05/01/2014
Immédiatement, la chapelle se vida de tous ses Nobles
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Tous les matins, après son conseil, Louis XIV allait à la chapelle pour y prier. Il y écoutait trois motets : un grand, un petit et un Domine salvum fac regem.
Les courtisans étaient assidus à ce rendez-vous, mais bien plus pour le spectacle musical et la présence du Roy que par ferveur religieuse. Certaines dames allaient jusqu’à faire relier un roman à la mode en missel pour tromper leur monde. Un matin, un facétieux officier de la Garde Royale ordonna à haute voix aux soldats de se retirer, le Roy ne venant pas assister au service. Immédiatement, la chapelle se vida de tous ses Nobles. Arriva ensuite Louis XIV, étonné de voir si peu de monde présent. Le capitaine lui expliqua la plaisanterie et le souverain en rit fort.
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L’énergie est l’éternel délice...
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« Toutes les Bibles, ou codes sacrés, ont été cause des erreurs suivantes :
1° Que l’homme a deux réels principes existants, à savoir : un corps et une âme.
2° Que l’Énergie, appelée le Mal, ne procède que du corps, et que la Raison appelée Bien ne procède que de l’âme.
3° Que Dieu torturera l’homme durant l’Éternité pour avoir suivi ses énergies.
Mais contraires à celles-ci, les choses suivantes sont vraies :
1° L’homme n’a pas un corps distinct de son âme, car ce qu’on appelle corps est une partie de l’âme perçue par les cinq sens, principaux débouchés de l’âme dans cette période de vie.
2° L’énergie est la seule vie ; elle procède du corps, et la Raison est la borne de l’encerclement de l’Énergie.
3° L’énergie est l’éternel délice.
Ceux qui répriment leur désir, sont ceux dont le désir est faible assez pour être réprimé ; et l’élément restricteur ou raison usurpe alors la place du désir et gouverne celui dont la volonté abdique.
Et le désir réprimé peu à peu devient passif jusqu’à n’être plus que l’ombre du désir. »
William Blake, Le mariage du Ciel et de l'Enfer
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Tous ces veaux qui me suivent
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Un jour qu’Henri IV se rendait à pied au Louvre en compagnie d'une partie de sa Cour, il croisa, dans les rues de Paris, une femme qui conduisait une vache. Il lui en demanda le prix qu’elle lui indiqua. « C’est trop mais je vous ne donnerais tant. »
La paysanne, un rien dédaigneuse, lui dit alors en désignant du geste la horde luxueusement vêtue des courtisans : « Vous n’êtes pas marchand de vaches, Sire, je le vois bien
-- Pourquoi ne le serais-je pas ma commère ? Voyez-vous pas tous ces veaux qui me suivent ? »
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Le fruit de votre travail
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04/01/2014
L’adversaire et moi habitions le même monde
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« La chair et l’esprit, le sens et l’intellect, l’au-dehors et l’au-dedans, prennent d’un pas leurs distances d’avec la terre, et là-haut, plus haut même qu’où se boucle la ronde des nuages blancs qui serpentent autour de la terre, eux aussi vont se rejoindre. »
« Ce sont les mots qui vinrent en premier ; ensuite, tardivement, selon toute apparence avec répugnance et déjà habillée de concepts, vint la chair. »
« L’adversaire et moi habitions le même monde. Quand je regardais, l’adversaire était vu ; quand l’adversaire regardait, moi-même j’étais vu ; nous nous faisions face, qui plus est, sans imagination intermédiaire, tous deux appartenant au même monde d’action et de force - autrement dit, le monde de "ce qui est vu". »
Yukio Mishima, Le Soleil et l’acier
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Joy Division : "Love will tear us apart"
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Socialisme et massification...
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03/01/2014
S’il y avait davantage d’hommes d’affaires mettant tout leur coeur à se livrer à leurs activités en les tenant pour sacrées...
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« S’il y avait davantage d’hommes d’affaires ne visant pas leur profit personnel mais mettant tout leur coeur à se livrer à leurs activités lucratives en les tenant pour sacrées, ne doutez pas qu’une lumière se lèverait sur notre pauvre planète ! »
Giei Satô, Journal d’un apprenti moine zen
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Ce qui rend le monde également insupportable
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« Vers la fin de l’adolescence on pense que la plupart des êtres et des choses n’ont pas le droit d’exister (à l’exception des plus belles). Dans un âge plus avancé, on entre dans une confusion inverse : tout à le droit d’exister - ce qui rend le monde également insupportable. »
Jean Baudrillard, Cool Memories IV
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Allocation...
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Il y a trois hommes en moi
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et
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« - En d’autres termes, il y a trois hommes en moi. L’un d’eux occupe toujours le milieux : indifférent, impassible, il observe, il attend que les deux autres le laissent s’exprimer et leur dire ce qu’il voit. Le deuxième est comme un animal apeuré qui attaque de crainte d’être attaqué. Et puis il y a un homme doux et aimant, trop aimant, qui laisse autrui pénétrer jusque dans le saint des saints de son être, encaisse les insultes, fait confiance et signe les contrats sans les lire, se laisse convaincre de travailler au rabais ou gratis et qui, lorsqu’il s’aperçoit qu’on l’a possédé, a envie de tuer et de détruire tout ce qui l’entoure, y compris lui-même, pour se punir d’avoir été aussi stupide. Mais il ne s’y résout pas - et il retourne s’enfermer en lui-même.
- Lequel est vrai ?
- Tous les trois. »
Charles Mingus, Moins qu’un chien - Autobiographie
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02/01/2014
J’avais eu vingt ans en 1940, dans la débâcle
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« J’avais eu vingt ans en 1940, dans la débâcle. J’appartenais à une génération charnière qui avait vu s’écrouler un monde, était coupé du passé et doutait de l’avenir. Que l’époque accablée fût digne de respect et qu’il faille la pénétrer de notre amour, j’étais fort loin d’y croire. Il me semblait plutôt que la lucidité menait à refuser de jouer à un jeu où tout le monde triche. »
Louis Pauwels et Jacques Bergier, La matin des magiciens
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Un vieil original qui s’habillait en bourgeois du XVIIème siècle
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« Pendant l’occupation vivait à Paris, dans le quartier des Ecoles, un vieil original qui s’habillait en bourgeois du XVIIème siècle, ne lisait que Saint-Simon, dînait aux flambeaux et jouait de l’épinette. Il ne sortait que pour aller chez l’épicier et le boulanger, un capuchon sur sa perruque poudrée, la houppelande laissant voir les bas noirs et les souliers à boucles. Le tumulte de la Libération, les coups de feu, les mouvements populaires le troublèrent. Sans rien comprendre, mais agité par la crainte et la fureur, il sortit un matin sur son balcon, la plume d’oie à la main, le jabot dans la vent, et il cria, d’une forte et étrange voix solitaire :
"Vive Coblenz !"
On ne saisit pas, on vit la singularité, les voisins excités sentirent d’instinct qu’un bonhomme vivant dans un autre monde avait partie liée avec le mal, le cri parut allemand, on monta, on défonça la porte, on l’assomma, il mourut. »
Louis Pauwels et Jacques Bergier, La matin des magiciens
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Privatisation...
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Voici mille cris divers qui de toute part retentissent autour de moi : j’habite juste au-dessus d’un bain...
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« Je veux mourir, si le silence est aussi nécessaire qu’on le croit à qui s’isole pour étudier. Voici mille cris divers qui de toute part retentissent autour de moi : j’habite juste au-dessus d’un bain. Imagine tout ce que le gosier humain peut produite de sons antipathiques à l’oreille : quand des forts du gymnase s’escriment et battent l’air de leurs bras chargés de plomb, qu’ils soient ou qu’ils feignent d’être à bout de forces, je les entends geindre ; et chaque fois que leur souffle longtemps retenu s’échappe, c’est une respiration sifflante et saccadée, du mode le plus aigu. (…) Mais qu’un joueur de paume survienne et se mette à compter les points, c’en est fait. Ajoutes-y un querelleur, un filou pris sur le fait, un chanteur qui trouve que dans le bain sa voix a plus de charme, puis encore ceux qui font rejaillir avec fracas l’eau du bassin où ils s’élancent. Outre ces gens dont les éclats de voix, à défaut d’autre mérite, sont du moins naturels, figure-toi l’épileur qui, pour mieux provoquer l’attention, pousse par intervalles son glapissement grêle, sans jamais se taire que quand il épile des aisselles et fait crier un patient à sa place. Puis les intonations diverses du pâtissier, du charcutier, du confiseur, de tous les brocanteurs de tavernes, ayant chacun certaine modulation toute spéciale pour annoncer leur marchandise. »
Sénèque, Lettre à Lucilius
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01/01/2014
J’eus l’impression de revenir avec l’âme de quelqu’un qui a parcouru un sentier dangereux
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« La cocaïne put être isolée vers 1860 dans le fameux institut de Wöhler, à Göttingen, l’une des boîtes de Pandore pour notre monde. Cette précipitation et cette concentration de matière hautement efficaces, à partir de substances organiques, traversent tout le XIXème siècle ; elles ont commencé par l’extraction de la morphine par un jeune homme de vingt ans, Sertürner (1806), qui développait ou, pour mieux dire, “déballait” ainsi le premier alcaloïde. Comme toujours, lorsqu’on s’approche du monde des Titans, la concentration et les radiations gagnent ici en force. Dans cette sphère apparaissent des vertus et des matières qui, certes, sont tirées de la Nature, mais sont trop violentes, trop véhémentes pour nos facultés naturelles de compréhension, de sorte que l’homme, s’il ne veut se détruire, doit chercher son salut dans une distance croissante et une prudence sans cesse accrue. Fermentation, distillation, précipitation et finalement extraction de matière irradiante, à partir d’une substance organique. C’est par elle que s’ouvre le XXème siècle : en 1903, découverte du radium et du polonium, en 1911, prix Nobel à M. et Mme Curie, pour avoir tiré le radium pur de quantités énormes de pechblende de Johannisthal. »
« Le nouveau style mondial s’assimile aussi la drogue et l’ivresse. Le grand fleuve des produits stimulants et des assoupissants continue à couler et même élargit et accélère son cours. La limite s’efface, près de laquelle ils servent, d’une part à la santé, de l’autre au plaisir, jusqu’au moment où ils sont devenus indispensables. Au sein du monde du travail et de ses tensions, beaucoup trouvent en eux une pâture pour leurs nerfs. On peut se faire une idée de cette consommation massive de drogues dans les usines à produits pharmaceutiques, devant les centrifugeuses, dont des cachets jaillissent en une succession rapide. Ils s’unissent en rivières multicolores qui, à leur tour, se ramifient jusque dans les villages et les foyers les plus lointains. Là encore, leur ambivalence se manifeste en ce que la chimie tâtonne constamment pour trouver la frontière à partir de laquelle le remède produit aussi des effets euphorisants. C’est là que la consommation devient énorme. Les tabous imposés par les lois traînent loin derrière. »
Ernst Jünger, Approches, drogues et ivresse
« -- Quand avez-vous décidé d’essayer concrètement cette nouvelle substance ?
-- En 1951, chez Hofmann à Bottmingen, un faubourg de Bâle. Pour parer à toute éventualité, Hofmann avait fait venir un de ces amis médecin. Ce fut une expérience harmonieuse, pleine de couleurs accompagnées par la musique transfigurée et amplifiée de Mozart. Je me souviens surtout de la spirale de fumée qui montait du bâtonnet d’encens allumé par Hofmann et qui ondoyait dans l’air - un souvenir que j’ai décrit dans Visite à Godenholm.
-- Quelles impressions avez-vous retirées de ces premiers “voyages” ?
-- A vrai dire, j’avais déjà essayé d’autres drogues, et en particulier, une fois, avec Klett, mon éditeur, j’avais expérimenté les effets d’une forte dose de mescaline. En comparaison, ma première expérience avec le LSD ne fut pas particulièrement intense, car aussi, par précaution, nous n’en avions absorbé qu’une quantité minime. Mais mon impression changea au cours des fois suivantes, qui furent d’une intensité croissante. Le dernier voyage avec Hofmann, nous le fîmes chez lui, en février 1970, toujours au son de la musique de Mozart, un concerto pour flûte et harpe. Ce fut une altération très profonde de notre conscience, dont, je m’en souviens, j’eus l’impression de revenir avec l’âme de quelqu’un qui a parcouru un sentier dangereux.»
Ernst Jünger, Les prochains Titans
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Europe
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"Les hommes d'Europe, abandonnés aux ombres, se sont détournés du point fixe et rayonnant. Ils oublient le présent pour l'avenir, la proie des êtres pour la fumée de la puissance, la misère des banlieues pour une cité radieuse, la justice quotidienne pour une vraie terre promise. Ils désespèrent de la liberté des personnes et rêvent d'une étrange liberté de l'espèce ; refusent la mort solitaire, et appellent immortalité une prodigieuse agonie collective. Ils ne croient plus à ce qui est, au monde et à l'homme vivant ; le secret de l'Europe est qu'elle n'aime plus la vie."
Albert Camus (L"Homme Révolté")
18:36 Publié dans Lectures | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : europe, albert camus | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Les gens qui ont peur se jettent généralement dans le plaisir
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« Il va sans dire que pendant les semaines chaudes de la Révolution, on s’activa fort du côté du sexe. Les gens qui ont peur se jettent généralement dans le plaisir. Demain, on va mourir… Plus de réglementation. Les hommes au pouvoir ont d’autres chats à fouetter que celui des ménagères et des bourgeoises. D’ailleurs, toutes les anciennes lois royales sont abolies. La liberté du cul est proclamée avec les inconvénients sanitaires qu’on imagine. C’est la folie ! Les femmes portent des robes transparentes dont le haut a l’allure d’un présentoir. Les hommes ont des culottes moulantes. On voit ce qu’ils pensent. Alors, pris de panique, les membres du Directoire tentent de rétablir l’ordre et la vertu. En vain. »
Jean Chédaille, Court traité de maisonclosologie à l’usage des macs honoraires, des putes repenties, de ceux qui y sont allés, de ceux qui n’iront jamais
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C'est du vol...
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Bonne Année 2014...
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31/12/2013
Corps-Violon
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« Cette métaphore : corps-violon est belle, même si, comparé au corps, le violon est lui-même mille fois simplifié, il reste quand même, dans l’ordre de l’harmonie poétique, une équivalence. Tous deux, violon et corps, sont conducteurs de musique. Tous deux sont en somme ces purs passages : "Ce n’est que corde sèche, bois sec, peau sèche, mais il en sort la voix du bien-aimé".
La construction d’un instrument comme le violon ne peut se réaliser que par la convergence d’un savoir multiple.
D’abord le bois. Le choix du bois. Le choix de l’arbre. Ce sera, m’a dit un luthier, un arbre qui poussera dans un vallon afin que son bois n’ait pas eu trop à lutter avec les vents et la tempête, juste ce qu’il faut d’oscillement, de balancement pour que sa fibre soit souple, délicate, mais point trop.
Puis les doigts du luthier vont en palper la qualité, en choisir un fragment. En permanence, tout ce qui va aboutir à cet objet, ce violon, va être à la fois de l’ordre du réel et de l’irréel, du savoir et de l’intuition, de la précision extrême et du somnambulisme. Déterminantes vont être les fibres dont seront formées les ouïes, les éclisses, le manche, la lame qui va soutenir la table supérieure et, lorsque enfin les cordes vont être tendues, il suffirait que le chevalet qui les supporte ait été déplacé d’un dixième de millimètre pour que le son en soit gâché. Du resserrement ou d’un desserrement minimal des chevilles qui tendent ces cordes va dépendre la qualité.
Et tout cela qui pourrait se décrire indéfiniment, toute cette kyrielle de gestes, de détails infimes qui aboutissent à l’œuvre "violon", qui pourrait encore être de l’ordre de la matière, la déborde de toute part.
Viennent maintenant l’archet et la main qui le guide vers la musique qui va jaillir. Tout cela n’est jusqu’à présent que prolégomènes de l’entrée en jeu : la main, le bras, l’épaule. N’est-ce pas plutôt l’oreille qui va faire jaillir la musique ? L’appel de l’oreille, la nostalgie de l’oreille à la percevoir ?
Que dire alors des longues années d’apprentissage ?
Ce n’est pas encore cela.
Plutôt la présence, l’inspiration de celui qui se tient là : qui va du forestier à l’ébéniste, de l’ébéniste au luthier, du luthier au professeur de violon, du professeur à l’élève doué, de l’élève doué au maître qui le guide, puis, un pas plus loin, au maître intérieur, au maître qui l’habite.
Et tout cela à l’infini.
Cheminement infini jusqu’à l’absence suprême, jusqu’à l’absence d’où va naître la musique qui va nous hanter, où tout va être aboli : tout ce qui a précédé l’instant où naîtra la vraie musique, cette musique qui ne va plus dès lors se jouer sur les cordes du violon, mais sur les fibres mêmes de notre être et de notre cœur ; cette longue chaîne phénoménale qui va aboutir à l’absence de tout phénomène et s’amenuiser jusqu’à n’être plus que l’absence lumineuse de toute écoute, de tout jeu, à la limite de toute musique. »
Christiane Singer, Où cours-tu ? Ne sais-tu pas que le ciel est en toi ?
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Une vie d'homme
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« Commence alors le long calvaire de l’ignorance : une vie d’homme.
Tout ce qui te rencontre dès lors, tu le prendras pour réalité absolue. Tous les grimages, tous les masques, toutes les mascarades de la société et ses valeurs, les règles de jeu, les brouillages, les compromissions, tout est dès lors monnaie comptante.
Le premier homme et la première femme rencontrés – père, mère – sont tes dieux et marquent ta cire encore molle d’empreintes indélébiles. Leurs blessures deviennent les tiennes.
Cent fois la biographie te happe, cent fois tu en réchappes, cent fois elle te reprend pour te moudre et te broyer.
Tu dis "ma femme, mon mari, mes enfants, mon chien, ma maison". Tu dis "mon boulot, ma brosse à dents".
Tu dis "mon foutu caractère, ma veine ou ma déveine, ma carte d’identité, mes habitudes". Tu le dis mais tu sens bien derrière ces phonèmes l’haleine du vide.
Tu sens bien que de tout cela tu n’as rien, que tu tâtonnes dans l’inconnu, les mains tendues, moites anxieuses. Tu te congnes à des coins de meuble dans des chambres inconnues.
Déjà tu ne reconnais plus rien de ce qui un instant plus tôt te paraissait familier, et c’est la peur au ventre, lancinante, qui te reste, bien familière, bien à toi… elle, oui, t’appartient. Elle est tapie dans le gargouillis des entrailles.La même qu’autrefois lorsque tu jouais à colin-maillard avec les enfants des voisins. Chaque fois que tu croyais tenir un pan de vêtement, on te le lâchait, vide entre les mains ; les rires t’égaraient, les frôlements t’appâtaient, les mains que tu croyais saisir te repoussaient, le tourbillon de l’épouvante grandissait, te vrillait dans un espace de plus en plus trompeur, étroit. Et quand même on finissait par t’ôter le bandeau pour que tu cesses au moins de pleurer, le monde que tu retrouvais était changé. Désormais tu n’avais plus confiance en lui, il t’avait révélé sa face croassante et grimaçante, sa gargouille.
Tu n’oublieras plus. La mauvaise mémoire prend grand soin des choses terribles et méchantes. Elle ne les rend plus, elle les conserve au vinaigre de la rancœur.
La biographie te tient longtemps lieux de vie – tu les confonds toutes les deux – et l’enfer de cette méprise barre le passage vers l’autre mémoire. Chaque souffrance neuve serre un tour de vis supplémentaire. L’invisible geôlier ricane.
Pourtant ton cœur est généreux. L’espoir te soulève, le désespoir l’écrase – mais la vie te jette d’une falaise à l’autre, de l’espoir au désespoir – et fracasse ton corps entre leurs rochers. Tantôt c’est l’espoir qui te saisit, l’espoir qu’il y a encore quelque chose à sauver et que tu vas y réussir. (…) Mais tout aussitôt c’est le ressac du désespoir qui te prend ! (...)
Etre plein d’espoir au cœur d’un désespoir total, appréhender l’unité parfaite de l’espoir et du désespoir ! Même la séparation que tu vis est inévitable, elle n’est pas pour autant l’unique réalité. Quand tu espères, tu es la part du monde qui espère, et quand tu désespères, tu es la part du monde qui désespère ! C’est tout.
La mémoire a des racines aériennes dans le passé, elle est vivante, imprévue. Elle ne tire pas en arrière, elle pousse en avant. Elle peut suinter partout où on ne l’attend pas.
Un jour, une saveur sur la langue, un lointain murmure, un trébuchement, un frôlement... Ce qui est certain, c’est que cela passe par le corps, par les sens, jamais par le savoir ou la volonté. Cela vient du fond des coulisses de la vie, de quelque coin empoussiéré, jamais visité, trop négligeable pour être exploré.
La vraie vie entre en catimini comme un voleur. Ni vu, ni connu.
Insaisissables. Voilà comment se réveillent la mémoire et la vie.
Imprévisibles !
Tu tires un fil et tu ne sais jamais ce que tu vas ramener à l’autre bout.
Tu cherches un timbre, une photo jaunie tombe entre tes mains, te voilà enseveli sous une avalanche de passé. »
Christiane Singer, Où cours-tu ? Ne sais-tu pas que le ciel est en toi ?
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Aussi, allons-y, baisons !
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« Et pourquoi suis-je allé m’enfiler dans une église le matin en question ? Parce que, en dépit de mon itinéraire de fornications, j’avais aussi mes moments de spleen et de vide. Et en dépit également de la véritable aversion que je nourris à l’égard des églises, des sectes et des institutions - à l’égard en particulier de l’église catholique qui a si bien, au long de son histoire et au nom de la figure rayonnante qu’est demeuré le Christ, pillé, trucidé, incendié villes et pays, ah ! j’ai toujours eu le sentiment que cela fait longtemps qu’entre celui-là, là-haut, et nous, pauvres humains, les liaisons ont été court-circuitées, tu demandes à parler à Sydney, en Australie, et on te passe Fouillis-les-Oies ou n’importe quel autre bled perdu du même acabit. Le Christ n’a jamais évidemment télécommandé ces turpitudes et assassinats, turpitudes, c’est nous qui le sommes, immonde et dévastatrice est notre nature, immonde est l’homme, immonde je suis, moi Crassus, et vous voulez que je vous dise ? Non, mieux vaut ne rien dire, immondes vous l’êtes vous aussi, nous le sommes tous, et je continue sur ce ton, je ne vais plus jamais pouvoir baiser. Or, baiser est bien tout ce qui bientôt, hommes et femmes, va nous rester.
Aussi, allons-y, baisons ! »
Hilda Hilst, Contes sarcastiques (Fragments érotiques)
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Aujourd’hui, tous les gens se disent écrivains
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« Aujourd’hui, néanmoins, tous les gens se disent écrivains. Et les autres ceux qui les lisent, trouvent également que ces imbéciles le sont. C’est une telle somme d’inepties en lettres d’imprimerie que je me suis dit : pourquoi n’écrirais-je pas aussi les miennes ? »
Hilda Hilst, Contes sarcastiques (Fragments érotiques)
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Right wing extremist...
11:00 Publié dans Brèves Libérales | Lien permanent | Commentaires (0) | | del.icio.us | | Digg | Facebook