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21/02/2014

Il y a tou­jours de tout chez tous

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« Ce que je veux, c’est L’ANARCHIE OBLIGATOIRE : tout ce qui sort du désor­dre serait sévère­ment puni ! Étonnez-vous après ça qu’on me trouve raciste et fas­ciste ! Fas­ciste et pourquoi pas ? Anarcho-fasciste. C’est dans le dra­peau noir que se tail­lent les plus belles chemises. Je crois bien avoir trouvé la join­ture de l’anarchie et du fas­cisme. Pour un anar­chiste, seul enseigne­ment: le fas­cisme. Moi il y a longtemps que je ne lis plus que de la lit­téra­ture la plus fas­ciste pos­si­ble… Ils ont tous peur de se deman­der pourquoi sys­té­ma­tique­ment, les plus grands écrivains vien­nent de l’extrême-droite absolue. Ça les effraie d’y deviner une causal­ité sul­fureuse ! Pau­vres cons ! Restez bien dans vos préjugés de gauchistes de merde !… Et l’extrême-droite est encore démoc­ra­tique. Le fas­cisme est beau­coup plus loin, hors de l’hémicycle. La gauche est main­tenant au cen­tre de la droite. Tout a dévié. Après l’extrême-gauche, il y a l’anarchie. Après l’extrême-droite, il y a le fas­cisme. Les plus forts sont ceux qui trem­pent en même temps leur plume dans les deux encres. C’est vrai que j’ai du fas­cisme dans mon com­porte­ment, mais pas plus qu’un autre. Je ne le terre pas, c’est tout. Il y a tou­jours de tout chez tous. Tout le monde est méchant, tout le monde est bête, tout le monde est intel­li­gent, tout le monde est généreux, égoïste: c’est l’histoire des paramètres.

Moi je n’attends pas de voir réap­pa­raître un cer­tain national-socialisme en France pour pren­dre con­science du fas­cisme intrin­sèque de tout indi­vidu. D’abord parce que je pour­rais atten­dre longtemps; ensuite parce que je me priverais de la lec­ture de grands textes qui, sous la car­i­ca­ture un peu démodée de la poli­tique, lais­sent entrevoir des richesses méta­physiques et éthiques d’une grande valeur lit­téraire. C’est facile de nég­liger les paramètres car­ac­tériels du fas­cisme. Tout le monde a peur de mélanger les car­ac­tères avec les idéaux poli­tiques. Se faire traiter de nazi parce qu’on donne une claque à son gosse, c’est un abus de lan­gage, d’accord. Heureuse­ment que le monde est plus sub­til que le lan­gage ! Il doit y avoir autant de pères démoc­rates qui foutent des paires de claques à leurs enfants que de fas­cistes. À la lim­ite, je peux même très bien imag­iner un fas­ciste qui embrasse ses enfants pen­dant qu’un père d’extrême-gauche lui fout une rouste mon­stre… Je voudrais sub­limer, décor­ti­quer, faire réson­ner le mot « fas­ciste » tel que le lieu com­mun l’a trans­formé en adjec­tif bouf­fon, déplaisant, arbi­traire, stu­pide et ridicule. Léon Bloy savait quelle reli­gion il y a à creuser des puits dans l’inconscient des clichés. Je suis per­suadé que le fas­cisme est un état d’esprit pro­fondé­ment ancré chez l’homme et que seuls les plus hon­nêtes met­tent sur la table. Le fas­cisme n’est pas grou­pus­cu­laire mais indi­viduel. »

Marc-Édouard Nabe, Au régal des ver­mines

 

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Nazisme Soft...

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Orgueilleux, présomptueux, acerbes, n’en doutons pas, tels vécurent, tels moururent les Cadets de Gascogne

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« Orgueilleux, présomptueux, acerbes, n’en doutons pas, tels vécurent, tels moururent les Cadets de Gascogne.
Ils étaient les cadets, les derniers-nés de pères nobles qui s’efforçaient de préserver leur héritage, un château plus ou moins délabré flanqué d’une pièce de vignoble, pour le transmettre intact à l’aîné. Que devenaient donc les autres, le deuxième, le troisième, le quatrième mâle? On leur donnait un vaste feutre à plumes flottantes, une rapière, une paire de grandes bottes montantes, le fameux havresac de cuir, et, dans le meilleur des cas, un brave cheval extrait de l’écurie paternelle. Ils pouvaient alors prendre la route et chercher fortune ailleurs. Et c’est ce que faisaient les plus jeunes fils des chevaliers, devenus chevaliers de fortune. Pour bien unique ils avaient la noblesse dans leur sang, mais sachant que tous l’ignoraient en dehors d’eux, ils s’arrogeaient comme par défi un point d’honneur particulier. Ils s’en allaient par le monde, faisant sonner leurs éperons, le regard torve et soupçonneux, prêts à tout instant à tirer la rapière du fourreau brinquebalant. […]
On les rencontrait sur toutes les routes de l’Europe, car ce que furent les cadets de la gaillarde Gascogne, les hidalgos l’ont été pour l’Espagne, les “Schlachzigs” pour la Pologne. Partout ces temps troublés donnèrent les mêmes moissons. Et cette sorte particulière de jeunesse dorée, cette chevalerie devenue au cours des ans une pépinière de reîtres et un véritable fléau national. »

Ernst von Salomon, Les Cadets

 

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20/02/2014

Au fur et à mesure que le temps a passé, ces deux ensembles que formaient le peuple et l'aristocratie se sont trouvés séparés par un fossé de plus en plus grand, et c'est dans ce fossé que s'est installée la classe bourgeoise

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« La conception de l’homme comme animal/être économique (l’homo économicus d’ Adam Smith et de son école) est le symbole, le signe même, qui connote à la fois le capitalisme bourgeois et le socialisme marxiste. Libéralisme et marxisme sont nés comme les deux pôles opposés d’un même système de valeurs économiques. L’un défend l’exploiteur, l’autre défend l’exploité –mais dans les deux cas, on ne sort pas de l’aliénation économique. Libéraux (ou néo-libéraux) et marxistes sont d’accord sur un point essentiel : pour eux, la fonction déterminante d’une société, c’est l’économie. C’est elle qui constitue l’infrastructure réelle de tout groupe humain. Ce sont ses lois qui permettent d’apprécier scientifiquement l’activité de l’homme et d’en prévoir les comportements. Dans l’activité économique, les marxistes donnent le rôle prédominant au mode de production ; les libéraux eux, le donnent au marché. C’est le mode de production ou le mode de consommation (économie de départ ou économie d’arrivée) qui détermine la structure sociale. Dans cette conception, le bien-être matériel est le seul but que consent à s’assigner la société civile. Et le moyen adapté à ce but est le plein exercice de l’activité économique.

(...) Au fur et à mesure que le temps a passé, ces deux ensembles que formaient le peuple et l'aristocratie se sont trouvés séparés par un fossé de plus en plus grand, et c'est dans ce fossé que s'est installée la classe bourgeoise. L'avènement de cette plèbe enrichie, aux yeux de laquelle le rang social n'est qu'une affaire de biens extérieurs à l'homme, a représenté par rapport aux sociétés européennes telles qu'elles s'étaient plus ou moins maintenues jusqu'à la Renaissance, un véritable renversement des valeurs: la classe qui, jusqu'alors, s'était essentiellement définie par le négoce des biens réclamait pour elle la fonction souveraine, à la quelle elle avait été auparavant strictement assujettie.

L'une des conséquences de la venue au pouvoir de la bourgeoisie, amorcée sous la monarchie, confirmée par la Révolution, institutionnalisée sous la République, a été la substitution, somme toute logique, et chaque fois qu'il a été possible, de l'économique au politique. Ce n'est pas sans raison que Max Weber reprochait à la bourgeoisie son esprit "non historique et non politique", et qu'il lui déniait toute capacité proprement politique. Le sentiment aristocratique conduit en effet à penser que toute activité économique possède un aspect politique, qui est le plus important. D'ou cette réflexion de Max Weber: "Le véritable fond du problème de politique sociale n'est pas une question qui concerne la situation économique des gouvernés, mais la qualification politique des classes dominantes et montantes" »

Alain de Benoist, Les idées à l’endroit

 

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Etat-Nounou

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Populisme...

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« Parallèlement au ralliement d’une grande partie de la gauche à l’économie de marché, sinon au réformisme libéral, la montée d’une culture de gauche d’inspiration hédoniste libertaire (dite bo-bo) est l’un des facteurs qui ont le plus contribué à couper les partis de gauche des couches populaires, lesquelles ont assisté avec stupéfaction à l’émergence puis à l’installation médiatique d’une gauche mondaine et arrogante plus portée à défendre l’  "homoparentalité", les "sans-papiers", l’art contemporain, les "droits des minorités", le discours sur les "genres", le "politiquement correct", les phobies corporelles et la surveillance permanente du comportement d’autrui, qu’à renouveler le langage de la classe ouvrière en se plongeant si nécéssaire les mains dans le cambouis. Ayant laissé aux libéraux le champ libre dans les domaines économique et social, la "gauche caviar", c’est-à-dire la grande bourgeoisie libérale de gauche, d’autant plus permissive en matière de mœurs qu’elle est indifférente en matière sociale, se tient à distance de milieux populaires dans lesquels elle ne se reconnaît plus. "La gauche caviar, géographiquement, vivait éloignée des classes pauvres, écrit Laurent Joffrin. Par un étrange processus, elle décida, de surcroît, de s’en couper politiquement. Et cela à travers une opération culturelle et idéologique d’une tragique frivolité : l’escamotage du peuple."

Les "people" ont ainsi remplacé le peuple. Elue par la mondialisation, une "Nouvelle Classe politique médiatique" s’est mise en place, qui associe dans un même "élitisme de la richesse et du paraître", dirigeants politiques, hommes d’affaires et représentants des médias, tous intimement liés les uns aux autres (hors caméra, ils se tutoient et s’appellent par leurs prénoms) tous convaincus de la "dangerosité" des aspirations populaires. Alexandre Zinoviev, pour désigner cette Nouvelle Classe parlait de "supra-société". Confrontée à un peuple qu’elle redoute et qu’elle méprise à la fois, elle constitue une autorité oligarchique qui s’emploie avant tout à préserver ses privilèges et à réserver l’accès du pouvoir à ceux qui émanent de ses rangs.

Ce mépris du peuple s’alimente bien entendu de la critique d’un "populisme" assimilé désormais à n’importe quelle forme de démagogie ou d’  "irrationalisme" de masse. Qui parle aujourd’hui du peuple s’expose par là même au reproche de "populisme". Devenu une injure politique, le populisme est présenté comme une sorte de perpétuelle "maladie infantile" de la démocratie, dans une perspective à la fois péjorative et disqualifiante. Le recours au "populisme" fournit ainsi à la mise à l’écart du peuple une justification théorique, sinon savante. »

Alain de Benoist, Dans la Revue KRISIS - 2008

 

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Le plus grand péril qui menace l’Europe, disait Husserl, c’est la lassitude

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« C’est dans le sillage ouvert par Husserl, mais aussi par Heidegger, que le philosophe Tchèque Jan Patocka s’est à son tour penché sur l’ "héritage européen", notamment dans son séminaire de l’été 1973 sur "Platon et l’Europe". La naissance de l’Europe trouve selon lui son origine dans une conception de la vie comme "vie pour la liberté", et non comme vie bornée par l’horizon du bien-être et l’empire de la quotidienneté. Lui aussi affirme que c’est en Grèce qu’il faut rechercher la source aurorale de l' "humanité européenne", car la conception de la vie comme "vie pour la liberté" est liée tout à la fois à la philosophie, à la conscience historique et à l’émergence de la politique au sein de la cité, toutes trois se donnant à saisir d’emblée comme autant de remises en question.

La philosophie se distingue à la fois de la religion, dépositaire de réponses toutes faites aux questions ultimes, et de la simple accumulation des savoirs. Elle implique la prise de distance à l’égard de l’immédiateté quotidienne comme de la pure subjectivité, à l’égard de l’opinion reçue (doxa) comme de toute forme de sens donné par avance dans nos relations avec les choses et les êtres. Patocka affirme, lui aussi, que l’Europe est née d’un "penser questionnant", seule forme authentique de la vie réfléchie, et non d’une pensée technicienne. Il conclut que l’humanité authentique ne s’institue que par une lutte (polemos) de chacun contre soi-même, un débat pour se déprendre de la seule sphère des intérêts, de la production, de l’utilité et des exigences vitales (la simple "vie" par opposition à la "vie bonne"), car cette déprise est la condition nécessaire du vivre-ensemble dans un espace public et un monde commun. Il y aurait là une grande leçon à saisir, mais les Européens sont-ils encore capables de l’entendre ? Dans un monde qui change comme rarement il a changé, dans une époque où se met en place un nouvel ordre de la Terre, l’Europe ne sait visiblement plus ce qu’elle est, ni surtout ce qu’elle pourrait être. Le vide symbolique des motifs figurant sur les billets libellés en euros est révélateur de cette Europe sans identité : on n’y voit ni visages identifiables, ni paysages singuliers, ni lieux de mémoire ni personnalités. Seulement des ponts et des constructions, surgis de n’importe où et qui ne mènent nulle part.

"Le plus grand péril qui menace l’Europe, disait encore Husserl, c’est la lassitude". La perte d’énergie, la fatigue d’être soi. Le désir d’oubli de soi, non pour retrouver une innocence perdue, qui pourrait être la condition d’un nouveau départ, mais pour s’endormir plus aisément dans le "nihilisme bruyant", le "repli sur la sphère privée" et le "confort narcissique de la consommation". Pour Carl Schmitt, la figure de Hamlet représentait l’extrême difficulté qu’il y a à trancher, alors même que des questions existentielles sont en jeu. L’indécision résulte d’une inadéquation de la volonté à la réalité : lorsque la volonté est indécise, il n’y a plus avec le réel que la possibilité d’une rencontre. L’histoire, elle, continue à se déployer à l’échelle planétaire, de par son propre jeu ou sous l’effet de la volonté des autres. La politique, c’est l’histoire en action. Mais où est le grand dessein politique, qui pourrait réunir et donner des raisons d’espérer ?

Etre ou ne pas être ? L’Europe, aujourd’hui, c’est Hamlet. »

Robert de Herte, L’Europe, philosophiquement - Editorial "Eléments" (2007)

 

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19/02/2014

Il faut demeurer sans opinions, sans penchants et sans nous laisser ébranler

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« Il faut demeurer sans opinions, sans penchants et sans nous laisser ébranler, nous bornant à dire de chaque chose qu'elle n'est pas plus ceci que cela ou encore qu'elle est en même temps qu'elle n'est pas ou bien enfin ni qu'elle est ni qu'elle n'est pas. Pour peu que nous connaissions ces dispositions, dit Timon, nous connaîtrons d'abord l' "aphasie" (c'est-à-dire que nous n'affirmerons rien), ensuite l' "ataraxie" (c'est-à-dire que nous ne connaîtrons aucun trouble). »

Eusèbe de Césarée, Préparation évangélique, XIV, 18, 2

 

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Mariage d'Etat...

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Sans l’Impertinence, la Grâce ne ressemblerait-elle pas à une blonde trop fade, et sans la Grâce, l’Impertinence ne serait-elle pas une brune trop piquante ?

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« C’est ce qu’il importe de ne pas perdre de vue quand on juge Brummell. Il était avant tout un dandy, et il ne s’agit que de sa puissance. Singulière tyrannie qui ne révoltait pas ! ― Comme tous les dandys, il aimait encore mieux étonner que plaire : préférence très humaine, mais qui mène loin les hommes ; car le plus beau des étonnements, c’est l’épouvante. Sur cette pente, où s’arrêter ? Brummell le savait seul. Il versait à doser parfaitement égales la terreur et la sympathie, et il en composait le filtre magique de son influence. Son indolence ne lui permettait pas d’avoir de la verve, parce qu’avoir de la verve c’est se passionner ; se passionner, c’est tenir à quelque chose, et tenir à quelque chose, c’est se montrer inférieur ; mais de sang-froid il avait du trait, comme nous disons en France. Il était mordant dans sa conversation autant qu’Hazlitt dans ses écrits. Ses mots crucifiaient ; seulement, son impertinence avait trop d’ampleur pour se condenser et tenir dans des épigrammes. Des mots spirituels qui l’exprimaient, il la faisait passer dans ses actes, dans son attitude, son geste et le son de sa voix. Enfin, il la pratiquait avec cette incontestable supériorité qu’elle exige entre gens comme il faut pour être subie ; car elle touche à la grossièreté comme le sublime touche au ridicule et, si elle sort de la nuance, elle se perd. Génie toujours à moitié voilé, l’Impertinence n’a pas besoin du secours des mots pour apparaître ; sans appuyer, elle a une force bien autrement pénétrante que l’épigramme la plus brillamment rédigée. Quand elle existe, elle est le plus grand porte-respect qu’on puisse avoir contre la vanité des autres, si souvent hostile, comme elle est aussi le plus élégant manteau qui puisse cacher les infirmités qu’on sent en soi. À ceux qui l’ont, qu’est-il besoin d’autre chose ? N’a-t-elle pas plus fait pour la réputation de Talleyrand que cet esprit même ? Fille de la Légèreté et de l’Aplomb ― deux qualités qui semblent s’exclure ―, elle est aussi la sœur de la Grâce avec laquelle elle doit rester unie. Toutes deux s’embellissent de leur mutuel contraste. En effet, sans l’Impertinence, la Grâce ne ressemblerait-elle pas à une blonde trop fade, et sans la Grâce, l’Impertinence ne serait-elle pas une brune trop piquante ? Pour qu’elles soient bien ce qu’elles sont chacune, il convient de les entremêler. »

Jules Barbey d'Aurevilly, Du dandysme et de George Brummell

 

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18/02/2014

Ceci n'est plus une femme...

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Comme il convient à un homme qui porte en lui quelque chose de supérieur au monde visible

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« Il arriva ainsi au comble de l’art qui donne la main au naturel. Seulement, ses moyens de faire effet étaient de plus haut parage, et c’est ce qu’on a trop, beaucoup trop oublié. On l’a considéré comme un être purement physique, et il était au contraire intellectuel jusque dans le genre de beauté qu’il possédait. En effet, il brillait bien moins par la correction des traits que par la physionomie. Il avait les cheveux presque roux, comme Alfieri, et une chute de cheval, dans une charge, avait altéré la ligne grecque de son profil. Son air de tête était plus beau que son visage, et sa contenance ― physionomie du corps ― l’emportait jusque sur la perfection de ses formes. Écoutons Lister : "Il n’était ni beau ni laid ; mais il y avait dans tout sa personne une expression de finesse et d’ironie concentrée, et dans ses yeux une incroyable pénétration." Quelquefois, ces yeux sagaces savaient se glacer d’indifférence sans mépris, comme il convient à un dandy consommé, à un homme qui porte en lui quelque chose de supérieur au monde visible. Sa voix magnifique faisait la langue anglaise aussi belle à l’oreille qu’elle l’est aux yeux et à la pensée. "Il n’affectait pas d’avoir la vue courte ; mais il pouvait prendre ― dit encore Lister ― quand les personnes qui étaient là n’avaient pas l’importance que sa vanité eût désirée, ce regard calme, mais errant, qui parcourt quelqu’un sans le reconnaître, qui ne se fixe ni ne se laisse fixer, que rien n’occupe et que rien n’égare." Tel était le beau George Bryan Brummell. Nous qui lui consacrons ces pages, nous l’avons vu dans sa vieillesse, et l’on reconnaissait ce qu’il avait été dans ses plus étincelantes années ; car l’expression n’est pas à la portée des rides, et un homme remarquable surtout par la physionomie est bien moins mortel qu’un autre homme. »

Jules Barbey d'Aurevilly, Du dandysme et de George Brummell

 

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Ainsi, une des conséquences du dandysme, un des ses principaux caractères, est-il de produire toujours de l’imprévu

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« Ceci est presque aussi difficile à décrire qu’à définir. Les esprits qui ne voient les choses que par leur plus petit côté ont imaginé que le dandysme était surtout l’art de la mise, une heureuse et audacieuse dictature en fait de toilette et d’élégance extérieure. Très certainement c’est cela aussi ; mais c’est bien davantage. Le dandysme est toute une manière d’être, et l’on n’est que par le côté matériellement visible. C’est une manière d’être, entièrement composée de nuances, comme il arrive toujours dans les sociétés très vieilles et très civilisées, où la comédie devient si rare et où la convenance triomphe à peine de l’ennui.

Nulle part l’antagonisme des convenances et de l’ennui qu’elles engendrent ne s’est fait plus violemment sentir au fond des mœurs qu’en Angleterre, dans la société de la Bible et du Droit, et peut-être est-ce de ce combat à outrance, éternel, comme le duel de la Mort et du Péché dans Milton, qu’est venue l’originalité profonde de cette société puritaine, qui donne dans la fiction Clarisse Harlowe, et lady Byron dans la réalité. Le jour où la victoire sera décidée, il est à penser que la manière d’être qu’on appelle dandysme sera grandement modifiée, si elle existe encore ; car elle résulte de cet état de lutte sans fin entre la convenance et l’ennui.

Ainsi, une des conséquences du dandysme, un des ses principaux caractères ― pour mieux parler, son caractère le plus général ―, est-il de produire toujours de l’imprévu, ce à quoi l’esprit accoutumé au joug des règles ne peut pas s’attendre en bonne logique. L’excentricité, cet autre fruit du terroir anglais, le produit aussi, mais d’une autre manière, d’une façon effrénée, sauvage, aveugle. C’est une révolution individuelle contre l’ordre établi, quelquefois contre la nature : ici on touche à la folie. Le dandysme, au contraire, se joue de la règle et pourtant la respecte encore. Il en souffre et s’en venge tout en la subissant ; il s’en réclame quand il y échappe ; il la domine et en est dominé tour à tour : double et muable caractère ! Pour jouer ce jeu, il faut avoir à son service toutes les souplesses qui font la grâce, comme les nuances du prisme forment l’opale, en se réunissant. »

Jules Barbey d'Aurevilly, Du dandysme et de George Brummell

 

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L'égalitarisme ou la Liberté...

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La vanité a un univers moins étroit que celui de l’amour

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« Les sentiments ont leur destinée. Il en est contre lequel tout le monde est impitoyable : c’est la vanité. Les moralistes l’ont décriée dans leurs livres, même ceux qui ont le mieux montré quelle large place elle a dans nos âmes. Les gens du monde, qui sont aussi des moralistes à leur façon, puisque vingt fois par jour ils ont à juger la vie, ont répété la sentence portée par les livres contre ce sentiment, à les entendre, le dernier de tous.

On peut opprimer les choses comme les hommes. Cela est-il vrai, que la vanité soit le dernier sentiment dans la hiérarchie des sentiments de notre âme ? Et si elle est le dernier, si elle est à sa place, pourquoi la mépriser ?...

Mais est-elle-même le dernier ? Ce qui fait la valeur des sentiments, c’est leur importance sociale ; quoi donc, dans l’ordre des sentiments, peut être d’une utilité plus grande pour la société que cette recherche inquiète de l’approbation des autres ; que cette inextinguible soif des applaudissements de la galerie, qui, dans les grandes choses, s’appelle "amour de la gloire", et dans les petites, "vanité" ? Est-ce l’amour, l’amitié, l’orgueil ? L’amour dans ses mille nuances et ses nombreux dérivés, l’amitié et l’orgueil même partent d’une préférence pour une autre, ou plusieurs autres, ou soi, et cette préférence est exclusive. La vanité, elle, tient compte de tout. Si elle préfère parfois de certaines approbations, c’est son caractère et son honneur de souffrir quand une seule lui est refusée ; elle ne dort plus sur cette rose repliée. L’amour dit à l’être : tu es mon univers ; l’amitié : tu me suffis, et bien souvent : tu me consoles. Quant à l’orgueil, il est silencieux. Un homme d’un esprit éclatant disait : "C’est un roi solitaire, oisif et aveugle ; son diadème est sur ses yeux." La vanité a un univers moins étroit que celui de l’amour ; ce qui suffit à l’amitié n’est pas assez pour elle. C’est une reine aussi comme l’orgueil est roi ; mais elle est entourée, occupée, clairvoyante, et son diadème est placé là où il l’embellit davantage. »

Jules Barbey d'Aurevilly, Du dandysme et de George Brummell

 

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Le fameux point d’intersection de Pascal

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« Ce qui fait le Dandy, c’est l’indépendance. Autrement, il y aurait une législation du Dandysme, et il n’ y en a pas. S’il y en avait, on serait Dandy en observant la loi. Serait Dandy qui voudrait… Malheureusement pour les petits jeunes gens, il n’en est pas tout à fait ainsi. Il y a, sans doute, en matière de Dandysme, quelques principes et quelques traditions ; mais tout cela est dominé par la fantaisie, et la fantaisie n’est permise qu’à ceux à qui elle sied et qui la consacrent, en l’exerçant. Tout Dandy est un "oseur", mais un oseur qui a du tact, qui s’arrête à temps et qui trouve, entre l’originalité et l’excentricité, le fameux point d’intersection de Pascal. »

Jules Barbey d'Aurevilly, Du dandysme et de George Brummell

 

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17/02/2014

Cha­cun de nous a une âme infin­i­ment dif­férente des autres âmes et dont la prove­nance est un mys­tère

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« Les cro­quants dont je suis ne savent rien ou presque rien au-delà de leurs aïeux immé­di­ats, pater­nels ou mater­nels ; mais les uns comme les autres ignorent invin­ci­ble­ment leur par­enté sur­na­turelle, et les gouttes d’un sang plus ou moins illus­tre dont se récla­ment les superbes ne con­stituent pour per­sonne l’IDENTITÉ.
Vous pou­vez savoir qui vous engen­dra, mais, sans une révéla­tion divine, com­ment pourriez-vous savoir qui vous a conçu ? Vous croyez être né d’un acte, vous êtes né d’une pen­sée. Toute généra­tion est sur­na­turelle. L’état civil dont vous êtes quelque­fois si fier ne sait absol­u­ment rien de votre âme et son reg­istre de néant ne peut men­tion­ner que votre corps cat­a­logué à l’avance pour le cimetière. S’il existe un arbre généalogique des âmes, les Anges seuls peu­vent être admis à le con­tem­pler. Les autres arbres ainsi dénom­més sont déce­vants et incer­tains. La généalo­gie des âmes ! Qui peut com­pren­dre cela ?

Vous êtes le fils ou le petit-fils d’un grand homme. Si vous n’êtes pas pré­cisé­ment un avor­ton, on vous dira que vous avez hérité de son âme, comme si ce lieu com­mun avait un sens. Cha­cun de nous a une âme infin­i­ment dif­férente des autres âmes et dont la prove­nance est un mys­tère. Elle vient d’en haut ou d’en bas, de très loin ou de très près, mais elle va où elle doit aller, infail­li­ble­ment. Il y a des êtres humains écrasés par leur âme qui paraît trop grande pour eux et il y en a une infinité qui ne la sen­tent même pas. Et cepen­dant ils n’ont que cela, les uns et les autres, et il n’est pas pos­si­ble d’y rien changer.
Ames de saints, âmes de poètes, âmes de bar­bares, âmes de pédants ou d’imbéciles, âmes de cent mille bour­reaux pour une seule âme de mar­tyr, âmes som­bres ou lumineuses, d’où venez vous et quelle Volonté inscrutable vous a réparties ?
Je sais bien que je suis né à telle époque, en un lieu déter­miné, et que j’ai un nom parmi les hommes. J’ai eu un père et une mère, j’ai eu des frères, des amis et des enne­mis. Tout cela est indu­bitable, mais j’ignore le nom de mon âme, j’ignore d’où elle est venue et, par con­séquent, je ne sais absol­u­ment pas qui je suis. Quand elle quit­tera mon corps, celui-ci tombera en pous­sière et les chères créa­tures qui me sur­vivront en pleu­rant, héri­tières de mon igno­rance, ne pour­ront me désigner dans leurs prières que par le nom d’emprunt qui servit à me séparer un peu des autres mor­tels. »

Léon Bloy, Médi­ta­tions d’un soli­taire

 

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Car l’espérance est un fruit alléchant qui ne rassasie pas

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« L’espérance est une charmante jeune fille qui vous glisse entre les mains. Le ressouvenir est une belle vielle femme qui ne rend pourtant jamais service à l’instant où il faut. La reprise est une épouse aimée, dont on ne se lasse jamais ; car c’est du feu nouveau seulement qu’on se lasse. Du vieux, on ne se lasse jamais et, quand on l’a devant soi, on est heureux. Seul est vraiment heureux celui qui ne s’abuse pas lui-même dans l’illusion que la reprise apporterait du nouveau ; car, c’est alors qu’on s’en lasserait. Il appartient à la jeunesse d’espérer, à la jeunesse de se ressouvenir ; mais il faut du courage pour vouloir la reprise. Celui qui veut seulement espérer est lâche. Celui qui veut seulement se ressouvenir est voluptueux. Mais celui qui veut la reprise est viril ; et il est d’autant plus profondément homme qu’il a su plus énergiquement la prendre en charge. Par contre, celui qui ne saisit pas que la vie est une reprise, que la reprise est la beauté de la vie, s’est jugé lui-même ; il ne mérite pas mieux que ce qui va lui arriver : il périra. Car l’espérance est un fruit alléchant qui ne rassasie pas ; le ressouvenir est un piteux viatique, qui ne rassasie pas : mais la reprise est le pain quotidien, une bénédiction qui rassasie. »

Søren Kierkegaard, La Reprise

 

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A thief & a Congressman...

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Mais, d’un autre côté, il ne l’aimait pas, car il se contentait de languir après elle

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« Il commençait lui-même à se rendre compte du malentendu, et la jeune adorée lui était déjà presque un fardeau. Et pourtant, elle était l’aimée, la seule et unique qu’il eût aimée, la seule et unique qu’il voulût jamais aimer.
Mais, d’un autre côté, il ne l’aimait pas, car il se contentait de languir après elle. Pendant tout ce temps, se produisait en son for intérieur un remarquable changement. La verve poétique que s’éveillait à une échelle que jamais je n’aurais cru possible.
A cet instant, je compris tout et sans peine : la jeune fille n’était pas son aimée ; elle était l’occasion, pour le poétique, de s’éveiller en lui ; elle le rendait poète.
C’est pourquoi il ne pouvait aimer qu’elle, sans jamais l’oublier, sans jamais vouloir aimer quelqu’un d’autre ; et pourtant, il ne pouvait que languir après elle, continuellement.
Elle était embarquée avec lui, mêlée à tout l’essentiel de son être ; sa mémoire, en lui, serait éternellement neuve. Elle avait été beaucoup pour lui : elle l’avait rendu poète. Mais, par là même, elle avait signé son propre arrêt de mort. »

Søren Kierkegaard, La Reprise

 

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Dieu garde tout homme d’une fidélité pareille !

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« Rien, d’ailleurs, n’est plus séduisant, pour une jeune fille, que d’être aimée d’un homme à l’humeur sombre et enclin à la poésie. Si elle se montre tout juste assez égoïste pour s’imaginer qu’elle l’aime fidèlement en se cramponnant à lui au lieu de le lâcher, elle a, dans la vie, une tâche bien commode : elle jouit, d’un seul coup, de l’honneur et de la bonne conscience d’être fidèle et par-dessus le marché, de la quintessence de l’amour-passion, de tous le plus exquis ! Dieu garde tout homme d’une fidélité pareille ! »

Søren Kierkegaard, La Reprise

 

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16/02/2014

Seul, celui qui peut réellement aimer, lui seul est un homme

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« Or, seul, celui qui se tait arrive à ses fins. Seul, celui qui peut réellement aimer, lui seul est un homme. Seul, celui qui peut donner à son amour une expression quelle qu’elle soit, lui seul est un artiste. En un certain sens, il convenait peut-être que le jeune homme ne commençât point par là. C’est à peine, en effet, s’il avait supporté les affres de l’aventure ; déjà, dès le début, je m’étais quelque peu alarmé qu’il eût besoin d’un confident. Celui qui sait se taire découvre un alphabet avec autant de caractères que celui dont on se sert couramment. Il peut donc tout exprimer dans son parler hors-la-loi : nul soupir si profond qu’il n’y trouve un rire en réponse; nulle prière si indiscrète qu’il n’y trouve le trait d’esprit exauçant la demande. Pour lui, viendra l’instant, où il croira qu’il va perdre la raison. Ce n’est pourtant qu’un moment, quoique terrible. C’est comme la fièvre la nuit, entre onze heure et demie et minuit : à une heure, on travaille avec plus d’entrain que jamais. Si l’on endure cette folie, sans doue aura-t-on la victoire. »

Søren Kierkegaard, La Reprise

 

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“Maman, je voudrais être allemand."

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« C’est alors qu’ils étaient arrivés, précédés de leurs motocyclistes qui roulaient lentement, les bras écartés, le buste droit. C’était au moment du déjeuner ; de toutes les maisons, on jaillissait pour les voir. Ils chantaient une mélodie rauque, coupée de longues interruptions,  où l’on entendait plus que le craquement rythmé de leurs bottes, et qui n’évoquait nulle joie, nul triomphe, mais seulement cette volonté d’avancer, de poursuivre, de pousser toujours plus loin, broyant les obstacles, vers une terre inconnue et promise -cette même volonté qu’exprimaient le mouvement de leurs bottes (comme s’ils écrasaient à chaque pas quelque chose), leurs regards raidis vers l’horizon, leurs fronts de rêveurs butés. Ils passaient, ils passaient, sans s’arrêter, verts et noirs, et s’effaçaient dans le poudroiement de la route sans qu’un seul d’entre eux eut jeté un regard à la foule subjuguée qui tapissait les murs comme une haie d’honneur. “Maman, je voudrais être allemand." "Tais-toi, tu dis des bêtises !" "Je voudrais tant être allemand, maman !" »

Jean-René Huguenin, La côte sauvage

 

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Le Capitalisme baisse les prix...

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Les français avaient fait des églises et ils ne pouvaient plus les refaire ni rien de semblable : toute l’aventure de la vie était dans ce fait

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« Les français avaient fait des églises et ils ne pouvaient plus les refaire ni rien de semblable : toute l’aventure de la vie était dans ce fait, la terrible nécessité de la mort. Ce peuple avait vieilli, l’homme vieillit. Pour faire une église, dans le calcul, la raison de l’architecture, il y avait l’audace, le risque, l’affirmation créatrice de la foi. Il y avait l’arbre et à côté l’église. L’homme avait répondu par l’église au défi. Maintenant on ne faisait plus que des bâtiments administratifs ou des boîtes à loyer et des chalets de nécessité, ou de rares monuments qui répétaient faiblement les allures, les styles du temps de la jeunesse et de la création, du temps de l’amour répandu. Il y avait eu la raison française, ce jaillissement passionné, orgueilleux, furieux du XIIe siècle des épopées, des cathédrales, des philosophies chrétiennes, de la sculpture, des vitraux, des enluminures, des croisades. Les Français avaient été des soldats, des moines, des architectes, des peintres, des poètes, des maris et des pères. Ils avaient fait des enfants, ils avaient construit, ils avaient tué, ils avaient fait tuer. Ils s’étaient sacrifiés et avaient sacrifié.
Maintenant cela finissait. Ici, et en Europe. »

Pierre Drieu La Rochelle, Gilles

 

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