore contre la famille autoritaire, le moralisme anti sexuel, la censure littéraire, la morale du travail et autres piliers de l'ordre bourgeois, alors que ceux-ci ont déjà été sapés ou détruits par le capitalisme avancé. Ces radicaux ne voient pas que la personnalité autoritaire n'est plus le prototype de l'homme économique. Ce dernier a lui-même cédé la place à l'homme psychologique de notre temps -dernier avatar de l'individualisme bourgeois. »
Christopher Lasch, La culture du narcissisme
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Il est fatal et légitime que la prépondérance intellectuelle appartienne à celui qui possède la prépondérance économique
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« En 1914, à la veille de la guerre, Barrès revenait d’un voyage au Proche Orient. Partout, il y avait admiré nos instituts et nos écoles prospères encore, mais les maîtres allaient manquer puisque les noviciats étaient interdits en France. Barrès alla donc trouver Jaurès : "Monsieur Jaurès, lui dis-je, je viens d’aller par terre de Beyrouth à Constantinople, après un arrêt à Alexandrie. Précédemment, j’avais visité la Grèce et l’Egypte. Savez-vous à quel point, dans tous ces pays, c’est notre esprit qui domine ?" Mais faute de recrutement, ces écoles étaient menacées de ruine. Il fallait que Jaurès aidât Barrès à rouvrir les noviciats de France, sinon l’Allemagne, dont la situation économique dans le Levant l’emportait déjà sur la nôtre, se substituerait à nous.
La réponse de Jaurès fût étonnante : "Monsieur Barrès, il est fatal et légitime que la prépondérance intellectuelle appartienne à celui qui possède la prépondérance économique. Je ne m’associerais pas à votre campagne." »
François Mauriac, Bloc-notes 1952-1957
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08/04/2014
L'Etat contrôle...
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Il fallait nécessairement que l’Allemagne étendît l’aire de son système économique
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« La guerre pouvait ne pas éclater en septembre 1939, mais il fallait nécessairement que l’Allemagne étendît l’aire de son système économique, système auquel elle ne pouvait renoncer puisqu’il lui avait permis de rappeler à la vie active des millions d’hommes auparavant condamnés à la dégradation du chômage. Cette extension la mettait nécessairement en conflit avec les puissances capitalistes, intéressées à ce que ne se resserrât point le secteur de l’économie capitaliste dans le monde. [...] Si l’on veut remonter aux sources du conflit, on en trouvera l’origine première dans le sauve-qui-peut de 1931, quand on vit les puissances riches uniquement, et d’ailleurs vainement, occupées, sous le choc de la crise, d’assurer leur salut propre, trahissant ainsi en fait le cosmopolitisme qu’elles affirmaient en doctrine. »
Bertrand de Jouvenel, Après la défaite
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07/04/2014
Un pouvoir absolu supprime d’autant plus radicalement l’histoire qu’il a pour ce faire des intérêts ou des obligations plus impérieux
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« La première intention de la domination spectaculaire était de faire disparaître la connaissance historique en général ; et d’abord presque toutes les informations et tous les commentaires raisonnables sur le plus récent passé. Une si flagrante évidence n’a pas besoin d’être expliquée. Le spectacle organise avec maîtrise l’ignorance de ce qui advient et, tout de suite après, l’oubli de ce qui a pu quand même en être connu. Le plus important est le plus caché. Rien, depuis vingt ans, n’a été recouvert de tant de mensonges commandés que l’histoire de mai 1968. D’utiles leçons ont pourtant été tirées de quelques études démystifiées sur ces journées et leurs origines ; mais c’est le secret de l’État.
En France, il y a déjà une dizaine d’années, un président de la République, oublié depuis mais flottant alors à la surface du spectacle, exprimait naïvement la joie qu’il ressentait, "sachant que nous vivrons désormais dans un monde sans mémoire, où, comme sur la surface de l’eau, l’image chasse indéfiniment l’image". C’est en effet commode pour qui est aux affaires ; et sait y rester. La fin de l’histoire est un plaisant repos pour tout pouvoir présent. Elle lui garantit absolument le succès de l’ensemble de ses entreprises, ou du moins le bruit du succès.
Un pouvoir absolu supprime d’autant plus radicalement l’histoire qu’il a pour ce faire des intérêts ou des obligations plus impérieux, et surtout selon qu’il a trouvé de plus ou moins grandes facilités pratiques d’exécution. Ts’in Che-houang-ti a fait brûler les livres, mais il n’a pas réussi à les faire disparaître tous. Staline avait poussé plus loin la réalisation d’un tel projet dans notre siècle mais, malgré les complicités de toutes sortes qu’il a pu trouver hors des frontières de son empire, il restait une vaste zone du monde inaccessible à sa police, où l’on riait de ses impostures. Le spectaculaire intégré a fait mieux, avec de très nouveaux procédés, et en opérant cette fois mondialement. L’ineptie qui se fait respecter partout, il n’est plus permis d’en rire ; en tout cas il est devenu impossible de faire savoir qu’on en rit.
Le domaine de l’histoire était le mémorable, la totalité des événements dont les conséquences se manifesteraient longtemps. C’était inséparablement la connaissance qui devrait durer, et aiderait à comprendre, au moins partiellement, ce qu’il adviendrait de nouveau : "une acquisition pour toujours", dit Thucydide. Par là l’histoire était la "mesure" d’une nouveauté véritable ; et qui vend la nouveauté a tout intérêt à faire disparaître le moyen de la mesurer. Quand l’important se fait socialement reconnaître comme ce qui est instantané, et va l’être encore l’instant d’après, autre et même, et que remplacera toujours une autre importance instantanée, on peut aussi bien dire que le moyen employé garantit une sorte d’éternité de cette non-importance, qui parle si haut.
Le précieux avantage que le spectacle a retiré de cette "mise hors la loi" de l’histoire, d’avoir déjà condamné toute l’histoire récente à passer à la clandestinité, et d’avoir réussi à faire oublier très généralement l’esprit historique dans la société, c’est d’abord de couvrir sa propre histoire : le mouvement même de sa récente conquête du monde. Son pouvoir apparaît déjà familier, comme s’il avait depuis toujours été là. Tous les usurpateurs ont voulu faire oublier "qu’ils viennent d’arriver". »
Guy Debord, Commentaires sur La société du spectacle
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On leur fabrique des dieux nouveaux et, s’il le faut, plusieurs idoles nouvelles par mois !
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« Comment éberluer, tenir dans les chaînes toutes ces viandes mornes ?… en plus des discours et de l’alcool ? Par la radio, le cinéma ! On leur fabrique des dieux nouveaux ! Et du même coup, s’il le faut, plusieurs idoles nouvelles par mois ! de plus en plus niaises et plus creuse ! M. Fairbanks, M. Powell, donnerez-vous l’immense joie aux multitudes qui vous adulent, de daigner un petit instant paraître en personne ? dans toute votre gloire bouleversante ? épanouissime ? quelques secondes éternelles ? sur un trône tout en or massif ? que cinquante nations du monde puissent enfin vous contempler dans la chair de Dieu !… Ce n’est plus aux artistes inouïs, aux génies sublimissimes que s’adressent nos timides prières… nos ferveurs brûlantes… c’est aux dieux, aux dieux des veaux… les plus puissants, les plus réels de tous les dieux… Comment se fabriquent, je vous demande, les idoles dont se peuplent tous les rêves des générations d’aujourd’hui ? Comment le plus infime crétin, le canard le plus rebutant, la plus désespérante donzelle, peuvent-ils se muer en dieux ?… déesse ? recueillir plus d’âmes en un jour que Jésus-Christ en deux mille ans ?… Publicité ! Que demande toute la foule moderne ? Elle demande à se mettre à genoux devant l’or et devant la merde !… Elle a le goût du faux, du bidon, de la farcie connerie, comme aucune foule n’eut jamais dans toutes les pires antiquités… Du coup, on la gave, elle en crève… Et plus nulle, plus insignifiante est l’idole choisie au départ, plus elle a de chance de triompher dans le cœur des foules… mieux la publicité s’accroche à sa nullité, pénètre, entraîne toute l’idolâtrie… Ce sont les surfaces les plus lisses qui prennent le mieux la peinture. »
Louis-Ferdinand Céline, Bagatelles pour un massacre
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Des qui se miroitaient pas d'illusion !
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« La supériorité pratique des grandes religions chrétiennes, c’est qu’elles doraient pas la pilule. Elles essayaient pas d’étourdir, elles cherchaient pas l’électeur, elles sentaient pas le besoin de plaire, elles tortillaient pas du panier. Elles saisissaient l’Homme au berceau et lui cassaient le morceau d’autor. Elles le rencardaient sans ambages : "Toi petit putricule informe, tu seras jamais qu’une ordure… De naissance tu n’es que merde… Est-ce que tu m’entends ?… C’est l’évidence même, c’est le principe de tout ! Cependant, peut-être…. peut-être… en y regardant de tout près… que t’as encore une petite chance de te faire un peu pardonner d’être comme ça tellement immonde, excrémentiel, incroyable… C’est de faire bonne mine à toutes les peines, épreuves, misères et tortures de ta brève ou longue existence. Dans la parfaite humilité… La vie, vache, n’est qu’une âpre épreuve ! T’essouffle pas ! Cherche pas midi à quatorze heures ! Sauve ton âme, c’est déjà joli ! Peut-être qu’à la fin du calvaire, si t’es extrêmement régulier, un héros, 'de fermer ta gueule', tu claboteras dans les principes… Mais c’est pas certain… un petit poil moins putride à la crevaison qu’en naissant… et quand tu verseras dans la nuit plus respirable qu’à l’aurore… Mais te montre pas la bourriche ! C’est bien tout !… Fais gafe ! Spécule pas sur des grandes choses ! Pour un étron c’est le maximum !…"
Ça ! c’était sérieusement causé ! Par des vrais Pères de l’Église ! Qui connaissaient leur ustensile ! qui se miroitaient pas d’illusion ! »
Louis-Ferdinand Céline, Mea Culpa
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Incapable de mettre le moindre frein aux formes les plus primitives de l’impulsion sexuelle
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« Une cause plus essentielle encore de l’absurdité de l’existence moderne, c’est naturellement l’augmentation effrénée et croissante de la population, qui va de pair avec le régime des masses et se trouve favorisée par la démocratie, les "conquêtes de la science" et un système d’assistance non différenciée. La pandémie, ou démonie procréatrice, est effectivement la force principale qui alimente sans cesse et soutient tout le système de l’économie moderne, avec son engrenage dans lequel se trouve pris, de plus en plus, l’individu.
On a là, entre autres, une preuve évidente du caractère dérisoire des rêves de puissance que nourrit l’homme d’aujourd’hui : ce créateur de machines, ce maître de la nature, cet initiateur de l’ère atomique, se situe presque au même niveau que l’animal ou le sauvage pour ce qui concerne le sexe : il est incapable de mettre le moindre frein aux formes les plus primitives de l’impulsion sexuelle et à ce qui s’y rattache. Ainsi, comme s’il obéissait à un aveugle destin, il augmente sans cesse, et sans avoir conscience de sa responsabilité, l’informe masse humaine et fournit la plus importante des forces motrices à tout le système de la vie économique paroxystique, artificielle, toujours plus conditionnée, de la société moderne, créant en même temps d’innombrables foyers d’instabilité et de tension sociale et internationale. Le cercle se referme donc d’un autre point de vue aussi : les masses, potentiel de main-d’œuvre excédentaire, alimentent la surproduction qui, à son tour, cherche des marchés toujours plus larges et des masses toujours plus grandes pour leur faire absorber ses produits. Il ne faut pas négliger non plus le fait que l’indice de l’accroissement démographique est d’autant plus élevé que l’on descend plus bas dans l’échelle sociale, ce qui constitue un facteur supplémentaire de régression. »
Julius Evola, Chevaucher le tigre
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06/04/2014
Vous ne pouvez pas laisser arracher la souche
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« Le déjeuner fut copieux, trop copieux. D’abord cela alla fort bien. Gilles reparla de la guerre, Carentan parla du Canada. Ils avaient beaucoup vu et beaucoup vécu. Les gens qui ont agi ne peuvent pas se chamailler beaucoup.
— Tu me vois en propagandiste ! Tu sais ce que je leur ai dit à ces braves Canadiens : il y a encore des Français, des être de chair et de sang, et d’âme, qui ne sont pas faits uniquement de livres et de journaux. C’est au nom de ces Français-là que je viens vous appeler… A part ça, c’est drôle de voir des Français sur qui n’est pas passé 1789, ni le XVIIe, ni même la Renaissance et la Réforme, c’est du Français tout cru, tout vif.
— Oui, mais ils sont américanisés.
— Oh ! bien sûr, ils commencent... Je leur ai parlé des paysans d’ici, massacrés au front par centaines de mille. Je leur ai dit : "Vous descendez de ces paysans-là, vous ne pouvez pas laisser arracher la souche." »
Pierre Drieu La Rochelle, Gilles
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05/04/2014
La liberté vide revendiquée
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« Le trait principal, et déterminant tous les autres, par lequel le gauchisme préfigurait ce qui allait devenir en une trentaine d’années la mentalité dominante des nouvelles générations, partout inculquée et socialement valorisée, est donc précisément celui qui avait été reconnu comme caractéristique de la mentalité totalitaire: la capacité d’adaptation par la perte de l’expérience continue du temps. L’aptitude à vivre dans un monde fictif, où rien n’assure la primauté de la vérité par rapport au mensonge, découle évidemment de la désintégration du temps vécu en une poussière d’instants: celui qui vit dans un tel temps discontinu est délivré de toute responsabilité vis-à-vis de la vérité, mais aussi de tout intérêt à la faire valoir. […]
Pour apprécier à sa juste valeur la part du gauchisme dans la création du novhomme et dans la réquisition de la vie intérieure, il suffit de se souvenir qu’il est caractérisé par le dénigrement des qualités humaines et des formes de conscience liées au sentiment d’une continuité cumulative dans le temps (mémoire, opiniâtreté, fidélité, responsabilité, etc.) ; par l’éloge, dans son jargon publicitaire de "passions" et de "dépassements", des nouvelles aptitudes permises et exigées par une existence vouée à l’immédiat (individualisme, hédonisme, vitalité opportuniste) ; et enfin par l’élaboration des représentations compensatrices dont ce temps invertébré créait un besoin accru (du narcissisme de la "subjectivité" à l’intensité vide du "jeu" et de la "fête").
Puisque le temps social, historique, a été confisqué par les machines, qui stockent passé et avenir dans leurs mémoires et scénarios prospectifs, il reste aux hommes à jouir dans l’instant de leur irresponsabilité, de leur superfluité, à la façon de ce qu’on peut éprouver, en se détruisant plus expéditivement, sous l’emprise de ces drogues que le gauchisme ne s’est pas fait faute de louer. La liberté vide revendiquée à grand renfort de slogans enthousiastes était bien ce qui reste aux individus quand la production de leur conditions d’existence leur a définitivement échappé : ramasser les rognures de temps tombées de la mégamachine. Elle est réalisée dans l’anomie et la vacuité électrisée des foules de l’abîme, pour lesquelles la mort ne signifie rien, qui n’ont rien à perdre, mais non plus rien à gagner, "qu’une orgie finale et terrible de vengeance" (Jack London). »
Jaime Semprun, L’abîme se repeuple
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Le Combat qui dépouille...
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« Le genre humain est une forêt vierge, un entrelacs mystérieux dont les couronnes parcourues des souffles de mers ouvertes ne cessent de s’arracher aux vapeurs, moiteurs et touffeurs pour se tendre majestueuses à la rencontre du soleil. Si les sommets se nimbent de parfums et d’efflorescences colorées, dans les fonds prolifère un fouillis de plantes étranges. Si l’on voit, lorsque le soleil se consume, tomber dans les calices de palmiers ondulants une compagnie de perroquets rouges telle une escadre de songes royaux, des bas-fonds déjà plongés dans la nuit monte le pêle-mêle répugnant des bêtes qui rampent et rôdent, les cris stridents des victimes que l’agression sournoise de dents et de griffes rompues au meurtre a tiré du sommeil, du terrier, de la chaleur du nid pour leur donner la mort.
Tout comme la forêt vierge s’efforce de dresser vers les hauteurs une masse toujours plus imposante, tirant les énergies de sa croissance de son propre affaissement, des parties d’elle-même qui pourrissent et se corrompent au sein des sols fangeux, chaque génération nouvelle d’humanité est issue du fond qu’accumule la décomposition des lignées innombrables qui reposent ici des rondes de la vie. Certes les corps de ces défunts, après qu’ils ont fini leur tour de danse, sont réduits à néant, balayés aux sables fugaces, ou pourrissent au fond des mers. Mais leurs parties, leurs atomes sont traînés à nouveau, par la vie éternellement jeune et victorieuse, à des mutations sans trêve, exaltés en agents éternels de la force vitale.
De sorte que le contenu même de l’existence, toute pensée, tout acte et tout sentiment, tout ce qui propulsa cette interminable théorie de devanciers par les champs de la vie, garde valeur éternelle. De même que l’homme s’édifie sur l’animal et ses contingences, de même il s’enracine dans tout ce que ses pères ont créé au cours des temps avec leurs poings, leur coeur et leur cerveau. Ses générations ressemblent aux strates d’un état corallien ; pas le moindre fragment n’est pensable sans d’autres en nombre infini, depuis longtemps éteints, sur lesquels il se fonde. L’homme est le porteur, le vaisseau sans cesse métamorphosé de tout ce qui avant lui fut fait, pensé et ressenti. Il est aussi l’héritier de tout le désir qui avant lui en a poussé d’autres, avec une force irrésistible, vers des buts au loin drapés dans les brumes.
Les hommes continuent d'œuvrer à l'érection d'une tour d'incommensurable hauteur, faite de leurs générations, des états de leur être entassés l'un sur l'autre, dans le sang, le désir et l'agonie.
Certes, la tour s'élance à toujours plus abruptes hauteurs, ses merlons haussent l'homme au pavois du vainqueur suprême, le regard se repaît de terres chaque fois plus grandes et plus riches, mais l'édification n'en est pas pour autant régulière et tranquille. Souvent l'ouvrage est menacé, des murs s'écroulent ou sont abattus par les sots, les découragés, les désespérés. Les contrecoups d'états de choses qu'on a cru depuis longtemps surmontés, les éruptions des forces élémentaires qui bouillonnaient à gros remous sous la croûte raidie révèlent la puissante vitalité des énergies immémoriales.
L'individu se construit, pareillement, de pierres innombrables. Il traîne derrière lui sur le sol la chaîne sans fin des aïeux ; il est ligoté et cousu par mille liens et fils invisibles aux racines entrelacées de la paludéenne et primordiale forêt dont la fermentation torride a couvé son germe premier. Certes la sauvagerie, la brutalité, la couleur crue propre à l'instinct se sont lissées, polies, estompées au fil des millénaires où la société brida la pulsion des appétits et des désirs. Certes un raffinement croissant l'a décanté et ennobli, mais le bestial n'en dort pas moins toujours au fond de son être. Toujours il est en lui beaucoup de la bête, sommeillante sur les tapis confortables et bien tissés d'une civilisation lisse, dégrossie, dont les rouages s'engrènent sans heurts, drapée dans l'habitude et les formes plaisantes ; mais la sinusoïde de la ment retour à la ligne rouge du primitif, alors les masques tombent : nu comme il l'a toujours été, le voilà qui surgit, l'homme premier, l'homme des cavernes, totalement effréné dans le déchaînement des instincts. L'atavisme surgit en lui, sempiternel retour de flamme dès lors que la vie se rappelle à ses fonctions primitives. Le sang, qui dans le cycle machinal des villes, ses nids de pierre, irriguait froid et régulier les veines, bouillonne écumant, et la roche primitive, longtemps froide et roide couchée dans des profondeurs enfouies, fond à nouveau chauffée à blanc. Elle lui siffle à la face, jet de flamme dardée qui le dévore par surprise, s'il se risque à descendre au labyrinthe des puits. Déchiré par la faim, dans la mêlée haletante des sexes, dans le choc du combat à mort, il reste tel qu'il fut toujours.
Au combat, qui dépouille l'homme de toute convention comme des loques rapiécées d'un mendiant, la bête se fait jour, monstre mystérieux resurgi des tréfonds de l'âme. Elle jaillit en dévorant geyser de flamme, irrésistible griserie qui enivre les masses, divinité trônant au-dessus des armées. Lorsque toute pensée, lorsque tout acte se ramènent à une formule, il faut que les sentiments eux-mêmes régressent et se confondent, se conforment à l'effrayante simplicité du but : anéantir l'adversaire. Il n'en sera pas autrement, tant qu'il y aura des hommes.
Les formes extérieures n'entrent pas en ligne de compte. Qu'à l'instant de s'affronter on déploie les griffes et montre les dents, qu'on brandisse des haches grossièrement taillées, qu'on bande des arcs de bois, ou qu'une technique subtile élève la destruction à la hauteur d'un art suprême, toujours arrive l'instant où l'on voit flamboyer, au blanc des yeux de l'adversaire, la rouge ivresse du sang. Toujours la charge haletante, l'approche ultime et désespérée suscite la même somme d'émotions, que le poing brandisse la massue taillée dans le bois ou la grenade chargée d'explosif. Et toujours, dans l'arène où l'humanité porte sa cause afin de trancher dans le sang, qu'elle soit étroit défilé entre deux petits peuples montagnards, qu'elle soit le vaste front incurvé des batailles modernes, toute l'atrocité, tous les raffinements accumulés d'épouvante ne peuvent égaler l'horreur dont l'homme est submergé par l'apparition, l'espace de quelques secondes, de sa propre image surgie devant lui, tous les feux de la préhistoire sur son visage grimaçant. Car toute technique n'est que machine, que hasard, le projectile est aveugle et sans volonté ; l'homme, lui, c'est la volonté de tuer qui le pousse à travers les orages d'explosif, de fer et d'acier, et lorsque deux hommes s'écrasent l'un sur l'autre dans le vertige de la lutte, c'est la collision de deux êtres dont un seul restera debout. Car ces deux êtres se sont placés l'un l'autre dans une relation première, celle de la lutte pour l'existence dans toute sa nudité. Dans cette lutte, le plus faible va mordre la poussière, tandis que le vainqueur, l'arme raffermie dans ses poings, passe sur le corps qu'il vient d'abattre pour foncer plus avant dans la vie, plus avant dans la lutte. Et la clameur qu'un tel choc mêle à celle de l'ennemi est cri arraché à des cœurs qui voient luire devant eux les confins de l'éternité ; un cri depuis bien longtemps oublié dans le cours paisible de la culture, un cri fait de réminiscence, d'épouvante et de soif de sang.
De soif de sang, entre autres. C'est, outre l'épouvante, l'autre flot qui noie le combattant de son écume, dans un mascaret de vagues rouges : l'ivresse, la soif du sang, lorsque les tressaillantes nuées de la destruction pèsent sur les champs de la fureur. Si étrange que cela soit à entendre pour qui ne s'est jamais battu pour rester en vie : la vision de l'adversaire procure, outre un comble d'horreur, la délivrance d'une pression pesante et insupportable. C'est la volupté du sang, flottant au-dessus de la guerre comme la rouge voile des tempêtes au mât de la galère noire, et dont l'élan illimité n'est comparable qu'à l'amour. Elle attaque déjà les nerfs lorsqu’ au centre des villes fouettées à blanc les colonnes s'ébranlent vers les gares, sous une pluie de roses embrasées, en cortège des morituri. Elle couve dans les masses en frénésie qui les cernent de leur liesse bruyante et de leurs cris stridents, elle est l'une des émotions déversées sur les hécatombes en marche vers la mort. Accumulée dans les veilles des batailles, dans la douloureuse tension du soir d'avant, dans la marche vers les vagues de feu, en pleine zone des terreurs juste avant la lutte au couteau, elle s'embrase en fureur grimaçante lorsque l'averse des projectiles disloque les rangs. Elle crispe en boule tous élans, autour d'un désir et un seul : se ruer sur l'adversaire, l'empoigner, comme l'exige le sang, sans le vertige, à la griffe sauvage du poing. C'est ainsi, et depuis toujours.
Tel est le cercle d'émotions, la lutte qui fait rage dans la poitrine du combattant, lorsqu'il erre par le désert de flammes des gigantesques batailles : l'horreur, l'angoisse, l'anéantissement pressenti, la soif d'un déchaînement intégral dans la lutte. Une fois que ce petit monde en soi, bolide fonçant par le monstrueux, a déchargé son plein de sauvagerie bourrée jusqu'à la gueule en brusque explosion d'instants perdus à jamais pour la mémoire claire, une fois que le sang a coulé à flots de sa propre blessure ou de celle de l'autre, les brouillards tombent devant ses yeux. Il promène autour de lui des yeux fixes, somnambule éveillé de rêves oppressants. Le rêve monstrueux que l'animalité a rêvé en lui, au souvenir des temps où l'homme, parmi des hordes toujours menacées, frayait en guerrier son chemin dans le désert des steppes, se dissipe et le laisse à lui-même, effaré, ébloui par l'insoupçonné dans sa propre poitrine, épuisé par la gigantesque dissipation de vouloir et de force brutale.
C'est alors seulement qu'il prend conscience du lieu où l'a jeté la course de l'assaut, des périls en foule auxquels il vient d'échapper, et blêmit. Une fois cette limite franchie, et là seulement, commence la bravoure. »
Ernst Jünger, La guerre comme expérience intérieure
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C'est l’existence la plus forte qui se sacrifie le plus volontiers
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« Il est profondément significatif que ce soit justement l’existence la plus forte qui se sacrifie le plus volontiers. Mieux vaut s’abîmer comme un météore, dans une gerbe d’étincelles, que de s’éteindre à petit feu vacillant. Le sang des lansquenets ne cessait d’écumer sous les pales tournoyantes de la vie, et pas seulement lorsque l’ivresse de fer du combat les emportait sur la crête des vagues. Il leur fallait exprimer et façonner une vie sauvage et violente, telle qu’elle sourdait continûment en eux depuis les profondeurs. Si jeunesse et virilité leur tenaient lieu d’ivresse et de flamme, le combat, le vin et l’amour les chauffaient à blanc, jusqu’à courir follement à la mort. Chaque heure exigeait d’être remplie, les jours leur coulaient entre les doigts colorés et brûlants, comme les perles d’un chapelet de feu qu’il leur fallait égrener jusqu’au bout pour remplir leur propre mesure. Tout l’être jaillissait flamboyant d’une seule et même source, qu’il se reflétât dans un verre rempli, dans les yeux fous de l’adversaire ou le doux sourire d’une fille. L’ivresse réveillait leur âme de vainqueurs, les cimes de la bataille leur versaient l’ivresse, dans les bras de l’amour tous deux ne leur étaient plus qu’un. »
Ernst Jünger, La guerre comme expérience intérieure
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Dans la culture de gauche...
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« Dans la culture de gauche, (ou encore progressiste, ou encore moderniste) toute porte fermée constitue, par définition, une provocation intolérable et un crime contre l’esprit humain. C’est donc, de ce point de vue, un impératif catégorique que d’ouvrir, et de laisser ouvertes, toutes les portes existantes (même si elles donnent sur la voie et que le train est en marche). Tel est, en dernière instance, le fondement métaphysique de cette peur panique d’interdire quoi que ce soit, qui définit un si grand nombre d’éducateurs et de parents, qui, pour leur confort intellectuel, tiennent à tout prix à "rester de gauche". Il convient naturellement d’ajouter que, selon le circuit classique des compensations de l’inconscient, cette peur d’interdire se transforme assez vite en besoin forcené d’interdire (par la pétition, la pression de la rue, le recours au tribunal, etc.) tout ce qui n’est pas politiquement correct. On reconnaît ici la triste et contradictoire psychologie de ces nouvelles classes moyennes dont la Gauche moderne (une fois liquidée son enracinement populaire) est devenue le refuge politique de prédilection. »
Jean-Claude Michéa, L’Enseignement de l’ignorance
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