16/07/2013
Quelle aventure effroyable ! Quelle effrayante responsabilité !
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« Il est effrayant, mon ami, de penser que nous avons toute licence, que nous avons ce droit exorbitant, que nous avons le droit de faire une mauvaise lecture d’Homère, de découronner une œuvre du génie, que la plus grande œuvre du plus grand génie est livrée en nos mains, non pas inerte mais vivante comme un petit lapin de garenne. Et surtout que la laissant tomber de nos mains, de ces mêmes mains, de ces inertes mains, nous pouvons par l’oubli lui administrer la mort. Quel risque effroyable, mon ami, quelle aventure effroyable ; et surtout quelle effrayante responsabilité. »
Charles Péguy, Dialogue de l'histoire et de l'âme païenne
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15/07/2013
Moi qui affecte tant de dégoût pour les hommes...
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« Moi qui affecte tant de dégoût pour les hommes, je suis heureux de leur ressembler dans les actions essentielles de la vie. J'aime leurs églises, leurs tableaux. Je proteste contre le monde moderne, mais j'adore ses femmes minces. »
Roger Nimier, Le Hussard bleu
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Micro-société élective
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« Or le Jardin me semble un genre de personnage conceptuel, une configuration, une communauté dans laquelle s’incarnent les idées qu’un philosophe digne de ce nom pratique pour l’au-delà d’elles-mêmes. Si l’Académie enseigne une parole, une théorie qui paraissent bien éloignées de produire des effets sur le terrain concret, le Jardin laisse de côté le discours sur lui-même pour exceller dans la preuve de l’excellence des thèses formulées en amont. Moins soucieux de changer l’ordre du monde que de se changer, le disciple d’Epicure rompt avec le monde trivial de la famille, du travail, de la patrie, il prend le contre-pied de toute société qui vante les mérites de l’argent, des richesses, des honneurs et du pouvoir. Ce qui fait courir l’homme du commun et génère une vie mutilée, voilà ce qui répugne à l’aspirant sage. Mais vivre dans le monde comme si l’on était hors du monde pose problème : la communauté le résout en offrant ici et maintenant une solution viable.
Le Jardin renvoie au paradis terrestre, situé pour certains Anciens du côté du Tigre et de l’Euphrate. Résumé du monde, il propose un laboratoire, un exemple, ce que pourrait être une société, une cité, une planète inspirées de ce modèle. S’il existe dans la mythologie - Zeus épouse Héra dans le jardin des Hespérides... -, les Grecs en découvrent le charme après les conquêtes d’Alexandre en Asie (début IVe siècle). Or Epicure crée son Jardin une vingtaine d’armées plus tard en 305-306, dans une période où la conjoncture politique sombre peut trouver son antidote dans la sécession effectuée à l’abri, dans cette micro-société élective. »
Michel Onfray, Les sagesses antiques
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Presque parfaits vieillards à l’âge de douze ans !
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« On apprend rien à l’école que des sottises raisonnantes, anémiantes, médiocrisantes, l’air de tourner con rabâcheur. Regardez les petits enfants, les premières années… ils sont tout charme, tout poésie, tout espiègle guilleretterie…. À partir de dix, douze ans, finie la magie de primesaut ! mués louches sournois butés, cancres, petits drôles plus approchables, assomants, pervers grimaciers, garçons et filles, ragoteux, crispés, stupides, comme papa maman. Une faillite ! Presque déjà parfaits vieillards à l’âge de douze ans ! Une culbute des étoiles en nos décombres et nos fanges ! Un désastre de féérie. »
Louis-Ferdinand Céline, Les beaux draps
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12/07/2013
Nous étions une ligue de guerriers
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« Plus de choses s'étaient anéanties pour nous que les seules valeurs que nous avions tenues dans la main. Pour nous s'était aussi brisée la gangue qui nous retenait prisonniers. La chaîne s'était rompue, nous étions libres. Notre sang, soudain en effervescence, nous jetait dans l'ivresse et l'aventure, nous jetait à travers l'espace et le péril, mais il poussait aussi l'un vers l'autre ceux qui s'étaient reconnus parents jusqu'au plus profond de leurs fibres. Nous étions une ligue de guerriers, imprégnés de toute la passion du monde, farouches dans le désir, joyeux dans nos haines comme dans nos amours. »
Ernst von Salomon, Les Réprouvés
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11/07/2013
Le pire n’est pas d’avoir une âme mauvaise, même perverse, mais d’avoir une âme toute faite
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« En langage bergsonien, Péguy traduisait de la sorte : "Le pire n’est pas d’avoir une âme mauvaise, même perverse, mais d’avoir une âme toute faite, une âme endurcie par l’habitude. Sur une âme habituée, la grâce ne peut rien. Elle glisse sur elle comme l’eau sur un tissu huileux. Il y a des âmes qui ne pèchent jamais, et qui ne reçoivent jamais de grâces (les dévots d’Orléans par exemple), et d’autres au contraire qui vivent sans cesse dans le péché, et en qui les grâces abondent. Pauvres honnêtes gens ! Pauvres gens sans péché ! Leur peau de morale, toujours intacte, leur fait un cuir sans défaut. Ils ne présentent pas cette affreuse blessure, cette inoubliable détresse, ce point de suture éternellement mal joint, cette mortelle inquiétude, cette invincible arrière-anxiété, cette amertume secrète, cet effondrement perpétuellement masqué, cette cicatrice éternellement mal fermée, cette entrée à la grâce qu’est essentiellement le péché." Le péché, dans le spirituel, lui semblait tenir le même rôle que la pauvreté dans le monde. De même qu’il faisait sortir de cet état de pauvreté toutes les vertus temporelles, il pensait que les dispositions les plus propres à nous tenir en contact avec Dieu naissaient de l’état de péché. Dieu aime les pécheurs, disait-il, les bons pécheurs, s’entend, car il y a les mauvais pécheurs. Lui, il était un bon pécheur. Il vivait dans le péché (et même le péché mortel) puisqu’il croyait à l’Église, qu’il était de l’Église, et qu’il restait en dehors d’elle. »
Jean et Jérôme Tharaud, Notre cher Péguy
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Le seul sens que la vie peut avoir tient dans les signes qu’on laisse pour les hommes de l’avenir
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« Marcel Conche affirmant que le seul sens que la vie peut avoir tient dans les signes qu’on laisse pour les hommes de l’avenir, remarque que la mort elle-même peut être choisie comme un signe. La mort volontaire peut se mettre, au plus haut degré, au service de la vie. A l’inverse la vie ne peut avoir aucun sens pour qui se borne à lui-même, pour qui s’arrête au bonheur, indifférent à l’idée que d’autres, après lui, auront et dessineront un avenir. »
Alain de Benoist, citant Marcel Conche in Dernière année
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10/07/2013
Le Juif lève la tète, et il continue de vivre
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« Qu’il est loin, qu’il est perdu, ce petit village des Carpathes ! Et pourtant la vie qu’on y mène, est-elle au fond bien différente de celle qu’on mène partout ailleurs dans le monde ? Le Hongrois fouille la terre, abat les arbres dans la forêt, mène paître ses troupeaux ; le Tzigane bat le fer quand ça lui chante, vole en toute saison et racle du violon ; et le Juif prie, fait ses affaires et se sert des uns et des autres. Qui fournirait au Tzigane de vieux fers pour les chevaux ? Qui achèterait au paysan son blé, ses volailles et ses œufs ? Qui lui prêterait de l’argent ? Qui l’enivrerait le dimanche ? Qui serait l’esprit, la parole, l’avocat, le médecin, l’usurier, le cabaretier de tout ce monde ? Qui serait sa providence, sa morale, son vice, son bon et son mauvais génie ? En vérité, c’est Dieu lui-même qui a donné le Juif au village pour sa perte ou son salut. Ce maigre personnage en caftan, à la barbe jamais coupée, aux longues papillottes qui tire-bouchonnent le long des joues, c’est la forme bizarre qu’a prise ici la civilisation ; c’est sous cet habit sordide qu’elle dissimule ses nouveautés, ses tentations, ses roueries. Qui l’aurait cru ? Ce petit Moïse, ce petit Salomon que l’on a tant rossé quand il était petit, le voici avec l’âge devenu un personnage. On l’écoute, on suit ses conseils. Il est presque un objet d’orgueil ! "Notre village a vingt Juifs ! - Oui ; mais le nôtre en a trente ! Mais nos Juifs ont des maisons avec des tuiles rouges !..." Ainsi parle le Hongrois. Seulement, qu’un accident survienne, le puits a été empoisonné, un bois a pris feu aux environs, une épidémie s’est abattue sur le bétail, quelque chose enfin de fâcheux, d’inexpliqué, s’est-il produit dans le village ? Il faut bien trouver un coupable ! Qui a empoisonné le puits ? Qui a allumé le feu ? Qui a jeté un sort sur les bêtes ? On soupçonne bien le Tzigane, mais c’est le Juif qu’on accuse. On ne devient pas riche ainsi, on n’a pas tant d’esprit, tant de finesse, tant de tours dans sa poche, sans quelque pacte avec le diable. Il n’en est pas, le vilain Juif, à sa première trahison ! Injures et coups pleuvent sur lui, mais sans l’atteindre profondément, car il a trop le mépris du paysan qui le frappe, il se juge trop supérieur pour être seulement humilié. Il sourit, courbe l’échine ; l’orage passe, l’herbe se redresse : le Juif aussi lève la tète, et il continue de vivre. »
Jerôme et Jean Tharaud, L’ombre de la Croix
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Si vous désirez une image de l'avenir, imaginez une botte piétinant un visage humain...
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« Nous avons coupé les liens entre l'enfant et les parents, entre l'homme et l'homme, entre l'homme et la femme. Personne n'ose plus se fier à une femme, un enfant ou un ami. Mais plus tard, il n'y aura ni femme ni ami. Les enfants seront à leur naissance enlevés aux mères, comme on enlève leurs œufs aux poules. L'instinct sexuel sera extirpé. La procréation sera une formalité annuelle, comme le renouvellement de la carte d'alimentation. Nous abolirons l'orgasme. Nos neurologistes y travaillent actuellement. Il n'y aura plus de loyauté qu'envers le Parti, il n'y aura plus d'amour que l'amour éprouvé pour Big Brother. Il n'y aura plus de rire que le rire de triomphe provoqué par la défaite d'un ennemi. Il n'y aura ni art, ni littérature, ni science. Quand nous serons tout-puissants, nous n'aurons plus besoin de science. Il n'y aura aucune distinction entre la beauté et la laideur. Il n'y aura ni curiosité, ni joie de vivre. Tous les plaisirs de l'émulation seront détruits. Mais il y aura toujours, n'oubliez pas cela, Winston, il y aura l'ivresse toujours croissante du pouvoir, qui s'affinera de plus en plus. Il y aura toujours, à chaque instant, le frisson de la victoire, la sensation de piétiner un ennemi impuissant. Si vous désirez une image de l'avenir, imaginez une botte piétinant un visage humain... éternellement.
[...] Et souvenez-vous que c’est pour toujours. Le visage à piétiner sera toujours présent. L’hérétique, l’ennemi de la société, existera toujours pour être défait et humilié toujours. [...] L’espionnage, les trahisons, les arrêts, les tortures, les exécutions, les disparitions, ne cesseront jamais. Autant qu’un monde de triomphe, ce sera un monde de terreur. Plus le parti sera puissant, moins il sera tolérant. Plus faible sera l’opposition, plus étroit sera le despotisme. »
George Orwell, 1984
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09/07/2013
Clouer de nouvelles planches à la baraque gouvernementale
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« Il s’agit donc de nous inculquer une opinion royalement nationale, en nous prouvant qu’il est bien plus heureux de payer douze cents millions trente-trois centimes à la patrie représentée par messieurs tels et tels, que onze cents millions neuf centimes à un roi qui disait moi au lieu de dire nous. En un mot, un journal armé de deux ou trois cents mille francs vient d’être fondé dans le but de faire une opposition qui contente les mécontents, sans nuire au nouveau gouvernement national du roi-citoyen.
Or, comme nous nous moquons de la liberté autant que du despotisme, de la religion aussi bien que de l’incrédulité ; que pour nous la patrie est une capitale où les idées s’échangent et se vendent à tant la ligne, où tous les jours amènent de succulents dîners, de nombreux spectacles ; où fourmillent de licencieuses prostituées, où les soupers ne finissent que le lendemain, où les amours vont à l’heure comme les citadines ; que Paris sera toujours la plus adorable de toutes les patries ! la patrie de la joie, de la liberté, de l’esprit, des jolies femmes, des mauvais sujets, du bon vin, et où le bâton du pouvoir ne se fera jamais trop sentir, puisque l’on est prêt de ceux qui le tiennent… Nous, véritables sectateurs du lieu Méphistophélès, avons entrepris de badigeonner l’esprit public, de rhabiller les acteurs, de clouer de nouvelles planches à la baraque gouvernementale, de médicamenter les doctrinaires, de recuire les vieux républicains, de réchampir les bonapartistes et de ravitailler le centre, pourvu qu’il nous soit permis de rire in petto des rois et des peuples, de ne pas être le soir de notre opinion du matin, et de passer une joyeuse vie à la Panurge ou more orientali, couchés sur de moelleux coussins. »
Honoré de Balzac, La peau de chagrin
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Pour donner du prix à ce qui existe
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« Elle n'est sujette, la nature, à s'illuminer et à s'éteindre, à me servir et à me desservir que dans la mesure où montent et s'abaissent pour moi les flammes d'un foyer qui est l'amour, le seul amour, celui d'un être. J'ai connu, en l'absence de cet amour, les vrais ciels vides, les flottaisons de tout ce que je me préparais à saisir sur la mer Morte, le désert des fleurs. La nature me trahissait-elle ? Non, je sentais que le principe de sa dévastation était en moi. Il ne manquait qu'un grand iris de feu partant de moi pour donner du prix à ce qui existe. Comme tout s'embellit à la lueur des flammes ! »
André Breton, L'Amour Fou
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J'ai choisi de crever de faim
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« De toute manière, c'est certain, je ne peux plus mettre un pied à la poste. Ils me détestent royalement tout simplement à cause de ceci et cela et ceci et cela, à cause de diverses rumeurs, fondées ou non, comme par exemple la nuit où j'ai menacé de défoncer la gueule à un type en chaise roulante... C'était vrai mais c'était pour blaguer et quand des types de 30 ans plus jeunes que moi commencent à sortir de la baraque en courant parce que je leur ai dit qu'ils seraient les prochains je me suis demandé : pourquoi je ferais plaisir à ces connards ? Alors tu vois, Carl, avec toutes ces histoires, j'ai pas besoin de forcer la dose, je suis sur la liste noire de cette ville de lèche-cul, de coteries, je suis dans cette grosse chatte sanglante de ville fantôme.... Autant dire que je deviens dingue et que je ne supporterai plus très longtemps ce boulot à la poste. J'ai deux possibilités : soit je reste à la poste et je deviens cinglé (ça fait onze ans que je bosse là-dedans) soit je me tire et je joue à l'écrivain et je crève de faim.
J'ai choisi de crever de faim. »
Charles Bukowski, Lettre à Carl Weissner - 1969
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08/07/2013
Think...
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07/07/2013
Les intellectuels de gauche...
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« Les nouveaux intellectuels de gauche, insoucieux de la contradiction, encensent le même monde sous le nom de moderne, et le flétrissent sous le nom de bourgeois et de capitaliste. »
Charles Péguy, De la situation faite au parti intellectuel
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05/07/2013
En portant précisément le couteau vivisecteur à la gorge des vertus de l’époque
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« Il me parait de plus en plus certain que le philosophe, en sa qualité d’homme nécessaire de demain et d’après-demain, s’est toujours trouvé et a dû se trouver toujours en contradiction avec son époque : son ennemi fut constamment l’idéal d’aujourd’hui. Jusqu’à présent, tous ces promoteurs extraordinaires de l’homme, qu’on nomme philosophes et qui se sont eux-mêmes rarement regardés com me des amis delà sagesse, mais plutôt comme des fous insupportables et des énigmes dangereuses — ont eu pour tâche (tâche difficile, involontaire, inévitable), et reconnu la grandeur de leur tâche en ceci qu’ils devaient être la mauvaise conscience de leur époque. En portant précisément le couteau vivisecteur à la gorge des vertus de l’époque, ils ont révélé ce qui était leur propre secret : connaître pour l’homme une nouvelle grandeur, une voie nouvelle et inexplorée qui le conduirait à son agrandissement. Ils ont trahi chaque fois combien d’hypocrisie, de commodité, de laisser-aller et de laisser-choir, combien de mensonges se cachaient sous le type le plus honoré de la moralité contemporaine, combien de vertus étaient arrivées à se survivre. Chaque fois ils disaient : "Il faut que nous sortions, que nous nous en allions vers des contrées, auxquelles vous vous êtes le moins accoutumés." En présence d’un monde d’ "idées inodornes" qul voudrait confiner chacun dans son coin, dans sa spécialité, un philosophe, si des philosophes pouvaient exister aujourd’hui, serait obligé de plucer la grandeur de l’homme, le concept "grandeur" dans toute son extension et sa diversité, dans toute sa totalité multiple : il établirait même la valeur et le rang d’après la capacité de chacun à prendre sur lui des choses diverses, en se rendant compte jusqu’où il pourrait étendre sa responsabilité. Aujourd’hui le goût de l’époque, la vertu de l’époque affaiblissent et réduisent la volonté ; rien ne répond mieux à l’état d’esprit de l’époque que la faiblesse de volonté : donc, l’idéal du philosophe doit précisément faire rentrer dans le concept "grandeur" la force de volonté, la dureté et l’aptitude aux longues résolutions. De même la doctrine contraire et l’idéal d’une humanité timide, pleine d’abnégation, humble et qui douterait d’elle-même s’adaptait à une époque contraire,comme le seizième siècle par exemple, qui souffrait de son accumulation d’énergie de la volonté et d’un torrent d’égoïsme impétueux. Au temps de Socrate, au milieu de tant d’hommes aux instincts fatigués, parmi des Athéniens conservateurs, qui se laissaient aller — "au bonheur", selon leurs expressions, au plaisir, selon leurs actions, — et qui avaient encore à la bouche les vieilles expressions pompeuses auxquelles leur vie ne leur donnait plus droit, peut-être l’ironie était-elle nécessaire à la grandeur d’âme, cette malicieuse assurance socratique du vieux médecin, du plébéien qui tailla sans pitié dans sa propre chair, comme dans la chair et le coeur du "noble", avec un regard qui disait assez clairement : "Pas de dissimulation avec moi ! ici... nous sommes tous pareils !" Aujourd’hui par contre, alors que la bête de troupeau arrive seule aux honneurs et seule à la dispensation des honneurs en Europe, alors que l’ "égalité des droits" pourrait se traduire plutôt par l’égalité dans l’injustice : je veux dire dans la guerre générale contre tout ce qui est rare, étrange, privilégié, la guerre contre l’homme supérieur, l’âme supérieure, le devoir supérieur, la responsabilité supérieure, la plénitude créatrice et dominatrice — aujourd’hui être noble, vouloir être pour soi, savoir être différent, devoir vivre seul et pour son propre compte sont choses qui rentrent dans le concept "grandeur" et le philosophe révélera en quelque mesure son propre idéal en affirmant : "Celui-là sera le plus grand qui saura être le plus solitaire, le plus caché, le plus écarté, l’homme qui vivra par delà le bien et le mal, le maître de ses vertus, qui sera doué d’une volonté abondante ; voilà ce qui doit être appelé de la grandeur : c’est à la fois la diversité et le tout, l’étendue et la plénitude." Et nous le demandons encore une fois : aujourd’hui — la grandeur est-elle possible ? »
Friedrich Nietzsche, Par-delà bien et mal - § 212
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04/07/2013
Hamdoullah !
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03/07/2013
Le problème du coup d’état moderne est un problème d’ordre technique
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« La Suisse et la Hollande, c’est-à-dire deux des Etats les plus policés et les mieux organisés d’Europe, chez lesquels l’ordre n’est pas seulement un produit du mécanisme politique et bureaucratique de l’Etat, mais une caractéristique naturelle du peuple, n’offrent pas, à l’application de la tactique insurrectionnelle communiste, des difficultés plus grandes que la Russie de Kerenski. Quelle considération peut dicter une affirmation aussi paradoxale ? Celle-ci, que le problème du coup d’état moderne est un problème d’ordre technique. L’insurrection est une machine, dit Trotski : il faut des techniciens pour la mettre en mouvement, et seuls des techniciens peuvent l’arrêter. La mise en mouvement de cette machine ne dépend pas des conditions politiques, sociales, économiques du pays. L’insurrection ne se fait pas avec les masses, mais avec une poignée d’hommes prêts à tout, entraînés à la tactique insurrectionnelle, exercés à frapper rapidement, durement, les centres vitaux de l’organisation technique de l’Etat. Cette troupe d’assaut doit être formée d’équipes d’ouvriers spécialisés, mécaniciens, électriciens, télégraphistes, radio télégraphistes, aux ordres d’ingénieurs, de techniciens connaissant le fonctionnement technique de l’Etat.
(...) Trotski alla même jusqu'à soutenir la nécessité d'instituer à Moscou une école pour l'instruction technique des communistes destinés à encadrer, dans chaque pays, un corps spécial organisé pour la conquète du pouvoir. Cette idée a été reprise récemment par Hitler, qui est en train d'organiser une école de ce genre à Munich pour l'instruction de ses troupes d'assaut. "Avec un corps spécial d'un milier d'hommes, recrutés parmi les ouvriers Berlinois, et encadrés de communistes Russes, affirmait Trotski, je m'engage à m'emparer de Berlin en vingt quatre heures." »
Curzio Malaparte, Technique du coup d’Etat
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Les étoiles scintillaient dans un ciel éclairé par la lueur des tirs
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« Anecdote : des prisonniers Russes que, sur l’ordre de Maiweg, on avait trié dans tous les camps pour aider aux travaux de reconstruction –spécialistes du forage, géologues, ouvriers des raffineries du voisinage- furent réquisitionnés dans une gare par une troupe combattante pour servir de porteurs. Sur les cinq cent hommes de ce groupe, trois cent cinquante périrent sur le bord des routes. Et, sur le chemin du retour, cent vingt de ceux qui avaient été épargnés moururent d’épuisement, si bien qu’il ne resta que trente survivants.
Le soir, fête de la Saint-Sylvestre au quartier général. Je constatai une fois de plus qu’une pure joie festive était impossible en cette période. Le général Muller nous fit, par exemple, le récit des monstrueux forfaits auxquels se livra le Service de Sécurité après la prise de Kiev. On évoqua aussi, une fois de plus, les tunnels à gaz empoisonné où pénètrent des trains chargés de juifs. Ce sont là des rumeurs, que je note en tant que telles ; mais il est sûr que se commettent des meurtres sur une grande échelle. Je songeai alors au brave potard de la rue La Pérouse et à sa femme [déportée] pour laquelle il s’était tant inquiété jadis. Quand on a connu des cas individuels et qu’on soupçonne le nombre des crimes qui s’accomplissent dans ces charniers, on découvre un tel excès de souffrance que le découragement vous saisit. Je suis alors pris de dégoût à la vue des uniformes, des épaulettes, des décorations, des armes, choses dont j’ai tant aimé l’éclat. La vieille chevalerie est morte. Les guerres d’aujourd’hui sont menées par des techniciens. L’homme a donc atteint ce stade que Dostoïevski décrit à travers Raskolnikov. Il considère alors ses semblables comme de la vermine. C’est de cela qu’il doit justement se garder s’il ne veut pas tomber dans la sphère des insectes. Pour lui et pour ses victimes, entre en jeu le vieux, le monstrueux : "Voilà ce que tu es !"
Puis je suis allé dehors ; les étoiles scintillaient dans un ciel éclairé par la lueur des tirs. Eternels et fidèles signes –Grande Ourse, Orion, Véga, Pléiades, ceinture de la Voie Lactée-, nous autres hommes et nos années sur la terre, que sommes nous devant cette splendeur ? Qu’est donc notre éphémère tourment ? A minuit, au bruit des verres entrechoqués, j’ai intensément songé à ceux que j’aime et j’ai senti que leurs souhaits parvenaient aussi jusqu’à moi. »
Ernst Jünger, Notes du Caucase, 31 décembre 1942. Journaux de guerre (La Pléiade)
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02/07/2013
Une des neuf raisons qui plaident en faveur de la réincarnation
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« Le sexe est une des neuf raisons qui plaident en faveur de la réincarnation. Les huit autres sont sans importance. »
Henry Miller, Sexus
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Traitez-le de fasciste...
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Jamais nous ne livrerons la Patrie
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« Je crois que l’existence de patries autonomes est nécessaire à l’humanité. Je crois notamment que la disparition de la France ou sa domestication serve d’une volonté étrangère serait un désastre pour la race humaine, pour la liberté et pour la justice universelle…. Voilà ma conception, voilà ma politique. Jamais nous ne livrerons la Patrie. Jamais nous ne demanderons au prolétariat d’être dupe de ceux qui exploitent la Patrie. »
Jean Jaurès, Lettre à la Dépêche de Toulouse, 1905
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Confronté aux diverses civilisations qui lui sont au départ étrangères, le fils d’Israël réussit à les assimiler à la perfection
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« Déjeunant chez Lipp, sans doute en 1958, avec Raymond Aron, celui-ci m’expliquait qu’en tant que Juif, il était, en telle occasion, obligé d’agir de telle manière. Et je lui répondais : "Mais Raymond, vous n’êtes pas Juif, vous êtes Lorrain" (sa famille, comme celle de son illustre parent, Marcel Mauss, est originaire de cette province). Je ne sais plus si mon interlocuteur a souri, mais je suis sûr qu’il n’a pas répondu.
Et il est vrai que, confronté aux diverses civilisations qui lui sont au départ étrangères, le fils d’Israël réussit à les assimiler à la perfection, à s’y perdre même, tout en restant réfugié dans une civilisation intérieure à laquelle il tient, dont il ne se détache, quand il s’en détache, qu’imparfaitement.
Pourtant les Juifs ne sont que 14 millions, éparpillés de par le monde (600 000 en France, le groupe le plus important après les Etats-Unis). Comment les réussites éclatantes de la diaspora dont leur histoire est pleine : la Pologne du XVIIème siècle, l’Italie du XVè, l’Espagne du XVIè, l’Allemagne du XVIIIè, les Etats-Unis d’aujourd’hui, le Brésil, la France…, n’ont-elles abouti nulle part à la fusion pure et simple ? Pourquoi ne se sont-ils pas perdus, comme tant d’autres corps étrangers, dans l’une ou l’autre des nombreuses terres d’accueil où ils ont si longuement vécu ? »
Fernand Braudel, L’identité de la France
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01/07/2013
Une souveraine sérénité, la compréhension des causes finales...
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« Je levai les bras et invoquai la Vérité Éternelle ; non, ce ne fut pas une invocation mais des pleurs. Mon être entier fut soulevé par un ravissement, par une exaltation immense. J’ai vu la vérité, – mon esprit ne l’a pas conçue mais je l’ai vue. Et l’image vivante de cette Vérité remplit mon âme à tout jamais. »
« Dans ces instants rapides comme l’éclair, le sentiment de la vie et la conscience se décuplaient pour ainsi dire en lui. Son esprit et son cœur s’illuminaient d’une clarté intense ; toutes ses émotions, tous ses doutes, toutes ses inquiétudes se calmaient à la fois pour se convertir en une souveraine sérénité, faite de joie lumineuse, d’harmonie et d’espérance, à la faveur de laquelle sa raison se haussait jusqu’à la compréhension des causes finales...
Ces instants, pour les définir d’un mot, se caractérisaient par une fulguration de la conscience, et par une suprême exaltation de l’émotion subjective.
À cette seconde – avait-il déclaré un jour à Rogojine quand ils se voyaient à Moscou – j’ai entrevu le sens de cette singulière expression : il n’y aura plus de temps. »
Fiodor Mikhaïlovitch Dostoïevski, L’Idiot
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Il n’y a plus d’ultime...
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« Nous avons créé un univers de prolifération de mots, des “informations" n’informant plus sur rien, nous vivons dans un déluge de nouvelles, dans une explosion verbale ininterrompue, tout parle tout le temps à tout le monde, et rien ne se dit. Dans ce flot sonore qui nous assaille et qui est fait de répétitions indéfinies, de curiosités vaines, de vide intérieur et intellectuel, aucune parole ne peut plus être vraiment parole. Tout est fondu dans un magma indifférencié où l’information scientifique est noyée dans les flashes de l’actualité, où la décision politique essentielle est un titre à côté des assassinats et des accidents de la route, où l’appel le plus angoissé de l’homme est à la fois effacé par l’alcool musical du pop et occasion d’autres discours intéressants pour le téléspectateur, où la parole décisive est utilisée pour renouveler le piquant d’une émission. Il n’y a plus de parole décisive possible. Il n’y a plus de questions et de réponses dernières. Il n’y a plus d’ultime. Il y a une explosion superficielle de sons qui nous secoue et nous projette dans toutes les directions : aucune parole ne peut plus être dite dans ces conditions. Alors Dieu se tait. Il pourrait à nouveau anéantir Sodome et Gomorrhe. Mais sa promesse à Noé, sa promesse encore plus radicale en Christ, lui ont définitivement lié les mains. Il n’y a pas de trompettes du jugement écrasant de leur fracassement les plus sonores festivals de Pop et les plus tonitruantes proclamations politiques, il y a désormais le silence de Dieu, car il n’entre pas en concurrence de puissance avec l’homme. Il est l’homme misérable et dépouillé. Et de la même façon, l’homme triomphal de notre temps a décidé de tuer Dieu, d’évacuer le Père céleste, d’expulser ce fantasme ou ce témoin gênant, et Dieu qui s’est laissé tuer en Christ se retire dans sa discrétion devant l’absence d’amour, l’absence de relation filiale, l’absence de confiance, l’absence de don, l’absence de fidélité, l’absence de vérité, l’absence de maitrise de soi, l’absence de liberté, l’absence d’authenticité. Dieu se fait absent dans cet univers d’absences que l’homme moderne a passionnément constitué. »
Jacques Ellul, L’espérance oubliée
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Jean Parvulesco, un aventurier de l'esprit...
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